Elle avait ce paquet qu’elle cachait depuis quelques jours dans sa chambre, celui auquel elle ne pensait pas -se forçait à ne pas le faire- pour ne pas paniquer plus que cela. Et les jours s’écoulaient et la date se rapprochait. Ce petit paquet, lui, n’avait pas bougé d’un pouce, toujours enfoui sous son lit en espérant se faire oublier.
Elle avait dans son coeur cette douleur qui n’avait cessé de croître, depuis votre dispute il y a quelques semaines, depuis que ses camarades de Raven s’en prenaient plein la tête tous les jours et qu’elle n’y participait pas. Depuis qu’elle avait choisit de fuir lâchement, loin de tout en décidant de rester anonyme. Elle avait mal de ses pensées, et de ses mains encore blessées. Il n’y avait certes plus grand chose désormais, mais elles la tiraillaient. C’est dans ces moments-là que son regard décidait de se planter sur le miroir brisé de sa porte qu’elle n’avait pas prit la peine de changer, pour lui rappeler à quel point il était idiot de ne savoir contrôler ses émotions. Qu’elle était allée trop loin et qu’elle ne voulait plus.
Toujours perdue cependant, les jours étaient passés. Et aujourd’hui l’hésitation prit soudain plus de place que tout le reste. Elle se demandait si venir te voir était une bonne idée Killiam, si malgré tout ce qu’il s’était passé tu la regarderais encore comme ta soeur, si tu accepterais de lui parler ? Elle ne voulait pas t’embêter, se disant que probablement tu devais fêter ça avec Ezechiel et d’autres de tes amis. Elle hésitait et les heures s’enchaînaient.
Déjà l’aube, ah. Elle n’avait pas dormit et toujours pas tranché. C’était affreusement embêtant.
Happy Birthday feat. Théa S. Kenneth - date. 13 septembre
Aller récupérer le carton qui contenait les huit livres de Jules Verne à la librairie avait été une catastrophe, non seulement il était énorme, mais en plus d'être assez imposant – un paquet de quarante centimètres de largeur sur trente de hauteur – , il était horriblement lourd. Huit livres reliés c'était pas du n'importe quoi. La libraire avait eu raison de te prévenir de prendre un sac de course ou quelque chose du genre. Mais parce que tu n'écoutais pas, tu avais ramené ça dans ton sac à dos qui avait survécu à beaucoup plus que de simples livres, le mettant dans un coin de ta chambre, emballé dans un papier cadeau coloré et caché sous quelques vestes.
Tu avais passé la matinée en cours, n'écoutant qu'à moitié ce que les profs te racontaient et tu étais rentré dans ta chambre, sans passé par la case self, décidant de manger directement dans ta chambre. Tu passais la soirée avec Ezéchiel, tu avais prévu de le récupérer à la fin de son cours d'astronomie. Mais surtout, surtout ce qui était important aujourd'hui, c'était Théa. Théa, Théa, Théa. Il fallait que tu ailles la voir, tu voulais aller la voir, mais tu avais tellement peur qu'elle te repousse, qu'elle te rejette, qu'elle ait déjà quelque chose de prévu pour votre anniversaire.
Tu enfiles t-shirt gris aux manches qui effleurent à peine ton tatouage et pantalon noir, tu attrapes ton sac à dos et fourre le paquet à l'intérieur avec un peu de mal, ne voulant pas déchirer le papier cadeau. Chose faite, tu quittes ta chambre, puis ton bungalow, saluant rapidement tes colocataires. Sac à dos sur l'épaule, tu te diriges vers le bungalow de Théa. Tu y entres sans frapper, salues à peine ses colocataires et tu pénètres dans sa chambre sans frapper non plus.
Peut-être aurais-tu dû.
Te voilà dans sa chambre, alors qu'elle est assise sur son lit, et la scène te rappelle beaucoup trop bien ce qu'il s'est passé trois semaines auparavant. Tu ouvres la bouche, la refermes... tu entres un peu plus dans sa chambre, assez pour refermer la porte de sa chambre et tu déposes doucement ton sac sur le sol, te penchant sur le côté.
Puis tu l'observes, la détailles. Et un sourire léger vient éclairer ton visage, et peut-être que tu décides de laisser tomber pour aujourd'hui, d'enterrer la hache de guerre, alors tu ouvres à peine les bras, un peu comme pour lui laisser le choix de venir ou pas t'enlacer :
Dans toute son hésitation et sa peur de devoir prendre une décision, elle ne se serait pas doutée une seule seconde que ce soit toi qui vienne te présenter à elle. Alors elle était restée un peu bête Killiam, le visage étonnée et les bras ballants, assise sur son lit à tenter de comprendre la situation. Une seconde s'écoula, peut-être deux avant qu'elle ne percute finalement, deux interminables secondes avant qu'elle ne vienne te sauter dans les bras. C'est comme si vous ne vous étiez pas vus depuis une éternité, pourtant ça n'était pas le cas. Mais tu lui avais manqué, tu lui avais manqué si fort Killiam qu'elle avait cru suffoquer tous ces jours où tu n'étais pas là, près d'elle. C'était de sa faute et elle s'en voulait tellement.
