.: Il faut un début à tout ! ✩ PV. Salem L. Fey :.

Il faisait plutôt beau cette après-midi là. Je m’étais levée de super bonne humeur et de super bonne heure aussi. Je m’étais aussi baladée un peu dans la cour intérieure avant de rejoindre ma classe au 4ème étage. Comme à son habitude, la salle était plutôt silencieuse, tout le monde travaillait avec attention. Je notais tout ce que le professeur disait, mais j’étais un peu distraite ce jour-là je dois bien l’avouer. En fait, je regardais par la fenêtre et le soleil me rendait plutôt joyeuse, j’avais vraiment envie de sortir dehors. J’écoutais aussi un peu les discussions d’à côté, nous étions en groupe et nous travaillions sur une manipulation chimique. Je ne me mêlais pas vraiment à l’échange mais, je me contentais d’écouter avec attention. Les yeux rivés sur le bécher qui contenait l’objet de tous les questionnements, je me rendis vite compte que tout le monde me regardait avec un léger sourire sur les lèvres. Ah, oui, j’ai compris.


" Vous ne voulez quand même pas que je le fasse ? Ca serait pas de la triche … ? "

Je souriais moi aussi, j’avoue même que ça m’amusait. Ici, nous avons tous un don particulier qui nous différencient tous l’un de l’autre. Et le mien, bah c’est la capacité de manipuler les atomes à ma guise. Ça à l’air d’arranger mon groupe d’ailleurs, qui aimerait bien que je les aide un peu à réussir l’expérience. En riant un peu, j’approchais ma main du récipient de verre et posa mon doigt juste à la surface du liquide, je le retirais rapidement pour éviter que cela ne s’attaque à ma peau, on ne sait jamais avec ce genre de choses. La solution était un peu acide, mais pas trop, surement entre 2 et 3… Carbone, hydrogène, oxygène … De l’acide acétique surement. Pas grand-chose de bien folichon, mais je ne préfère pas laisser trainer mes mains dans ce genre de produits, il m’arrivera une emmerde un jour, si je continue. Je commençais à avoir l’habitude et ces atomes-là, je les connaissais bien alors aucun problème pour les reconnaître. En seulement une seconde j’avais pu capter tout cela et réorganiser quelques molécules. J’aidais ensuite les autres à compléter leurs fiches et les expériences à faire. En général, les autres aiment bien se mettre avec moi pour la physique-chimie, car je peux facilement trouver les composants d’une solution et c’est vrai que ça facilite le travail. Puis, si je peux aider, ça ne me dérange pas de me servir de mon don.

L’heure passa rapidement, les suivantes aussi d’ailleurs. Je décidais de me dépêcher de manger pour pouvoir aller faire un tour dans le parc cet après-midi. Je n’avais plus cours pour la journée alors autant profiter du moment ! Du coup, je suis passée dans ma chambre me changer, une petite robe noire et blanche, plus adaptée au temps que ma tenue de ce matin… Et puis avoir les bras et les gambettes à l’air quand il fait beau c’est franchement agréable. Je suis aussi passée prendre mon violon, embarquant son étui avec moi dehors, je suis tranquillement allée dans le parc de Prismver. Il n’y avait pas encore beaucoup de monde, hormis un couple sur un banc et deux filles en train de prendre leur déjeuner un peu plus loin dans l’herbe. Je suis passée à côté d’une des fontaines du parc pour regarder l’H2O … L’eau je veux dire, déformation "professionnelle".

Après quelques instants, je me suis assise au bord de celle-ci en prenant soin de ne pas me mouiller les cheveux ou les fesses et après avoir replacé ma robe pour ne pas qu’on voit en dessous. J’ai ouvert l’étui de mon violon pour prendre la bête avec moi. Je suis vraiment fière de cet instrument, je l’ai depuis très longtemps maintenant et il est très précieux, alors j’en prends vraiment soin. Il n’y a qu’une seule rayure sur le bois, au niveau de la table d’harmonie, que j’ai faite quand j’étais petite sans y prêter attention. Mais c’est mon violon, je ne veux pas en changer. Bref, j’ai saisi l’archet dans l’étui et j’ai placé l’instrument contre mon menton avant de commencer à jouer un des Caprices de Paganini, le 24ème pour être précise. Quand je joue, je suis totalement absorbée ailleurs et totalement concentrée. Je fermais les yeux et je me concentrais sur ce que je faisais. J’adore jouer. Je le fais depuis petite et je m’améliore de jours en jours, même si je ne suis pas toujours satisfaite et qu’il m’arrive encore très souvent de faire des fausses notes. Je suis quand même heureuse du résultat final, quand j’ai l’occasion de m’enregistrer jouer. C’est un moment magique en tout cas, celui où on se perd totalement pour faire ce que l’on aime et qu’on oublie tout le reste, tout ce qui est autour de nous. Vraiment un instant génial… J'aurais pu continuer des heures.

En tout, je pense que çela a duré environ huit voir dix minutes. Même si j’ai dû faire une ou deux poses parce que j’oubliais certaines notes. En tout cas, quand j’ouvris les yeux après ça, reprenant mon fidèle violon contre la poitrine, je me suis rendu compte qu’autour, il y avait quelques personnes sur les bancs ou qui se promenaient dans les allées qui me regardaient et ça, ça m’a fait rougir un peu. C’est rare que je joue en public et tous ces regards m’ont un peu intimidée, mais ils avaient l’air d’avoir bien aimé alors je me suis détendue. Vraiment, je n’aime pas qu’on m’observe comme ça, mais après tout je l’ai bien mérité, c’est moi qui ai décidé de jouer ici… Je soupirais doucement en souriant, me rendant compte qu’ils sont tous vite retournés à leurs occupations et je suis descendue du bord de la fontaine où j’étais assise depuis ces longues minutes. J’ai rangé mon violon et me suis étirée. Décidément, c’était vraiment un bel après midi.

