Un nouveau départ ! [PV : Eugénie H. Pelletier]

Un matin, alors qu'Eugénie était seule au cabanon numéro sept, on était venu sonner à sa porte. Elle était allée ouvrir et s'était retrouvé face à un employé du bureau d'administration. Il lui avait dit qu'un nouvel élève arriverait au cabanon. Qu'elle devrait être « gentille » avec lui – comme si elle avait l'air intimidante. Elle avait hoché la tête, deux fois, sans rien dire parce qu'elle ne savait rien faire d'autre, avait observé l'adulte s'éloigner par la fenêtre puis était parti à la recherche de quelque chose à faire pour s'occuper en attendant... Elle n'avait rien trouvé. Rien qui puisse évacuer son stress naissant.

Et voilà. C'est comme ça qu'Eugénie s'était retrouvée là où elle était à ce moment présent, assise sur un canapé le dos bien droit à fixer la porte d'entrée comme une âme en peine. La simple idée de l'arriver d'un nouvel élève dans le cabanon et le fait de savoir qu'ils allaient devoir cohabiter pour une durée indéterminée la paniquait légèrement. Légèrement étant un euphémisme. Elle ne savait pas à quoi s'attendre et surtout pas à qui s'attendre. Et s'il pesait dans les 160 kilos et sortait tout juste de prison ? Et s'il avait un pouvoir de sadique du genre création de douleur ? Et s'il la prenait en grippe ? Pas une seule seconde Eugénie n'envisagea le fait que le nouvel arrivant puisse être « normal » voir même, n'ayons pas peur des mots, « gentil » Non. Parce que le cerveau de la canadienne était calibré pour toujours imaginer le pire, jamais le meilleur.

Elle attendit comme ça un bon bout de temps, jusqu'à commencer à avoir marre et, surtout, à avoir faim. Nul ne peut concurrencer l'appel du ventre. Ainsi, Eugénie se leva, direction la cuisine. Elle commença à fouiller les placards – ceux qui étaient à sa hauteur, tout du moins – tout en jetant de temps à autre des regards furtifs vers la porte juste au cas ou. Elle jaugea du regard tous les plats sains face auxquels elle passait. Elle aurait pu faire cuire un truc simple du genre haricots,  patates, même des pâtes à la limite, mais ce n'est pas ça qui interpella son regard. Le paquet de marshmallows sur lequel elle venait de poser son regard avait l'air beaucoup plus appétissant. « Les bonbons ça détruit les dents, apporte le diabète et le SIDA, » lui aurait dit ses parents s'ils avaient été là. Mais il ne l'était pas. Ils ne l'avaient plus été depuis longtemps déjà. Ainsi, elle s’empara du paquet et commença à piocher dedans discrètement comme si elle était entrain de commettre un horrible crime. Un marshmallow, puis deux, jusqu'à ce qu'une voix vienne la tirer hors de son délit.

« Je m'incruuuuste ! »

Eugénie sursauta à l'entente de cette voix qu'elle ne connaissait pas, faisant voler les marshmallows qu'elle tenait à la main un peu partout sur le plateau de la cuisine. Marshmallows qu'elle s'empressa de ramasser et de remettre dans le paquet aussi vite qu'elle le pouvait. Eugénie, la paranoïa.

Alors occupé à ramasser les bonbons à la vitesse de l'éclair, elle remarqua que l'extrémité des doigts de sa main droite n'avaient plus grand chose de semblable à des doigts, mais ressemblait d'avantage à des griffes. Bravo. Voilà tout se qu'on gagne à stresser comme une malade. Eugénie aurait voulu se taper la tête contre les murs, seulement elle avait beaucoup plus urgent à prendre en compte. Comme, par exemple, la personne qui venait d'entrer dans le cabanon. Pourquoi est-ce qu'elle avait laissé la porte ouverte déjà ?

Eugénie se retourna rapidement, cachant sa main droite dans son dos, peu de temps après l'arrivée du... garçon. Donc oui, c'était bien un garçon, mais beaucoup moins terrifiant qu'elle aurait pu l'imaginer. Bien plus petit surtout. Eugénie aurait presque pu lâcher un soupir de soulagement, si elle n'avait pas était prise de cours par la mine dépitée du dit-garçon. Qu'est-ce qu'elle avait fait encore ? Panique, panique, panique.

« Enchanté, je m'appelle Keith ! Keith Malcolm ! J'imagine qu'on va vivre ensemble un moment, alors j'espère qu'on pourra s'entendre ! »

Eugénie ne sourit pas. Elle souriait rarement. Elle avait plutôt tendance à garder cet air paniqué du genre « j'ai vu l'Enfer et c'est pas joli-joli » scotché sur son visage. Pour autant, elle s'inclina légèrement en avant, avant de répondre :

«E-Enchanté ! Je m'appelle Eugénie. Eugénie Pelletier. » bégaya t-elle légèrement sous le coup du stress.

En ramenant ses bras le long de ses hanches elle fut soulagé de remarquer que sa main droite était redevenue tout ce qu'il y avait de plus normal. Tant mieux. Son pouvoir était loin d'être le genre de choses qu'elle souhaitait montrer ou même simplement évoquer à la première rencontre.

« Keith, c'est un surnom ? » demanda Eugénie, un léger bégaiement toujours présent dans sa voix. Après tout, qu'est-ce qu'elle en savait. Pour elle ça sonnait juste comme un surnom. Et puis c'était une bonne manière de faire la conversation, non ? Non. J'avoue. Mais, bon, c'était Eugénie, il ne fallait pas trop lui en demander. Déjà elle avait fait l'effort de parler. C'était plutôt bien.

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