Hadès venait de quitter les S. Et sans même avoir besoin de parler, tu savais la dernière chose qu’il te manquait pour lui prouver que tu étais de son côté. Tu savais ce qu’il vous manquait afin d’appuyer le fait que personne ne serait à l’abri de votre alliance.
Quelqu’un avait ouvert la porte des enfers. Et tout le monde allait amèrement le regretter.
Tu entres silencieusement dans la salle de classe, sombre durant la nuit. Petite et discrète, tu avais réussi à te glisser dans les couloirs sans encombres. Tu observes cette salle que tu connais par coeur. Cette salle qui est une preuve à elle seule de l’inégalité entre les élèves.
Il faudra que tu fasses vite.
Alors tu as prévu le coup. Hors de questions d’arriver demain avec des blessures qui te désigneraient comme coupable. Et cela peut sembler stupide à n’importe qui, mais ce masque à gaz, utilisé en graph’ mais aussi pour Halloween, te servira réellement aujourd’hui.
En dessous de ton sweat, deux épaisseurs de vêtements, histoire de ne pas avoir tes échardes plantées de partout après ce que tu compte faire.
Un legging est glissé en dessous de ton vieux jean.
Personne ne remarquera la disparition de ces vêtements de ton armoire. Après tout, personne ne prête vraiment attention à toi. On dit qu’une fille s’est alliée avec les S. Mais la majorité des personnes pensent à June. La seule et unique qui ait aussi pensé à toi semble être Felicia.
Alors ton secret est plutôt bien gardé.
Si cela peut être compté comme un secret d’ailleurs.
Tu marches doucement entre les tables, observant ton environnement. Sous certaines, tu places des bombes, étudiées en Chimie, qui se détruiront lorsque tu utilisera ton pouvoir. L’avantage ? Tout le monde croira à un élève capable d’en fabriquer. Ce qui est ton cas. Mais elles ne sont pas assez puissantes pour permettre de mettre la salle dans l’état où elle sera après ton passage. Mais ça, personne n’aura à le savoir. Tu n’es pas chez les A pour rien. Les A, ce n’est pas que de l’intelligence. C’est aussi du travail, de la recherche. Être surdouée ne suffit absolument pas pour intégrer l’élite. Tu le sais mieux que personne. Alors ça, tu l’as bossé et réfléchi. Personne ne te soupçonnera.
Tu t’approches des fenêtres.
Personne dehors.
Tu retournes devant la porte. Personne dans les couloirs. Les ronflements de Tartiflette résonnent dans les couloirs, effrayant les élèves les plus peureux. Mais ce soir, tu es curieusement confiante. La peur n’a pas de prise sur toi. L’adrénaline nourrit ton corps d’une énergie nouvelle.
Tu observes la salle de classe.
Tu ne t’embêtes pas à viser.
Tu ne t’embêtes pas à faire ce cinéma que tu fais tout le temps devant les autres, te montrant obligée d’utiliser une sorte de viseur.
Or, là n’est pas l’essence de ton pouvoir.
Ton pouvoir, c’est juste ton corps qui est à la fois le briquet et la poudre.
Tu observes une dernière fois la salle aux équipements hors de prix. Les tables tellement propres qu’on y verrait presque la lune se refléter. Les chaises rangées au millimètre près.
Tout y est arrangé pour que les élèves travaillent dans les meilleurs conditions possibles.
Et tout ça, tu vas prendre un plaisir malsain à le détruire.
Parce que ce n’est pas que pour toi mais aussi pour quelqu’un d’autre. Tu sais qu’il va adorer. Peut-être qu’il ne le dira pas verbalement mais, après quelques semaines passées à devenir la main gauche du diable, t’as commencé à comprendre comment il fonctionnait.
Tu ne prétends pas le connaître. Même après des années, on ne connaît pas la personne. Il faut une vie pour connaître quelqu’un. Mais tu commences à comprendre.
Et peut-être que c’est ici que se trouve la nuance dangereuse.
Tu concentres ton pouvoir sur un point au centre de la salle, dans le vide.
Ta main est dressée au niveau de ta tête.
Tu es prête à partir.
Et dans un ultime mouvement, tu claques tes doigts.
Ce soir, tu sauteras entre les rambardes d’escaliers, échappant sans peine au pauvre Tartiflette, réveillé brutalement. Tu te promettras silencieusement d’apporter des cookies à la pauvre bête, qui le mérite amplement.
En attendant, utilisant tes capacités de sprint, tu te glisseras par la fenêtre ouverte de ta chambre et te changeras rapidement, mettant tes vêtements abîmés dans un sac plastique que personne n'apercevra brûler au coeur de la forêt demain.
Ton masque retournera dans la boîte en carton dédiée aux déguisements sous ton lit alors que tu brosseras tes cheveux, enlevant toutes traces du bois et du verre explosé.
Et demain, dans ton uniforme, tu seras aussi surprise que les autres de voir l’état de la salle.
Tu ne te rendais pas vraiment compte que ton pouvoir d’explosion était aussi puissant.
Et au milieu de la salle, la cravate dorée d'Hadès.
Tu souris.