Je me suis donc relevée après mon petit concert improvisé et une fois les deux pieds sur la terre ferme, j’ai baissé un peu ma robe pour la remettre bien et j’ai passé une main dans mes cheveux pour les recoiffer rapidement. A peine mon petit concert improvisé fini, je repris mon étui à violon sous le bras et je commençais à partir dans l’autre sens pour terminer ma promenade, encore un peu gênée que tout le monde se soit arrêté pour me regarder. C’est alors que je remarquais qu’il y avait quelqu’un qui me suivait sur un ou deux mètres. En regardant par-dessus mon épaule j’ai vu que c’était une des personnes qui étaient en train de me regarder jouer un peu avant. Sûrement un garçon à première vu, en regardant vite fait son habillement et ses cheveux courts et blond, pas de poitrine apparente non plus… Je me retournais, me demandant ce que cette personne me voulait.


"Salut beauté, ton morceau m'a juste impressionné. Ca te dis pas d'allez faire un tour avec moi, princesse ?"

Ah oui, c’était bel et bien pour la musique. J’étais à la fois touchée et un peu gênée du compliment. Ca me faisait plaisir qu’on me dise que mon morceau était bien joué, alors je lui ai adressé un sourire timide en m’apprêtant à dire juste un petit merci poli, quand le reste de la phrase vint et ça me coupa un peu dans mon élan. Ca, c’était un truc que je n’avais encore pas entendu, du moins pas aussi cash. Est-ce qu’il venait bien de dire ce à quoi je pensais ? Genre… Faire un tour, lui et moi ? J’étais un peu surprise, je suis restée quelques secondes sans rien dire. Ce n’est pas vraiment rare pour moi de ne pas parler, mais là c’était vraiment un silence d’incompréhension. Et … Est-ce que ce gars venait vraiment de m’appeler Princesse ? Je sentais presque mon visage virer au rouge quand j’entendis ça, ça aussi c’était plutôt inattendu.  Même mes ex petits amis ne me donnaient pas vraiment ce genre de surnoms (en même temps, ils étaient un peu cons, désolée du mot). Enfin, il fallait bien que je lui réponde. Je devais trouver un truc à dire et vite sinon on allait encore me prendre pour une idiote muette.


"Je … Tu … Tu aimes bien ma musique ? Vraiment ?"

Je décidais de commencer par détourner la conversation sur la musique, histoire de rassembler vite fait mes idées pour ne pas passer pour une idiote à bégayer encore. Je croisais les bras dans mon dos, continuant de le regarder. Dévisager les gens de la tête aux pieds, ça je sais faire ! Vraiment, c’était quand même quelqu’un d’assez beau qui venait de m’aborder et d’un côté j’avais de la chance, mais je dois avouer que ce genre de phrases d’accroche, ça ne m’enchante pas trop. Alors. Je lui réponds quoi moi … Ah zut, je ne sais vraiment pas m’exprimer avec les gens que je ne connais pas … Ah ! C’est ça ! Je vais déjà essayer de le connaître un peu plus pour savoir quelles sont ses intentions …


"Je ne suis pas sure de te connaître … La première chose à faire quand on invite une fille, n’est-ce pas de se présenter avant ?..."

Aller, une parole de casée, ce n’est pas si difficile que ça. Alors, pourquoi est-ce que j’ai toujours l’impression que tout ce que je dis est idiot ? En tout cas, il y a un autre détail auquel je ne me suis toujours pas attardée tellement je réfléchis… Ses bras autour de ma taille ! Ah ! Bas les pattes !... Du coup, je me suis mise à rougir encore plus, le temps que l’information monte au cerveau. Un gars qui se permet de me toucher comme ça alors qu’on ne se connait même pas, c’est franchement audacieux… Pour l’heure, il faut que j’arrive à me débarrasser de ça … Là … Je me décalais doucement, histoire de ne plus être aussi collée à lui et je lui adressais un léger sourire en attendant la réponse à propos de son identité. Toujours est-il que je n’étais pas vraiment à l’aise pour le moment, j’aurais bien aimé me cacher dans un tout petit trou de souris et c’était encore plus stressant car je ne pouvais pas arrêter de fixer son visage, un peu comme paralysée. C’est vraiment handicapant d’être aussi réservée, si seulement je pouvais parler plus simplement et arrêter de réfléchir tout le temps, les choses iraient plus vite… La phrase qui suivit partit toute seule, elle, il fallait que j’arrive à éclairer les choses assez rapidement car de la fumée allait finir par me sortir par les oreilles si je continuais à penser comme ça …


"Pourquoi voudrais-tu faire un tour avec moi, tu ne me connais pas pourtant ?"

Il affichait une mine réjouie quand il se rendait compte que je lui portais un peu d’intérêt. D’ailleurs, je le voyais me regarder de la tête aux pieds, c’était vraiment déstabilisant ce genre de situation. Non, je n’aimais pas trop ça. En soit, il n’avait vraiment pas l’air méchant au contraire, peut-être juste un peu spécial. Ces remarques à propos de ma musique, accompagnées du sourire qui va avec, digne des pubs de dentifrice, c’était vraiment bizarre. Je suppose que c’est grâce à ce genre de répliques qu’il fait tomber les filles comme des mouches, mais moi ça me laisse un peu dubitative. Pas que je n’aime pas qu’on complimente ma façon de jouer du violon, ça me fait très plaisir, c’est juste cette façon un peu surjouée de le dire. La technique de drague surjouée en fait. Du coup, je ne savais pas trop comment agir face à une personne de ce type, je n’y ai jamais été confrontée auparavant, mais je ne dois pas lui tomber dans les bras, ça ne serait pas très intelligent de ma part. Douce et envoutante … Vraiment … ? Et puis … Qu’elle idée de m’appeler poupée et chérie à tout bout de champs… Vraiment intriguant, mais aussi très intéressant à la fois …

