Falling Meeting [PV Mike]

« BORDEL JE TOMBE »

T’as des flashs des fois, comme ça. Tu t’assoupis sur un banc, ta tête dodeline quelques instants dans le vide, pis splotch te voilà envoyé au pays des songes ou juste dans les ténèbres du sommeil. Les gens qui passent autour de toi te regardent avec un petit sourire, certains passent juste en trouvant ça mignon quand d’autres s’approchent pour te réveiller en sursaut. Pour ma part, à ce moment-là nul besoin que quelqu’un d’autre me réveille. Ça m’a fait bizarre, je l’avoue. Des ailes me sont poussées, recouvertes de plumes colorées puis comme un con ivre de liberté j’me suis envolé. Ça a duré quelques instants, le vent m’a caressé le ventre et une pluie fine m’a rafraichi le dos. Pis après j’me suis cassé la gueule, comme une merde. D’où le cri poussé à mon réveil, le cœur battant et les cheveux ébouriffés. Les gens autour se sont retournés ou ont eu un sursaut et puis m’ont regardé avec curiosité.

C’est sûr, j’suis passé pour un abruti. Avec mes yeux écarquillés et mes mains bougeant dans tous les sens. Surtout que ça s’est passé dans la cour intérieure à une heure où le soleil est à son zénith. Les gens me regardaient, certains pouffaient, d’autres avaient les sourcils levés jusqu’à je ne sais pas quelle hauteur et d’autres moins nombreux me lançaient des regards compatissant. J’aurais voulu leur dire quelque chose comme « Pas la peine d’avoir pitié de moi, c’est marrant, non ? ». Mais sur le moment je voulais juste me rendormir, retourner dans le monde où l’envol était possible sans qu’un fil me soit fixé dans le dos. Avec une tête digne d’un ahuri j’ai essuyé le filet de bave qui dégoulinait de ma bouche et me suis recouché sur le banc. Ma chemise était un peu soulevée et un bout de mon ventre, découvert. Une brise me caressa le torse entrainant un frisson dans tout mon corps. Ma tête se pencha en arrière et mon œil droit s’entrouvrit, dans mon champ de vision apparut un mec aux cheveux blancs et aux yeux bleus. Tout près, juste à côté de moi. Je n’avais qu’à tendre le bras pour effleurer sa peau. Mes deux yeux s’ouvrirent alors d’un coup et sans bouger de ma position j’empoignai le vêtement du gars et lui affichai un grand sourire.

« Hey ! Ça te dit de squatter mon banc ? »

Pourquoi je lui ai dit ça d’un coup ? Une impulsion sans doute. Quand je vois quelqu’un d’attirant, je le chope et j’le lâche plus. C’est ce qui fait ce que je suis. Un p’tit chieur blond.

De la soie, du tissu ? Qu’est-ce que ça aurait pu être d’autre ? Un tee-shirt fait en recyclant des bouteilles en plastique ? C’est pas des pulls normalement ? Il n’empêche que le vêtement de ce gars était doux, tellement doux que j’eus vaguement envie de fourrer ma tête dedans. Un petit gargouillement naquit dans ma gorge quand l’intéressé essaya de partir mais fut retenu par la pression de ma main sur son haut. Je gonflai même un peu mes joues pour montrer mon impatience. « Reste-là, t’es doux » Aurais-je voulu dire, mais le regard surpris qu’il me lança en baissant la tête ne m’en laissa pas le temps. Waw, les yeux bleus de ce gars c’était un truc vraiment incroyable. C’est sûr qu’il avait pas l’air super heureux de me voir, mais je n’allais pas le laisser partir. Je sentis ma main perdre son étreinte lorsqu’il la décrocha du vêtement. Mon bras regagna alors sa place sur le banc et je me redressai à mon tour. Mettant une main sur le dos de mon cou afin de le détendre un peu.

« Pourquoi j'accepterais ? »

SBAM. Ça y est, il ne m’aimait pas, ou alors il me testait. De toute façon qu’est-ce qui l’empêchait de rester un peu avec moi ? Un regard qu’on pourrait qualifier de malicieux s’afficha alors dans mes prunelles.

