"Pour être en forme, dépense-toi bien" | Varg

Vendredi après-midi, fin des cours, début du paradis - aka week-end. Pour tous les élèves de mon âge. Tous, sauf moi.

Pourquoi moi ? Juste. Pourquoi ? Je n'ai rien demandé à personne. Je n'ai fait de mal à personne. Je suis discrète, je ne me fais pas remarquer. Alors, pourquoi ? Pourquoi faut-il que je rattrape ce *insérer insulte ici* de cours de sport ?!

D'accord, j'ai peut-être un petit peu trop séché - volontairement pour une fois - cette merveilleuse matière, mais quand même. Ça ne sert à rien de toute façon, j'ai beau y mettre (tant bien que mal) toute la volonté du monde, je suis et reste une larve.

Et, faut bien le dire, pas que pour le sport, en plus.

C'est ce que je ruminai en boucle dans ma tête en me dirigeant d'un pas plus ou moins assuré vers le gymnase - en demandant mon chemin tous les cinquante mètres, juste pour être sûre de ne pas m'égarer. Manquerait plus que je lui pose un lapin; je signerais mon arrêt de mort !

Ne sachant absolument pas ce qui m'attendait, je rentrai prudemment dans le bâtiment. Quelques élèves étaient déjà là, jouant au basket. A croire qu'ils avaient couru jusqu'ici dès la sonnerie de fin des cours. Eh ben, au moins il y en a qui étaient motivés à faire du sport; moi, vous l'aurez compris, c'était loin d'être mon cas. Et la perspective d'un tête à tête avec ma prof de sport adorée ne m'enchantait guère.

M'enfin, j'avais pas trop le choix. Ne voyant pas la prof - peut-être était-elle partie chercher du matériel ? Quoiqu'il en soit, je ne risquais pas d'aller vérifier par moi-même -, je décidai de m'asseoir dans un coin et d'attendre, m'étant déjà changée avant de quitter le bâtiment principal du pensionnat. Ceci dit, l'attente ne me dérangeait absolument pas - au contraire, j'apprécierais énormément qu'elle ait malencontreusement oublié ce cours/punition de rattrapage. Mais bon, venant d'elle, ça me semblait plus qu'improbable.

L'espoir fait vivre.

« TOI ! LEVE TOI ! »

Malgré le sommeil qui commençait lentement mais sûrement à m'envahir, je me levai d'un bond. Raide comme un piquet, n'osant pas esquisser le moindre mouvement, je l'observai discuter avec les élèves déjà présents. Elle avait beau m'impressionner - et m'effrayer un tantinet -, je ne pouvais qu'être admirative du temps qu'elle prenait pour les conseiller. Elle est vraiment passionnée, hein ? En tout cas, c'est le sentiment qu'elle donnait. J'en profitais pour m'étirer discrètement histoire de me désengourdir les muscles.

Malheureusement, elle se dirigea bien vite vers moi. Boarf, grâce à ce manège j'avais peut-être perdu quelques minutes de pratique. C'était déjà ça.

« Bien. Toi. Tu va voir que sécher les cours de sport ça va te servir à rien, juste à avoir des heures en plus le vendredi après-midi. »

Haha génial. Je levai discrètement les yeux au ciel - enfin plutôt au plafond.

« Tu vas commencer par faire 10 minutes de tour de terrain, fait gaffe à pas te prendre un ballon, mais normalement ça ira. Bon les garçons, va y avoir cette demoiselle qui va courir, vous faites attention ! Restez concentrés. »

... Cette prof ne me connaissait pas, et ça se voyait. Moi, ne pas me prendre de ballon ? Impossible. Une des (nombreuses) raisons pour lesquelles j'ai le sport en horreur, c'est parce que je semble attirer les ballons vers mon visage tel un aimant. Mais ce n'était pas le plus grave. Courir ? DIX MINUTES ? Je me figeai sur place. Je devais dire un truc. Trouver une excuse. N'importe quoi.

Mais je savais qu'en la contredisant ça allait certainement mal finir. Alors je la fermai et lorsqu'elle commença à m'annoncer que je devrai "marcher à quatre pattes les fesses en l'air" mon sang ne fit qu'un tour. Devant tous ces garçons ? Sérieusement ?