Je m’étais donc écartée un peu de son étreinte et j’ai vu son expression changer un peu, ça avait l’air de le surprendre. Alors que j’essayais de deviner à quoi il devait penser à cet instant là, je n’eus même pas le temps de réagir que j’étais de nouveau logée dans ses bras. Ce n’était pas vraiment désagréable en fait, juste étrange. Il me serrait un peu plus fort qu’avant par la taille. Je me demande si je l’ai vexé et reculant la première fois ? Oh et puis, c’est tout à fait normal de ne pas vouloir se retrouver collée contre le corps d’un gars qu’on ne connait même pas. C’est vraiment l’une des choses les plus bizarres que j’ai jamais vécu en fait. Je n’avais jamais rencontré une personne aussi directe et sure d’elle. J’essayais d’écouter un peu le son de sa voix quand il parlait, d’ailleurs il y avait quelque chose qui me dérangeait chez lui mais je n’arrivais vraiment pas à mettre le doigt dessus.


"C'est vrai que je n'ai pas été poli avec toi, princesse. Alors laisse-moi me rattraper."

Son étreinte autour de mes hanches s’était resserrée et il s’était mis à épiloguer tout seul sur son identité. Un très long monologue, presque passionné. C’était vraiment théâtral et impressionnant à voir, autant de conviction dans une simple présentation. Je l’ai écouté parler. Il s’appelle Salem et à un an de plus que moi. Il étudie ici, je me demande d’ailleurs quel est le don qu’il peut bien posséder. J’ai ensuite entendu les mots « prince charmant » et « le garçon le plus beau d’ici » et je me suis dit … Ah oui, très modeste celui-ci. Comme je le pensais, c’est bien le genre de mec à essayer de se mettre les filles dans la poche avec des phrases toutes trouvées. Encore une fois il m’a comparée à une princesse, puis il m’a qualifiée de « plus belle fille de tout Prismver ». Ca, c’est le genre de chose que tu aimes entendre même si c’est dit par un type un peu louche comme lui, ça fait plaisir de temps en temps. Enfin bref, encore une fois il fallait que je trouve quelque chose à répondre à ça. C’était à la fois très flatteur mais un peu tiré par les cheveux. Je ne suis pas du genre à tomber dans les bras du premier garçon et si celui-ci prétend qu’il a « grave » craqué sur moi il devra se montrer un peu plus patient et un peu plus convaincu. Pour l’instant, je ne suis pas prête de lui céder.


"Et bien enchantée Salem. Je vais aussi me présenter, sinon ça ne serait pas poli… Je suis Karydwen et j’ai un an de moins que toi. Je suis actuellement en classe B… Je … Ne pense pas être la fille la plus belle de Prismver, loin de là, mais je suis ravie de te rencontrer."

Un mini monologue qui vient de moi cette fois, c’est rare. Je continuais de lui sourire amicalement, après tout je ne le déteste pas, je veux juste garder un peu mes distances pour l’instant. Après tout il ne m’a pas fait de mal et il a été plutôt poli malgré les mains sur ma taille et sa façon d’aborder les filles un peu brusque. J’ai posé une main sur son bras, appuyant un peu dessus histoire de lui faire comprendre que j’aimerais un peu respirer. Il me serrait un peu trop fort contre lui, j’allais finir par étouffer à cause de la gêne et du manque d’air. En plus je me retrouvais obligée de tenir une conversation avec quelqu’un que je ne connais pas vraiment et ça, c’est ma hantise. En plus, plus je le regardais et plus je me demandais ce qu’il était en train de penser et ça m’intriguait. Et puis, je suis un peu curieuse aussi, j’aimerais bien savoir quel pouvoir peut avoir une personne comme lui… Je n’arrêtais pas de le regarder, mais j’avais toujours la même impression, quelque chose me dérange vraiment, il faut que je sache quoi. Il était temps de rejeter poliment son invitation…


"Je ne sais pas si je peux accepter une telle invitation, tu dois avoir bien mieux à faire que de trainer avec moi et puis j’allais rentrer … Une autre fois peut-être … ?"

Du temps, évidement que j’en avais, beaucoup même, après tout là je n’avais plus cours. Et puis une autre fois … C’était un peu une façon de dire que ça ne m’intéressait pas. Peut-être qu’il serait plus gentil d’accepter sa proposition, mais ce genre de demandes ne se font pas souvent sans arrières pensées et je préfère être sure de savoir à qui je m’adresse avant alors tant que je ne le connais pas plus je préfère qu’il ne s’imagine pas trop que je vais succomber à ses charmes de « prince charmant ». Il ne me lâchait toujours pas d’ailleurs, mais j’attendais juste de voir comment il allait réagir. J’espérais qu’il me laisserait partir en fait, qu’il soit du genre à lâcher l’affaire, au moins pour aujourd’hui. Cette situation me met quand même vraiment mal à l’aise et m’intrigue tout à la fois. Vraiment étrange. Et je n’arrête pas de penser, encore, il faudrait que j’arrête un jour.