« On pourrait inverser cette question, ne serais-ce pas plutôt : Pourquoi tu n’accepterais pas ? »

En baissant les yeux, je me rendis compte que mon tee-shirt était toujours mal mis et que mon ventre pale profitait lui aussi du soleil. Je remis vite fait le haut comme il était censé être et repensa au détail de l’instant précédent.

« Au fait, il est fait en quoi ton tee-shirt ? C’est tout doux ! »

« Au fait, il est fait en quoi ton tee-shirt ? C’est tout doux !
- Qu'est-ce que j'en sais ! »

Il n’en savait rien, dommage. J’adorerais vraiment avoir des vêtements aussi doux. Sa réponse agressive me fit sourire un peu plus encore. Rien qu’à contempler son visage je savais que le risque de me prendre un coup en parlant avec lui n’était pas très grand, ce n’était pas une des personnes que j’avais à éviter.

« Dommage, parce que sincèrement je l’adore ! »

Est-ce que je lui plais ou pas ? Cette question tournait dans mon esprit. Se mettait alors en place un jeu de regards et de sourires. Je n'aime pas ne pas me faire aimer, et encore moins quand c’est quelqu’un avec un si joli visage. Ce gars-là, si j’avais pu, je l’aurais câliné lui et son tee-shirt doux jusqu’à ce que toutes les forces de mes bras m’aient quittées, ou jusqu’à ce qu’il me vire. Il a dû me prendre pour un gars bizarre quand même. Et puis finalement il a croisé les bras, comme s’il réfléchissait au meilleur choix à faire, et il s’est décidé. Il s’est assis.

« Bon, d'accord, j'me pose...Mais genre juste une heure ! »

Une heure, c’était déjà génial. Même s’il avait la tête tournée, et refusait de croiser mon regard, il était sur le banc ! Il ne restait plus qu’à engager la conversation. Et donc lui demander son nom, sa classe peut-être, ses hobbies, le nom de son animal de compagnie, s’il aimait le basket, son endroit favori et tout ce qui pouvait me passer par la tête. Un grand sourire était fiché sur mon visage et ma tête se penchait légèrement vers la droite pour tenter d’intercepter son regard.

« Cool ! J’m’appelle Dan, classe D et blond. Juste pour savoir, t’es de quelle origine parce que tes yeux et tes cheveux … Ben ils sont juste awesome ! »

« Cool ! J’m’appelle Dan, classe D et blond. Juste pour savoir, t’es de quelle origine parce que tes yeux et tes cheveux … Ben ils sont juste awesome ! »

Dressé à genoux sur le banc, j’avais bien l’air d’un gamin de huit ans qui agresse un inconnu pour lui montrer son nouveau jouet absolument et catégoriquement génial. Cet inconnu c’était ce gars, et le nouveau jouet des petites informations sur ma vie. Qu’attendais-je à mon tour ? Que lui aussi me montre quelque chose de lui. Après quelques instants, il se tournai vers moi en attrapant une de ses mèches blanche entre ses doigts. J’avais les yeux d’un gamin, comme pratiquement tout le temps, mais là ils brillaient genre puissance 94. Ces cheveux, mais ils étaient trop cool malgré leur non-blondeur ! Fins, blanc pur, bien organisés et tout. FANTASTIC (prononcé à l’anglaise). Sa main se dirigeai ensuite vers sa joue qu’il tapota légèrement.

« Je suis Américain et Japonais, mais mes cheveux sont décolorés bien sûr. Et j'ai les yeux de ma mère. »

Décolorés … Bien sûr que je le savais ! C’est pas possible une blancheur si éclatante naturellement, évidemment. N’empêche Américain et Japonais, c’est-y pas trop classieux ça ? Les mangas et les comics réunis en un seul corps. Waw. J’aurais bien aimé avoir des yeux éclatants comme ça, moi ma mère elle avait des yeux sans intérêts. Vides. J’ai dû les remplir moi-même de quelque chose de potable … Mon regard s’assombris un bref instant avant que je reporte mon attention sur mon interlocuteur à la tignasse blanche. Après s’être expliqué sur ses origines il sembla se rendre compte que sa barrière était tombée. Il repris donc un air sérieux en retournant la tête, ce qui me fit rire sans que je le montre réellement.