Je. Je suis certaine qu'elle le fait exprès !

Mais, contenant ma rage et grinçant des dents, la faible que j'étais fini par commencer à courir. Lentement. Très lentement. A l'allure d'une grand-mère estropiée probablement.

Fallait pas trop m'en demander non plus.

Et quelques instants plus tard, j'arrivai devant elle...

« Madame... Je peux... Faire une pause... s'il vous plaît ? »

Je devais avoir fait même pas trois pauvres tour de terrain. Mais pour moi, et au vu de mon état, ça équivalait à un aller-retour Paris-Marseille à pied. Comment ça, j'exagère ?

« Bon, t'as l'air crevée, j'vais pas non plus te tuer. Pour toi 5 minutes ça doit être suffisant. »

Pas la peine de le dire deux fois. Avant que je n'eus le temps de m'écrouler par terre dans un soupir de soulagement, la prof alla vite chercher un ballon pour me le lancer. Enfin, je vis surtout le ballon disparaître dans une espèce de cercle de lumière; j'étais bien trop crevée pour le remarquer plus tôt. Heureusement qu'elle avait fait ça, un peu plus et je me le prenais dans la face sans même avoir le temps de réagir. Je lui fus très reconnaissante d'avoir eu - un peu - pitié de moi. Cela me surprenait beaucoup de sa part.

« Tu te reposes deux minutes maximum et tu me retrouve sur le terrain ! »

Deux minutes ? ... Elles passèrent bien vite, ces deux minutes. A mon grand désespoir. Je maudis intérieurement l'horloge murale du gymnase. Pourquoi le temps allait-il si rapidement dans des moments pareils, et passait-il si lentement quand je courais en mourant lentement mais sûrement ?

Essayant de gratter quelques secondes, je me levai bieeeen lentement et me dirigeai tout aussi lentement vers la prof. Elle était en train de superviser les basketteurs, et j'espérais vraiment, qu'aspirés par leur jeu, ils ne me remarquent pas. J'avais déjà à affronter le regard de ma prof, je n'avais pas besoin qu'en plus ces types se rendent compte de ma nullité absolue. Je me tins soigneusement à l'écart du terrain - on n'est jamais trop prudent - tout en me rapprochant suffisamment pour que Mme Varg me voie.

« Madame ? C'est bon je vais mieux. »

Mais pas pour longtemps. ajoutai-je intérieurement.

Elle ne répondit pas tout de suite, ce qui me fit hésiter à l'appeler une seconde fois. Mais je n'osai pas. Du coup, je restai là, à attendre comme une imbécile, me donnant des claques intérieurement.

Puis la sentence tomba.

« Tu vas t'entraîner avec les garçons. »

... No way. Non, c'était juste pas possible, même avec une autre pauvre fille oubliée dans le groupe. Je me pris le ballon dans la figure avant même d'avoir eu le temps de protester, et le ramassai rapidement d'un geste maladroit, ne faisant mine de rien. Pour la dignité, c'était d'ores et déjà loupé.

« On va faire une tournante, on fait un rond, il y a deux ballons et les joueurs se l'envoient sans rien dire. C'est par le regard. Ils vont bien t'expliquer t'inquiète pas ! Et si mademoiselle Keaton fait tomber la balle, ça sera 5 pompes à chaque balles tombés.»

What da fucking fuck ? Ils m'ont rien expliqué du tout oui. Ils n'en avaient visiblement ni le temps ni l'intention.

Et le problème était : un ballon, c'était déjà trop. Alors deux ! DEUX !

Alors que je me concentrai du mieux que je pouvais, il ne fallut que trois passes pour que je rate la balle et me la prenne dans la tête. J'eus cependant le temps d'apercevoir le regard de celui qui m'avait envoyé le ballon de la mort. Connard. Il l'avait fait exprès, c'était évident. A moins que je ne sois trop parano ?

Je relançais vite fait bien fait le ballon, espérant que Mme Varg oublie ce qu'elle avait dit quelques minutes plus tôt.

Mais hum. Je suis vraiment trop optimiste je pense.