You won't harm anybody anymore. I think...

Tu tentais désespérément d'arranger ton apparence lorsque Pasta arrive. Ne lui adressant d'abord qu'un regard sceptique, tu attrapes cependant son message et le glisse entre tes lèvres le temps de démêler cette chevelure s'apparentant plus à une crinière qu'autre chose. Tes yeux coulent aussitôt en direction de ton cou dégagé, la cicatrice – trop fraîche à ton goût – des morsures d'un prétendu Jozef te dégoûtant. Depuis cette longue nuit à l'infirmerie, passée à te reposer et à pleurer – autant de peur que de douleur – tu avais honte de croiser Charlie, persuadée qu'elle te considères à présent comme une trouillarde ; une faiblarde violente, comme l'a si bien fait remarquer Pandora.

Satisfaite du résultat – cheveux lâches, masquant habilement la plupart des cicatrices sur ta gorge – tu lis enfin son LMS... Et lâches un espèce de sanglot étouffé. Si tu avais pu t'attendre à cette missive, tu te serais mentalement préparée à sentir ton cœur chavirer. Elle sait à quel point c'est dangereux, elle a probablement conscience des risques qu'elle prendra en faisant ça. Mais elle veut quand même le faire.

Elle te l'avait déjà proposé, pourtant. Mais ce n'était qu'une proposition que tu n'avais d'abord pas pris au sérieux. Dans ton esprit, Sonera disait ça pour démontrer son soutien, pour te consoler ; comment tu pourrais maîtriser un tel pouvoir, alors que l'ancien était totalement différent ? Tu te perds dans tes propres pensées, indécise. Et finalement, en observant silencieusement son LMS, tu écris. Tremblante d'espoir, frémissante de reconnaissance. Comment la remercier ? Ne pas la blesser serait certainement un bon début. Le reste, on verra plus tard.

Tu fourres son message dans la poche arrière de ton jean et redresses la cravate rouge autour de ton cou. Cette fierté de faire partie de ce que toi, tu considères comme l'élite – elle se voit dans ton attitude, dans ton regard. Même au bord de la crise émotionnelle, tu laisses ce sentiment glisser en toi, s'extérioriser par un sourire fier ; sans arrogance, juste une confiance inébranlable en ton potentiel – en celui de Warren.

Mais ton regard dérive bien vite vers ta chambre. Vers ton armoire. Et la rage s'empare aussitôt de ton être. Ces inscriptions impossibles à effacer, ces horreurs qui t'entourent à ton réveil et, inversement, au moment où tu sombres dans le sommeil. Tu savais que certaines personnes ne t'appréciaient pas – et tu le leur rendait bien, en général – mais au point de saccager ta chambre... Soupir. Penser à tout ça ne t'aidera pas à contrôler ce don aux limites encore inconnues. Tu te décides finalement à sortir de ton sanctuaire violée, traînant des pieds jusqu'au bâtiment principal. Ta bonne humeur est inexistante, tu bouillonnes de rage mais ne parviens pas vraiment à le montrer ; elle se dévoile sous forme d'injures et de quelques bousculades envers des élèves plus jeunes, que tu ignores purement et simplement. Ton seul objectif, c'est d'atteindre la salle Intemporelle – d'atteindre Sonera.

Et tu passes enfin l'horloge, persuadée de trouver la jolie blonde debout et pleine d'énergie. Mais tu la vois assise à côté de la porte, tu esquisses un léger sourire en refermant le plus discrètement la porte. La simple vue de Midna te calme, persuadée que tout va bien se passer. Tu t'assois à ses côtés en tapotant son épaule. « Hey. Ca va ? Tu sors une tablette de chocolat de ta veste. Avant l'effort, le réconfort Darling. » Léger clin d'oeil, tu t'en casses un bout et le glisses dans ta bouche, avant de lui tendre la friandise.

Regard vers le néant que forme cette pièce mystérieuse. Tu n'étais jamais allée dans cette salle auparavant – ou du moins, tu ne t'en souviens pas. Tu passes une main dans ta crinière brune et soupires, regrettant de ne pas avoir emmené un paquet de cigarettes. « Alors, comment on va s'y prendre pour... Faire sortir tout ça? » Hésitation. Tu connais la réponse, mais veut l'entendre de sa voix. Vas y Sonera, dis-moi. Va falloir que tu m'énerves, hein? Tu coules des yeux confiants vers elle. Pas une confiance dirigée vers toi, mais vers vous deux.

« M'enfin, peu importe. Allons-y, j'te fais confiance. J'espère que toi aussi, et surtout.. Que je le mérite. Sourire reconnaissant. Merci. Et, au cas où... Désolée. »

Finalement, tu t'en branles. De tout ça. Plus rien t'importe plus que la sécurité de tes proches. Tant pis si, pour ça, tu dois partir. Tant pis si tu dois leur dire que tu les hais, tant pis si tu dois leur tourner le dos. Bullshit. T'es pas l'héroïne d'un film de drama. T'es qu'une gosse égoïste, t'es qu'une petite brune qui chiale pour que dalle, qui se fait marcher dessus et martyriser par les autres. Au fond, t'as pas changé, depuis ton arrivée. Y a juste la dureté en plus. L'arrogance en plus. Et peut-être les crocs. Mieux que toi, je pense. Et toi alors ? Tu hoches distraitement la tête, glissant un carré de chocolat entre tes dents. Je t'offre le repars du combattant après si tu veux, on ira manger en ville. Avec plaisir, faudra passer par ma chambre, j'ai laissé mon sac là-bas... T'aurais pu rire, rajouter un gai « si on est encore en un morceau ! » mais ça ne te fait pas rire, d'y penser – qui serait joyeux à l'idée de prendre de tels risques ? Personne de mentalement ordonné dans sa tête.

