Sourire. Parce-que malgré tout ce qui s’était passé, malgré les angoisses de Charlie, l'hôpital, la (légère) culpabilité vis à vis de Pytha et le manque de son bro (oui oui), Heath trouva quelques minutes de plénitude. Un instant pur, simple, et - surprenant - sans écran.
Une main sur le volant du pick-up awesome, le coude à la fenêtre ouverte, son regard alternait entre la route et le paysage, le vent s’engouffrant tranquillement dans la cabine. Et il souriait. Sans même s’en rendre compte. Et lorsque la jeune fille s’en amusa, il lui confia qu’il adorait conduire. Vraiment. Que c’est l’une des choses qui lui manquait le plus à Prismver. Juste, rouler. Il pourrait faire ça pendant des heures. La musique cool, le vrombissement du vieux moteur, la sensation du cuir sous lui et sous sa main, l’air frais, le soleil, et la jolie fille à ses côtés. Quoi de plus pour être heureux ? Il détourna sur elle un regard, souriant, et se tût lorsqu’elle l’interrogea - il fut une fois de plus soulagé qu’elle ne puisse lire dans ses pensées.
Les siennes étaient occupées par cette dispute, mais aussi par le désir de passer à autre chose. Elle tentait d’y faire le vide, elle aussi, souhaitant profiter de la ballade. Il ne faisait pas exprès de lire en elle, à vrai dire il était tellement serein que le flot lui parvenait de lui-même, clair comme de l’eau de roche. Il profita alors de ce calme pour fermer son esprit au sien, maîtriser la chose, et cesser de s’immiscer dans son esprit.
Ils parvinrent finalement au restaurant, et une fois à l’intérieur, Heath se montra observateur - chose très rare. De bonne volonté et agréable, il fit ses compliments à la dame que Charlie lui présenta, confiant qu’il aimait vraiment l’endroit. Il apprécia tout de suite « Agnès » ; ses manières, son sourire, son univers: toutes ses pensées qui traversaient son esprit, s’infiltraient dans le sien sans même qu’il ne le veuille. Ils se mirent à table, rapidement servis d’un plat qu’Heath bénit aussitôt. Ici, on avait du goût. On évoqua Connor et Inès, et Heath pu les replacer dans le schéma des relations de Charlie - celles qu’elle lui racontait lorsqu’ils apprenaient à se connaître, au petit matin. C’était toujours leur moment, le matin.
Agnès fit allusion au fait que Charlie aurait pu craquer pour ce Connor, et malgré qu’Heath ne suive la conversation que d’une oreille distraite, il capta la pensée de Charlie selon laquelle elle s’ennuierait avec ce gars. Un regard - partagé - et il détourna les yeux, ses lèvres se fendant en un sourire discret. Il fit mine de ne pas entendre la suite: ces garçons qui écorchent le coeur des filles; il plongea le nez dans son assiette, terminant son repas non sans quelques pensées pour Ulysse.
Et puis, les minutes s’écoulèrent, de nouvelles choses se mettant en place: on lui confia l’ordinateur, le fameux, lui donnant carte blanche pour le rendre opérationnel et efficace. Heath s’y donna à coeur-joie: pour commencer, il supprima tout les programmes inutiles installés de base dans l’ordinateur - et Dieu sait qu’il y en a un paquet. Il installa ensuite les vraies bases: un antivirus gratuit et efficace, Adblock, Chrome et autres indispensables. Il fit disparaître toute icône d’Internet Explorer et ne prit pas la peine de télécharger Firefox. (Sus à l'ennemi !).
Il en était à peu près là, second café bu et ordinateur prêt, lorsque son esprit distrait capta les pensées environnantes. Petite choses du quotidien sans grand intérêt, lesquelles il essayait de bloquer histoire de ne pas se taper un mal de crâne d’ici une heure. Finalement, il n’eut pas besoin que Charlie ou Agnès ne s’expriment pour comprendre le problème qui se posait à elle: la fameuse Inès ne venait pas, elle non plus. Manquant une personne à la plonge, il lui paru stupide de rester là assis à ne rien faire alors que le devoir l’appelait - tant pis pour ses petits mains délicates d’homme. Il se leva, venant trouver Charlie pour lui demander de le conduire sur le lieu de torture. Inévitablement, il se fit charrier, mais n’en prit la mission qu’avec plus d’ardeur. Après quelques rapides explication - c’était pas sorcier - il se retrouva seul dans l’antre de la bête: Lave-vaisselle XXL, grand évier avec ce fameux robinet à ressort qui fait Doing, il regretta que Joach ne soit pas là - quoi qu’on imagine assez bien le bordel qui se serait installé.
Et il se mit à la tâche, enfilant les gants qui traînaient une fois Charlie sortie de la pièce - quitte à faire la coquette, autant le faire seul.
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Sujet: Re: N-O. Ven 6 Juin 2014 - 19:51
Ahah… Je peux y mettre toute ma mauvaise foi et tous mes rejets, mais je ne peux pas non plus nier qu’il a un don pour être là quand il faut. Lui le flemmard. Lui qui n’agit que quand ça pique son intérêt. Il répond présent quand on ne l’attend pas et surtout quand on ne demande rien. Je suppose que ce serait sous-estimer cette capacité qui lui appartient : surprendre son monde. Il a même eu l’air d’apprécier le restaurant et Agnès…
Je l’abandonne à sa tâche après lui avoir montré les coulisses du restaurant qui s’étalent dans une grande enfilade depuis le bar en passant par la cuisine jusqu’à son lieu de torture. Je lui explique qu’il n’allait pas non plus être tout seul très longtemps : je viendrais directement lui apporter sa pitance. Mais quelques secondes plus tard, je décide de faire un pas en arrière et me penche pour l’observer prendre possession de son environnement. Son sourire et son rire sont là. Ses mimiques et ses gestes extravagants aussi. Qu’est-ce qu’il fabrique avec les gants ? Le gamin enthousiaste. L’homme de la situation. Il nous fait la méthode cauet ou quoi ? Je penche plutôt pour un manque prénommé « Joach ». J’éclate de rire naturellement. Et ça fait du bien.
__ Attention ! Annonce : un pro de la gratounette est en train de naître.
Évidemment, je dois esquiver un jet d’eau qui finit par terre. Je repars à mon poste en gloussant sous le regard amusé et attendri d’Agnès. Les affamés défilent en salle, plus souvent rieurs que chieurs, mais on essuie quelques plâtres quant à la rapidité du service auxquels la créole se fait toujours un plaisir de répondre -en jurant depuis ses fourneaux- qu’ils peuvent toujours aller manger ailleurs si ça leur pose un réel problème d’attendre dix minutes. C’est vrai que lorsqu’il y a un petit rush, faire les allers et retours en « backstage » pour prendre les plats et débarrasser + encaisser me fait un peu courir. J’ai plus l’habitude du rythme et mes jambes encore un peu molles au début n’aident pas. Surtout quand je manque de déraper et que je me rattrape de justesse au t-shirt d’un Heath coupé dans son élan de savonnette. Entre deux voyages, je glisse sérieusement à Heath un « Ok, j’admets. Heureusement que t’es là. » Puis petit à petit, ça va mieux, je reprends le tempo. Je me réchauffe même vraiment, me faisant quitter le gilet qui glissait sans cesse sur mes épaules. Je deviens chef d’orchestre, tous fronts confondus. Un bac rempli d’assiettes sales sous le bras, le calepin de dans l’autre main que je passe en revue, un coup de bassin pour faire glisser le bac sur le rebord de l’évier XXL tandis que je distille à voix haute les commandes à venir, un revers de main sur le front, je souffle, question d’Agnès, Heath rattrape le tout : et tout ça semble presque synchronisé, comme si il n’y avait pas failli y avoir de la vaisselle cassée. Sourires et rires goguenards échangés. Il s’en sort pas mal j’avoue, mais pas la peine de (trop) frimer non plus. Je le gratifie d’une légère béquille derrière le genou et bien sûr, je le tyrannise, il joue les martyrs. Comme d’habitude.
Et le service s’enchaîne sans plus d’encombre, arrivant tranquillement à sa fin. Je reviens vers Heath avec une des dernières salves pour la plonge qu’il me prend des mains avant même que j’arrive à bon port. __ Ça sent la fin en salle. Ça va toi ? Pas le temps d’écouter sa réponse, la voix d’Agnès résonne dans la pièce d’à côté. Il faut que je rencontre un nouvel habitué du quartier et du resto. Il a déjà ses privilèges ici et nous rejoint même en coulisses. __ Charlie ? Je me retourne dans un « oui, j’arrive » mais fais face à un petit bonhomme. 9 ans à tout cassé, il semble étonné que ce soit moi qui ai répondu et me fixe sans gêne. J’ai l’impression de passer un scanner. Il m’observe de la tête aux pieds. __ Pourquoi t’as un prénom de garçon ? Ah. Ça faisait longtemps qu’on ne me l’avait pas faite celle-là. __ Ma mère pensait avoir un garçon –soit-disant parce que je donnais beaucoup de coups pendant qu’elle était enceinte. Et puis elle n’a pas eu envie de chercher autre chose. Feignasse. Je me penche vers lui, les mains glissant sur mes genoux. __ Pourquoi ? Ça t’embête tant que ça ? Tu peux m’appeler Tessa si tu veux. C’est mon deuxième prénom. J’ai failli dire Charlotte –la faute à Holly. Je souris. On dirait qu’il rougit et fait un signe négatif de la tête. Trop mignon. Je me redresse. Alors sinon, lui c’est Lucas. Lui et son papa sont arrivés il y a trois mois à N-O. Et il vient presque tous les jours à la fin du service dans l’espoir d’avoir un dessert. Il est mal tombé ici, on fait pas vraiment dans le sucré. Pourtant j’avais déjà suggéré aux Triple-A de faire un truc avec la boulangerie du coin en prenant quelques tartes, à vendre à la part. Et quand il n’y en a plus, il n’y en a plus. Mais non. Ça n’a pas encore fait son chemin dans leurs têtes. Il me demande si j’aime les gâteaux, je réponds que oui, mais pas trop sucrés. Avec des fruits ça passe. Sinon je grignote plutôt du chocolat, avec une variante noisette depuis que Hannah est parmi nous au bungalow. Il s’étonne que je ne sois pas une pâtissière en chef et je me demande ce qu’elles peuvent bien raconter en mon absence. Mais de toute façon, je ne sais faire que crêpes et cookies donc ça limite un peu. Heath acquiesce, railleur et critique. Coup de coude dans le ventre bien mérité. __ Et pourquoi tu vis pas ici ? __ Parce que j’étudie en Angleterre avec des idiots comme lui. Les chamailleurs chahutent, bourrus. __ Alors tu vas la reprendre avec toi ? Et il a les yeux revolvers en direction d’Heath. Je me pince les lèvres pour retenir un rire alors que je ne devrais pas. J’suis pas une valise qu’on promène. Et si on devait être pointilleux, ce voyage apparaît plutôt et je dis bien apparaît comme si c’était moi qui avait apporté le E, donc à moi de le ramener normalement, non ? Je ne dis rien jusqu’à ce que j’invite le jeune garçon à laisser notre commis d’office finir sa peine. Il y a encore des gens qui attendent leur café. Et pour notre jeune habitué ce sera donc chocolat chaud.
Les derniers clients quittent le restaurant, rassasiés et déjà prêts à revenir ou à faire passer la bonne adresse à leurs amis. Je termine un encaissement quand la porte d’entrée s’ouvre à nouveau. Et c’est la voix de ma mère qui claque, relativement furieuse. Oups ? J’ai zappé de la prévenir qu’on serait pas à l’appart’ pour que « je me repose », du coup, elle s’est fait des films. Accident de voiture et tout le toutim. D’accord-d’accord. Je m’excuse platement. Et tente de la rassurer, en lui montrant même -une main sur sa joue « J’ai même retrouvé une température normale ». Intérieurement, c’est plutôt « N’en fais pas tout un patacaisse », mais bon, mes lèvres restent closes, bien consciente que la pomme n’est pas tombée très loin de l’arbre. Agnès a tendu l’oreille, s’interrogeant sur les raisons des braillements de la rouquine senior. Je rétorque qu’elle brasse du vent comme d’habitude. Et c’est une mère renfrognée qui m’abandonne pour aller voir comment va le British de service.
Appuyée contre l’encadrement de la porte qui a été dégondée, bras croisés, la mère observe l’anglais s’affairer encore un peu. Plutôt étonnée de le voir aussi actif. Une image qui contraste avec celle qu’elle s’était faite de lui. Les apparences sont souvent trompeuses, surtout en matière d’hommes et ce n’est pas Adèle Bennett qui affirmera le contraire. Elle sourit et s’approche pour donner un coup de main. __ Désolée qu’on t’exploite déjà. Mais je suis sûre que Charlie saura comment te rendre la pareille. Ici ou là-bas. En détaillant le jeune homme d’un regard, la femme remarque ce qui a forcément attiré sa fille en lui. Physiquement parlant. C’est certainement une question d’aura, de charisme général, bien au-delà des fringues ; le regard vif –ah… et le sourire séducteur aussi. Parce que le premier échange avait suffi à Adèle pour noter les affinités de personnalité entre les deux colocataires et surtout l’attachement qui se dégageait d’eux deux. Elle se demande comment ils se sont rencontrés, ce qui a fait qu’ils en sont là aujourd’hui et qu’il soit là maintenant. Peut-être devrais-je lui demander ? Charlie ne me dira rien si je ne lui tire pas les vers du nez pour qu’elle lâche tout dans un monologue. La saleté.
La rousse se penche en avant pour capter les iris de Heath et lui prendre des mains un grand plat. Un sourire aux lèvres s’étire lentement. __ Je suppose que je dois être reconnaissante. Merci de veiller sur elle. Rien de plus, rien de moins. Adèle se retourne, s’appuie contre l’évier un instant et vrille son regard droit devant elle. __ Parfois, elle m’inquiète tellement. Et d’autres fois… Éclats de rire qui fait détourner son visage et coupent ses mots : Charlie et Agnès. Elles viennent de monter le son. Et les deux commencent à se dandiner sur un air de salsa tout en rangeant. Souffle. Ce matin, elle s’écroule et cet après-midi, elle rit de plus belle. Je ne sais pas d’où elle tire tout ça. Ni même si c’est de force qu’il s’agit, parce que ça pourrait tout simplement être son putain d’esprit de contradiction qui la fait réagir, mais là… La voir comme ça, je me fais avoir.
Le regard maternel est doux et fixé sur les deux silhouettes qui se déhanchent dans un semblant de défi. Partagée entre l’envie de garder sa fille auprès d’elle et de la voir s’éloigner de cette ambiance funèbre où tout le monde pleurait amèrement Aaron, c’était l’inquiétude qui avait primé pendant deux ans. Parce que la fille a beau être férocement chaleureuse, elle sait aussi se fermer et se montrer incroyablement dure. Étau de cœur profondément extrême qui bat au rythme de ressentis souvent naïvement sous-estimés. Dire des conneries, embarrasser, divertir les autres, mais surtout se divertir soi-même. Comme on peut. Mais faut avouer qu'il y a peut-être pire comme tares héréditaires, non ?
__ Je suis contente que Charlie fasse de belles rencontres dans cette école. Et qu’elle s’attache.
Au moins un peu, si ce n'est beaucoup. Franc sourire décoché au jeune homme alors qu’elle passe un bras autour de son cou pour l’entrainer à abandonner sa mission. La battle de danse improvisée et pas du tout sérieuse s’arrête à leur approche. Adèle fait comprendre que les jeunes peuvent rentrer en premier –et ça sonne comme un ordre. Elle les rejoindra dans pas longtemps avec des pizzas.
