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Tu te glisses dans les ténèbres les plus sordides. Ils sont sans bruits et glacent le sang comme cette sensation qui te fige lorsque tu songes à ton ressenti post-mortem.
Plus rien. Plus de frissons, plus d'échos, aucun ressentiment, la chaleur du monde qui sangle ton corps n'est plus... Tu chasses ces idées noires et laisse le froid te ballotter, ou te boulotter. Tu souffres de tes vêtements à peine trop chaud pour combattre ce vent qui te mord et ne laisse que de ta personne, des claquements fébriles de canines acérées.
Seul point positif, tu n'as pas eu – tu t'es esquivé à dévorer ce cookie infect qui te fait redevenir le pâlot et faible humain qui dort sous ton enveloppe bleue. Tu te laisses entraîner au bout de la nuit par ces démons de minuit, et prie à qui veut bien l'entendre de ne pas croiser un touriste qui s'offusquerait de ton apparence.
Il te fallait te changer de bord, faire une vidange de force ou de gré. Ça t'avait d'ailleurs persisté au coin des lèvres, tu te sentais vulnérable, toi le taciturne mal endimanché que rien ne pouvait secoué, tu chancelais... C'en était risible. Après tout, Arsène t'avait violemment mit sur la touche, tes parents, selon les dires de ta sœur étaient en pleine procédure de divorce pour une raison encore inconnue, et tu avais contracté un sale rhume qui te faisait éternuer chaque modiques minutes – et à fortiori, changer d'apparence à chaque rejet de microbes.
Tu avais passé tout le début de cette semaine à ruminer, tu t'étais coupé du monde, affalé dans ton lit avec les dernières revues du Shonen Jump qui ne te faisait même plus tressauter d'intérêt. Tu regardais la pluie cogner contre les fenêtres et s'éclater sur le sol, les oiseaux abandonner leur prestige au vu de la météo... Tout te paraissais si creux, alors que tout était normal en fin de compte.
La réalité la voici, tu étais vide.
Tu t'étais laissé convaincre qu'il te fallait quelque chose pour remonter la pente, quelque chose qui te redéfinirait et qui concrétiserait un changement dantesque. Un but, une histoire à siffler entre les couloirs, un drame, une nouvelle apparence, n'importe quoi. Tu allais combler cette épaule vide de fusil pour l'aménager d'un parachute, et tu sauterais dans le vide à corps perdu sciant le ciel avec pour seule sécurité ta fierté.
Tu allais marquer ce jour à l'encre noir.
Tu pénétras dans la boutique de piercings et tatouages et déshabilla ta figure de ton bonnet trop petit, enroulant ton coupe-vent sous le bras, tu saluas la réceptionniste, au courant des bizarreries qu'engrangeaient le pensionnat. Tu pointas pour le rendez-vous que tu avais réservé tard cette soirée là, et amorça le pas entre les fauteuils coloriés de cuir rouge empestant la stérilisation mêlée à l'odeur de l'encre et du chrome. Tu te laissas chuter, comme avalé par l'un de ces canapés avant de rehausser la tête et remarquer Chrissy, une camarade que tu ne voyais que trop peu. Elle se dandinait légèrement, magazine aux mains, sur un fond de Marvin Gaye qui faisait tourner la boutique. Tu sifflas pour attirer son attention...



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