Je continuais de le regarder. Il semblait se poser quelques questions, tenant ma main fort dans la sienne comme s’il ne voulait quand même pas le lâcher. Je ne me suis pas plainte de ça, cette fois, je l’ai donc laissé faire, si ça pouvait lui faire plaisir … M’enfin bon. Je baissais un peu les yeux, détournant le regard de son visage et le portant sur mon étui à violon, toujours dans mon autre main. Je ne savais pas trop quoi dire après m’être présentée à mon tour à lui. Alors qu’il me répondait, cette impression étrange que j’avais eue la première fois qu’il a parlé. Ah, il faut que j’arrive à mettre la main sur ce qui me dérange tant car c’est un peu frustrant… En tout cas il venait de me répondre et il dit quelque chose qui ne m’étonnais pas beaucoup. Il venait de m’appeler Kary, comme beaucoup de monde. En général les gens ont du mal avec mon prénom je n’ai jamais compris pourquoi, ils ne savent pas l’écrire ou oublient comment ça se prononce. Kary. Chez moi, on avait tendance à rouler le r même si à l’origine il ne l’est pas. Mais en tout cas oui, ce n’est pas rare que les gens oublient mon prénom. Mais ça ne me vexe plus avec le temps et puis Kary c’est mignon comme surnom, ça pourrait être pire. Bon, arrêtons les questionnements sur mon prénom.

Il avait l’air d’attendre avec impatience m’a réponse vis-à-vis de son invitation à se balader et je lui répondis donc, quand je vis tout son visage se décomposer et changer d’expression. Je ne m’attendais pas à ce genre de réaction, il avait l’air vraiment choqué que je refuse ses avances. Peut-être que les autres filles tombaient vraiment dans ses bras ? Je ne sais pas, pourtant je n’ai jamais entendu parler de lui avant moi. Étrange, peut-être est-il aussi « célèbre » qu’il le dit ? Et qu’il est habitué à ce que tout le monde soit sous son charme ? Étrange en tout cas cette tête. Je l’ai regardé avec une mine interrogative, me demandant ce que j’avais dit de mal, j’avais juste refusé une invitation à sortir ce n’était pourtant pas la fin du monde, si ? Il avait arrêté de parler un moment surement pour réfléchir d’ailleurs. L’avais-je déstabilisé ? En tout cas il allait bientôt me lâcher et je pourrais retourner m’entrainer ailleurs au violon. Enfin j’espère quand même. Sauf que, alors que j’étais encore une fois perdue dans mes pensées, je m’étais encore faite attraper et je m’étais retrouvée tout contre son torse. Mon visage était seulement à quelques centimètres du sien et il avait retiré ses lunettes, me regardant fixement de ses yeux presque verts.


"Kary, enfin, princesse. J'ai tout mon temps devant moi. Et je suppose que toi aussi non ? Sinon tu aurais sûrement tes affaires de cours avec toi. J'ai envie de passer du temps avec toi et de faire plus ample connaissance. Tu vas pas le regretter je t'assure, j'suis un mec bien. Et si t'as peur que je te saute dessus pour te faire sauvagement l'amour dans un coin sache que tu ne risques rien. Je ne suis pas ce genre de personne."

Zut, il avait vu juste. J’avais moi aussi tout mon temps et je n’avais pas cours. Je ne savais plus trop quoi prétexter maintenant car je n’avais plus d’alibi. En plus, sa façon de parler n’arrêtais pas de me faire rougir. C’est pas tous les jours que quelqu’un vous sort dans une phrase qu’il ne vous sautera pas dessus pour vous faire « l’amour sauvagement dans un coin » avec tout le naturel du monde dans la voix.  Franchement, pour l’instant, je suis bloquée avec un mec lourd qui ne veut pas me lâcher alors je ne sais pas trop ce qui pourrait m’arriver de pire. Son visage était trop proche du mien, vraiment trop, je n’osais même plus bouger. J’étais dans un beau pétrin, moi qui n’arrive déjà pas trop à parler avec des inconnus, me voilà bien mal à l’aise contre un gars qui essaye de me draguer. Zut, zut, zut, je fais quoi maintenant moi ? J’ai arrêté de penser un moment et je me suis concentrée sur son visage. J’entendais juste sa respiration (ses petites émissions de CO2 sont trop craquantes *s’enfuit*) et je pouvais même percevoir vite fait les battements de son cœur, en même temps, vu comment je me retrouvais collée à sa poitrine, ce n’était pas étonnant. Plus aucun bruit, ni même autour de nous d’ailleurs du moins je n’écoutais plus. J’ai essayé de détourner le regard un moment et je me suis mise à soupirer. Je crois que je venais de trouver ce qui clochait et qui m’embêtait depuis le début mais, je ne préférais pas faire part de mes doutes pour le moment …


"Pourquoi es-tu aussi obstiné ? Peu importe si tu es quelqu’un de bien comme tu dis mais … Vraiment, pour l’instant ça ne m’intéresse pas…"

Pourquoi est-ce que je venais de dire pour l’instant au juste ? Je me suis demandée si ça ne lui ferait pas espérer un petit quelque chose d’ailleurs, je n’espère pas… J’ai resserré ma main autour de mon étui à violon, fixant toujours le sol, je n’arrivais pas à le regarder dans les yeux, sinon je perdais encore plus mes moyens. Et plus je perds mes moyens, plus mon esprit se remplit d’atomes et d’ions. Oui oui, quand je suis embrouillée, je pense à tout un tas de formules et même que parfois, je les dis à voix haute sans m’en rendre compte, à cause de la gêne …


"H3O+Cl- … H2SO4 … C2H4O2 ..."