#ff6633
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Sujet: Re: N-O. Ven 6 Juin 2014 - 22:09
come back
Ca allait. Nan vraiment, ça allait. Il gérait. Il faisait le chaud, dans sa petite pièce, satisfait de lui-même de garder un bon rythme, se repérant aux allers et retours de Charlie. Heath était flemmard, il ne faisait pas grand chose; mais une fois le nez dedans, il trouvait toujours la motivation nécessaire pour rendre la chose agréable, du moins supportable. De bonne foi. Ils avaient échappé de peu à un accident de vaisselle, mais non vraiment, tout allait bien - seul le temps lui paraissait un peu long, parfois, mais rien d’insupportable. Si ce n’est le gosse qui fit son apparition sur son territoire. Ah les gosses. L’aversion de ces petites bestioles est probablement le grand point commun entre Jim, Ernest et lui. Il évita au mieux la créature, prétextant l’occupation, fit comme toujours son maximum pour ne pas relever à quel point les enfants sont idiots. C’est pas de leur faute, il sait ! Mais bordel qu’est-ce que c’est con, les gosses. La chose s’adressa à lui, il fronça le nez, marmonnant, et Charlie eut la bonne idée d’éloigner l’gamin de lui. Nan, des gosses il en aura, y’a pas de soucis - des porto-ricains adoptés avec Joach, tout est prévu - mais pas de si tôt.
Peu après, intervention de la mère. Confusion, plus de peur que de mal; Heath n’était au courant de rien, paumé, et laissa les femmes gérer la chose - ah bah tiens, ça manquait cruellement d’mecs ici, remarquait t-il au passage.
La jolie rouquine - je parle de la mère - vint lui tenir compagnie. ... Il aurait dû se douter que ce n’était pas totalement innocent. Quelques mots qui trouvaient sens, aux oreilles de l’orateur, et des pensées qui elles ne pouvaient se camoufler sous de belles phrases évasives. Lorsqu’elle le remercia de veiller sur elle, il lâcha naturellement un « c’est normal », suivi d’un haussement d’épaule modeste. Il était assez persuadé que Pytha ne serait pas de cet avis, à son retour. Oeillade par dessus l’épaule, le joli petit cul de Charlie qui remuait, il en détourna les yeux pour poursuivre sa tâche. La mère s’interrogeait à haute voix sur la fille, et il ne s’aventura pas trop à la suivre sur le sujet: si elle ne la comprenait pas, qu’en était-il de lui ? Certes il passait désormais beaucoup plus de temps qu’elle auprès de Charlie, mais c’était un mec. Et un mec qui avait une place toute particulière dans la vie de sa fille. Aussi, lorsqu’elle acheva la chose, ce fut en une phrase si perturbante pour lui qu’il en perdit son verre des mains, ce dernier trouvant le sol et s’y fracassant. Une belle rencontre à qui s’attacher ? C’est ce qu’elle jugeait, non, ce qu’elle espérait de lui ? Mauvaise pioche. Le jeune homme - qui se hâta de balayer - se considérait comme bien des choses, mais pas comme une belle rencontre pour sa fille. Il était celui duquel elle n’arrivait pas vraiment à se défaire, celui qui l’embrassait alors qu’il avait une copine, celui qui pensait trop souvent à elle d’une façon inappropriée pour leur amitié. Il était, comme Shu le décrivait, un pathétique collectionneur de rousses et briseur de coeurs, voila ce qu’il était.
Et pourtant, on le prit avec affection par les épaules, le sortant de la pièce. On le fit rejoindre Charlie, après quoi, on les invita à rentrer. Deux choix s’offraient à eux, en théorie, la voiture ou la marche - et cette fois Heath prit l’initiative, et contre toute attente décida de rentrer à pieds; la mère de Charlie avait eu sa journée de boulot dans les pattes, il ne voulait pas l’obliger à marcher davantage. Il avait en tête sa propre mère, rentrant de l'hôpital complètement sur les rotules.
Et ils se mirent en route, juste tout les deux. Ca ne le dérangeait pas de marcher, pas ce soir, alors qu’il faisait bon. Les rues étaient animées, mais ce n’était pas non plus le chaos. Alors, après une légère hésitation, il sortit de la poche intérieure de sa veste en cuir un paquet de cigarettes. Il en glissa une entre ses lèvres, tentant de ne pas trop s’accabler par sa propre culpabilité: il était grand fumeur, mais depuis quelques mois, la cigarette électronique semblait le faire ralentir. Visiblement, il en avait assez, de se priver. Il le fit rapidement comprendre à Charlie: inutile de lui faire la morale, ou d’essayer de l’en empêcher. Heath était un jeune homme mature, et solide, conscient de ce qu’il faisait; pas un gosse qu’il fallait priver de son joujou. La flamme trouva le bout de sa clope, l’alluma, et il tira sa première « vraie » taffe depuis des mois. Il en ferma les yeux, appréciant pleinement la fumée toxique s’acheminer jusqu’à ses poumons. Ce goût. Cette sensation. Il expira, dégustant; c’était pourtant si peu.
Mais il se sentait libre, ici. Loin de tout. Loin de Prismver, des rumeurs, de Fani, du départ de Neil, et de l’annonce du départ de Lys. Loin d’Entropy et de ses opposants, loin d’un Joach et d’une Hannah qui l’auraient empêché de prendre cette cigarette. Ici, il n’y avait que Charlie. Bulle. Leur bulle. Comme tout ces moments à eux. Terminés. Cela commençait à faire longtemps. Il en avait coulé de l’eau, sous les ponts, depuis. Il avait bien des questions en tête, des choses à entendre, de sa part, des discussions à avoir, des sujets à aborder. Mais était-ce le moment ? De toute façon, ce n’était pas son rôle, à lui, de parler. Elle allait le faire sous peu, s’échappant rapidement dans un monologue confus. Elle allait glisser sa mèche derrière son oreille, croiser les bras, hausser une épaule, glisser ses mains dans les poches de son short. Parler, s’interroger, se remettre en question, s’inquiéter. Et lui, il allait rester silencieux, ne lâcher que de temps à autre quelques mots, rares et précieux, ayant du sens - ou pas. Une mécanique bien huilée qu’était la leur. Tout était naturel, et tout fonctionnait bien.
Avant.
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Sujet: Re: N-O. Sam 7 Juin 2014 - 1:19
La porte du restaurant se referme derrière nous, à double-tours. En longeant la devanture, j’observe ces deux femmes que j’adore et qui discutent avec sérieux, enfin c’est comme ça que je le vois. Mes sourcils se foncent sans que je m’en aperçoive. Elles me cachent des choses. Elles me mentent. Elles teprotègent. Foutaises. Je sais bien que je suis l’enfant et elle, l’adulte responsable : mais merde. Je suis déjà loin, inutile et impuissante –comme d’habitude quand ça compte. Et elle ne m’autorise même pas à savoir. Pourquoi elle ne se repose pas plus sur moi ? Adèle et Agnès sortent de mon champ de vision et tout de suite, l’anxiété se roule en boule dans mon ventre. Parce que moi aussi je ne lui dis pas tout. Et j’espère qu’Agnès ne dira rien. Sur le fait que j’envoie un peu d’argent tous les mois depuis j’ai trouvé ce petit extra à la boutique de lingerie : pour le restaurant. Mais avec Abby à l’hôpital, ça compliquait forcément l’affaire. Faut que je trouve un autre petit boulot. Un truc le matin tôt et un truc en soirée pendant la semaine… Boulangerie ? Café ? Faudra que je regarde ça en rentrant. Si je rentre. J’ai pas encore décidé. Je verrais demain après avoir revu Abby. Le cerveau qui essaye de rationaliser, de réparer, de sauver la situation.
Perdue dans le fil de mes pensées, je m’étais machinalement dirigée vers la voiture, mais c’est en manquant de rentrer dans Heath que je me suis souvenue qu’on rentrait à pieds. C’est vrai. Il a choisi de laisser le pick-up à ma mère. Je souris avec une pensée attendrie à l’égard du E. Il est plus attentif qu’il veut le faire croire… Mais mon esprit freeze quelques secondes lorsqu’il sort une cigarette d’un paquet entier au lieu de l’objet traditionnellement électronique. J’hausse un sourcil, intriguée. Il n’a pas l’attention de se justifier me dit-il ; ça ne me regarde pas répondis-je bien que ce soit surprenant. Ah. Et l’odeur est radicalement différente. Je fronce le nez une fraction de seconde avant de m’y faire. Mais bien sûr, au fond, ce changement d’habitude pour une nouvelle plus… destructrice fait naître une pointe d’inquiétude. Soupire. On avance lentement dans une des rues principales alors que le soleil se couche tout aussi doucement que notre progression. Un léger brouhaha enveloppe nos silences. Seule cette petite incandescence capte mes prunelles de temps à autre et qui dérivent sur sa silhouette masculine. Puis d’un seul coup, j’accélère le pas, passe devant lui et me retourne pour lui faire face, sans pour autant m’arrêter. J’avance à reculons les mains croisées dans le dos, imbrique illico mes iris aux siens et je souris largement.
__ Faut que t’arrêtes de t’en faire Heath. Que t’arrêtes de te prendre la tête pour ce que tu ne peux pas contrôler. Impro totale. Tu ne sais même pas ce que tu vas dire dans la phrase d’après Charlie, mais ça sort direct et sans hésitation. Et il y a tout de même quelques pensées qui ressortent : Entropy. Rumeurs. Amis en peine. Parce que je suppose que derrière cette stature d’homme solide que tu veux avoir, tu t’inquiètes pour tout ça. __ Tu sais qu’on t’adore comme tu es ou justement parce que tu es tel que tu es. D’ailleurs, on ne serait pas amis avec une personne qui a un tel esprit si la bande ne savait pas faire la part des choses et se défendre. Peu importe le type "d’attaque". Je parle pour d’autres, mais peu importe, même si il y a quelques chances pour que Joach soit de mon avis. Je me redresse, inspire fortement pour mieux laisser parler l’arrogance dont il sait faire preuve et qui est parfois nécessaire pour regonfler les esprits à bloc. __ J’espère qu’un jour tu nous feras confiance au moins autant que nous on te fait confiance. Parce que je suis presque sûre que ça blesse un peu les égos de certains garçons de la bande.
J’hausse les épaules l’air de dire « pour ma part, je m’en fiche que tu ne me fasses pas confiance » et je me replace à ses côtés. J’ai l’habitude que mes mots ne t’atteignent pas. Les seuls moments où je t’atteignais c’était… Souvenirs de nos nuits. Ça défile dans mon esprit jusqu’à ce baiser un matin au bungalow, dans sa chambre. Je regarde droit devant moi. Les corps sont souvent plus honnêtes. Qu’on le veuille ou non. Qu’on le maitrise ou non. Mais mes mots, même si je ne sais pas si ils sont toujours aussi sincères que je le voudrais, ils sont là. Et c’est toujours moi qui parle dans le vide. Et je continue même en sachant que ça ne te fais rien et que ça ne fait rien avancer.
J’ai laissé le silence sceller mes lèvres sans faire attention, peut-être pendant plus d’une minute. Je ne sais pas.
__ Normalement, c’est le sex qui embrouille tout, mais pour faire les choses bien, nous c’est l’inverse. Ça s’est compliqué dès lors qu’on a arrêté de coucher ensemble. On est bizarres. Les pieds dans le plat, comme toujours, mais c’est dit calmement peut-être même un peu froidement... La fatigue et les douleurs de ces deux derniers jours y étant certainement pour quelque chose. __ Et j’ai l’impression que tu t’es pris la tête à cause de ça. En tête, ses mots à lui reviennent « Après ce que je t’ai fais, j’te mérite pas, même pas en tant que sexfriend. Je suis le petit ami le plus incapable de l’univers, j’suis pas foutu d’être en couple ». __ Mais on dirait que t’as oublié une petite chose : c’est moi qui t’es entrainé dans ce binz au tout départ. Je ne sais pas comment tu en es arrivé à te culpabiliser ou te rendre responsable de notre truc ou de quoique ce soit d’autre qui me concerne… Peut-être ton ego ? Mais tu te surestimes cette fois. Et pour la mauvaise chose. Et jusque-là, aucun regard. Rien. Juste les yeux perdus droits devant et le même flegme qu’il connaît peut-être peu. Et donc à cet instant précis, je pivote tout mon être vers lui, une main sur son bras pour le faire ralentir et tenter de connecter ma sincérité autant que possible à lui. __ T’as rien fait de mal Heath. T’as jamais rien gâché avec moi. Au contraire. Je suis contente de t’avoir rencontré, parce que tu m’as toujours fait beaucoup de bien. C’est juste moi la fautive. Alors du coup. … Je te libè…
Impact. Une chose me fonce dessus. Me fait vaciller sans ménagement, me coupe le souffle et ma phrase par la même occasion. Le cœur battant à tout rompre, j’en suis presque sonnée. J’ai eu une de ses frayeurs jusqu’à ce que je comprenne qu’on venait de m’enlacer et que la touffe de cheveux noirs qui se niche sous mon menton appartient à Inès. J’arrive à peine à bredouiller son prénom tellement la surprise –et certainement une vieille peur de merde, a paralysé mes muscles. Respiration profonde, mes lèvres s’entrouvrent pour la saluer, je tente de me dégager, mais c’est l’inverse qui se produit. Tout l’inverse. C’est mon prénom qu’elle appelle. Ce sont ses bras qui m’enserrent. Et son souffle qui se coupe dans des sanglots. Machinalement, je referme mes bras sur elle et tente de la rassurer, mais en réalité, je suis larguée et surtout gênée.
La fille d’Agnès est plus jeune. Un peu moins de trois ans nous séparent. Et pourtant, elle a toujours été la plus mature de nous deux. Vraiment mature. Pas de prétention. Juste plus brillante et l’esprit plus aiguisé sur bien des niveaux. Johanna me fait penser à elle dans certains côtés mais pas tous. La métisse est beaaauuucoup plus adorable. Mais je suis loin d’être objective, parce qu’Inès c’est surtout comme une petite sœur. À cette pensée, je réalise son émotion. Alors qu’elle n’a jamais avoué me considérer comme une grande sœur, je sais qu’au fond elle me perçoit ainsi. Et qu’elle percevait Aaron comme son grand-frère adoré. Elle l’adulait.
Sa disparition, ma distance. Tant d’impacts ineffaçables à cause de ta mort Aaron. Je nous hais.
__ Hey, hey… Pomme d’amour. Ça va aller. Je l’enlace plus fort, l’entraine à l’écart alors que la sensibilité à fleur de peau a transpercé ma voix pourtant douce. Mes lèvres miment un « sorry » à l’attention de Heath auprès duquel j’ai accroché des prunelles quelque peu chahutées. Puis je reporte toute mon attention sur Inès qui balbutie en boucle combien je l’ai manqué. Un baiser sur le front, un autre sur la joue, puis l’autre, puis le nez, puis le cou. Je fais exprès d’en faire des tonnes, fais même glisser des mains baladeuses sur sa taille. Chatouilles pour la décoincer.
__ Bah alors ?! Depuis quand on est si émotive ? Laisse-moi deviner. T’es une femme maintenant et tu as tes règles, c’est ça ?
Et c’est radical. Elle pique un fard, me repousse presque aussi violemment qu’elle ne m’a foncé dessus. Colère, reproche, ton moralisateur, on ne sait pas trop, mais ça y est, mon prénom dans sa bouche retrouve tout son aplomb.
__ Mais oui, mais oui. Moi aussi je t’adore. À moi aussi tu m’as manqué.
À moi de la coller, de l’enlacer, même si j’en profite pour sécher ses larmes d’un revers de gilet et qu’elle ose râler après le coup au cœur qu’elle vient de me faire. Bref. Elle me demande combien de temps je reste, je réponds que je ne sais pas. Puis après un « cool, j’ai plein de trucs à te raconter » -tu m’étonnes ma p’tite, elle ajoute qu’elle était d’abord pas sûre d’elle quand elle m’a vu. Je croyais que j’hallucinais. Mais ma voix l’a convaincu. Donc, elle a peut-être capté un petit bout de conversation. Houla. Bien entendu, son attention se porte sur Heath. Ça sent le déjà-vu awkward. Si il ne regrettait pas d’être venu jusque-là, ça n’allait peut-être pas tarder à arriver.