Hésitation de Sonera, qui t'intrigue. Elle ne sait pas comment faire ? Si c'est le cas, vous êtes mal barrées. Tu écartes cependant tout négativisme, confiant toute ta confiance entre les mains de la petite blonde. Pas besoin de la stresser davantage, c'est elle qui risque sa peau, pas toi. Mais ça t'inquiète. Pour toi, pour ce que pourraient en penser le reste du monde. Et surtout, pour elle. Si elle finissait terrorisée par toi, que plus jamais elle ne te regarderait de la même manière ? Tu as déjà vu cette peur au fond du regard des autres, en cours de maîtrise. Presque aucun élève ne voulait risquer de mettre son existence en péril, et toi-même tu avais peur de les blesser – même si, extérieurement, tu avais l'air blasée. J'ai moins d'une heure avant d'être éjectée de la salle intemporelle, donc pendant ce temps là, on va faire au mieux... T'en fais donc pas pour moi, je sais courir. T'as une forme définie d'ailleurs ? Chat ? Ocelot ? Lionne ?

Tu souris d'un air contrit, et passes une main dans tes cheveux. La plus fréquente et la première c'est lynx, mais j'suis aussi passé par chat, panthère et tigre. Tu ne sais pas exactement ce qu'ils représentent. Peut-être que plus le sentiment est fort, plus la bête est grosse – autant dire qu'en étant arrivée jusqu'à tigre, tu as peur de tes propres émotions. Incontrôlées, comme une tornade qui emporte tout sur son passage. Tout ton être, tout ton intérieur. Et bien sûr que tu mérites ma confiance. C'est pas parce que t'as changé de pouvoir que je te fais plus confiance, c'est pas ta faute. T'es mon amie Zelda, oublie pas ça. Putain Midna, tu cherches à me faire chialer, c'est ça ? Ta gorge se serre, tu ne dis rien et évites son regard, emplie de culpabilité avant même d'avoir commencé. Bref, d'abord faut surtout que t'apprennes à contrôler tes émotions. Ouais je sais, grosse blague mais bon, on peut toujours tester.

Douce ironie, l'empathique supposément altruiste devait maintenant se concentrer sur sa petite personne. Tu déchires l'aluminium, proche du désespoir. Tes émotions, hein ? Pour que j'les contrôle, faudrait que j'les comprenne. C'est l'apocalypse dans ma tête, Midna. Tu lèves finalement la tête et la regardes fixement, comme si la réponse allait venir d'elle, miraculeusement. Tiens, tu connais Harry Potter ? T'as vu la scène où Harry tente d'apprendre à faire un patronus ? Ouaip, c'est ton chocolat qui m'a rappelé ça. J'en suis presque fière ! Tu souris légèrement et pousses sur tes jambes pour te relever, ton cou craquant doucement.

Le patronus, hein... Ok, donc il faut que je visualise le truc, c'est ça ? Autant essayer. Par contre, reste près de la porte. Affronter tout ce qu'on refoule, c'est dur. Tu repenses à la comparaison de la vie. Un ascenseur. Remonte les étages comme Charlie te l'as dis, Anarchy. Assieds-toi, analyse. Tu fermes les yeux peu à peu et prends une profonde inspiration. Et surtout, tu bouffes tout ce que tu ne veux pas voir en même temps. La peur de revoir Nathaniel, la tension d'être en compagnie d'Alex, le stress qui t'enveloppe dès que tu te réveilles.

T'es terrifiée. C'est le plus gros. T'as la trouille, t'as une trouille monstre. Et maintenant que tu l'admets, elle te pique, elle te mord. Ok, j'sais pas si j'vais tenir. J'ai peur, putain de bordel de merde ! Tu grognes, tu te débats – combat mental, avec toi-même. Tu rouvres brutalement les yeux, observes Sonera. Cherches un peu de réconfort dans son regard, dans son attitude. Mais, pendant une fraction de seconde, tu vois le même effroi dans ses prunelles que tout les autres. Tu sens l'odeur âcre de la peur s'infiltrer dans tes narines, glisser contre ta peau couverte de chair de poule.

Peut-être que c'est elle qui t'a donné l'envie de te battre contre la bête. Qui t'a offert la force de la repousser. Mais toujours est-il que tu tombes à genoux, que tu reprends lentement et sûrement ta respiration – coupée par la surprise de sentir un tel sentiment. Tu te recroquevilles sur toi-même et pousses un petit gémissement, persuadée que la prochaine fois tu ne sauras pas contrôler.

Au fond de ce kaléidoscope de culpabilité, de terreur et de haine envers toi-même, une pointe de fierté jaillit, transperçant vaillamment le reste. Et l'ombre d'un sourire fait son apparition sur tes lèvres, tu transperces la blonde de tes pupilles. Putain Midna, j'ai réussi... Non ?