KFC, it's so good ! [PV Lemon]

Manger. C’est le seul mot qui résonnait dans mon esprit à l’heure qu’il est. J’étais seul et affamé, affalé sur mon lit à regarder par la fenêtre. La matinée a été comme ça, un vrai ennui. Pourtant j’y ai survécu. Mon ventre grogne depuis une heure, il est enfin midi et quart. Je me lève, j’enfile mes chaussures, prend un sac à dos que je glisse sur mon épaule droite et je quitte la chambre dans une discrétion impressionnante –la même discrétion que d’habitude en fait.

Il est enfin temps que j’arrête de manger sainement. Il faut que j’me fasse un p’tit plaisir de temps à autre, n’est-ce pas ? Peu importe, je fais du sport, je suis donc bien foutu et je ne suis pas très gros alors les légumes attendront, je vais au KFC. J’arpente les couloirs tout en calculant le temps que je vais mettre à rejoindre cet endroit. Hum, finalement j’oublie vite l’idée d’y aller à pieds et je change de route pour emprunter les transports en commun. C’est plus rapide, et vu le nombre de fois que gargouille mon ventre depuis ce matin je préfère arriver au lieu de rendez-vous avec moi-même aussi vite qu’il en est possible.

Et puis j’y arrive enfin. La grande enseigne avec la tête d’un mec dont je ne connais pas le nom est affiché tout en haut du bâtiment, en rouge, blanc et quelques traces de noir. Ça me fait soupirer. Je ne suis jamais allé dans un endroit comme ceci, de quoi ai-je l’air ? D’un pauvre abruti qui fixe la porte comme un con, n’osant pas avancer. J’en prends légèrement conscience, alors mon courage enfin pris à deux mains j’ose mettre un pied dans le grand restaurant. Mes yeux fouillent tout du regard et je décide de suivre une troupe de jeunes jusqu’à la file d’attente devant les caisses et je regarde de nouveau autour de moi.

-Monsieur ?

Je tourne la tête et regarde la vendeuse. Elle soupire, elle s’impatiente et je m’excuse, hyper gêné. Mais là je fixe les menus qu’ils mettent au service des clients, et je patiente en croisant les bras le temps de réfléchir. J’hésite. Je suis là pendant plusieurs minutes à peser le pour et le contre alors que les gens derrière moi râlent parce que je ne sais pas quoi prendre. Ils hurlent des injures et au moment on ou veut me renvoyer, je demande une bouteille d’eau avec la salade du nom de « Sweeny Honey ». Je souris, je paie et je fais le tour du restaurant, le plateau à la main pour trouver une place libre. Mais rien, il y a tant de monde.

Je refais un autre tour, complètement perdu, et finalement je me poste en plein milieu du chemin pour commencer à manger. Je m’adosse à un mur ensuite, pour ouvrir l’emballage bizarre de ma salade et l’ouvre pour en observer le contenu. De la salade, des tomates, de la sauce, des noix, du miel ? Euh… Du poulet magnifiquement enroulé dans de la chapelure… J’agite ma fourchette dans le plat et fini par en saisir une bouchée qui passe entre mes lèvres sans attendre. Je ferme la bouche, je mâche et je savoure en regardant le plafond. Je n’ai pas souvent fait ce genre de chose, c’est juste que c’est nouveau pour moi de manger dans ce genre de restaurant. Je tourne la tête à droite, à gauche, mais aucune place ne s’est encore libérée. Je cesse donc d’avaler le contenu de la salade et j’observe les gens sans bouger, toujours adossé au mur.

Apparemment je ne suis pas le seul à avoir embêté la foule de gens à la caisse. Je remarquais une silhouette féminine qui râlait après la caissière, embarrassée. J’ai ri un instant, puis j’ai repris mon calme pour continuer de manger, debout. Mes yeux se posent sur les gens qui me regardent. Ils ne doivent penser que je suis un fou, mais je m’en moque. N’ai-je donc plus le droit de sourire comme je le fais ? Je cesse de mâcher lorsque je remarque que la petite –pas si petite que ça mais voilà- quitte la caisse pour marcher. Elle commence à aller vers la sortie. Je suggère donc qu’elle n’a pas eu ce qu’elle voulait et, en tant que cliente mécontente elle s’en va acheter de la nourriture ailleurs. Je lâche un vulgaire soupire puis un hoquet de surprise lorsqu’elle se dirige dans ma direction.
Je détourne le regard vers une autre fille à l’autre bout de la pièce mais lorsque j’entends la voix de l’élève je cesse de m’adosser au mur, me tient droit et la fixe en souriant, écoutant ses paroles jusqu’au bout.

- Et salut, t'es en A toi aussi non ? Je vois qu'on t'as aussi refusé le poulet, sûrement pour ça t'as pris une salade.

Je l’observe d’abord en silence, jusqu’à ce que mon cerveau la reconnaisse. Oh mais oui ! Nous sommes exactement dans la même classe ! C’est étrange, des A qui viennent manger ici vous ne trouvez pas ? M’enfin, chacun sa vie ai-je envie de dire, nous avons le droit de manger la même chose que ces petits voyous de E. Je lui souris et dit :

-Salut ! Hum, oui, en effet je suis dans la même classe que toi. Et non, nous ne m’avons pas refusé le poulet, on m’en a mis sans me demander mon avis ! (Je rigole et en voyant sa tête lorsqu’elle voit du poulet dans mon plat, je le lui tends) Tu peux manger le poulet si tu veux, de toute façon je n’ai pas très faim, avec cette chaleur !

Le plat une fois dans ses mains, je ne la lâche pas des yeux. La première question que je lui lance est « quel est ton prénom ? ». Certes, elle est dans la même classe mais je ne fais pas très attention aux autres tant qu’ils ne sont pas en danger. Non je ne me prends pas pour Superman ! Ou peut-être un peu je l’avoue. En vérité j’essaie d’effacer les crimes que j’ai commis, des crimes sans raisons. Je m’en veux. Ils étaient innocents comme le poulet qu’est en train de dévorer la fille blonde. Je grimace, avant de tirer vers le sourire un peu forcé pour paraître moins tendu. Je l’observe tout en continuant de penser. Le passé m’assaille de coups que je ne peux pas retirer. Je soupire, mon regard dévie vers le lointain sans le voir, mes jambes tremblent. N’importe qui dans cette pièce aurait pu mourir par ma faute !

Soudainement, je me sens assailli d’un coup dans le ventre. Je m’adosse de nouveau contre le mur et souffle doucement sans voir le décor. Mes yeux se ferment. Non non non… Je dois me reprendre ! Sans faire exprès, je tombe et heurte le sol. Mes pupilles se dilatent, mes dents se serrent et je relève les yeux la fille. Je n’ose rien dire, je me relève et pose une main dans son dos pour la guider avec moi dehors, où il n’y a personne à cause du soleil. Je m’affale sur une chaise et regarde les alentours. Mon tour de manège ne sera pas passé inaperçu je crois. Mais je suis encore debout, encore vivant ! Même si la chaleur cogne mon front dans un rythme épouvantable je suis bien là.

Lorsque je me retourne vers la blonde, je lance un « Désolé » suivi d’un « Je m’appelle Darren », et j’attends en le fixant.