__ Inès, voici Heath, un ami de Prismver. __ Salut. Court, concis, à peine polie. Elle préfère le toiser de haut en bas, comme le gamin l’a fait tout à l’heure avec moi. Elle entrouvre la bouche et j’y plaque ma main. __ Vous ferez connaissance plus tard. Viens-là une seconde. Inès est loin d’être idiote et elle me connaît bien. Alors évitons une guerre froide dès le départ. J’en profite pour l’éloigner de quelques pas et glisser une petite demande au creux de l’oreille de la jeune fille qui hésite un instant à y répondre, faisant naviguer ses grands yeux noirs entre Heath et moi, l’air de dire « vraiment ? », puis elle finit par laisser échapper un « pas de problème, je vois ça ». Elle reprend son chemin dans la direction opposée à la nôtre, la tête penchée sur son téléphone tandis que je rejoins Heath.
__ Mmh. Une main glisse une mèche de cheveux derrière l’oreille. En fait, on va sortir ce soir. On repasse au restau récupérer la voiture. __ Bon, vous vous bougez. Inès l’impatiente. Je souris. À elle, puis à Heath. Et je le chope par le bras pour l’embarquer avec moi et mieux lui murmurer une dernière chose. __ Pas sûre que ça y soit, mais petite surprise en perspective. Mais vois ça comme une partie de la suite de ce que je voulais te dire tout à l’heure.
Merci. Et je brouille volontairement mes pensées pour le perdre au cas où il chercherait à savoir ce qui se trame. Mes pieds nous entrainent plus rapidement à suivre Inès qui tourne à droite vers le restaurant. Et oui, les joies du retour au bercail, il faut aussi prévenir les mothers...
#ff6633 lalalal~
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Sujet: Re: N-O. Sam 7 Juin 2014 - 3:33
Et la voila partie. Un franc sourire amusé fendit les lèvres du jeune homme lorsqu’elle se mit en position de combat. Marche arrière, mains dans le dos, tête à tête formé, face à face déclenché. Il n’eut que le temps de se demander à quelle sauce il allait être mangé, et déja, elle se lançait: Fallait qu’il arrête de se prendre la tête. Il haussa les sourcils, prenant un air intéressé, curieux, attendant la suite - le monologue. « Comme tu es », « tel que tu es », « un tel esprit » ; le voila flatté. Entre ses lèvres à elle, il paraissait vraiment à part, unique. Il continuait sa cigarette, l’écoutant tranquillement, comme toujours, attendant LE bon moment pour faire entendre son commentaire. Il avait capté sa pensée, celle qui lui semblait directement adressée: l’homme solide qui, en scred, s’inquiétait pour les autres. Il fut surpris de constater qu’il avait capté cette pensée très distinctement, comme si le fait qu’elle cherche à s’adresser à lui par ce biais faisait mieux fonctionner la chose. Télépathie à sens unique ? Ce pouvait-être une piste pour un apprentissage plus efficace. Il détourna néanmoins les yeux, faignant la distraction; bien sûr, qu’elle avait raison.
- Les « garçons de la bande » (il mima des guillemets avec deux doigts) sont des idiots. Faut bien que quelqu’un veille sur eux.
Et qui mieux que Heath pour régler les affaires de manière propre et censée, hein ? Ironie, humour, il fouilla sa poche intérieure pour en sortir un cendrier de poche - c’est qu’il jouait l’écolo, le geek - il y écrasa son mégot, l’y laissa à l’intérieur avant de ranger la boite métallique.
Elle reprit parole, et il ramena son attention sur elle, quittant des yeux le chien errant sur le trottoir d’en face. Mais les mots de Charlie parvenant petit à petit à ses oreilles, il finit par hausser les sourcils, entrouvrant les lèvres et laissant son regard fuir à l’opposé d’elle, gêné; ok, alors, c’était le moment de parler purement et simplement sex, là ? Le temps d’encaisser le coup (c’est qu’il s’était habitué aux non dits et aux silences révélateurs), et elle repartait à la charge: il se prenait la tête à cause de tout ça, mais tout était de sa faute à elle. Tout deux avaient le don de vouloir tout se reprocher, alors forcément, y’avait divergence d’opinions. Egoïstes. Mais elle avait beau dire qu’il n’avait rien gâché, qu’il n’avait même rien fait, si elle pouvait lire dans ses pensées elle y verrait ce jour là, quand il lui a annoncé qu’il était avec Ulysse. Elle verrait à quel point il avait senti ses émotions, alors que son pouvoir n’était même pas encore celui d’aujourd’hui. Il avait senti sa détresse, son sentiment d’abandon. Sa frustration. Et ce baiser, qu’elle lui avait donné. ... Comment ne pas se sentir coupable ? Elle pouvait le rassurer, ce qu’il avait ressenti dans ce baiser, il ne l’inventait pas. Et oui, c’est depuis cet « abandon » (même si c’était pour une bonne cause - quoi que, vu le résultat... ) qu’il se sentait responsable de l’évolution de leur relation. Il ne regrettait rien. Surtout pas Fani. Mais c’est bel et bien lui qui avait sacrifié leur petit bonheur de sexfriends pour une autre. Elle ne lui en voulait pas pour ça, il le savait - mais les choses étaient différentes, depuis. Elle s’arrêta, et il fit de même, posant son regard dans le sien, troublé: il n’était plus amusé, comme au début de la conversation: les choses sérieuses étaient enfin évoquées. Il était grand temps d’en parler.
- Je suis contente de t’avoir rencontré, parce que tu m’as toujours fait beaucoup de bien. C’est juste moi la fautive. Alors... - Pourquoi fautive, Charlie... - ...du coup. … Je te libè…
Tornade. Encore une fois, la situation lui échappa, et tout tourbillonna dans tout les sens. Eclats de voix, énergie, rires, larmes - un nouveau visage inconnu apparu, et il la salua, ne sachant y mettre autant de bonne volonté que lors des autres rencontres. La nouvelle venue avait interrompu une conversation qu’Heath tenait à avoir, et ils étaient enfin tranquilles pour cela. Frustré, il les laissa se retrouver, s’éloigner - il n’eut pas la concentration nécessaire pour replacer cette « Inès » dans le schéma de relations de Charlie. Il espérait qu’elle s’en aille. Peut-être, oui, peut-être qu’égoïstement il voulait profiter de Charlie, seule. Sans une mère pour leur tourner autour, sans une dame adorable pour blaguer, sans une amie de longue date pour lui pleurer dans les bras. Egoïste - il était ici sur leur territoire, à eux tous, il n’avait pas le droit d’exiger l’exclusivité. S’humectant les lèvres, il acquiesça de la tête lorsqu’on lui dit de se remettre en route vers le restau.
- Pas sûre que ça y soit, mais petite surprise en perspective. - Pas de problème., dit-il plein de bonne volonté, ou du moins tout comme. - ...vois ça comme une partie de la suite de ce que je voulais te dire tout à l’heure.
Toute à l’heure, heuuuuu. Haussant un sourcil, puis les fronçant, il lui emboita le pas. ... Ok, là tout de suite, dans le monologue compliqué de Charlie - as always - il ne se souvenait que de la partie “sex”; mauvais garçon. Ne sachant foutrement pas à quoi s’attendre (#paumé #foreveralone) il obéit, prenant de nouveau le volant du pick-up pendant que les demoiselles s’entretenaient avec les mères. ... Dans quoi allait-elle encore l’embarquer ? Il avait la sensation d’avoir fait plus de choses en une journée que pendant un mois entier à Prismver. C’est qu’à part avoir le cul sur son pc ou sur le canapé avec les potes, il n’y faisait pas grand chose - Entropy mise à part. Il se pencha en avant, au volant, observant Charlie, dehors; il n’entendant pas ce qui se disait: on lui avait jeté les clés avant de demander l’autorisation de prendre la voiture - les négociations semblaient être en cours.
Bingo, les deux amies entrèrent à leur tour dans la voiture. Heath réajusta machinalement le rétroviseur, y apercevant un regard furtif - et légèrement mauvais - de la part d’Inès. ... Well. Contact, signes de la main aux moms, et les voila partis. Ce fut Inès qui lui indiqua la route, entre quelques mots adressés à Charlie et quelques pensées méfiantes à son égard. Il avait pourtant pas l’impression d’être le genre de type flippant. ... Que penserait-elle de ce gros gorille de Pytha ? Regard au loin, concentré sur la route, il n’avait pas vraiment envie de faire la discussion. Charlie le connaissait de toute façon assez bien pour savoir qu’il ne bavardait qu’en présence de son avocat. Une vraie pipelette, quand Joach était là ! Mais alors sans lui, une véritable tombe. C’était toujours déroutant, lorsqu’on ne le connaissait pas, mais on s’y faisait. Comme disait Charlie, ils l’aimaient pour ça. Il se frotta le nez, soupira discrètement et sans raison (le mec qui semble blasé alors que pas du tout, ça aussi, il fallait s’y habituer), il tapait des doigts au rythme de la musique sur le volant. Batteur dans l’âme, on ne se refait pas. Il suffit que le son rock s’emballe un peu pour qu’il y tape ses paumes, remuant la tête, articulant les paroles sans qu’un son ne s’échappe de ses lèvres. Pas devant des inconnus. La bande savait pourtant que son chant était plaisant à entendre. Ashley lui cassait toujours les couilles pour qu’il chante avec elle. Il avait fini par céder - les filles, elles auront sa peau.
Le coeur de la ville sembla disparaître, autour d’eux, tandis que, d’après les panneaux, il prenait la direction des docks. Oeillade curieuse à Charlie, sourcils froncés, l’air de dire ‘bordel, mais dans quoi tu m’embarque, encore ?’.
- ... Savez que dans les films, c’est toujours dans ce genre d’endroits qu’on a affaire aux dealeurs, mafieux, violeurs et autres tordus hein... ? Moi j’dis ça... c’pour vous hein, comptez pas sur moi pour jouer les héros, j’vous aurai prévenu.
Mains en l’air dans un geste évoquant qu’il se déchargeait de toute responsabilité en cas d’ennuis, il balança un sourire à Charlie et reporta son attention sur la route; elle savait parfaitement qu’il serait là pour jouer les héros, si jamais. ... Ca valait c’que ça valait, mais Heath avait trop d’amour pour la gente féminine pour se comporter en lâche en cas de soucis majeur. Lâche dans les histoires de coeur, oui. Lâche pour ce qui était de la galanterie et de la protection, ça non. Un homme, un vrai. il avait pas la musculature de Pytha, mais il ferait avec les moyens du bord. - Et puis, franchement, là où Pytha avait les muscles, il avait le cerveau, lui. Oooooh qu’il était bon d’être le seul à savoir lire dans les pensées. Il culpabilisa tout de même quelques secondes - le roux était un bon pote, et un grand soutien d’Entropy. Fallait pas lui cracher dessus. Pas avant qu’il ne lui casse la gueule, à son retour, en tout cas. Sorti de ses pensées, Heath reporta son attention sur le présent: Inès venait de signaler qu’ils étaient arrivés.
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Sujet: Re: N-O. Sam 7 Juin 2014 - 18:27
La surprise prévue à Inès s’étant avancée d’un jour et surtout retournée contre moi, on pouvait profiter. Même si la voir dans cet état fut un sacré choc, il faut passer à autre chose. Besoin. J’oublie PRESQUE le sérieux de la conversation que j’avais avec Heath avant le débarquement de la fille d’Agnès. Les négociations auprès des matriarches se passent sans grandes difficultés. C’était un one-shot. Rien qu’on ne puisse reporter au lendemain. Donc ils n’avaient pas le choix et je ne leur laissais pas le choix. Ce soir ou jamais. Les deux mamans se feront donc une soirée entre vieilles. Le nom d’un certain Mark est évoqué par une Agnès rieuse -rapport avec ma mère, puis est glissé dans un coin de mon cerveau alors que le jean de ma jupe fait de même sur le cuir du siège passager.
Sur le trajet, Inès me raconte qu’elle a intégré la même école de danse que moi, aussi en double-cursus, grâce à la même bourse, mais en section ballet. Je m’étonne sans m’étonner, plus inquiète par rapport au corps enseignant qu’autre chose et apparemment ça s’est vu sur mon visage. Elle précise que la russkof responsable de blessures sur élèves a été renvoyée peu de temps avant qu’elle n’intègre l’école. J’embraye de moi-même sur Connor pour éviter un sujet lié, mais pour sûr qu’elle n’est pas dupe.
Si un jour ta mère apprend les vraies raisons qui t’ont fait arrêter la danse, ça va la blesser et elle va t’en vouloir d’avoir rien dit Charlie.
Je pivote sur le siège vers Heath –les jambes repliées sur le cuir, mais surtout pour mieux voir Inès qui se penche en avant entre nos sièges. La jeune fille explique qu’il a un peu déconné et à fréquenter les mauvaises personnes, qu’elle s’en est mêlée et a bien failli s’en prendre une : la peur de sa vie, conclua-t-elle. La grande sœur que je joue fait mine de désapprouver en dissimulant avec brio combien cette peur pour sa vie fait écho en elle. Écrasante. Je suis ra-vie de penser à ça maintenant. Mais c’était sans compter sur la candeur d’Inès. Mais ça va maintenant pour lui et elle. Sauf que -il en fallait bien un quelque part- elle me souffle timidement à l’oreille que Connor n’a encore rien tenté. Le temps que je comprenne la subtilité de la chose avec des questions très délicates du style « Il t’a embrassé quand même ? », je la vois rougir et enfoncer sa tête dans mon siège en faisant non de la tête.
C’trop gênant d’en parler. Surtout à Charlie. Et en plus il y a un intrus…
L’innocence. Connaissant Connor, il doit penser qu’il doit prendre des pincettes, qu’Inès est un ange qu’il ne faut pas souiller ou d’autres conneries de ce style. Mais la miss est frustrée. Ça se voit. Sinon, elle ne m’en aurait ja-mais parlé. Je me retiens de rire et de la taquiner. Les premiers amours, c’est précieux, mais je lui glisse que si ça la préoccupe tant, elle n’a qu’à faire le premier pas. Elle semble surprise puis se perdre dans ses propres réflexions jusqu’à ce que je perçoive un signe affirmatif de sa tête. Les monologues intérieurs, c’est contagieux apparemment. Mais god, c'que j'pourrais m'amuser à les emmerder si je reviens à N-O.
Puis entre deux indications de route à notre chauffeur, Inès me demande si je sais et si j’ai vu Abby. Un oui bref est lâché. Putain, ça aussi, j’ai pas envie d’y penser maintenant. Je glisse une main sur un genou. Tension. Un doigt tapote machinalement, mais rien à voir avec le rythme de la musique. Non. Je me sens juste oppressée. Hâte d’arriver pour me concentrer sur autre chose. Quelque chose de meilleur. Regard sur Heath qui fait du playback. Sourire. Et je vibre. Un texto de la mère. Si on a les clés de l’appart’ ? Bah oui quelle question. Mais elle me met le doute. Je questionne Heath en fouillant dans mon sac, puis dans la poche droite de sa veste comme si c’était tout à fait normal. Mais au final, les clés sont dans la boîte à gants. En plus, c’est certainement moi qui les ai mises là. Alzheimer.
Pas des ex sinon vous seriez pas aussi à l’aise. Donc vous avez couché ensemble. Et pas qu’une fois. Mais qu’est-ce que tu fous Charlie ? Et qu’est-ce que tu lui trouves ?
Le regard d’Inès glisse sur le visage de Heath au moment où celui-ci fait de même sur Charlie. __ ... Savez que dans les films, c’est toujours dans ce genre d’endroits qu’on a affaire aux dealeurs, mafieux, violeurs et autres tordus hein... ? Moi j’dis ça... c’pour vous hein, comptez pas sur moi pour jouer les héros, j’vous aurai prévenu. Je rigole et même Inès sourit. __ Bien sûr que si tu joueras les héros. Parce que tu peux pas t’en empêcher. __ Captain America ? Superman ? Ou Spiderman ? __ Non, non. Batman. Ça lui va mieux. __ Va falloir faire un peu plus de gonflettes alors pour arriver à la cheville de Christian.
Un rire s’échappe de ma gorge alors qu'on parle du chef d'Entropy comme si il n'était pas là. C’est sûr que c’est pas la même carrure. Mais, c’est pas moi qui vais critiquer le corps de Heath. Il m’a toujours plus tel qu’il est.