Voilà. Qu’est-ce que je vous disais. Je venais de recommencer à marmonner dans mes moustaches. Je vais encore passer pour une idiote, j’ai l’habitude à force. Pourquoi est-ce que j’ai eu cette bête idée de lire autant de livres sur la physique et la chimie, maintenant j’en connais trop. Ok, je maîtrise mieux mon don mais ces trucs-là m’obsèdent maintenant. Je passe ma vie à penser atomes. Je relevais vite fais les yeux vers Salem au-dessus de moi en espérant ne pas avoir parlé trop fort. Je priais intérieurement pour ça, c’est toujours encore plus gênant quand je parle toute seule de molécules… Alors, déjà que je me trouvais dans une situation embarrassante puissance dix mille, c’était encore multiplié par 5, voir 10…

Il avait l’air de ne pas faire attention au fait que je n’étais pas très à l’aise, même que je le voyais sourire de temps en temps mais aussi se mordre la lèvre. Je regardais de temps en temps l’expression de son visage en me demandant pourquoi je ne suis pas née avec le don de lire dans les pensées, j’aurais bien aimé savoir pour le coup ! Alors qu’il essayait encore une fois de me séduire pour que j’aille faire un tour avec lui et que je ne l’écoutais que d’une oreille, ne voulant pas entendre d’autres sottises, je l’ai entendu parler de personnes qui me regarderaient méchamment. Apparemment, Salem voulait me tirer du mauvais pas dans lequel je me serais fourrée si j’étais restée seule. Je tournais juste un peu le regard, la tête toujours collée contre son torse, pour essayer de voir dans la direction du groupe de mecs un peu plus loin. Ils étaient trois à ce que je pouvais voir et oui ils regardaient bizarrement dans notre direction. J’ai passé mon étui à violon juste derrière moi histoire de cacher mes jambes par réflexe, je n’avais pas très envie d’en plus me faire reluquer le derrière, puis j’ai regardé à nouveau Salem. Lui il avait l’air totalement indifférent au groupe qui observaient nos moindre faits et gestes. Surement que se battre ne le dérangeait pas ? Après tout il se dit lui-même être un prince charmant… Je vois mal ce genre de personne s’enfuir à la vue d’un combat imminent.


"Princesse, faut vraiment vite partir d'ici. Ton petit numéro n'a vraiment pas plu à certains et vaut mieux pas s'attarder ici. Ton prince va te protéger t'en fais pas alors suis moi sans poser de questions."

Cette fois je m’en fichais un peu de me faire encore appeler par ce surnom-là. Comme Salem le disait, ils avaient peut-être été gênés par ma mélodie de tout à l’heure et ils avaient peut-être aussi envie de rigoler un peu en s’en prenant à une fille qui se balade seule, pas quelque chose de très courageux en fait, mais bon. Certains hommes sont comme ça. J’ai laissé ma main dans celle de Salem, la serrant un peu cette fois-ci et je me suis laissé guider. J’ai pris l’habitude de m’enfuir quand j’étais au collège et qu’on m’emmerdait, alors tenir l’allure du jeune homme n’était pas si difficile que ça, j’y arrivais presque sans peine. Celui-ci me guida plus loin, je le suivais toujours sans poser la moindre question comme il me l’avait demandé. Du coup je me retrouvais à avoir accepté son invitation sans vraiment le vouloir, ce ne fut que le fruit du hasard et des circonstances. J'étais seule avec lui dans un coin plus reculé du parc, au moins on avait pu semer la bande qui ne nous suivrait sûrement pas, leur attention se portera bien sur autre chose. Je lâchais sa main histoire de reprendre tranquillement mon souffle avant de porter mon regard vers lui à nouveau.


"Je te remercie … Vraiment, c’est super gentil d’avoir fait ça tu aurais très bien pu me laisser là-bas toute seule."

Je lui souriais doucement et sincèrement cette fois, alliant mes paroles à une petite courbette polie pour le remercier –oubliant au passage que je portais une robe bustier et que je venais de lui montrer poliment mon décolleté- avant de me redresser et de remettre en place une mèche de cheveux vagabonde sur mon front. Une fois que mon cœur a cessé de battre la chamade à cause de la petite course dans le parc, je m’effondrais comme un sac à patate sur un banc à côté avant de regarder quelques secondes le ciel. Je suppose qu’il serait vraiment malpoli de refuser de passer du temps avec lui maintenant qu’il m’avait bien tirée d’affaire. Je me suis donc un peu détendue et j’ai décidé d’être moins distante avec lui, histoire de ne pas le rejeter sans raisons. Il avait bien mérité que je sois gentille avec lui. Attention, ça ne veut pas non plus dire que je suis prête à lui dire amen à tout, je veux bien passer un peu de temps avec lui. Je n’ai pas dit non plus que j’allais tout accepter hein ! Enfin … Je posais mes mains sur mes genoux, assise, à le regarder d’en bas dans les yeux.


"Ok … J’accepte de passer un peu de temps avec toi, pour te remercier de m’avoir aidée ! Si tu veux vraiment qu’on fasse connaissance ça me va."

Et attention, j’ai bien dit connaissance. Le moindre truc un peu déplacé et je hurle. Enfin je ne hurlerais pas, la honte ! Mais je pense que ça sera retour à la case départ pour lui. Voilà, c’était dit, il avait eu ce qu’il voulait j’acceptais de faire connaissance avec lui. Je restais assise et je me mettais à observer le ciel. Je ne savais plus trop quoi dire, je n’ai jamais été une professionnelle pour les conversations, surtout quand on ne se connait pas. Alors je me disais qu’il commencerais bien par faire quelque chose et je me suis mise à attendre poliment.

Qu’est-ce qu’on est bien quand on peut enfin s’asseoir après avoir couru. Pour me détendre en douceur j’avais collé mon dos contre le dossier du banc et j’avais étendu mes bras en l’air pour m’étirer la colonne vertébrale. D’ailleurs, je me suis rendu compte juste après que Salem m’observait un peu étrangement, un sourire totalement niais aux lèvres. Ce regard était bizarre et finalement je pense que je ne préférais pas savoir pourquoi est-ce qu’il m’observait ainsi. Il était assis juste à côté de moi maintenant et il avait toujours les yeux rivés sur moi. Un peu plus à l’aise, je me sentais mieux et je n’étais plus vraiment sur mes gardes alors je lui souriais de temps en temps. Je profitais tranquillement du soleil en respirant et expirant histoire de. Il avait l’air de bonne humeur et prêt à me déballer un autre monologue comme celui auquel j’avais eu le droit juste avant mais il sembla se raviser. Les lunettes de soleil de nouveau sur le visage et le sourire aux lèvres : exactement le même air fier qu’il ait sur le visage quand je l’ai rencontré il y a quelques minutes. En tout cas il était ravis de sa récompense je pense, puisqu’il s’empressa de se remettre à parler quand je lui annonçai que j’étais d’accord pour rester un moment avec lui.

