La mort de Bobby.

« Au zoo de New York, il y avait un buffle, un singe et même un un lynx, ce qui m'a surpris d'ailleurs, et j'ai pu les prendre en photo. »

Pendant qu'eux observaient les photos un vieil album que Matthieu avait secouru de la poussière qui l'avait recouvert depuis quelques temps déjà, Amalia se démenait pour enlever la crasse qui salissait les assiettes. Ah, la vaisselle... Si la mère au foyer était payée pour faire la vaisselle, je crois qu'elle serait riche ! Lorsque Matthieu montra une photo aux deux gamines qui l'entouraient, la plus petite, Tess, s'exclama de son air innocent, excitée comme une puce :

« Un jour, je serais dresseuse de Lions, et j'en ferais un élevage !
- Imbécile ! T'aimerais qu'on te domestique et t'enfermes en cage ? »

La remarque de Camille était aussi froide que son visage. Elle a toujours eu cet air fermé, même lorsqu'elle m'avait vu pour la première fois. Cela m'attriste un peu. Mais elle était mal placée pour dire cela. C'est vrai quoi, moi aussi je subis séquestration depuis que l'on m'a incarcéré dans cet immense aquarium, immense certes, mais remplis de poissons rendus fous par leurs détentions ! Bon, je peux pas dire que c'était aussi renfermé qu'ici, mais je ne me plains plus, désormais. Cette famille me plait bien, et ils ont tout de même réussi à me trouver un bocal assez grand pour me faire oublier mon embastillement passé. De plus, les décors sont assez... attrayants !

C s'était levée, agacée par les remarques de sa sœur, et s'en alla en direction du couloir à droite. Je n'ai jamais su où il menait. A vrai dire, ce n'est pas la claustration qui m'a aidé à connaître cet endroit immense plus en détails !

Des mes yeux globuleux, j'observais Matthieu qui était allé attraper sa femme par la taille, la convainquant de laisser en plan ce qu'elle faisait pour aller au marché. Un marché, ça ressemble à quoi ? Cet encellulement commence à me rendre dingue... J'observe ensuite Tessa sortir ses affaires de peintures. Du rose, du jaune, du bleu, du blanc... C'était bien joli, tout ça ! Elle s'était même permise un petit goûter, capturant le chocolat qui fut prisonnier de l'emballage il n'y a que quelques secondes maintenant... La tête brune alla chercher un papier au fond du mystérieux couloir, et revint quelques minutes plus tard. En revenant, Tessa s'asseyait sur la chaise qui lui donnait vue sur la télévision. Elle alluma cette dernière et, en même temps, écarta le gilet que Camille avait laissé là précédemment.

Enfin, Tessa commença son oeuvre d'art telle une artiste appartenant à l'époque où le cubisme était le mouvement qui dictait tous artistes respectables. Je ne pouvais pas voir son dessin, mais rien qu'à l'emplacement des couleurs, je crois que ce n'est qu'un gribouillage enfantin. A la télé, il y avait un reportage sur la savane. Et lorsque l'image d'une gazelle poursuivie par un lion passa à l'écran, Tess se redressa d'un coup en poussant un cri de stupeur. Elle a cette faculté à s'impressionner pour un rien.

Seulement voilà ; Tess avait renversé un pot de peinture (le rose, précisément) sur le gilet noir de sa sœur. Et c'est un second cri qui s'échappa de ses lèvres. Dans un élan de panique, elle mit son index en bouche et le frotta contre la tâche, essayant tant bien que mal d'enlever cette matière résiduelle. Mais la tâche était tenace et ne faisait que s'étendre encore plus. Tessa sautilla sur place avec comme un kangourou. La petite s'arrêta net, droite comme un I, et lâcha un soupir peu rassurant. Elle descendit de la chaise et rangea calmement la peinture, nettoya les pinceaux, et laissa sécher le dessin sur la table. Puis, Tessa se tourna vers la cuisine et alla allumer le robinet.

Si son ambition était plus forte que celle qu'elle avait précédemment, de vouloir devenir une grande artiste, Tess ne parvenait à enlever cette tâche. Et malheureusement pour elle, Camille venait de débarquer. Le regard emplie de passivité, un écouteur enfoncé au creux de son oreille gauche et le regard noir, la noiraude commença à, ce qui me semble, chercher du regard son... gilet sans doutes. Et c'est en voyant la coupable que ses yeux de biche prirent une lueur sombre. Camille se jeta sur Tessa, mais cette dernière avait déjà pris ses jambes à son cou en optant de sortir en dehors de la maison.

La course dura 5 minutes au moins. En revenant dans la pièce, les deux sœurs n'avaient cessé la poursuite, et Camille semblait devenir de plus en plus folle. Tessa, quant à elle, tirait la langue à l'aînée, la narguant de cette manière. Mais le karma fut vainqueur, et la petite trébucha sur le tapis et se cogna violemment le sourcil gauche contre le bout de la table basse. Malheureuse petite fille, qui subissait à la suite le rire moqueur de sa sœur, qui était carrément pliée en deux.

Oh, tiens, quelle est cette magnifique petite chose qui se tient là ? Juste en face de moi ? Serait-ce Oscar, ce jeune cadet ? Il se tortillait, sur ses petits pieds, et c'est avec l'aide d'une chaise déplacée que l'enfant réussi à grimper. Je dois l'avouer, ce meuble est bien grand. Il me porte loin du sol, et me donne l'illusion d'être géant. Pour un poisson, en tout cas. Oscar m'observa. De son air innocent. Il avait l'air content. De me voir ? Va savoir. D'un geste indélicat, l'enfant vint agiter l'eau de son index maladroit. De quel droit vient-il me perturber, dans mon chez-moi ? Alors que je fuyais les vagues, la grande pierre, qui servait de décoration, commença à s'agiter de manière dangereuse. Je crois que j'ai eu de la chance. Celle de ne pas être mort de manière douloureuse. Quand bien même je serais mort de manière pitoyable. Et même si j'aurais été simplement mort en étant écrasé par un décor, je n'oublierais pas ces moments que j'aurais passé ici, tous inoubliables.