__ Au fait, c’est qui Mark ? __ La nouvelle cible de ta mère. Tu le verras demain, c’est son jour. __ Son jour ? __ Oui. Il passe toujours en fin de journée au resto quand ta mère est en off à l’hôpital. __ Médecin ? __ Nop. Militaire. Alors là, je reste sur le cul. Elle avait jamais fait dans cette branche-là. Sérieux ? J’y crois pas… __ Et si je te dis uniforme, ça te parle ? __ … Ah oui d’accord. Faiblesse féminine. Il n’y a pas que les hommes qui fonctionnent au visuel. Les femmes sont peut-être plus voraces que les mecs même. Inès me tire la joue et me glisse un « be nice, il a l’air vraiment sympa » ce à quoi je réponds que ce n’est même pas la peine, j’évite autant que possible de me mêler des aventures du cœur d’Adèle. Et alors pourquoi j’ai demandé qui c’était ? Curiosité. Bon ok, c’est ma mère, faut bien checker qu’elle ne tombe pas sur un serial killer. Avec le bol qu’elle a…
La zone. Industrielle. Nous y sommes. Les bords du Mississipi. Les bateaux de transports de marchandises. Les énormes containers en ferraille. Les tintements mécaniques caractéristiques. Bienvenue sur les docks. Le trio sort de la voiture, Inès m’envoie un texto et indique de passer par l’autre entrée. On se recroisera plus tard, elle doit d’abord retrouver son petit-ami. J’hésite à laisser mon gilet dans la voiture pour l’y abandonner vivement en compagnie de la pince à cheveux auquel je tiens tant. J’arrange mes cheveux lâchés sans grande attention à mon reflet dans la vitre, je claque la porte puis prend les devants pour guider Heath à travers le dédale de containers dans une marche rapide. Un tantinet excitée. Arrivant à la hauteur d’un grand entrepôt, il y a tout de suite plus de monde. De la musique semble battre à l’intérieur. Les gens rentrent et sortent, s’arrêtent et discutent autour de barils enflammés. Tous les looks et tous les styles se confondent et c’est sûr, ça paraît louche, mais j’entraine le E à ne pas s’arrêter pour contourner le bâtiment en taule.
Escalier métallique qui zigzague le long de la façade. En haut une petite porte et un bonhomme dont on distingue la présence uniquement grâce à un crâne chauve luisant. Le cliché parfait d’une entrée pseudo-VIP même si en réalité, c’est juste l’entrée organisateurs, à la rigueur quelques journalistes-blogueurs gravitent par là. Je passe la première, grimpe les marches avant de m’arrêter à quelques pas du « sommet » et de me retourner pour faire face à Heath. __ Euh. Donc. C’est une façon de te remercier. Merci. Merci d’être devenu cet ami. Parce que même si t’es pas là que pour cette raison. Par bonté de cœur, parce que je sais pas… ça te permet d’oublier un peu tes propres problèmes, ou parce que tu veux toujours bien faire et plein d’autres raisons et excuses compliquées que j’ai plus en tête… Je m’en fiche. Parce que t’es quand même là. Mais cette fois, tu t’es mis tout seul dans la mouise. Et je sais pas si un jour, j’arriverai à te rendre la pareille pour tout ce que tu as fait pour moi. Mais j’essayerai. Et ce soir, c’est un début. J’espère que ça contrebalancera un peu les moments merdiques que tu as vécu depuis l’avion. Mes mains se posent sur les rambardes, je pivote comme si j’allais reprendre l’ascension. Mais non. __ Bref. J’espère que ça te plaira.
Je souris puis reprend vraiment la montée des dernières marches. Et là, il y a un instant où on se jauge entre le videur et moi. __ Baker… __ Bennett… Je lui tends mon portable. Il hoche la tête. C’est ok. Il me rend l’objet puis me chope par le poignet vivement. Sa main glisse lentement dans la mienne et s’apprête à… __ Ok. Stop it gros nounours. Fais pas ton cerbère-boydguard. Je l’enlace et il répond à mon accolade en me soulevant par la taille, son rire franc résonne. __ Toujours aussi nulle pour faire les cheks. __ Comme si tu ne préférais pas ma façon de dire bonjour. Il ébouriffe mes cheveux dans un geste fraternel. Gratifie Heath d’un signe du menton en guise de salutation. J'en profite pour faire un rapide topo à Heath sur celui qui nous fait face. __ Il veut devenir acteur et jouer dans des films de gangster. __ Toi-même tu sais que j’y arriverais Bennett, j’ai le look de l’emploi. Je ris. Et il note que c’est bien la première fois que je viens accompagnée et sans matos de photos. Je lui réponds un « chuut » faussement sévère et il nous souhaite de nous amuser tout en ouvrant la porte.
Un grillage pour sol un peu instable, des chaines qui pendouillent en l’air, des machineries, des tuyaux, des spots bleus, blancs et verts pour zigouiller nos rétines, aucune protection particulière : c’est brut, c’est l’entrepôt J40. En s’avançant jusqu’à la rambarde, on surplombe tout l’espace. Et juste sous nos pieds : un skatepark digne des meilleures cités urbaines. Les acrobates et leurs planches occupent l’air et la terre dans des figures qui m’impressionnent toujours autant. En se penchant un peu plus la tête dans le vide, un petit comptoir où s’échange en caution dollar ou objet contre la dite-planche. À gauche, de l’autre côté des installations, les platines grésillent pour donner le rythme à tout le monde, skateurs, danseurs, tatoueurs même et graffeurs. Car en bas, les murs et les sols n’accueillent pas que des mini-bars mais deviennent toiles. On peut lire d’ici les prises de positions, les messages exprimés contre la pauvreté et les inégalités principalement. L’ouragan Katrina encore dans les esprits qui en ont subit conséquences. Et puis il y a aussi la puissance pétrolière et ses néfastes déclinés à toutes les sauces des satires en présence.
__ On a du bol que ça ait lieu quand on est là. Ce sont des rassemblements organisés à la sauvage. Et on n’est pas censés être dans ce bâtiment. Donc si jamais on est séparé et qu’il faut déguerpir en vitesse, on se retrouve à la voiture.
Le sourire avide de toutes ces curiosités qui me manquent à Prismver n’a pas quitté mes lèvres. Je me redresse et tente de décrypter le visage de Heath. Mais je finis par lâcher le tuyau de fer qui fait office de rambarde et commence à marcher lentement à reculons vers l’escalier qui nous fera redescendre.
__ J’vais aller voir les graff et rapporte une bière. Et toi ? Je suppose que tu ne résisteras pas à une tentatrice appelée « planche à roulettes », hein ?
Sourire goguenard. Allez, fais-toi plais’ Heath. Je te donne l’occasion de changer de décor et de décompresser. Saisis ta chance pour ce soir. On aura certainement d’autres chances pour se triturer la cervelle. Alors profitons un peu des distractions en présence. On le mérite bien.
#ff6633 lalalala krrrr~
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Sujet: Re: N-O. Ven 27 Juin 2014 - 17:55
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C’était ce don il avait besoin. Se retrouver.
Debout au milieu de ce gigantesque hangar, ce gigantesque skatepark, ses yeux observaient encore avec grand intérêt tout ce qui l’entourait. Toute cette ambiance lui ressemblait. Le skateboard, la musique underground, la bière coulant à flot. Ne manquait qu’un coin gaming pour parfaire le tableau, mais il avait bien conscience qu’il ne s’agissait pas de la même communauté. Ici, il n’était pas chez lui, pas à 100%, mais il y était bien.
Il avait été bouche-bée en découvrant le lieu, en haut des escaliers. Il ne s’était pas attendu à ça, pas le moins du monde. Sans voix, il avait regardé Charlie, l’air béa, et l’avait suivie au bas des escaliers. Elle était partie rejoindre les artistes du côté des bombes de peintures et murs tagués, tandis que lui, en effet, n’avait pas résisté plus longtemps à l’attrait de a planche. Au comptoir, sans un sous sur lui, il avait laissé sa veste en cuir en guise de caution, empruntant un skate. Et avec les autres riders, il s’était élancé à travers les différentes installations mises en place. Ollie, Boardslide, 50-50, Axestall, Nosegrind, Tailstall, Crooked grind, Lip slide... Il avait enchaîné les figures, n’en ratant qu’une trop ambitieuse, mais en atterrissant sur ses pieds; rien de grave ni de ridicule.
Et il avait continué. Roulant, sautant, s’envolant. Parenthèse hors du temps, hors de tout. Les secondes semblaient avoir été suspendues, comme tout le reste. Plus d’Entropy, plus de conflits, plus d’histoires compliquées, plus d’inquiétudes. Il était parti, enfin parti. Le Renard. Ici Heath était vrai, lui-même, pleinement lui-même. Et il lui fallait cela pour redevenir le jeune homme que Charlie, Gautier et leurs amis admiraient, d’une certaine façon. Le mec droit, le mec solide. Le mec confiant, qui sait où il va, qui sait qui il est. Le pilier. Entropy s’effondrait parce-qu’il avait douté de lui, douté de ses ambitions, douté de tout. Et alors qu’il glissait, sautait, porté par son adrénaline et son talent, il s’en rendait compte désormais. Il s’était trop caché. Il avait trop douté, s’était trop laissé marcher dessus. Prudence l’avait écrasé. Nemesis l’avait menacé. Et Ruthel l’avait ignoré. Le son du Rap battant dans ses veines, décuplant son adrénaline, son énergie, sa force; il faisait également bouillir son sang dans ses veines et dans son esprit. Penser à rien, ça n’avait duré que quelques secondes. Désormais il pensait, entre deux figures, entre deux glissades. Il y pensait, à Entropy.
Entropy ? Non. Elle venait de mourir dans son esprit. Mais autre chose était en train d’y naître.
- C’marrant les différentes conception du Tatouage.
Il était désormais posé avec Charlie, assis sur son skate sur les hauteurs d’une pool. Tout deux observaient un gros barbu se faire tatouer ce qui devait être la dernière place libre de peau sur l’intégralité de son corps. Et lorsque la jeune fille le questionna à ce propos, il détourna le regard au loin, plissant les yeux pour trouver ses mots.
- Moi j’vois ça comme un message pour son futur “soi”.
Une seconde, et il haussa les épaules, pouffant de rire.
- Dans cette logique, si j’devais m’en faire un j’me tatouerai quelque chose comme “fuck you man”, pour me dire, en gros “hey connard, t’a rien d’autre à faire que de te mater le nombril ?”
Il rit de sa propre vision de la chose, assez amusé à l’idée de n’avoir que ce message à se transmettre. Et puis, souriant, il vint caler son menton sur sa main, coude sur le genoux.
- Ou alors je mettrais “Escape the Matrix.” ou “Follow the white rabbit.” ou même “Spartans, What is Your Profession ? ”
Et il mimait une phrase qu’on étend, yeux plissés, bouche en cul de poule et hochant la tête; en mode “ça tue sa mère”, comme il avait l’habitude de le dire pour signifier qu’il trouvait quelque chose stylé. Souriant toujours, il ajouta:
- C’est moins philosophique que ma première version, mais ça déchire.
Parce-que chez Heath, il n’y avait qu’un minuscule pas entre le sérieux et le délirant.
- Et puis ça montrerait que j’ai apprécié un chef-d’oeuvre de mon époque.
Oui, Matrix et 300 étaient des chefs d’oeuvre. Quiconque osait le contredire la dessus serait renié par Heath jusqu’à la fin de sa vie. Il reprit plus vivement, plus fort, faussement enthousiasmé et imitant une voix de pucelle de treize ans:
- Ou alors j’me tatoue la moitié d’un coeur et Joach se fera l’autre moitié !
Le tout en se dandinant, c’était épique. Pouffant de rire, il se ravisa rapidement, portant son regard au loin, et après un instant.
- Enfin, en tout cas c’est la seule personne pour qui je pourrai me tatouer une référence, parce-que je sais que quoi qu’il nous arrive on crèvera pas loin l’un de l’autre.
Il baissa les yeux, grattant son ongle sur le grid de son skate, entre ses jambes.
- Si j’ai bien une seule certitude dans la vie, c’est que tout les dimanches mes gosses iront jouer avec ceux de Jo. On bouffera ensemble, on se parlera de nos vie, de nos mariages, de nos divorces, du boulot et de la santé. On testera la pêche et on s’dira que c’est de la merde, puis on jouera sur nos vieux pc, nos gosses se foutront de la gueule de nos vieux jeux. Et, non, on s’ra pas séparés par la distance et par les années. Y’a aucune femme et aucun job qui pourront nous éloigner.
Il releva la tête vers elle, tapotant sa planche d’un doigt plié.
- Ca doit te sembler con. Ou très gay, haha.
Il haussa les épaules, baissant de nouveau la tête.
- M’en fou de c’que le monde pourra en penser.
Et il reprit après quelques secondes.
- Et toi ? Les tatouages, et puis l’avenir, tout ça... ?
Et il s’élance. Glisse sur les rampes et sur l’oxygène qui nous entoure. Son visage semble se détendre véritablement pour la première fois. Il exécute une pirouette alors que je m’apprêtais à sourire, soulagée que son esprit puisse faire le vide sur ses soucis et sur moi, mais mon cœur rate un battement, mes doigts se sont crispés. God. Il a failli tomber. Je me détourne, préférant ne plus regarder et avoir des sueurs froides.
Le spectacle sur les murs et sur le sol me convient mieux, occupe décidément bien mon esprit. Je comprends le message de certains tags rapidement, d’autres moins et je m’y attarde un peu ; quant à ceux dont je n’aime pas le graphisme, je passe devant sans y consacrer plus de temps. Puis, je finis par m’accroupir à côté d’un des artistes en pleine action. Je le regarde faire, silencieuse par peur de le déranger, mais il finit par me tendre une de ses bombes. Quelques mots concis pour me dire que je peux tester si je veux. Ookay… Je m’empare de l’objet, sceptique. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir écrire ? Je me décale de quelques pas de lui, le regard fixé sur le sol, la bombe dressée au-dessus, comme une enfant en train de dessiner une marelle à la craie. Flottement. Jusqu’à ce que le psshiit ne s’échappe dans un souffle. Un grand « P » apparaît en rouge. J’embraye avec un « r » en tête, mais me stoppe aussitôt. « Prismver » ? Et puis quoi encore ! Bon. Me voilà bien avec ce « P » tout seul. La recherche d’un autre mot m’accapare. Et pourquoi « Pythagore » me vient ? Je baisse la tête, mes mains dans les cheveux. Et merde. Parce que ça vient seulement de faire tilt. J’ai pas prévenu que je partais. Et Heath s’est joint au voyage. C’est la misère. Alors deux discours s’opposent dans ma cervelle de moineau. Celui de la fille indépendante qui ne doit rien à personne vu que de toute façon, je ne lui ai encore rien dit sur ma décision et celui de la future-ex-petite-amie. Ping-pong. C’était déjà pas simple, mais alors là... Sans m’en rendre compte, je me suis relevée et j’ai commencé à tourner en rond devant la lettre solitaire à mes pieds. Je me stoppe, mains sur les hanches, une hypothèse concluante à l’esprit : si ça se trouve, il n’a même pas remarqué que je n’étais plus là. Oui, c’est fort probable d’ailleurs. On est tous tellement occupés…
Le sujet est mis à part, à côté de mon cœur et du reste des dossiers à traiter. Et c’est le mot « Patience » que je finis par tagger. Mantra. Pour moi. Pour lui. Pour nous. Pour nous tous. Plutôt fière de mon truc, je laisse au graffeur le soin de donner effets et reliefs tout en lui demandant si ils ne font pas des bombes pour les novices ou les enfants. Parce que, quand même, c’est vachement dur de tenir le bidule appuyé longtemps. J’ai droit à un rire en guise de réponse. Apparemment, on ne lui avait jamais faite celle-là. Je ne vois pas le rapport, mais bref. Après ce petit atelier d’arts plastiques, je reprends ma déambulation.
__ C’marrant les différentes conception du Tatouage.
Un « mouai » avalé en même temps que la bière qui glisse dans ma gorge.
__ Tu as déjà pensé à t’en faire un ? Ça serait quoi ? Hormis le bon vieux laser, c’est à vie que tu le gardes…
Oui, je ne suis toujours pas convaincue. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir eu droit à de nombreux discours de la part de Neil pour que je m’en fasse un.
