N'avez-vous pas le vertige ? Non ? Alors inspirez, le vent se lève ce soir. [ft. Jake Davis & Alice Di Stefano]

« Taking a breathe, a big breathe. »

Tic. Tac. Tic. Tac. Faisait l'horloge. Un sentiment libérateur, une esquisse d'un sourire sur les lèvres. Mais bien vite, la blondinette reprit son masque inexpressif, impénétrable. Un regard océan qui aurait pu être le plus adorable était éteint. Lorsqu'elle marchait seule, c'est ce qu'elle exprimait. Le néant. Où allait-elle ? Bonne question. Après avoir marcher le long du couloir qui menait à la classe des A, elle tournait pour prendre les escaliers. Descendre, inspirer l'air extérieur, l'oxygène s'infiltrant dans ses poumons gonflés.

Le regard fixe, elle ne cillait même pas. Elle obéissait à son corps, comme un robot mécanisé pour, justement, se rendre à l'endroit désiré. Le toit n'était pas fait pour les élèves atteints de vertige. La superficie de la tour n'était pas un petit immeuble de deux ou trois étages, bien qu'elle contenait quelques pièces, celle-ci détenait la salle de retenue et la bibliothèque ; deux pièces suffisamment grandes pour prendre une bonne quantité d'espace. Elle montait les escaliers en spirale, son sac à bandoulière à son épaule. Cette fin de journée, elle la passerait là haut. Elle avait tant de choses à penser, tant de choses à libérer.

Un questionnement qui ne se relâchait jamais. Un cerveau sans cesse accablé de pensées diverses, malgré un regard vide. C'était épuisant et affreusement long. Un corps frêle comme le sien ne supporterait pas de monter plus haut. Elle s'arrêtait, comme si elle n'avait pas besoin de reprendre son souffle. Mais la réalité était loin d'être fiction. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, battant dans ses tempes, secouant son cerveau de battements irréguliers. Finalement, elle reprit la marche pour atteindre enfin le sommet.

Hope poussait la porte, et inspirait profondément l'air qui lui traversait l'enveloppe charnelle. Le vent commençait à se lever, mais cela n'était pas inquiétant. Elle lâchait la porte et se retournait pour monter sur le mur de béton par le biais d'une échelle de métal. Elle s’installait comme ça, croisant les jambes, le corps soutenu par ses deux mains. Elle relevait la tête vers le ciel, pensive.

Elle s'impatientait de vouloir voir les étoiles, rester là un moment et rentrer retrouver ses colocataires. Enfin, surtout l'un d'eux. Elle soupirait, une bourrasque de vent douce faisant virevolter ses cheveux blonds. Elle fermait les yeux, jusqu'à entendre la porte sous elle s'ouvrir.

Elle se penchait pour observer, rien de plus, rien de moins. Qui était-ce ?

« Human or not, we are in the same place. »
Une phrase, qui n'avait aucun impact sur elle. Elle se contentait simplement d'observer la demoiselle arborant les même couleurs que sa classe. Un regard inexpressif, froid sans aucune lueur quelconque. Vide peut-être. Totalement vide. A quoi cela servait-il de répondre à une phrase qui n'avait même pas de sens. Enfin, si, il y avait un sens à cette phrase, laquelle débouchait sur une conversation de la pluie et du beau temps. Cela ne l'intéressait pas. Elle soupirait, gardant les jambes croisées. Elle fixait alors à nouveau l'horizon. Autour d'elle, il n'y avait qu'une aura sombre, froide, qui pouvait instantanément rendre mal à l'aise. Le silence pesant n'aidant en rien.

Et alors qu'elle pensait pouvoir supporter la présence de la A, un garçon pénétrait les lieux. Lui aussi portait les couleurs des A. Hope le regardait du coin de l’œil, observatrice. Demoiselle... On donnait ce terme à une fille Humaine. Pas à Hope. Il se présentait alors, visiblement gêné. Deux asociaux et une... Hope n'était pas asociale, bien au contraire. Elle rejetait tout simplement la compagnie des autres, ce rejet haineux et froid. Elle laissait un sourire sombre étirer ses lèvres et se penchait légèrement vers son camarade.

