Après tout, les jeunes atteints d'un cancer sont les effets secondaires des mutations incessantes qui permettent la diversité de la vie sur terre.

Cela faisait un an que j'étais ici, et cela faisait un an que j'étais suivie par un psychologue. Je n'aimais pas ça, parler de moi. Cependant je n'avais pas vraiment le choix. C'était l'une des conditions que mon père m'avait imposée avant mon départ, si je n'avais pas accepté je ne serais probablement pas là aujourd'hui. Puis, si je n'avais accepté, il aurait sûrement parlé à Harisson de toutes ses horribles choses que je me suis infligée. Et il en était hors de question. Aujourd'hui, et comme chaque semaine, je devais me rendre chez le psychologue. Ces séances hebdomadaires n'avaient aucun effet sur mon mal-être, elles ne faisaient que me rendre mal à l'aise. Je détestais parler de moi, je ne savais jamais quoi raconter. Puis, ce qui me dérangeait tout particulièrement, c'était d'admettre que j'étais terriblement pathétique. Parler de moi me déprimait encore plus que je ne l'étais déjà.

La vie de mon frère aurait été bien plus facile si je n'avais jamais vu le jour - du moins, c'était mon avis. Cela ne devait pas être facile d'avoir une petite sœur cancéreuse, qui avait déjà faillit perdre la vie une fois. D'ailleurs, cela aurait été mieux pour tout le monde. J'étais devenue une personne détestable, une petite fille exécrable. Comme je pouvais me haïr moi, et ce pauvre corps meurtri. Je n'étais même plus une personne à part entière à force de me cacher derrière tout ses masques. Et, à force de cacher et d'enfouir tout ses sentiments néfastes, je m'étais noyée dans la complexité de ses derniers. Je sombrais encore et encore dans le désespoir. Je ne savais même où tout cela allait me mener, mais sûrement pas vers une fin heureuse. De toute façon, cela m'importait peu puisque de toute façon, j'allais mourir bientôt.

Avant de me rendre à cette énième séance, qui encore une fois allait être inutile, je fixa mon reflet dans le miroir de ma chambre - comme à mon habitude. J'avais vraiment l'air minable. Je n'avais que quatorze ans, mais à me regarder, on pouvait croire que j'en avais le triple. Quelle fille, de nos jours, oserait porter les vieux vêtements de leur frère ? J'étais probablement la seule. Mais, je ne voulais pas que l'on voit mes courbes chétives, et que l'on s’apitoie sur mon sort. Puis, ils avaient au moins le mérite d'être confortables. Je me rendis vers le bureau de la psychologue sans prêter attention au monde extérieur. Une fois devant, je frappa à la porte non sans gêne. Comme je l'ai déjà mentionner, toutes ses séances me mettaient bien mal à l'aise. J'attendis que l'on me donne la permission d'entrer, avant de m'installer sur le fauteuil face à la personne qui me suivait depuis un plus d'un an. Comme d'habitude mon regard la fuyait, et je jouais avec zèle avec l'une de mes mèches de cheveux :

- De... De quoi voulez-vous  parler aujourd'hui..?

Je n'oserais jamais lui parler de moi-même. Je me contentais juste de répondre à ses questions. Cela était bien suffisant non ? Je me demandais de quoi elle allait bien pouvoir me parler aujourd'hui. De mes parents ? Mon frère ? Mon parcours scolaire ? Ma maladie ? ... Ou de ce petit garçon dont j'étais folle amoureuse il y'a quelques années, et qui m'a lâchement abandonnée.

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La personne qui me suivait n'avait pas l'air d'avoir passé une bonne nuit. Et moi non plus, je n'avais pas passé une bonne nuit, et ce n'est pas pour autant que je me montrais arrogante. Je poussas un léger soupir, un peu déçue par le comportement immature de l'adulte. A quoi s'attendait-elle ? Que son petit jeu allait me faire parler ? Aucune chance, si elle voulait que je parle, elle allait devoir me poser des questions, qu'elle le veuille ou non. Je croisas les bras sur son bureau, avant d'enfouir ma tête dedans.

- Non... J'veux pas parler... Vous permettez si je termine ma nuit ? J'ai  passé une nuit atroce à cause d'un idiot.

J'avais décidé d'être arrogante moi aussi, facile pour quelqu'un qui n'a aucune identité propre. J'étais douée pour porter des masques, salir mon image Je ne ressemble à rien ? Cette psychologue n'avait pas sa langue dans sa poche. Mais, elle n'avait pas tord. Avec les vêtements d'Harisson, je ne devais pas ressembler à grand chose. En parlant de lui, il me manquait horriblement et dire, qu'avant nous étions si proches...

- Vous savez, je m'en fiche de ressembler à rien. C'est ce que je veux, j'ai pas envie qu'on me trouve mignonne, pas envie qu'on s'approche de moi. Vous êtes bien placée pour le savoir : je vais mourir.

Quelle idiote, j'avais fini par déballer mon sac... Dans un soupir, je défia l'adulte des yeux, de toute façon j'avais commencé à parler alors autant continuer :

- Puis je ne ressemblerais jamais à rien à cause de la maladie, alors autant pas perdre mon temps dans des futilités.

Je n'ai pas envie de me plaindre, mais vous ne savez pas Madame. Vous ne savez pas à quel point la maladie me fait souffrir, mon corps est meurtri, je ne veux plus le voir. Regardez, regardez à quel point cette coquille est couverte de bleus, de cicatrices... Ce n'est pas beau à voir n'est-ce pas ?

- Vous avez autre chose à me reprocher ? Mes cernes ? Mon visage maussade ? J'ai tout mon temps vous savez...

Je détestais jouer les pimbêches, mais je n'avais pas le choix si je ne voulais pas q'on s'attache à moi. Puis, de toute façon je commençais à avoir l'habitude.

©Gau