__ Moi j’vois ça comme un message pour son futur “soi”.
Les prunelles figées sur la main du tatoueur se détournent vers Heath, observatrices. En général, les gens se font tatouer pour se souvenir d’un événement marquant, de quelqu’un. Ne pas oublier le plus important. Mais lui, il voit loin devant. C'est rassurant dans un sens. Et c’est certainement ce qui devrait le plus compter.
Son rire toujours aussi communicatif me contamine. Dans des éclats de rire presque synchronisés, mon corps se penche de temps à autre vers lui, inconsciemment. Mes lèvres laissent filtrer un « T’es con » lorsqu’il parle de Matrix et de ses autres références vraiment moins philosophiques.
__ Ou alors j’me tatoue la moitié d’un coeur et Joach se fera l’autre moitié ! __ Oh oui, ça vous irait tellement bien ! Et vous en êtes bien capables en plus.
J’ai acquiescé vivement de la tête avant de laisser à nouveau éclater mon rire. J’essaye de reprendre mon souffle en buvant une nouvelle gorgée. Mon regard se perd un instant vers le sol en contre-bas.
__ Enfin, en tout cas c’est la seule personne pour qui je pourrai me tatouer une référence, parce-que je sais que quoi qu’il nous arrive on crèvera pas loin l’un de l’autre. Si j’ai bien une seule certitude dans la vie, c’est que tout les dimanches mes gosses iront jouer avec ceux de Jo. On bouffera ensemble, on se parlera de nos vies, de nos mariages, de nos divorces, du boulot et de la santé. On testera la pêche et on s’dira que c’est de la merde, puis on jouera sur nos vieux pc, nos gosses se foutront de la gueule de nos vieux jeux. Et, non, on s’ra pas séparés par la distance et par les années. Y’a aucune femme et aucun job qui pourront nous éloigner. __ Faites gaffe. À mon avis, vos enfants vont s’allier et vous jouer des tours. Et vos petits-enfants échangeront vos dentiers et vos couches sans que vous vous en rendiez compte. L’épaule se dresse, la tête dodeline. Raillerie d’enfant. __ Ça doit te sembler con. Ou très gay, haha. M’en fou de c’que le monde pourra en penser. __ Mmh, non. Ça vous ressemble. Je t’envie d’avoir une telle certitude… Et je trouve ça adorable.
Mes iris reportent leur attention sur le tatoueur et le tatoué et ne les quittent pas lorsque ses questions surgissent. Je reste silencieuse un moment, ne sachant vraiment pas quoi répondre alors que quand Holly m’avait posé la même question, j’avais réussi à trouver une réponse. Mais peut-être parce qu’il suffisait juste de viser l’idéal, alors que là, il faut être réaliste.
__ Je. Je ne sais pas. C’est certainement comme mes photos, que même toi tu arrives à reconnaître. C’est flou. Les études, c’est pas mon truc. Je préfère être sur le terrain et apprendre d’expériences. Du concret. Mais même si je n’ai pas de plan, je ne m’attends de toute façon pas du tout à avoir un train de vie de rêve. Soit je manque cruellement d’ambition, soit je ne suis pas du tout exigeante. À voir, selon les points de vue. J’aurais bien envie de voyager un peu, mais bon, je verrais plus tard. Le futur proche d’abord. C’est plus simple.
Je croise les jambes, rebois un peu de bière.
__ Après Prismver… et même avant peut-être, je vais avoir besoin de travailler rapidement vu comment ça s’annonce ici. Et bizarrement, je ne doute pas. Je sais que je trouverais du travail. N’importe quoi. J’ai au moins cette capacité : rebondir. Hahaha.
Mon rire se coupe quand du sang apparaît sous l’aiguille de l’artiste. Ma main se pose vivement sur le bras de Heath, mon visage se ferme vers lui dans une grimace de quelques secondes. Puis je relâche tout.
__ Et pour les tatouages. C’est un non définitif. Je peux pas. J’suis trop douillette pour ça. Et je n’ai pas envie de me laisser de message du genre « Heureuse ? Satisfaite de ta vie ? Qui est à côté de toi pour la partager ? ». Certainement pas. On ne sait pas ce qui peut se passer et ça me va très bien comme ça. Je pense que j’arriverais à saisir ce qu’il y a prendre quand ça croisera ma route. Si je me fais pas écraser en chemin.
Rire. Auto-dérision.
__ Mais tu sais… J’adore la Nouvelle-Orléans et la Louisiane, ça fait partie de moi où que je sois. Et ceux qui comptent le plus y sont. Seulement il y a aussi ces moments où je m’y sens horriblement lourde. J’étouffe. Et je n’ai qu’une envie c’est partir loin. Mais dès que j’imagine ma mère seule à l’appartement… La sensibilité effleure mes yeux. Ça me fait tellement mal.
Parfois je jalouse vraiment les gens qui arrivent à se distancer de tout. Moi j’essaye mais ça ne fonctionne pas vraiment pour l’instant. Peut-être que je n’y ai pas mis assez de volonté peut-être. La prochaine fois sera peut-être la bonne. Ça serait plus simple. Une obstination qui revient souvent à mon esprit.
__ Tu as déjà eu cette sensation en voyant une personne… Elle a une forte présence et pourtant, parfois, on a cette impression qu’elle va disparaître dans l’air en une minute ? Et bien j’ai ce sentiment constamment quand je pense à ma mère. Et ça me fait peur.
Et maintenant, elle va perdre une de ses meilleures amies. Un monde qui s’effrite. Un petit bout de cœur qui s’en va et ne reviendra pas. Au moins elle a un peu de temps pour s’y préparer et profiter d’Abby.
__ En fait. Malgré tout ce que je dis, je crois que je suis juste terrifiée. Plus par les autres et l’impact qu’ils ont sur moi que par le reste. Ahaa… Soupire. Mon corps s’incline à l’opposé de Heath, en appui sur mes bras tendus. Ma tête penche vers mon épaule, le regard dans le vide. C’que c’est chiant. J’pensais pas être une poule mouillée qui doit aussi se coltiner une sensibilité de merde.
Je fronce les sourcils. Surtout quand on se lie et s’attache aussi facilement que moi. Une malédiction peut-être ? Avoir toujours le cul entre deux choses en tout cas, c’est fatiguant. Je me fatigue.
__ Tu voudrais pas me donner ton cœur plutôt ? Comme ça, je me soucierais peut-être moins de choses inutiles, à prendre la vie plus facilement comme elle vient. Ou au moins, je feindrais mieux que c’est le cas.
Mes prunelles échouent dans les siennes un instant. Sérieuses. Et elles ne remarquent pas que Connor arrive. L’interruption s’approche.
#ff6633 Un jour peut-être, j'apprendrais à faire court.
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Sujet: Re: N-O. Lun 30 Juin 2014 - 21:17
like a feather
Il avait grimacé à l’évocation des enfants, des dentiers et des couches. La vieillesse, c’est moche. Et les enfants, si il comptait en avoir un jour, c’était encore dans un futur trèèèèèèèès lointain. Encore fallait-il trouver « la bonne ». Mais, autant ne pas se mentir; la Princesse de sa vie, Heath n’y croyait pas. Ses parents avaient échoué dans le mariage, comme beaucoup. Lui même partait très mal, sur le chemin qu’était celui des relations amoureuses; non franchement, les enfants, il les aurait. La vieille femme aimante pour mourir à ses côtés, rien n’était moins sûr.
- C’est flou.
Il est rare que ce soit net, à leur âge. Sauf peut-être pour des gens comme Jim, Tony, ou Ulysse - du côté des études en tout cas. Ces génies capables de surmonter toutes les barrières. Les A, déja gâtés par la nature, et soutenus par le système.
Non, vraiment, braves jeunes, ils n’étaient pas à plaindre. Langue teintée d’amertume, elle roula dans sa joue au même moment ou son regard se reposait sur la rouquine, à ses côtés.
- Les études, c’est pas mon truc. Je préfère être sur le terrain et apprendre d’expériences.
Il acquiesca. C’était tout elle. Plus que quiconque, il voyait Charlie comme une fille « de terrain ». Par opposition à Fani, capable d’acquérir les connaissances du monde entier à travers les pages d’un livre.
- Le futur proche d’abord. C’est plus simple.
De nouveau, il acquiesca, cette fois d’un simple “Mmh.” Lui aussi préférait voir les choses petit à petit, au jour le jour. Car si son amitié avec Joach était en effet une certitude, elle était bien la seule. Quoi que. En vérité il se faisait confiance. Il se savait capable de devenir informaticien, peut-être même comme son frère, à un niveau intéressant. Non, sa seule réelle crainte avait toujours été liée à son pouvoir - l’ancien. La peur de devenir invisible en public, au travail.
Mais désormais, son don avait changé. Et selon lui, ce nouveau ne pouvait lui apporter que du plus, si l’on mettait de côté les migraines et les éventuelles pensées désagréables. Rien d’handicapant. Aussi, son avenir s’était nettement éclairci depuis le passage - béni - de l’élève mystère. On aurait pu voir là une bonne raison d’arrêter Entropy, de laisser tomber. Mais il s’était trop engagé dans ce combat. Trop fier, peut-être. Trop têtu, certainement. Et peut-être moins égoïste qu’on avait tendance à le croire. Il bu quelques gorgées, écoutant toujours la rousse, acquiesçant mentalement quand à sa capacité à rebondir. Il lâcha un petit rire, posant sur elle un regard doux tandis qu’elle se fermait à la vue du sang. C’était tellement rare, qu’elle se montre petite nature, fragile. De précieuses secondes.
- Et pour les tatouages. C’est un non définitif.
Il haussa les sourcils, ôtant ses lèvres de justesse du goulot, franchement étonné. Il n’avait pas l’impression que Charlie était capable d’une telle affirmation. Elle était ouverte, changeante, libre, c’est ainsi qu’il la voyait. Si lui était souvent comparé à un pilier solide, elle était à ses yeux une plume; une plume pour laquelle rien n’est défini à l’avance, une plume susceptible de se faire emporter par tout les vents. Mais finalement, libre, solitaire, et faisant son bonhomme de chemin. Sa raison était pourtant si simple.
- J’suis trop douillette pour ça. - Oh allez...
Parce-que ce n’était pas grand chose, pour un homme un vrai, tel que lui. Certes, les aiguilles ne lui disaient trop rien, mais ce n’était pas grand chose finalement.
- ...je n’ai pas envie de me laisser de message du genre « Heureuse ? Satisfaite de ta vie ? Qui est à côté de toi pour la partager ? »
Heath fixa son amie d’un regard attentif, cherchant des signes pour comprendre ce qu’elle entendait par là, exactement. Une rapide excursion du côté de ses pensées lui confirma l’éternel trouble qu’elle ressentait quand à sa vie amoureuse, actuelle comme à venir. Il sourit avec elle à la suite, portant son regard sur le skater passant dans leur champ de vision.
- Mais tu sais… J’adore la Nouvelle-Orléans et la Louisiane, ça fait partie de moi où que je sois. Et ceux qui comptent le plus y sont.
Heath dériva son regard à l’opposé, rejetant vivement l’once de jalousie qu’il ressentit à ces mots.
- Seulement il y a aussi ces moments où je m’y sens horriblement lourde. J’étouffe. Et je n’ai qu’une envie c’est partir loin.
Libre, solitaire, changeante.
- Mais dès que j’imagine ma mère seule à l’appartement… Ça me fait tellement mal.
Les yeux noisette du jeune homme vinrent chercher les siens. Il ne comprenait pas ce qu’elle ressentait. Lui se sentait parfaitement capable de vivre loin de sa mère, même loin de son père, avec qui il avait plus d’affinité. Il pourrait vivre à l’autre bout du monde, sans aucun mal. Il fut alors frappé de constater qu’il avait besoin de Joach bien plus qu’il n’avait besoin de ceux qui lui avaient donné la vie.
- Tu as déjà eu cette sensation en voyant une personne… Elle a une forte présence et pourtant, parfois, on a cette impression qu’elle va disparaître dans l’air en une minute ?
Il hocha la tête de gauche à droite, les commissures de ses lèvres s’abaissant, le regard dans le vide. Non, vraiment il n’avait jamais eu de telles pensées. C’était bien loin de sa façon de penser en général.
- Et bien j’ai ce sentiment constamment quand je pense à ma mère. Et ça me fait peur. ... En fait. Malgré tout ce que je dis, je crois que je suis juste terrifiée. Plus par les autres et l’impact qu’ils ont sur moi que par le reste. C’que c’est chiant. J’pensais pas être une poule mouillée qui doit aussi se coltiner une sensibilité de merde.
Voila bien un point qu’ils n’avaient pas en commun. Terre à terre, il avait envie de lui dire qu’il n’y avait aucune raison que les gens “disparaissent” du jour au lendemain. Qu’il était inutile d’avoir peur. Combien de fois avait-il répété à tout le monde son fameux leitmotiv: « la peur n’empêche pas le danger » ? Et pourtant. Lui revint en tête qu’elle avait perdu un ami (ou était-ce son ex ? Il n’avait jamais vraiment compris.) Elle, elle l’avait perdu du jour au landemain.
- J’suppose que c’est normal que tu ais peur de ça.
Conclu t-il à cette pensée, à la fois pour elle et pour lui-même. Comme une personne victime d’un accident de la route peut avoir peur de la voiture; ce n’est pourtant pas ça qui multiplie ses chances d’avoir de nouveau un accident.
- Tu voudrais pas me donner ton cœur plutôt ?
Il haussa un sourcil, reportant son regard sur elle - hors contexte, il y fut vite replongé.
- Comme ça, je me soucierais peut-être moins de choses inutiles, à prendre la vie plus facilement comme elle vient. Ou au moins, je feindrais mieux que c’est le cas.
Avachie, le regard évasif, elle avait besoin de réconfort, la Charlie. Et parce-qu’il était minable en la matière, il prit comme souvent le détour du rire, pour lui redonner l’étincelle manquante. Alors, portant sa bière à sa bouche, il lâcha en se déignant d’un geste, la regardant du coin de l’oeil:
- Mmh, désolée chérie, Dieu m’a crée Parfait, mais ça se partage pas.
Clin d’oeil amical et surtout blindé d’auto-dérision, il bu une gorgée, son regard se posant sur un mec venant de débarquer.
__ Mmh, désolée chérie, Dieu m’a crée Parfait, mais ça se partage pas. Je pouffe légèrement de rire. Cette simple petite phrase fait changer la direction de vent, souffle l’inquiétude qui n’a aucun intérêt au loin mais qui tient pourtant ses racines bien ancrées en moi. __ C’pas juste. Et Dieu n’est pas une excuse, c’est juste que tu veux te garder le meilleur pour toi. Comme d’hab. Je le pointe sans vergogne avec le goulot de la bouteille de bière, faussement boudeuse. __ De toute façon, j’vois pas pourquoi j’demande. On m’a toujours appris qu’il fallait savoir se débrouiller tout seul. J’attraperais ce que je veux quand je le voudrais. Na. Ah. Ça y est. Le fil est perdu, ça n’a plus vraiment de sens ce que je raconte. À vrai dire, c’est déjà la quatrième bière que je siffle, mais ce n’est pas censé avoir beaucoup d’effet à ce niveau-là. D’habitude, ça n’en a pas. __ Mmh. Tu sais que En mode vibreur, le téléphone écrasé dans la poche arrière de sa jupe en jean me coupe dans mon élan. Mais pas le temps d’y jeter un œil, la voix de Connor résonne sous nos pieds. Il veut discuter, me demande si je peux descendre. Pas de soucis.