Ça alla plutôt vite car il semblait pressé de me déballer toutes ses questions, j’eus envie de rire d’ailleurs devant tant d’empressement. J’appris alors que Salem venait d’Irlande. Pas très loin de chez moi quand même, à l’échelle du monde entier. Pas très loin d’ici non plus, on était tous les deux à la fois loin et proche de notre pays d’origine… Même qu’il avait réussi à deviner mes origines, à moi, mais ce n’était pas très difficile. En effet, c’est vrai que j’ai un accent assez caractéristique, mais c’est celui avec lequel nous parlons tous chez moi alors on ne pourra pas me faire changer. Ca me fit sourire un moment. Mon pays, il me manquait un peu, quand j’y repensais. Mais ici aussi j’étais bien. Salem me parla un moment de l’Irlande puis me demanda si je ne m’ennuyais pas trop à Primsver, je répondis calmement. Un peu plus calmement que lui en tout cas qui était de plus en plus surexcité, un peu comme un enfant attendant de recevoir son cadeau d’anniversaire.


"Tu as vu juste, je viens bien d’Écosse ! Je vis à Inverness, Inbhir Nis comme on dit en gaélique…  Tu viens vraiment d’Irlande ? J’aimerais bien y aller un jour, ça doit être un bel endroit à visiter, j’ai souvent vu des photos ! Moi, c’est un endroit un peu paumé, mais j’ai le Loch Ness pas loin ! Donc ça remonte un peu. Même si parfois ça me manque je me sens bien ici aussi. Il m’arrive de m’ennuyer mais je pense qu’on a tous nos jours sans."

Je souriais, j’étais plutôt enthousiaste quand je parlais de mon pays. J’en parlais comme une passionnée parlant de sa collection de timbre. C’était un peu ridicule mais j’en étais fière et ça ne me dérangeait pas. J’avais aussi l’air d’une gosse dans ces moments là en fait. Mais le beau temps me mettait de bonne humeur et pour une fois je n’avais pas envie de crier une formule moléculaire, plutôt génial non ! Tiens d’ailleurs, je l’ai bien entendu parlé de Whisky ? Oh bah, ça ne me dérange pas tant que ça, les personnes qui aiment l’alcool, tant que ça n’est pas tout le temps.  Ensuite il m’a demandé… Hein … ? Il aimerait que je lui raconte tout de ma vie ? Ce n’est pas un peu beaucoup ça ? Je peux toujours essayer de lui dire quelques trucs mais c’est vrai que je ne sais pas exactement par quoi commencer, c’est dur de pouvoir dire des choses sur soit même en face d’une nouvelle connaissance. Mais j’allais essayer d’être sociable pour une fois donc je devais trouver quelques trucs à dire et vite, histoire de ne pas me piéger encore trop longtemps dans mes pensées.


"Et bien … Je ne sais pas vraiment quoi dire à propos de ma vie … Oh j’ai un frère. Il s’appelle Kenan, je l’aime beaucoup, c’est une des personnes les plus importantes pour moi. Ça fait quelques années que je ne l’ai pas vu. Je suis arrivée à Prismver il y a presque deux ans et demi mais il n’était pas rentré à la maison depuis encore plus longtemps alors il commençait à me manquer… Hum… J’ai commencé le violon alors que je venais d’entrer en primaire. J’adore ça, tu as dû le remarquer. Que dire d’autre ... Si il m’arrive de bégayer un peu quand je parle ce n’est pas contre toi c’est parce que je ne suis pas à l’aise pour parler, j’ai eu tendance à me renfermer sur moi-même depuis que ma classe s’amusait à faire toutes leurs blagues contre moi. Oh non, ne t’inquiètes pas, c’était quand j’étais encore en Écosse, ça remonte à longtemps ! Et comme tu as pu l’entendre peut-être avant, je suis aussi passionnée par la physique-chimie…"

Je n’avais pas encore abordé la question du don en fait mais il ne me l’avait demandé alors je préférais laisser durer le suspense mais j’avoue que moi aussi j’étais vraiment très curieuse et je mourrais d’envie de savoir quel était son pouvoir. C’est l’inconvénient de vivre dans un établissement remplis de personnes qui possèdent des aptitudes surhumaines : A chaque fois que tu croises quelqu’un, tu n’as qu’une envie c’est de savoir son petit secret. Certains le montre bien mais d’autres le cache avec beaucoup de minutie. En tout cas j’aurais bien aimé lui poser tout un tas de questions moi aussi mais pour l’instant c’était plutôt mon interrogatoire alors je laissais le jeune homme me demander ce qu’il voulait, lui répondant doucement en réfléchissant à tout ce que je pouvais bien lui dire pour éviter de sortir une connerie. Son visage était d’ailleurs de plus en plus proche du mien…

Après avoir parlé un peu de ma vie à Salem, je me suis mise à regarder le ciel et à écouter le vent. Le bruit que faisaient les feuilles des arbres était agréable, c’est vrai que ça détendait vraiment et ça me donnait envie de me reposer. D’ailleurs je jetais un œil à mon compagnon un moment, qui s’était totalement avachis sur le banc à côté. Totalement masculin cette attitude, ça me fit sourire doucement, ça m’amusait. On aurait dit qu’il allait s’endormir à tout moment, lui aussi, ça devait le relaxer tout ce silence et ce vent qui rafraichissait l’air un peu chaud du soleil. Moi en tout cas, j’aimais bien. Les instants au calme comme ça, ils sont toujours super. On a plus parlé pendant à peu près deux minutes, mais je pense qu’il était autant dans ses pensées que moi alors je l’ai laissé un peu tranquille, attendant qu’il reprenne la parole quand il en aurait envie. Pendant ce temps moi je suis restée adossée contre le banc, la tête basculée en arrière de telle sorte que je pouvais même voir un nid dans l’arbre juste au dessus de moi, je m’y intéressais quelques minutes avant d’entendre une nouvelle fois la voix de mon « prince charmant », comme il aimait bien s’auto-nommer.

