Stop Stabbing me in the Heart

Joy McCullen

J’erre dans la forêt, sans but précis en tête. Marcher m’apaise, et la nature me donne un sentiment de calme plénitude que je ne sais obtenir autrement qu’en me permettant ces petites excursions à l’extérieur. Dernièrement, j’ai l’impression de me vider de mon énergie dans des pacotilles. Comme ces prises de bec continuelles avec Colton. Je ne sais pas ce que a bien pu se produire pour que l’ambiance entre nous change de la sorte, mais les anciennes taquineries se sont transformées en insultes tranchantes. Bien qu’à la base nous ne nous connaissons pas énormément, notre rencontre au bord du lac me laissait présager d’une relation plutôt amicale avec le jeune homme. Mais il a changé.  Et pas qu’un peu.

Sans trop m’en rendre compte, mes pas me mènent à nouveau à ce lac où tout avait commencé avec Colton. Quelque peu surprise, je fige un instant, pour finalement aller m’assoir sous ce même arbre où le blond-bleu m’avait fait peur l’automne dernier. Peu m’importait à présent les souvenirs que me rappelaient cet endroit, il me fallait simplement en créer de nouveaux. Mes yeux divaguent vers le lac, à présent complètement dégelé, miroitant doucement. Mes genoux se plient et remontent pour se coller à ma poitrine et mon menton s’abaisse lentement pour s’accoter contre la surface lisse de mes rotules. Je n’ai jamais aimé les conflits, d’aussi loin que je me souvienne. Et ce n’est pas aujourd’hui que ça allait changer.

Je me demande aussi comment il réussit chaque fois à trouver les bons mots pour me faire du mal. Je n’ai pas ma langue dans ma poche et je me sais capable de risposter efficacement, mais je ne pense pas être capable de lui faire du mal autant qu’il m’en fait depuis son retour de la clinique. Peut-être qu’il s simplement été traumatisé par l’une des infirmières qui s’occupait de lui? Je n’en sais absolument rien. Nada.
Je lâche un soupir et ferme les yeux, tentant d’imaginer quelque chose de plus joyeux que le beau jeune homme. Un chat. Ah oui, ça fonctionne toujours ce petit truc. Visualiser la petite boule de poil me permet de me changer les idées avec succès et d’étirer mes lèvres en un doux sourire. Ne plus penser à rien... Simplement au bien-être qui m’habite présentement.

Joy McCullen

Cette voix. Intérieurement, tu sais bien à qui elle appartient, mais tu refuses d'admettre qu'il ait pu te retrouver à cet endroit. Pas alors que votre première rencontre était si parfaite, il ne pouvait pas venir gâcher ce souvenir, ruiner toute tentative d'oublier. Il n'avait pas le droit, pas dans ton cœur. Il l'avait déjà assez piétiné, pourquoi tout briser de la sorte?

Ta tête se redresse, ton cœur accusant le coup qui lui avait été porté avec difficulté. Touché. Ce n'est un secret pour personne que tu as couché avec pas mal de gens du pensionnat, et il faut croire que Colton avait décidé cette fois-ci de l'utiliser contre toi. À quoi bon nier l'évidence?
Tes yeux s'embuent légèrement avant que tu ne t'imposes une stoïcité qui renvoie les larmes à leur place, bien cachées loin dans une remise de ton cœur. Tu ne pouvais pas lui montrer qu'il t'avait fait du mal, encore une fois, ce serait lui faire plaisir, lui montrer qu'il a gagné. Mais il ne peut pas gagner, pas comme ça.

Bien décidée de lui montrer que tu ne plieras pas devant lui, tu te lèves, lentement, et plonge ton regard durcit dans le sien, explorant l'intérieur de ses iris, cherchant une faille, une faiblesse. Une trace d'émotion que tu pourrais utiliser contre lui.


Tes bras se croisent sur ta poitrine, comme pour calmer la douleur de ton cœur et le protéger à la fois de celui qui se tient devant toi. Tu n'as jamais couché avec Ezio. Et encore moins dans le lit de Colton, mais ça il ne peut pas le savoir.
Au fond de toi, tu sais que plus tu lui fais mal et plus tu te fais mal à toi-même, mais tu ne peux pas rester là sans rien faire alors qu'il t'attaque. Alors quitte à en souffrir davantage, tu ripostes. Encore et toujours.


Tu roules des yeux et effectue quelques pas à l'opposé du jeune homme, quitte à rallonger ta marche d'une heure pour l'éviter.
Tu te fracasserais même la tête contre une énorme plaque de glace juste pour avoir moins mal au cœur. Mais ça risque pas d'arriver de si tôt.

Joy McCullen

Le qualificatif de chienne te fait figer sur place. Tu arrêtes littéralement tout mouvement pour te retourner vers lui, les sourcils arqués par l'étonnement. Tu ne bouges pas quand il te menace de tout balancer publiquement sur tes ébats sexuels, sachant bien que ça ne changerait pas grand chose que tout le monde le sache. Mais quand le sujet de l'eau frappe tes tympans, tu peux rien y faire, la peur t'envahit et c'est bien évident.

Y a rien qui te ferait plus peur que de plonger dans l'eau. En même temps, y arriverait-il ? Avec ton pouvoir, tu savais qu'en cas de stress ou d'urgence il y avait possibilité d'avoir un minimum de contrôle sur l'eau, mais voulais-tu vraiment prendre le risque? Non, absolument pas. Une crise cardiaque, c'pas mieux.
Tu te reprends, par contre. Parce que même si t'as qu'une envie, celle de te barrer le plus rapidement possible, tu sais que tu ne dois pas lui montrer à quel point il te fait peur maintenant.
Aimer celui qui nous terrifie le plus, c'est pas un peu bizarre?


Tu hausses les épaules, faisant comme si ça ne te dérangeait pas au fond qu'il te pousse dans l'eau. Mais toi comme lui savez que c'pas du tout le cas.


Tu souris, et va même jusqu'à lui faire un clin d'œil. Pour la suite, t'espère bien lui clouer le bec pour pouvoir partir en silence.


Tu fais la révérence, faisant comme si le jeu t'amusait alors qu'en fait il te détruit à petits feux. Tu pourras plus faire semblant bien longtemps, chaque jour le masque est plus difficile à conserver que le jour précédent. Tu n'es pas capable de mentir, de garder le sourire, la tête haute. T'as besoin qu'il te prenne dans ses bras, qu'il te caresse les cheveux alors que tu pleures allègrement contre lui ta honte et ta douleur. Mais tu sais que ça n'arrivera jamais.