« Mon nom c'est Mike, classe E. Et toi, c'quoi ton origine ? »

C’est bien Américain comme nom, Mike. C’cool ! En entendant la question sur mes origines, mon esprit s’envola quelques instants vers Londres et ses lumières. Mes bras vinrent s’enrouler autour de mes genoux et mon regard se tourna vers le ciel.

« Ow ça fait bien Américain Mike ! Pour ma part c’est la jeune femme du nom de Londres qui m’a vu naître. J’ai d’ailleurs la tignasse blonde que je pourrais tenir des Anglais, pourtant mes parents avaient les cheveux bruns … ou noirs peut-être, je ne m’en souviens plus. Certaines personnes croient que Dan est le diminutif de Daniel mais en fait non, c’est bien mon nom en entier. Ahaha »

Je continuais de m’extasier sur le visage de Mike quand son expression changea. Comme si son masque de blasé tombait par terre, remplacé par l’image d’un garçon intéressant et surtout intéressé. Il ne souriait pas, il me fallait attendre de le connaitre plus pour ça. Mais je ne décourageai pas. Je n’ai jamais découragé.

« J'aime bien l'Angleterre. Et puis, la blondeur peut venir d'un grand-père, d'une grand-mère...Moi je tiens les yeux et mes cheveux de ma mère en tout cas. »

Aimer l’Angleterre, c’est le bien. Aimer Londres, c’est encore mieux. Une phrase que j’avais utilisée pour décrire cette ville me revint à l’esprit. « Londres est telle une jeune femme. Une jeune dame aux couleurs de nuit qui danse, danse et tourne sans le moindre tournis. » Séduisante, voilà le mot que j’utiliserais pour décrire la ville qui m’a vu naître. Ennuyants, voilà celui que j’utiliserais pour décrire ceux qui m’ont fait naître.

« Ouais, c’est vrai. Peut-être que mes parents n’étaient pas assez classe pour posséder ma blondeur tout simplement. HAHA »

Je ponctuais cette phrase d’un grand sourire et d’un clin d’œil. Le garçon, que je connaissais désormais un peu mieux, s’appuya un peu plus contre le banc et s’étira avant de passer ses bras derrière son crâne. Il paraissait heureux d’être ainsi posé sous le soleil qui tapait. Il faisait chaud et clair. Aucun nuage ne pointait. Un après-midi ensoleillé s’annonçait. A mon tour je m’installai confortablement, les genoux toujours repliés sous mon corps. Je fermai même les yeux et baillai à m’en décrocher la mâchoire. Mr Cheveuxblancs n’attendis pas longtemps avant de rompre le blanc de quelques secondes.

« Pose-moi une question. Je te réponds et vice- versa. D'accord ? »

Yeah. Un question-réponse, c’est-y pas la classe ça ? Aucune chance que je ne sois pas d’accords avec une proposition aussi tentante. Je répondais presque instantanément.

« OK. Je commence alors ~ T’aimes le basket ? »

Ça me semblait important de commencer par ça.

Il réfléchissait, replongeant peut-être dans de vieux souvenirs enfouis. Le basket n’avait pas tellement l’air de l’avoir marqué. Dommage, ce n’étais pas lui qui allais m’accompagner à des matchs pour encourager Skygge, Pytha et Cale (ou papounet AHAHA). Je l’imaginais pourtant bien debout avec un p’tit drapeau à gueuler un truc comme « YAAAAAAAAAAA », bien que ce ne soit pas le genre de choses qu’on crie pour encourager. Mais bon, les trucs de malades, j’ai toujours aimé ça.