Il n’avait pas l’air dans son assiette, en tout cas pendant quelques secondes je me suis demandé s’il allait bien. Mais à ce moment là je l’ai vu se redresser et se rapprocher de moi avant qu’il prenne ma main à nouveau. Ca faisait longtemps tiens. Il ne pouvait visiblement pas se passer de la tenir… Je l’ai écouté parler. Il m’a questionné sur mon pays, si il me manquait, si j’avais envie d’y retourner… Puis il a retrouvé le sourire, ça faisait plaisir à voir. La façon dont il me parlait de son pays. Il y mettait beaucoup d’enthousiaste. D’après lui, l’Irlande était beaucoup mieux que l’Ecosse et il y avait pleins de coins sympa à visiter. Il avait envie de m’y emmener, il me l’a promis même. Une promesse ? Alors que l’on vient de se rencontrer ? Il va un peu vite en besogne quand même… Enfin, c’est le cas depuis qu’on a commencé à se fréquenter alors ça ne m’étonne même plus. Ca m’a même redonné le sourire, je m’imaginais déjà visiter l’Irlande ! Si seulement j’avais pu y aller, même maintenant, j’étais devenue toute pressée, un peu comme une petite fille. Il y a longtemps que je ne m’étais pas sentie comme ça, impatiente. J’avais peut-être un peu du mal à l’avouer mais finalement je crois que je l’aimais bien, ce mec, malgré qu’il soit un peu trop excentrique à mon goût.


"Et bien j’en prend note. Je mettrais un post-it sur mon mur, dans la chambre et j’attendrais le jour où tu m’inviteras à venir à Birr avec toi. Tu tiendras ta promesse, monsieur le "prince charmant ?" "

Un léger rire m’a échappé. Ca m’amusait vraiment pour le coup, je m’étais mise à me prendre un peu à son jeu, pourquoi ne pas lui faire plaisir un peu d’ailleurs. Au final, j’ai vraiment pensé à faire de lui un ami. C’est la première fois que je rencontre quelqu’un avec un tel caractère et maintenant que j’ai pris le temps de lui parler je me rends compte que c’est quelqu’un de vraiment intéressant, avec des rêves et projets, un peu comme tout le monde. Puis derrière ce tempérament un peu… Envahissant je dirais, je pense qu’il est plus posé et calme. C’est le cas de certaines personnes qui essayent de se faire remarquer et de se mettre en avant en général… Mais pas toutes, je verrais bien si j’ai l’occasion de le connaître mieux ! Alors que je lui souriais gentiment tout en le regardant, j’ai cru lire un peu d’hésitation sur son visage, mais je n’étais pas vraiment sûre parce que je ne pouvais voir ses yeux avec ses lunettes de soleil et en général on arrive mieux à déceler les émotions des autres quand on croise leur regard.

Je n’ai pas pu vraiment réagir rapidement à ce qui arriva ensuite. Salem s’était approché rapidement de mon visage et je sentis sa main se glisser dans mes cheveux contre ma nuque. A peine un dixième de secondes plus tard, je me retrouvais avec ses lèvres contre les miennes. J’y crois pas, il viens de m’embrasser là ? Oh mon dieu, oh mon dieu, je suis censée faire quoi ?! Je n’osais plus bouger du tout. Pour le coup je ne savais pas si je devais le repousser et lui en coller une, le laisser faire, lui arracher la tête ou juste me barrer en courant. Un peu perdue, il s’est écoulé du temps qui m’a semblé tellement long mais qui n’a pourtant été qu’une poignée de secondes. J’étais surprise mais à la fois, je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à quelque chose du genre. Et aussi, même si je m’y attendais je ne savais pourtant pas ce que je devais faire dans ces cas là. La situation était problématique, j’avais fermé les yeux, n’osant pas croiser son regard et mes pensées se sont totalement embrouillées à ce moment là… Plus rien, je ne pensais plus à rien… Quand j’ai rouvert les yeux je ne savais même pas combien de temps avait duré ce baiser mais je crois qu’il était temps qu’il se termine, je me suis reculée et j’ai fixé Salem dans les yeux. Je crois que le regard que je lui ai lancé n’était pas remplis d’amour, peut-être même le contraire. Je n’étais pas énervée, juste un peu… Chamboulée. Du coup j’avais envie de lui crier dessus mais ma voix sortait presque toute douce, c’était pas trop ce qu’il fallait, mais bon… C’est vraiment la première fois qu’on me fait un coup comme ça, vraiment.


"M-mais qu’est-ce qui t’a pris ?! Pourquoi est-ce que tu m’embrasses comme ça, d’un coup, sans prévenir … ? On se connait depuis moins d’une heure Salem … !"