__ Fais attention à ta cheville. Viens, j’te réceptionne. Il tend les bras vers moi et ça me bloque. Je cille. Depuis quand tu joues à ça ? À étaler ta science, comme si tu me connaissais mieux que personne ? Bad feeling. Je me décale instinctivement, glisse un regard désolé à Heath qui j’espère, retournera faire des acrobaties sur les rampes, puis je saute hors du périmètre de Connor. Évitement évident. Mais il s’approche direct, m’obligeant à me reculer d’un pas sous cet étrange assaut. __ Hé, mais c’est que tu me dépasses maintenant. __ Et j’ai pris du muscles aussi. __ Hahaha. C’est ça rigolons, parce que franchement c’est quoi ce délire ? C’est tellement pas lui. Il a changé à ce point ? Et Inès est attirée par cette version du blond ? Énorme doute. __ T’as pas laissé pousser tes cheveux ? Sa main glisse sur une de mes mèches. La familiarité qui n’existait pas entre nous me choque, mais je maintiens une façade calme qui n’ose même pas le regarder, préférant balayer d’un petit mais vif geste de main la sienne. __ Trop chiant à entretenir. C’est déjà assez le casse-tête comme ça. Mais il me chope la main qu’il porte à ses lèvres pour embrasser mes doigts. __ Tu m’as manqué. Mindfreeze pendant un quart de seconde. Je la retire plus vivement. __ Tu es saoul ou quoi ? Recul instinctif. Son souffle est effectivement alcoolisé, le ton est méchant. Mais il s’empare de mon poignet et me tire à lui. Okay, il a plus de force qu’avant, je confirme. __ Peut-être bien. L’annonce de ton retour m’a fait l’effet d’une bombe. J’avoue. Parce que j’ai enfin l’occasion de te dire combien… Je tire sur mon bras. __ Lâche-moi Connor, tu commences à me faire mal. Pas d’alarme. Y a rien. Il ne se passe rien d’important. Connor est incapable de faire du mal à une mouche. C'est ce que mon regard trahit alors que je me dis que Heath est peut-être encore dans le coin. Mais il ne lâche rien. Au contraire. Son regard impose le silence, je me sens clouée au mur, tandis qu’en moi coule un flot de souvenirs indésirables. Le rythme cardiaque s’est accéléré, la respiration s’est coupée. Nouvelle apnée assaillit par la pensée que… Alors c’est donc ça, je ne peux plus avoir confiance. Ils peuvent tous s’en prendre à la première fille qui passe, comme ça, d’un claquement doigt, ou à cause d’un verre de trop. Et il y a comme un calme plat qui s’installe, une belle résignation qui enveloppe mon esprit faible et fait abstraction de ce qui m’entoure. Je n’entends qu’à moitié le discours empoisonné que m’adresse Connor. À moi, celle qu’il a apparemment tant aimé, son premier amour non-réciproque. __ Et si Aaron n’avait pas été mon putain de meilleur ami et m’avait pas interdit de poser un doigt sur toi, tu serais mienne et pas avec un skateur de merde. Et surtout, jamais je t’aurais laissé partir. Poison dégoupillé. Ça bourdonne enfin à mes oreilles. Et il n’y a que ma langue qui est capable de répliquer. Seule défense que j’ai trouvée. Bassesse. __ Ha. Pour qui tu te prends ? Parce que tu crois que ça aurait suffit pour que je te dise oui. Froideur. Et je regrette déjà. Parce que même si je ne l’ai pas aimé de cette façon là, jamais je n’aurai dit une chose pareille. Son poing s’échoue violemment contre la paroi verticale de l’installation. Et je me suis repliée sur moi-même, l’effroi cramponné à mes muscles. Et un disque se met en route, tourne en boucle, se raccroche à rien. C’est pas Connor, c’est pas lui. C’est pas Connor. Il y a erreur sur la personne. Et je n'ai même pas le réflexe de supplier qu'on me sorte de là. Useless. __ C’est facile de dire ça maintenant, alors que tu t’es cassée avant que tout ne devienne sérieux comme la putain de lâche que tu es. Tu t’éloignes toujours. Tu fuis. Tu nous as tous laissé dans notre merde et t’as refait ta vie ! Sa voix éclate et continue, assène un dernier coup. __ T’as même abandonné ta mère, Charlie ! Poignard. Double-tranchant. Parce que lui s’est calmé après cette phrase, mais ça a l’effet inverse sur moi. Ma main vient claquer son visage avec toute la force que j’ai. Et le mouvement de recul engendré me permet de mieux fondre sur lui, de le pousser, pousser, pousser, pousser jusqu’à ce qu’il chute au sol. Un effort qui m’a semblé surhumain pour le mettre à terre alors que eux tous y arrivent si facilement. Mais ma voix s’est mêlée à l’acte. __ Comment vous osez… Comment vous osez tous me blâmer pour tout ce qui va mal dans votre vie ?! Comment vous osez m’en vouloir d’essayer de vivre ma vie ?! Si je vous emmerde tellement, ignorez-moi, oubliez-moi ou achevez-moi ! Faites ce que vous voulez mais prenez votre putain de décision rapidement et assumez au lieu de vous planquer derrière la maladie ou l’alcool ! Ah mais attend. Tu voulais faire comme Aaron peut-être ? Essaye la drogue alors ! Mais j’te préviens, approche d’Inès dans cet état et tu vas vite regretter ton premier amour.
Et c’est mon poing tremblant qui s’est levé sur ces derniers mots. Est-ce que je vais me servir de tout ce marasme pour riposter, me venger pour les coups que j’ai déjà pris ? Est-ce que je vais frapper un ami cher ? Malgré la température qui chute à nouveau m'attirant peut-être déjà ailleurs et la nausée qui monte… C’est bien parti pour. Parce que… They piss me off. They kill me. All of them !
#ff6633
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Sujet: Re: N-O. Jeu 3 Juil 2014 - 19:20
« C’pas juste. Et Dieu n’est pas une excuse, c’est juste que tu veux te garder le meilleur pour toi. Comme d’hab. » L’égoïste sourit, s’amuse, mais au fond l’accusation à tout son sens; égoïste, il l’est, malgré son action de leader de rébellion. Au quotidien il fait preuve de beaucoup d’égoïsme, et particulièrement en matière d’histoires de coeur. « ... J’attraperais ce que je veux quand je le voudrais. ... » Ah ça, il sait qu’elle en est capable. A ses yeux, Charlie est une fille qui peut tout avoir. Où elle veut, quand elle veut. Il est persuadé qu’elle est capable de tout obtenir; qu’elle pourrait, tout obtenir. Si seulement sa tête n’était pas un gigantesque sac de noeuds, elle aurait probablement le monde à ses pieds. Mais tout ça, il se garde de lui dire, pour éviter les compliments, par fierté, et puis, parce-qu’entre eux, trop de compliments sonnent bizarrement. Alors encore une fois il ne dit rien, se contente de balancer un sourire, reportant son attention ailleurs.
Et puis, une phrase interrompue, un vibreur, et un Roméo en bas de la piste prêt à réceptionner la Juliette. Heath le dévisage, bière en main, se dit que décidément il n’a probablement jamais rencontré autant de monde d’un coup, de toute sa vie. Sur le coup il n’a aucune idée de qui c’est, ne sait pas si il est supposé descendre ou pas; il jette un oeil à Charlie, à la recherche de réponse, mais n’y voit pas d’invitation spéciale à descendre - parfait, il avait la flemme de bouger. Il balance un signe de tête au type en bas, mais celui-ci l’ignore à moitié, reportant bien vite son attention sur Charlie. Une drôle d’attention. Heath ne peut s’empêcher d’observer la scène, bien qu’il en détourne régulièrement le regard; il y revient toujours. C’est qu’il entendant des bribes de phrases, voit des gestes curieux. Ils ne sont pas sur la même longueur d’onde, et il n’a pas besoin de lire dans ses pensées pour deviner que la rouquine se trouve rapidement mal à l’aise. En hauteur, l’ami guette, partagé entre le pseudo devoir de veiller sur elle et celui de la laisser libre avec ses anciens amis - c’est que lui n’a rien à faire là, il n’était même pas prévu dans les plans de la miss.
« Tu m’as manqué. » « Tu es saoul ou quoi ? »
Nouveau regard incontrôlé, cette fois il fronce les sourcils, et lorsque le mec s’empare du poignet de Charlie, Heath se lève à moitié, fixant le jeune homme. La manager en a assez vu avec les mecs, notamment en matière de violence, et en aucun cas Heath ne permettra qu’il lui arrive quoi que ce soit de plus. Le ton monte tout à coup, la dispute éclate, couverte par la musique battant toujours avec force à leurs oreilles. Heath descend de son perchoir, prêt à intervenir, mais la jeune femme n’est déja plus en position de faiblesse; elle a mis le garçon à terre, et crie, et tremble - encore. Elle crie sa hargne, sa rage, elle crie ses problèmes, ses faiblesses, ses peurs, son amertume, son angoisse - Heath s’est déja emparé de ses bras, abaissant bien vite le poing levé par la jeune femme. Il l’éloigne, parle bas, tente de l’apaiser par sa voix douce et son flegme habituel. La furie est contrôlée sans mal, prisonnière entre le mur et Heath, la main de celui-ci dans le bas de son cou pour l’y plaquer en douceur, tandis que dans son dos le jeune homme s’est relevé, et provoque, et insulte.
Heath se contente d’un regard par dessus l’épaule, un regard qui n’a rien d’agressif mais possède suffisamment de menaces en lui pour maintenir le jeune homme à l’écart. Un solide « Dégage. » est lancé au garçon ivre, et Heath le fixe tout au long des bougonnements de ce dernier. Finalement, le dénommé Connor s’éloigne de quelques pas, troublé, coléreux, mais ne semble pas avoir envie de se confronter à cet inconnu qui protège Charlie.
Le E tourne finalement le regard vers elle, et immédiatement c’est un grand homme baraqué qui se joint à eux - probablement l’un des types chargé de mettre dehors quiconque a un comportement menaçant. L’homme les questionne, s’assure que Charlie va bien, regarde d’un mauvais oeil Connor. « Ca va il emmerdera personne d’autre, il a un peu bu mais il est pas méchant. »
Parce-que c’est un ami de Charlie, et que, aussi étonnante soit elle, il pense pouvoir cerner le genre de personnes qu’elle fréquente. Et puis, n’ayant pas osé s’en prendre à Heath, il ne risquait pas d’embêter les gens qui traînaient ici, tous plus baraqués, barbus et tatoués les uns que les autres. « Ca va aller ? » Un doigt sous le menton de Charlie, son regard dans le sien, le calme après la tempête est restauré par le « pilier » du groupe. Et sans vraiment attendre, et parce-qu’ils sont prêts d’une porte de secours, il saisit son poignet, l’entraîne à l’air libre, à l’air frais, ne s’étant arrêté qu’une minute au comptoir pour récupérer sa veste. Quelques pas dehors, et par principe, parce-qu’il est dehors et qu’il faut s’occuper les mains, c’est son paquet de cigarettes qui trouve rapidement son attention; ce qui ne l’empêche pas de lever sur elle un regard attentif, lui tendant sa veste pour la couvrir. « ... Tu veux retourner à la voiture... ? »
Mon poing s’abaisse, grâce à un Heath que je n’ai pas vu arriver. Mais le plus marquant, c’est que ma volonté de frapper s’est envolée à son contact. Je n’ai vraiment pas la force nécessaire pour me battre. Pathétique. Je me laisse entrainer, guidée par la voix du E mais sans vraiment prêter attention à ses mots. Everything’s blurry. La paroi du mur sur laquelle s’échoue ma main, la sienne dans mon cou, la voix familière de Connor, la voix dure de Heath… Des sensations, juste des sensations. Ça maintient la connexion, sinon je risque certainement de me couper de ce qui m’entoure. Et puis, il y a de brefs retours forcés à la réalité. D’abord le videur -ou peu importe son job : il s’enquiert de la situation, se sent concerné. Heath conclut assuré que Connor n’est pas méchant et ça me fait lever la tête, poser un regard troublé sur lui. Comment sait-il ? Mais, dans un sens, soulagé que ça n’aille pas plus loin, je vrille mon regard sur le barbu qui me détaille. Je me détends moins d’une seconde, affiche un sourire de circonstance se voulant rassurant. Je déglutis. Il s’éloigne. Et le malaise revient aussitôt.
__ Ça va aller ?
Il force son chemin jusqu’à moi, inquiet et bienveillant. Mais malgré tout ça, ou à cause de ce cœur qui a retrouvé un rythme de battement lourdement intense, je reste muette. Un hochement de tête veut lui dire oui. Mécanique. Mais dans le même temps, le chef d’Entropy -qui abandonnera son poste pour une autre bataille- m’embarque ailleurs et je suis. Passive. Un arrêt obligatoire tout de même qui me permet de revoir le videur a l’allure résolument collante à tous les clichés qu’on peut avoir en tête. Il tient deux verres en main et m’en tends un. C’est cadeau, un petit remontant apparemment. J’ai donc l’air misérable. Je m’empare du verre, bois une gorgée avant de grimacer. Ew ! C’est amer.
__ C’est pas mon type de boisson.
Mais je finis quand même d’une traite, puis chipe le sien pour répéter l’opération. Je m’humecte les lèvres. Nouvelle grimace auquel s’ajoute un non de la tête.
__ Vraiment pas mon truc. Mais merci.
Je lui rends ses verres, un signe de main pour le saluer et il nous observe passer la porte de l’entrepôt.
La veste en cuir que je reconnais bien apparaît dans mon champ de vision. Je m’en empare et la garde dans mes bras que je croise devant moi, avec ce réflexe que je ne connaissais pas tant que ça jusque-là n’étant pas coutumière du froid et de la frilosité : je tremble. Et me raccroche à ce cuir en restant aussi droite que possible. Non, alors que j’aurais pu simplement la passer sur mes épaules, mes doigts s’y cramponnent.
J’entends à peine sa question, concentrée sur rien, hormis le Mississipi étendu devant nous. Et à la place, une honnêteté soudaine s’agrippe à mes cordes vocales.
__ Je veux rentrer à Prismver.
…
__ On me prend beaucoup moins en grippe là-bas. Vous êtes… C’est plus tendre. … Quoique. Hahaha… 'Fin tout dépend de ce qui fait le plus mal, les coups au corps ou les coups au cœur. Hahaha… Mon rire forcé ne parvient pas à étouffer les sanglots perceptibles dans ma voix. Mais je m'obstine, le regard droit devant moi. __ Mais il a raison. I'm a runner. Et je peux pas. Pas cette fois. Faut que je règle les choses ici une bonne fois pour toute –ma conversation avec Cale me revient. And then, I'd be able to not look back. __ Je peux pas leur en vouloir en fait. Et ça va passer. Oui, ça va passer et ça va aller. C'est rien. C'est pas grave. Everything will be okay, right ? Because, if it’s not okay, then it’s not the end. Je lève le nez vers Heath, tente un sourire alors que mes prunelles naviguent dans les siennes comme pour chercher une confirmation. Puis je détourne le visage vers le bitume, les sourcils se froncent légèrement. So this time, I'll stay. On se ressaisit. Stay strong. Éponge, absorbe. And then, we’re all gonna heal from this hell. __ J'ai juste besoin d'une minute ou deux. Ou un peu plus. I don't know. Je déglutis. Allez, ravale tout ça. Ravale Charlie.
Et je m’échappe. Entend rejoindre la voiture, mon corps en tête de fil. Conductrice silencieuse. As feelings become stronger to handle… Words become insufficient. Une errance au milieu des containers s'est jouée : lost and unfocused. Heath a laissé faire sans intervenir. Je pense avoir zigzagué un coup ou deux. Puis j’ai appelé Inès pour lui dire qu’on repartait et pour m’entendre dire qu’elle restait avec Connor, que tout ira bien. Le cœur plombé se tord d’inquiétude. Est-ce que ça va aller ? Est-ce que ça va vraiment aller ? Crumbling.
En arrivant à hauteur du parking, je ralentis enfin la progression. Mes pas s’étant accélérés d’eux-mêmes au fur et à mesure malgré l’instabilité de mes jambes. Walking disaster.
__ J’suis désolée Heath. La soirée devait être pour toi...
Je glisse une main dans la poche de sa veste, mais galère. Je daigne donc enfin l’enfiler et trouve finalement les clés du pickup et je réalise du même coup à quel point j’avais froid.
__ Tu peux retourner faire du skate si tu veux. Je vais rester là.
Une main sur la vieille carrosserie. La clé dans la serrure –côté conducteur. Un instant de silence comme si je plongeais à nouveau ailleurs, sans entendre sa réplique. I do as I want. Et je déverrouille la carcasse métallique, le visage rivé sur le siège...