« Pas trop...J'crois que la dernière fois que j'y ai joué je suis allé à l'infirmerie. »

Je sentais venir une pulsion en moi et j’avais cette envie de me lever et de crier un truc comme « C’EST ÇA LE BASKET, YAAAAAAAAAAAA » mais une fois de plus ça ne se serait pas vraiment accordé avec la situation … et je serais aussi passé pour un gros malade devant tous les gens présents. Ce qui, je l’avoue n’était pas mon majeur problème. Tout en affichant une petite moue contrariée (fausse bien sûr), je répondais à Mike.

« C’est sûr que c’est dangereux comme sport. On croirait pas comme ça. »

C’est pour ça que je ne pouvais pas y jouer en club, sûr qu’ils auraient trouvé le moyen de me faire voler hors du terrain ! Surtout Pytha maintenant que j’y pense, déjà qu’il essayait quand il me donnait des cours … En même temps avec leurs corps de géants rien qu’à courir ils représentaient un danger pour moi, suffisait qu’ils ne me voient pas pour m’écraser. Du coin de l’œil, je vis Mike retenir un petit rire. Je brisai donc ma moue, la remplaçant par un sourire. C’était bien parti.

« T'aimes bien Prismver ? »

Mon regard alla s’évader autour de nous pour observer la cour intérieure. En disant Prismver, voulait-il parler des bâtiments qui représentaient l’école en forme ou bien de la communauté en même temps. Question intéressante puisque j’adorais les deux. Pourtant, dieu sait que j’ai eu peur en arrivant à cet endroit peuplé d’inconnus. Il ne m’a pas fallu longtemps pour me rendre compte que je n’aurais pu rêver mieux en arrivant ici. Qu’on parle des clubs, de l’architecture incroyable, de la magie, des gens tous aussi étranges les uns que les autres ou de notre ressemblance.

« C’est le deuxième endroit le plus incroyable et chaleureux que j’ai jamais vu de toute ma vie. Le premier étant Londres. »

C’était mon tour, il me fallait une question …

« T’es toujours en contact avec les gens que tu fréquentais avant d’arriver ici ? »

« Non, pu du tout... »

C’est dommage de perdre ce qu’on construit. Moi non plus je n’avais plus de contact, ni de mes parents, de mon meilleur pote ou de sa famille. Personne. Rien derrière. On peut prendre ça comme quelque chose de triste mais c’est plutôt ce qui pousse à avancer. Je le pense, oui. Quand on a rien à perdre alors on peut se jeter corps et âme dans la vie, parce qu’on sait que personne ne nous dira « on était derrière toi ». C’est ça la liberté, le feeling ou ce que vous voulez.

« Mm...Dis-moi, c'quoi ton don ? Ton pouvoir si tu préfères... »

Un frisson me parcourra l’échine quand j’entendis la question. A chaque fois que j’entendais ce mot « don », j’y pensais. A ma peur, à cet ennemi que je ne voulais pas combattre. Pouvoir, c’est mieux. « Don », ça fait trop inné ou différent. Avoir cette chose enfouie en soi sans réussir à la connaître ça n’a rien de fantastique, de fabuleux ou d’incroyable. C’est juste terrifiant, stressant ou tout ce que vous voulez. Pourtant mon pouvoir n’est pas si horrible quand on le voit comme ça. Un champ de force, c’est fait pour protéger, c’est bien, ça me permet de ne pas être en danger, oui … Mais ça met aussi une énorme barrière entre moi et les autres à l’intérieur. D’où vient ce traumatisme ? Je n’en sais rien. J’en ai juste peur. Mon sourire s’envola pour être remplacé par une expression fuyante, comme si je voulais éviter la réponse. C’était mon point faible, pas quelque chose pouvant me rendre fier.

« Je peux créer des champs de force. Va savoir pourquoi je préfère appeler ça un pouvoir. »

« Et lui, d’ailleurs » Cette question me traversa l’esprit. Quel pouvoir pouvait renfermer ce garçon aux yeux bleus ? Il ne tenait qu’à moi de le vérifier. Une fois de plus, mon sourire revint. Réflexe, pour parler aux gens j’ai toujours préféré user d’un sourire.

« Et toi, c’est quoi ton pouvoir ? »