« Dis-moi, Jake, je ne comprends pas. Tu cherches à discuter ? De la manière dont tu cherchais tes mots à l'instant, ton cas m'intrigue. De plus, qui nous dit que si nous nous présentons à toi, tu n'oublieras pas qui nous sommes ? »

Un ton froid et calme. Limite déstabilisant pour l'interlocuteur. Elle le regardait, ne le lâchant pas une seconde, sans cligner les yeux. Elle soupirait silencieusement et répondait tout de même.

« Je me nomme Hope. Élève de septième. »

Qu'on la juge, qu'on la trouve froide, cela n'avait pas d'importance pour elle. Qu'on lui demande d'être un peu plus gentille, ça n'était pas dans ses plans. Mais elle savait faire preuve de politesse, car elle l'avait appris et cet acquis avait fini par devenir inné.

« Pour te répondre, cela ne m'étonne guère. Trois personnes comblés de solitude qui se retrouvent à un endroit ou justement, ils peuvent se retrouver seuls. Cela n'est pas très étonnant.  »

Le hasard était aussi un facteur de leur rencontre. Ils auraient très bien pu se retrouver à trois endroits différents sans jamais se rencontrer. Hope ne le mentionnait pas, chacun avait un choix de se faire des idées propres. Elle avait exposé la sienne, restait à voir si les deux A avaient une vision soit plus spirituelle ou plus objective.

« Darkest soul my heart so cold »
Son regard vers le A ne se détachait pas. Elle le voyait sourire, mais cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Hope était refermée au monde qui l’entourait, elle n’y était plus autant accrochée. Elle décroisait les jambes et les recroisait, l’axe changé la jambe droite à présent sur la gauche. Et il semblait ne rien répondre au début. L’échange bien que silencieux,  d’un coup semblait plus profond encore. Le sourire du jeune-homme s’accentuait, signifiant qu’il avait bien entendu et comprit ce qu’elle disait. Rien ne l’étonnait, car comme elle l’avait dit, ils étaient tous les trois solitaires à première vue et son jugement, son intuition, ne lui avait pas fait défaut. La petite A au sol répondait, du prénom de Alice et était plus jeune qu’eux légèrement mal à l’aise. Il y avait de quoi être mal à l’aise, cet échange serait captivant et à la fois peu agréable.

Et puis, il répondait. Moins enjoué que son début de conversation qui était tombé à l’eau à cause de la blonde. De l’intérêt ? Intéressant. Mais pour elle, rien n’était joué. Il en fallait énormément pour lui soutirer un peu d’attention. Elle ne souriait plus, elle ne riait pas, car c’était pour elle, considéré comme de la prétention. Même si elle était capricieuse, ne fut-ce qu’un peu, même si elle voulait attirer l’attention sur elle par égoïsme, Hope ne cillait pas. Bizarrement. Inexpressive, elle soulevait son index, le regard bel et bien planté dans celui du A. Comme si elle pouvait lire à l’intérieur des gens, comme si elle leur insufflait ses propres ténèbres.

« De l’intérêt. Ne pense pas que je pourrais accorder de l’importance à des gens que je rencontre un peu partout. Tu serais partit, je n’aurais pas fait plus attention à toi qu’à un élève qui passe dans le couloir. », elle baissait le doigt, « Mais j’avoue que tout d’un coup, tu as attiré ne fut-ce qu’un peu mon attention. »

Elle le regardait, plus intensément. Elle n’avait rien esquissé, elle restait de glace face à lui. Elle ne semblait même pas avoir de réaction face aux piques de Jake. Il répondait ensuite à la question qu’elle avait posée. Ses yeux vides et ouverts lui donnaient l’impression d’être une poupée sans vie, sans âme. Elle penchait la tête légèrement sur le côté, lui donnant un air plus glauque encore.

« Une question de hasard donc. Intéressant. C’est curieux en effet. »

Peut-être une histoire de Destin certainement. Il lâchait enfin le regard de l’irlandaise pour poser le sien sur la brune. Elle le suivait du regard, observant la petite. Ils attendaient tous les deux la réponse d’Alice, qui devait certainement se sentir un peu mal à l’aise. Entre un regard perçant sans vie, et un regard vert qui semblait-il, montrait un quelconque minuscule désintérêt. Pourtant, ils ne stoppaient pas leur observation.