Parce que je suis partie peu de temps après le décès d'Aaron, que je t'ai trouvé et que je me suis raccrochée à toi sans le prévoir et que j’ai été assez insouciante pour te laisser le sentir. Trop sensible, trop honnête ou juste humaine : peu importe. C'est juste horrible et immature de faire ça à quelqu'un comme toi. Tu as trop de cœur Heath. Je l’ai su dès le départ, dès la première minute où je t’ai vu, j’ai su que tu étais quelqu’un de bon et tendre derrière tes airs de badboy arrogant et faussement indifférent, sarcastique ou tout autre défaut qu'on peut te mettre sur le dos. Tu es trop gentil avec moi. Et je sais pas comment répondre à tout ça, surtout à cet instant...
__ Ou alors, je te dépose à l’aéroport. J’ouvre la porte presque violemment. Oui, c’est ça. Tu repars maintenant. Je te ramènerai tes affaires après. Je grimpe pour me placer derrière le volant, soudainement bornée et comme dans l’urgence. Parce que tu peux pas rester ici plus longtemps. Clé sur le contact. Tu peux pas. Je peux pas te laisser faire et perdre ton temps. Don’t waste yourself for me.
Nouveau tremblement. Sauf qu’au départ, je pense que c’est pour ça que la voiture ne démarre pas. J’ai mal tourné la clé. C’est forcément ça. On n’est pas dans film dramatique qui va nous obliger à passer la nuit au milieu des docks glauques, n’est-ce pas ? Et au fur et à mesure que je tourne, puis retourne le bout denté et que je répète qu’il ne doit pas rester, qu’il doit partir, je m’énerve en faisant une fixette sur le volant, la clé, tout, sauf Heath. I never meant to cause you trouble. Respiration plus que saccadée. Il y a comme un bouchon d’air. Suffocation abrupte. Et oui et oui, on peut bien ajouter une petite crise de panique au tableau.
__ Pourquoi y a jamais rien qui marche ?!
I may seem strong, but even if that’s the case, someday, I will break.
#ff6633 (;
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Sujet: Re: N-O. Ven 4 Juil 2014 - 1:21
Elle ne met pas la veste. C’est que ce con la est tellement d’un naturel galant qu’il lui a donné sans réfléchir, oubliant encore une fois que grâce à son don elle peut se passer des gestes attentionnés de Monsieur. Il ne capte la chose que plus tard, lorsqu’elle est dos à lui, le regard dans l’eau. Elle va mal. Et un regard pour elle convainc Heath de ne pas (encore) fumer - faut qu’il arrête, bordel de merde, faut qu’il soit plus fort que ça. Le paquet est de nouveau glissé dans sa poche arrière, et les poches avant de son jean accueillent ses mains. Son regard quitte la nuque de Charlie pour trouver le sol, le bout de son pied s’y tape, patient. Il lui laisse le temps de penser, ou du moins, espère qu’elle arrête de penser.
« Je veux rentrer à Prismver. » Ok, pas de problème, ils rentreront dès demain. « On me prend beaucoup moins en grippe là-bas. C’est plus tendre. … » Il hausse grand les sourcils; Prismver, tendre ? C’est pas le mot qu’il aurait choisi. « Quoique. Hahaha… » Un rire nerveux qu’il comprend - à Prismver il n’est pas le seul à avoir des problèmes, elle aussi en a. S’en suit un monologue à la Charlie, de ceux qu’il a l’habitude d’entendre d’une oreille, n’écoutant que ce qui selon lui mérite une attention particulière. Il la rejoint néanmoins, se met à sa hauteur, pose le regard dans l’eau, un peu plus loin, sans la regarder. « J'ai juste besoin d'une minute ou deux. Ou un peu plus. » Il suit le pas lentement, lui offrant la distance qu’elle a voulu imposer. Elle marche, et parce-qu’il se soucie d’elle, il s’efforce d’activer son don - à croire que ses monologues lui manquent vite. Il veut écouter, il veut comprendre, mais l’esprit embrumé de Charlie allié à la mauvaise maîtrise de son don rend ses pensées inaccessibles, ou presque - n’en ressortent que des bribes, des émotions, des ressentis. Toujours les mêmes, ceux qui empoisonnent son esprit depuis qu’elle est revenue dans cette ville ou elle a grandit, dans cette ville ou elle a perdu tant. Ce voyage était une erreur, non pas pour lui mais pour elle; son humeur grimpe et dégringole comme un yo-yo, et avec ça ses nerfs et son angoisse. Et il leur en veut, à ces gens. Ces gens qui, quoi qu’il se soit passé, n’ont pas conscience du caractère de Charlie. Elle prend sur elle, elle accumule, et surtout, elle prend pour elle. Dangereux défaut, et défaut que lui-même ne connaît que trop bien.
« J’suis désolée Heath. La soirée devait être pour toi... » « J’men fou d’ça. » « Tu peux retourner faire du skate si tu veux. Je vais rester là. » « Ts. T’es ridicule. »
Agacé qu’elle puisse sincèrement croire qu’il préférerait être en train de faire du skate plutôt que d’être présent à ses côtés alors qu’elle ne va pas bien. Et ses nerfs se tendent, parce-qu’elle recommence. Elle recommence à tout prendre pour elle, et ça le fatigue, de lui répéter inlassablement ce que lui-même n’est pas capable d’appliquer.
« Ou alors, je te dépose à l’aéroport. » « Pfff... »
Cette fois il hoche la tête, yeux haussés, se détournant d’elle les mains toujours dans les poches. Souffle exaspéré, il veut lui faire comprendre combien tout cela est ridicule, lui faire prendre conscience qu’il faut qu’elle se reprenne. Mais sa réaction n’a pas l’effet désiré, aussi, il l’entend de nouveau dans son dos, rivant un regard de côté sur elle, haussant les sourcils à ses propos..
« Oui, c’est ça. Tu repars maintenant. Je te ramènerai tes affaires après. » « No way. » « Parce que tu peux pas rester ici plus longtemps. Tu peux pas. Je peux pas te laisser faire et perdre ton temps. » « Mais ferme-la putain ! »
Et elle est dans son délire, dans sa crise, ne l’écoute même plus; elle est dans sa bulle de tension, dans laquelle ses nerfs se crispent, son angoisse monte, et toute semblant de raison dégringole. Il la voit s’acharner sur le volant, sur la clé, taper ce qui se trouve sous sa main et geindre - il la voit craquer.
Et dans tout ce chaos qui entoure la jeune femme, une respiration saccadé, un regard qui se trouble. Des symptômes qu’il ne connaît que trop bien. Le sang-froid, il fait abstraction de tout le reste, s’approche et prend appui sur le fauteuil d’une main, l’autre venant s’imposer avec force sur le nez et les lèvres de Charlie. Etouffe. Il lui bloque totalement la respiration, serrant la mâchoire, ignorant ses mains qui essaient de défaire sa prise et son corps qui gesticule près de lui. Il l’étouffe, reste aussi stoïque que possible, concentré, guette le moment ou elle paniquera réellement, manquant gravement d’air. Et le moment vient, il s’ôte rapidement, le coeur battant à grande vitesse sous la peur de lui avoir fait plus de mal que de bien. Mais quelques secondes après il sait qu’il a vu juste: sa crise de panique a été tuée dans l’oeuf, car une façon de la stopper consiste à arrêter de respirer.
...Le genre de chose qu’on sait quand on est victime de ces crises. Et parce-qu’elle n’est pas au courant, parce-que Joach est le seul à savoir qu’Heath en fait, et pas des tendres, ce dernier se redresse, arrachant les clés du contact pour sortir son buste de l’habitacle de la voiture. Et, plus rapide qu’elle, il ferme la portière et verrouille la voiture, Charlie coincée à l’intérieur, clés dans la main d’Heath. Il porte alors un regard lourd sur elle, signifiant plus que clairement un “on bouge pas d’ici tant que t’es pas calmée”. Qu’elle crie, qu’elle pleure, qu’elle frappe le volant et tout ce qui passe à porter de main; pourvu qu’elle se calme. Et parce-que lui en a aussi besoin désormais, il se laisse tomber à terre, face à la vitre de Charlie, s’allumant une clope parce-qu’il est faible. Et parce-qu’il en a sacrément envie. Il ne la regarde plus, il regarde partout ailleurs, portant régulièrement le bâtonnet à ses lèvres, s’apaisant. Il s’efforce de retrouver son flegme habituel, d’assurer ce rôle de pilier qu’on lui prête - et décidément dont Charlie à grand besoin. A quoi aurait ressemblé ce voyage, sans lui ? Aurait-ce été mieux ? Ou au contraire ? Il ignore totalement Charlie, ne veut pas voir dans quel état elle est - elle ne craint rien, enfermée là. Sécurité imposée. Peut-être, oui, peut-être qu’il a un grand coeur, qu’il se soucie des autres. En vérité il se soucie de très peu de gens, mais serait capable de beaucoup pour eux - et il lui faut vivre cette expérience pour en arriver à cette conclusion.
Mégot écrasé au sol, il lève enfin les yeux sur elle. Elle paraît calme. Elle a du le maudire de l’avoir enfermée, mais il s’en fiche; quand il veut quelque chose, il l’obtient, même si les méthodes sont douteuses. Similaires. Similaires et opposés à la fois. Il ouvre la porte, lui ordonne de bouger sur le siège passager; c’est qu’il sait se faire obéir, le leader. Il n’est plus question de suivre gentiment le mouvement, de se laisser guider par une Charlie qui devient un peu plus folle à chaque étape du voyage. Il prend les choses en main, et elle va se calmer - il s’en assurera. Il prend place au volant, silencieux, le visage dur, insère la clé et va pour démarrer; un bruit étrange retentit, mais après trois essais il comprend la petite manip’ à faire et démarre la vieille caisse qui, comme toutes les vieilles caisses, à ses petits caprices.
Et il prend le chemin de la sortie des docks, ouvrant grand la fenêtre pour y déposer son coude et bénéficier d’un bon gros vent en pleine figure - ça fait pas de mal. La musique est forte, il a monté le volume pour ne pas avoir à subir de silence, et pour ne pas avoir à lui parler. Cillant, il serre la mâchoire après quelques minutes de silence entre eux, fixant la route - il a les nerfs. Il est en colère, en colère contre elle. Et malgré sa volonté de ne pas parler, il fini par hocher la tête de gauche à droite, soupirant, et biaisant sur elle un regard dur.
« T’es pas croyable. » Et il n’y a ni amusement ni ironie dans ses propos. La mine fermée, il cherche son regard, conduisant avec le bas de la paume de sa main pour lever ses doigts, ne pouvant s’empêcher de parler avec les mains. « Sérieux, Charlie, faut qu’tu te calme putain. » Il la quitte cette fois des yeux, courroucé. Il ne comprend peut-être pas tout à cette histoire là, qui le dépasse de trop, mais il la connaît Charlie; peut-être que désormais il la connaît même mieux que tout ces gens auprès desquels elle a grandit. Et lorsqu’il reprend parole, étonnement bavard, sa voix est forte, irrité, autoritaire. « Tu les emmerde ces gens ! C’qui est arrivé c’est pas ta faute, y’a des gens qui meurent, tout les jours, on y peut rien ! Qu’ils aillent se faire foutre putain, t’es pas responsable, arrête de toujours tout prendre pour toi, tu peux pas porter le monde entier sur ton dos okay ?! Alors putain sois plus forte que ça, arrête de douter et fonce, et ceux qui veulent te ralentir tu les emmerde Charlie ! Y’en a marre qu’tu te rende malade ! » Et son ton est monté, comme un adulte engueulant son gosse; ça n’arrive jamais qu’Heath monte le ton, si bien qu’une fois chose faite il s’en rend compte et souffle avec force, jetant son regard à l’opposé et s’enfonçant un peu plus dans son siège - mais qu’elle ne s’y trompe pas, si il lui prenait l’envie de lui répondre de la même façon, il est prêt à l’engueuler de nouveau - et il haussera la voix autant qu’il le faut pour couvrir la sienne. Il est chaud, il est bouillant, et c’est trop rare qu’il en arrive là - il ira jusqu’au bout pour lui faire fermer sa bouche et comprendre qu’il a raison, qu’elle le veuille ou non.
Parce-qu’au bout d’un moment faut arrêter de déconner. nomdediou.
Aura. Charisme. Force. Il s’impose férocement. Je me fragilise pleinement. Panique encore plus. Qu’est-ce qu’il fait ?! Réflexe : je tente de fuir, m’enfonce dans le siège, les bras en avant pour le rejeter. Qu’est-ce qui se passe ? Je ne comprends pas. Il m’étouffe. Heath m’étouffe. Je peux plus respirer. La peur au bord des yeux, je m’accroche pourtant irrémédiablement à lui. Quitte à devenir folle, autant l’être jusqu’au bout cher bourreau. Parce qu’il ne sait pas l’effet que ce type de situation me fait. Ce n’est pas l’étranger qui m’agresse en fin de soirée, mais cette nuit, l’espace clos et la confusion du moment ont piétiné mon esprit, ravivé une angoisse parmi d’autres. Dizzy.
Boule au ventre vs. Libération des poumons = incompréhension. Et puis, tout s’est stoppé d’un coup d’un seul. Une paix toute relative mais j’ai retrouvé mon souffle. Comme si c’était la première fois que je respirais aussi bien depuis quelques jours. C’est ce que je me suis dit alors que je suivais machinalement du regard les gestes du E s’emparant de la clé.
Petit temps nécessaire pour percuter. La clé, la clé… La clé ! Je vrille vivement vers lui et la porte se referme presque immédiatement, coupant net mon élan. Il lock. Mes mains sur la poignée tente un coup. Calme. Puis mes poings frappent la vitre. Énervée.
__ Heath ! Ouvre cette porte ! Fais-moi sortir ! Ouvre-moi tout de suite !! … J’en ai rien à faire de ton regard de chef ! Je suis pas ta subordonnée. Ouvre-moi ! Je veux sortir ! Heath !!
La voix certainement étouffée, j’aurais beau dire ou tambouriner. Il s’en tape le coquillard. Il s’assoit même par terre pour fumer sa clope. Et il m’ignore. Fumier ! Et le klaxon, tu connais ? Ta petite pause-cigarette loin des emmerdes, je vais te la réduire à néant ! T’as voulu venir, alors encaisse ! Donc, oui. J’avoue. J’assume. Je me suis lâchée sur le « buzzer » pendant une bonne minute. Mais le pire, c’est que ce petit con n’a même pas cillé. Et sauf que après, j’ai cherché à sortir par la petite fenêtre qui donne sur la remorque. Mais bien évidemment, vieille carlingue oblige : la vitre est toujours bloquée. Je me mets en tête -on-ne-sait-pas-comment- de trouver le double des clés DANS la dite-voiture concernée. Au moins, ce sont les objets qui prennent. J’ai tout retourné, fait valdinguer pas mal de trucs, y compris mon sac et mon téléphone. Lorsque le petit objet de technologie glissa violemment de mes mains, j’ai eu une prise de conscience très brève de mon geste et j’ai voulu le rattraper. Fail total. Mais ce détail sur lequel se concentrer fit redescendre mon hystérie de quelques crans. Rassurée que l’engin fonctionne toujours, je découvre enfin le sms d’Inès qui prévenait de l’état de Connor. Too late. J’aurais dû lire avant, je ne serais pas enfermée dans ma propre voiture –même si techniquement, ce n’est pas la mienne. Œillade mauvaise sur Heath. J’inspire avec force. Décidément, c’est mieux de ravaler cet excès bouillonnant d’émotions inconfortables. Puis je m’aperçois que j’ai d’autres messages. Ma mère et Agnès. Encore un de leur pari débile dont je suis la cible. Des mms bizarres que j’efface direct. Définitivement pas d’humeur. Je retiens tout de même qu’elles passent la nuit ensemble et que le petit déjeuner est prévu au resto.
+ P.S de la mère : Pas de cochonneries dans MA voiture. Merci bien.