Je n’en revenais toujours pas. Il avait quand même osé m’embrasser alors que nous venions seulement de me rencontrer. Ce mec n’avait décidément aucune retenue et je n’arrivais pas à m’énerver en plus de ça, c’était bien ma veine sérieusement. Je me demandais d’ailleurs si cette incapacité à lui crier dessus venait bien de mon gros problème pour parler avec les autres ou si cela était causé par autre chose… En tout cas là n’était pas la question pour l’heure car j’étais encore à côté de lui. D’ailleurs je m’en voulais de ne pas avoir pu le repousser plus que ça, je devais encore être passée pour une fille faible, non ? En tout cas Salem avait l’air un peu pensif, j’aurais bien aimé être capable de me glisser dans sa tête pour savoir ce qui se passait dedans pour le moment. Mais ce n’était pas le genre d’effet que j’attendais en fait. Ou plutôt je m’y attendais au vu de comment je venais de réagir face à son baiser. Il avait l’air limite plus attendri que choqué ou même vexé. Qu’est-ce que j’étais censée faire maintenant ? Ce n’était plus vraiment le moment de le repousser là alors je ne savais plus vraiment comment agir. Mais alors que j’étais en train de me disputer moi-même de la façon débile avec laquelle j’avais mis fin au bisou, j’entendis Salem « parler ».


"Ma belle, c'est parce que yetem. Ye souis fou amoureux de toi ! Tou es celle qu'il me faut et ye te poursuivrai jusqu'au bout. Ne crois pas pouvoir te débarrasser de moua. En plus, yé oune grosse maison et un yatch."

C’était quoi… ça ? Avec son accent vraiment étrange et son air bizarre, Salem passait vraiment pour un gros idiot, un vrai bolosse comme on dit mais justement, c’était vraiment drôle. J’ai eu un instant de beug, où je n’ai plus bougé et je suis restée le regard rivé sur lui, sans rien dire. Mais après un fragment de secondes, je m’étais mise à rire légèrement. Oui, j’avais trouvé ça drôle et je n’aurais pas pu retenir ce rire là qui sortait vraiment du cœur. J’étais encore énervée en fait mais je n’avais pas pu m’en empêcher, c’était trop amusant. De vraies conneries. C’était vraiment pas possible que je rigole pour des bêtises comme ça mais pourtant si et c’était vraiment de bon cœur. J’aurais pas dû car du coup j’étais en train de lui donner raison en un sens mais tant pis c’était trop tard. Il avait réagit en me voyant rire et ça l’avait fait rire aussi. Sauf que son rire n’était pas vraiment celui d’un jeune homme mais vraiment d’une fille. C’est là que mes doutes se sont plus ou moins confirmés. J’étais quasiment certaine maintenant que Salem n’était en fait pas un homme, comme j’en avais un peu émis l’hypothèse plus tôt. Je me suis alors posée la question à moi-même, du pourquoi une fille de mon âme ferait ça. C’était plutôt étrange non ? Mais en fait je n’osais toujours pas lui faire part du fond de ma pensée. Si jamais je la (ou le, peut-être, mais je commençais vraiment à pencher de l’autre sens) vexait, je pourrais encore me mettre dans la merde alors on ne sait jamais.

D’ailleurs je l’observais un peu, en cherchant quelques signes de féminité sur son visage qui pourrait m’éclairer et je vis rapidement qu’elle aussi s’était sûrement rendue compte que son rire sonnait étrange par rapport à sa voix de d’habitude. Bon, Salem serait une fille. Je la fixais toujours, d’un coup je ne la voyais plus exactement pareil d’ailleurs. Et puis là je me suis souvenue de ce qui venais de se passer. Elle venait de m’embrasser, alors je venais d’embrasser une fille pour la première fois de ma vie. Franchement, je n’ai rien contre ce genre de choses, vraiment, je suis très tolérante et moi-même je ne comprends pas que notre société veuille toujours s’enfermer dans un modèle de couple prédéfinit, mais là, juste comme ça, ça me faisait bizarre. Juste bizarre, ça ne me dégoutait pas ni rien. Je crois que je me suis mise à rougir de nouveau, c’était vraiment la journée du rouge aujourd’hui, je les enchainais. En face, elle semblait chercher quelque chose à dire comme si elle avait perdu un peu de son assurance de tout à l’heure, ça me surpris. Même si je ne le… la… connaissais pas depuis très longtemps je ne l’avais vue que sous son image de rentre dedans alors ça changeait d’un coup et je me suis demandée si ça venait de moi, si j’avais fait quelque chose qui l’avait vraiment atteinte. Du coup j’ai tout de suite zappé l’idée de lui faire part de mes questions à propos de son sexe et je me suis lancée.


"Bon … Pour cette fois, je veux bien te pardonner Salem, mais soit un meilleur prince charmant la prochaine fois, tu n’es pas censé embrasser la princesse dès le début… Surtout si la princesse c’est moi, ok !"

Encore une fois je me prenais dans son jeu. D’une, je continuais de la considérer comme un homme même si maintenant j’étais presque assurée que mes doutes étaient fondés et de deux je la confortais dans ses bêtises de princes, princesses etc. On me dirait sûrement qu’il ne faut pas que je fasse ça car ça pourrait lui donner de faux espoirs mais je n’aime vraiment pas du tout rejeter les gens en fait alors… Autant lui dire gentiment et essayer de briser un peu la glace car depuis notre rire, il n’y avait plus vraiment eu de bruits. J’avais donc continué la conversation. Si c’était ce qu’elle voulait j’allais continuer encore un peu à lui parler comme si je parlais avec un garçon, peut-être qu’elle me le dirait d’elle-même d’ailleurs ? Peut-être même qu’elle ne fait ça que pour rigoler un peu et que c’est pour faire des blagues aux autres ? Ne tirons pas de conclusions hâtives et attendons de voir la suite ! (Pauvre Kary, tu imagines même pas que tu vas te faire suivre partout, c’est plus une blague à ce niveau 8D)