La grosse blague. MAIS JE SUIS ENFERMÉE TOUTE SEULE DANS TA PUTAIN DE VOITURE !! Je souffle une nouvelle fois alors que j’enfourne mon téléphone au fond de mon sac. Puis j’entreprends de ranger mon bordel. Jim m’avait filé le tuyau une fois. Ranger, faire le ménage : ça calme les nerfs. Alors je teste, mais finis par m’enfoncer la pince-à-cheveux dans la paume de la main.
__ Ts.
Je lève les yeux au ciel. Agacée par tout ça. Je me contente de trouver un mouchoir et de serrer le poing pour que ça absorbe le petit filet de sang de rien du tout. Une large main passe de ma tempe à mes cheveux : j’ai l’impression d’avoir fait un marathon et c’est la relâche. C’est à ce moment-là que MONSIEUR je gère tout mieux que personne décide de revenir. Il m’intime de me décaler, j’obéis faussement docile et de mauvaise foi. Mon sac glisse de mes genoux. Fuck. Ça tombera pas plus bas. Je le laisse galérer avec le pickup en priant vivement pour qu’il ne trouve pas le truc. Ça lui casserait sa mécanique peut-être ? Je cille…
Surtout en repérant du coin de l’œil, ce visage dur que je ne lui connais pas. Y aurait pas un souci quelque part là ? C’est moi qui suis censée t’en vouloir et pas l’inverse. D’ailleurs c’est le cas. Je t’en veux. Je ne te comprends pas. Je détourne la tête vers la vitre pour mieux m’enfermer dans mon silence. Je m’en fous. Qu’il fasse ce qu’il veut après tout. Il ne sait faire que ça de toute façon. Tous autant qu’ils sont.
La musique à fond, le vent dans l’habitacle, le vrombissement du moteur : je pourrais rester comme ça un moment, ça m’irait très bien, si ce n’est que sa conduite est devenue beaucoup plus nerveuse que tout à l’heure. Ma main relâche le mouchoir en papier. C’est déjà fini. Je la pose sur le poignet que Connor avait agrippé avec force. Ça tire un peu. Ça fait mal, mais c’est pas grave.
__ T’es pas croyable. J’hausse un sourcil. Retiens de justesse de tourner la tête vers lui. Je te fais la gueule, remember ? Très mature, i know. Sérieux, Charlie, faut qu’tu te calme putain. Alors là, c’est le pompon. Je me tourne finalement vers le chauffeur. __ Excuse-moi, mais je suis très calme là. La voix est dure. Plus que ce que j’aurais cru. __ Tu les emmerde ces gens ! Incompréhension. De qui il parle ? __ C’qui est arrivé c’est pas ta faute, y’a des gens qui meurent, tout les jours, on y peut rien ! De ma famille qui ne l’est pas non plus vraiment ? J’écarquille les yeux. Comment il ose dire ça ? __ Qu’ils aillent se faire foutre putain, t’es pas responsable, arrête de toujours tout prendre pour toi, tu peux pas porter le monde entier sur ton dos okay ?! Oh pitié. Je lève les yeux au ciel. Le visage pivote de gauche à droite. __ Alors putain sois plus forte que ça, arrête de douter et fonce, et ceux qui veulent te ralentir tu les emmerde Charlie ! Mais de quoi il parle ? Me ralentir ? Je vais nulle part de toute façon, so what ? __ Y’en a marre qu’tu te rende malade !
Pincement au cœur, je le sens bien à ce moment-là, l’inquiétude de l’ami. Mais je la refuse en bloc. Je préfère me murer dans le silence encore un peu. Le temps que la colère gronde à nouveau. Claque à travers ma voix qui s’élève deux réverbères plus loin.
__ C’est facile de dire ça. J’aimerais vraiment bien avoir la même vision du monde que toi. Haussement d’épaules, je minaude, lève les mains, en fais des caisses. « La vie, la mort : c’est pas grave. No big deal. Ton premier amour crève dans tes bras ? T’as pas réussi à le réanimer ? Mais c’est rien, c’est pas grand chose. Il avait un problème, tu le savais et t’as rien fait ? C’est pas grave non plus. De toute façon : c’est trop tard. » Ces trois derniers mots sont accentués presque méchamment. Oui c’est trop tard. Et non, y a juste PAS QUE moi et mes sentiments totalement inutiles à prendre en compte. Tout le monde a été touché. C’est aussi simple que ça.
Les contractions musculaires reviennent. Les mains se serrent, la mâchoire aussi. Les sourcils se froncent. Je pivote véritablement vers le E, sérieuse.
__ Et tu sais quoi ? C’est pas porter le monde sur le dos. C’est ridicule de penser ça ! C’est faire avec. Autant qu’on peut. Parce que c’est une étape nécessaire pour que ça passe. Parce qu’il faut bien grandir. On peut plus être égoïste, Heath ! Donc oui je prends sur moi, c’est comme ça, point barre. Et puis…
La voix s’entrecoupe, les mains s’agitent. Parce que sa dernière phrase revient droit dans le cœur.
__ De toute façon, je vois pas pourquoi tu t’énerves. Qu’est-ce que ça peut bien faire que je prenne sur moi, que ça fasse un mal de chien, que j’ai envie de pleurer mais que je ne le fasse pas parce que je ne sais pas si je pourrais m’arrêter ou que, à l’inverse, je crève d’envie de tous vous envoyer vous faire foutre ?! Je me suis redressée, inclinée vers lui, les mains échouent sur son épaule, prête à le bousculer un peu plus crescendo. Hein ? Qu’est-ce que ça peut te faire que ça me ronge, que ça me rende malade ou que sais-je encore ? La voix devient tremblante, part dans les aïgus. En quoi ça te concerne ? Je t’ai jamais demandé ton avis ! Pourquoi t’es là d’ailleurs ? Pour te donner bonne conscience ? Et je tente une mauvaise imitation de sa voix : « Vous comprenez mon ex-sexfriend a des soucis alors je joue les chevaliers servants. » Bon prince.
Sarcasme déjà regretté amèrement. Celui-ci et celui à venir. C’est bas. C’est tout ce que je ne pense pas, ou du moins qu’à moitié quand je doute de lui mais surtout de moi, de ma position et de ce qu'il pense de moi.
__ Ah mais non ! C’est vrai, on est amis. J’avais zappé vu que je te fais tellement pitié.
Mauvaise. Oui je peux l'être autant que toi. Alors qu'en réalité, on est juste deux cons qui se soucions juste trop des autres. Et on n'a pas les couilles d'assumer ça.
Pourquoi tu te concentres pas sur Ahsley qui se remet toujours pas de sa rupture avec Jim ? De Gautier qui part en vrille ? T’as largement de quoi faire dans la rubrique des cœurs amochés, tu n’as qu’à te servir.
Je me rassois après avoir eu une putain de bouffée de chaleur.
__ Surtout que… Avant toute chose, il faudrait peut-être que cette relation soit équitable pour que ça marche. Parce que toi tu m’approches, mais la réciproque, elle n’existe pas. Jamais je serai en mesure de te rendre la pareille, d’être là pour toi quand tu en as besoin ou whatever. Ma main claque l’air autant que le ton de ma voix. Et tu t’es bien assuré que ça se passe comme ça. Et je me suis laissée faire, parce que c’est moi qui ai commencé le jeu. Sauf que j’ai perdu.
Et je sais pas si je pense ce que je dis ou si c’est juste la colère qui devient poison. Ça sort tout seul. Dès le départ, c’est toujours moi qui met les pieds dans le plat, appuie sur la gâchette, etc. etc. Ah. Quoique. Force est de constater que cette fois, il a pris les devants. C’est parfait.
__ Mais attend, « vision de Heath » : t’as foiré le truc, Charlie ? C’est pas grave. Vraiment, c’est pas important de foirer toutes tes relations les plus importantes. Il suffit d’emmerder tout le monde. BAH OUI. J’T’EMMERDE !
Nouvelle envolée de voix avant de se briser lamentablement. Je me détourne. Parce que ça fait mal de dire ça. Que ce soit sous le coup de la colère ou non, c’est juste horrible. Je suis juste horrible. Qu’est-ce que je viens de dire ? Les mains dans les cheveux. Angoisse qui me rattrape. C’est puéril tout ça. Puéril ! Puéril ! Puéril ! Des mômes !
Si il n’avait pas été là aussi… Mon visage se crispe. Oui si il n’était pas venu, on n'en serait pas là. Je relève la tête, lève la main, dresse un doigt vers lui comme pour continuer ma pensée à voix haute. Putain d’obstination, alors qu’il suffirait d’accepter de pleurer ou lâcher-prise !
__ Oui ! Si t’avais pas…
#ff6633 Enjoy.
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Sujet: Re: N-O. Ven 4 Juil 2014 - 16:14
Sa mère allait bien. Après avoir fait cette constatation, Heath s’est dit que ce voyage serait pour eux l’occasion de se poser, de prendre du recul. De calmer le feu ardent qu’est leur vie prismverienne. De s’apaiser, tranquillement, lors de vacances bien méritées.
De retrouver calme, sagesse et maturité.
- C’est facile de dire ça. J’aimerais vraiment bien avoir la même vision du monde que toi. - Ouais bah ça faciliterai les choses. - La vie, la mort : c’est pas grave. No big deal. - Exactement. - Ton premier amour crève dans tes bras ? T’as pas réussi à le réanimer ? - C’est comme ça. - Mais c’est rien, c’est pas grand chose. - J’ai pas dis ça ! Arrête de - Il avait un problème, tu le savais et t’as rien fait ? C’est pas grave non plus. - Charlie, tu peux pas tout... - De toute façon : c’est trop tard.
Boule de nerfs. Il se retient à grande peine d’exploser, se concentre sur la route, sa langue trahissant sa nervosité dans son éternelle manie. Il ne répond pas à la suite, selon quoi tout le monde a été touché. Il le comprend très bien, ça, mais justement, ils devraient se serrer les coudes au lieu de se déchirer entre eux, au lieu de la déchirer elle. Et il a envie de lui expliquer, mais comme elle, ne lui vient en tête que le sarcasme et les formules déstinées à faire plus de mal que de bien. Stupides. Stupides gosses.
- Et tu sais quoi ? C’est pas porter le monde sur le dos. C’est ridicule de penser ça ! - T’a raison.
Là où son attitude crie l’inverse. Heath regarde ailleurs, Heath se ferme, comme toujours: les prises de têtes, tout le groupe sait que c’est sa kryptonite, à Ackland. Il veut bien se battre. Il veut bien réconforter (quoi que ?), mais crier dans le vent face à un sourd, c’est bien là ce qu’il a en horreur. Le torse gonflé par la nervosité, il fixe la route, la mine dure.
- C’est faire avec. Autant qu’on peut. - Vachement ouais ! Tomber dans les pommes et limite te faire frapper par ton pote j’appelle pas ça faire avec ! - C’est une étape nécessaire pour que ça passe. Parce qu’il faut bien grandir. - Tu fais la gamine Charlie ! - Je prends sur moi, c’est comme ça, point barre. - Tu prends rien, tu t’écroule !
Et c’est le leader qui parle. C’est le Heath qui défit une administration, qui défie Prudence et autres A arrogants; le Heath dans lequel on trouve toute la force d’un pilier capable de porter bien des choses. L’ami solide, mais aussi l’ami téméraire, inconscient. Loin du Heath calme et posé qui réfléchit, loin de celui qui a pris le coeur d’Ulysse et qui doute de lui-même, se perd. Le brun assassine Charlie du regard lorsqu’elle pivote vers lui.
- De toute façon, je vois pas pourquoi tu t’énerves. - Bah voyons. - Qu’est-ce que ça peut bien faire que je prenne sur moi, que ça fasse un mal de chien... - Tu crois que ça m’fait rien ? - ...que j’ai envie de pleurer - J’suis sensé t’ignorer ? - ...mais que je ne le fasse pas parce que je ne sais pas si je pourrais m’arrêter ou que, à l’inverse, je crève d’envie... - Tu veux que je sois moins égoïste et à la fois que je me désintéresse de tes problèmes ? Putain mais met de l’ordre dans ta... - de tous vous envoyer vous faire foutre ?!
Plus rien n’a de sens, et un coup d’épaule est donné pour se dégager d’elle tandis qu’il continue tant bien que mal de se concentrer sur sa conduite.
- Qu’est-ce que ça peut te faire que ça me ronge, que ça me rende malade ou que sais-je encore ? - T’a raison ! Ca m’fait rien ! Rien a foutre ! - En quoi ça te concerne ? Je t’ai jamais demandé ton avis ! Pourquoi t’es là d’ailleurs ? - J’suis là parce-que - Pour te donner bonne conscience ?
Claque. Il la fixe, trois secondes, reportant rapidement son regard sur la route parce-qu’il le doit, outré, sans voix.
- « Vous comprenez mon ex-sexfriend a des soucis alors je joue les chevaliers servants. » Bon prince. - Mais ferme ta gueule !
Un coup violent est donné sur le volant, et il commence à chercher un endroit où se garer, parce-que responsable, il se sent plus dangereux qu’autre chose avec ce volant entre les mains.
- Ah mais non ! C’est vrai, on est amis. J’avais zappé vu que je te fais tellement pitié. - T’es conne. - Faudrait peut-être que cette relation soit équitable pour que ça marche. Parce que toi tu m’approches, mais la réciproque, elle n’existe pas. - M’en branle. - Jamais je serai en mesure de te rendre la pareille, d’être là pour toi quand tu en as besoin ou whatever. - J’ai b’soin de rien. - Tu t’es bien assuré que ça se passe comme ça.
Nouveau regard assassin, yeux plissés, parce-qu’il ne comprend pas où elle veut en venir mais que c’est une pure accusation, et qu’il est pas d’humeur à prendre ça autrement que par la rage.
- Je me suis laissée faire, parce que c’est moi qui ai commencé le jeu. Sauf que j’ai perdu. - Pff allez tu r’pars dans tes délires, vas-y tout seule j’suis pas d’humeur. - Mais attend, « vision de Heath » : t’as foiré le truc, Charlie ? C’est pas grave. Vraiment, c’est pas important de foirer toutes tes relations les plus importantes. Il suffit d’emmerder tout le monde. BAH OUI. J’T’EMMERDE ! - Et j’t’emmerde aussi ! Waho ! Jackpot !
Et elle va pour continuer, tandis que lui donne un coup de volant pour entrer dans un parking; parking dans lequel il coupe le moteur, attrape le pan de veste que porte Charlie pour y dénicher son porte-feuille, jette les clés de la caisse sur ses cuisses et sort de la voiture. Une main glissée sur la fenêtre ouverte, un regard lourd jeté à la va-vite. « J’rentre en tram. Fais pas n’importe quoi. A toute. »
Et il se détourne de la voiture, glissant son porte-monnaie dans sa poche arrière, sortant son portable et ouvrant l’application Maps en s’éloignant. Il a le ventre serré, la main qui tremble. Elle va faire n’importe quoi. Si elle conduisait n’importe comment ? Qu’elle avait un accident ? Ou si elle ne rentrait pas ? Souffle. Tension. Il a l’impression d’avoir à faire à un gosse qu’il faut surveiller. Epuisant. Et il a besoin de fuir, parce-que c’est toujours ce qu’il fait, quand il perd le contrôle. C’est ce qu’il a fait avec Charlie, c’est ce qu’il a fait avec Ulysse. C’est ce qu’il fait avec Entropy.
Marche arrière. Il revient sur ses pas, angoissé à l’idée qu’il ne lui arrive quelque chose par sa faute. Angoissé à l’idée d’avoir à porter quoi que ce soit de plus sur ses épaules. Sa tête passe de nouveau à travers la vitre, et il la pointe du doigt; il a pas prévu ce qu’il allait lui dire, il sait pas quoi dire d’ailleurs. « Moi qui m’demande des fois pourquoi on est pas ensemble, en fait c’est obvious. Merci d’me l’rappeler. » Et il ressort de nouveau sa tête, décidé à partir: elle a pas 4 ans. Mais dans le doute, « si t’es pas chez toi quand j’arrive j’appelle les flics. » Et il le fera, sa voix lourde de menace et intransigeante le lui fait comprendre. Une tape sur la portière de voiture, et il reprend sa marche, cherchant l’arrêt de tram le plu proche sur son écran de téléphone - la tête en vrac.