Mais c'était fini maintenant, pas vrai ? Tu étais là, et même si ça n'était qu'une journée, que quelques heures Killiam. Tu étais là et c'était là finalement le plus important. Elle ne te remercierait jamais assez pour ça. Ses mots d'ailleurs se font murmures, étouffés par sa voix au bord des larmes tellement elle était heureuse que tu sois présent. Joyeux anniversaire Killiam.
Elle te serrait si fort dans ses bras, murmurait sans cesse ces mots pour se convaincre que cette année encore elle pouvait te les répéter. Joyeux anniversaire, encore et encore, totalement bouleversée. Joyeux anniversaire...
« Je suis désolée... »
Pour avant, pour maintenant, pour après. Pour tout ça, pour être elle, pour te faire du mal. Pour cette scène qu'elle te faisait malgré elle, tu sais, elle était désolée et elle t'aimait si fort Killiam. Si fort. Plus fort encore qu'elle ne l'aurait cru. Alors elle s'écarta à peine pour pouvoir observer ton visage, et sur ces joues coulaient quelques larmes, légères, qui allèrent s'écraser contre son sourire, ce sourire tendre et plein d'amour qu'elle t'adressait, bien incapable finalement de contrôler ses sentiments.
« J'ai eu peur que tu ne veuilles pas qu'on le fête ensembles tu sais ? J'ai hésité à venir, je me suis dis que peut-être cette année tu aurais voulu le fêter avec Ezechiel. Mais hum. »
Elle parlait un peu vite Théa, séchant ses larmes d'un revers de manche ensuite pour te prendre une nouvelle fois contre elle, un simple instant qui voulait dire merci, qui voulait dire je t'aime, qui te souhaitait une nouvelle fois le meilleur des anniversaires. J'ai cru qu'après tout ça tu ne voudrais plus de moi. Elle ne te les dits pas ces mots mais ils l'avaient torturée des heures durant Killiam, et elle avait lutté pour ne pas les croire, parce qu'elle te connaissait Théa. Et elle savait que malgré toutes ses conneries tu serais toujours là pour elle autant qu'elle le serait pour toi. Elle ne pourrait pas vivre sans toi, Killiam.
Cette fois s'écarta réellement, rompant le contact entre vous pour te laisser passer. Entre je t'en prie.
Elle retourna s'asseoir sur son lit, t'invitant à prendre place où tu le souhaitais. Elle avait cette excitation nouvelle dans le cœur, ce sentiment enfantin qui reprenait sa place à la tristesse des dernières semaines. Comme une gamine un jour de noël, à la différence que cette année elle ne savait pas trop quoi faire. Un peu embêtée, il faut dire qu'il s'était passé tellement de choses dans cette école.
« J'ai pas de gâteau par contre... C'est si grave de déroger à la règle tu crois ? »
C'était elle qui les préparait d'habitude, tous les ans.
Happy Birthday feat. Théa S. Kenneth - date. 13 septembre
Elles sont longues, les deux courtes secondes qui s'écoulent. Elles sont longues et semblent ne pas vouloir passer normalement, comme si le temps s'était stoppé littéralement. Et enfin, elle te saute dans les bras, elle vient enserrer ton cou et tu entoures sa taille de tes bras, la pressant contre toi, glissant ton visage prêt de son épaule, la soulevant presque un peu contre toi. Elle te souhaite un joyeux anniversaire contre ton oreille et tu la remercies, resserres ton étreinte. Mais elle continue, et tu la laisses faire, parce que tu la comprends. Tu la comprends car vous aviez sûrement eu la même réaction, à tourner et virer dans votre lit respectif, à réfléchir si oui ou non vous alliez vous voir cette année qui a été spécifiquement difficile.
Tu le sais. Alors tu la laisses faire. Tu te contentes juste de la serrer contre toi, si fort, tellement fort.
— Je suis désolée... — T'as pas à l'être, réponds-tu doucement.
Quand elle se recule, une de tes mains remontent à son visage pour que ton pouce puisse essuyer ses quelques larmes. Ce n'est pas un jour pour pleurer, pas aujourd'hui, non. Elle reprend la parole et tu secoues la tête de gauche à droite pour lui répondre. Ezéchiel n'était même pas au courant que c'était ton anniversaire. Vous alliez juste manger un morceau dans un petit restaurant, et finalement, c'était juste une sorte de rencard qu'autre chose. Tu avais juste envie de passer la soirée avec lui, mais pas spécifiquement pour ton anniversaire. Un jour ou un autre aurait été pareil, à vrai dire.
Une autre étreinte avant qu'elle ne se recule définitivement et qu'elle aille s'installer sur son lit. Tu retires tes chaussures et attrapes ton sac à dos avec une seule lanière, avançant et le posant au pied du lit alors que tu t'assois sur le lit en tailleur. Tu chasses ses paroles d'un léger geste de la main et d'un simple haussement d'épaule.
— C'est pas grave, on a pas besoin de gâteau.
Tu t'abaisses alors et ouvres ton sac à dos, sortant le paquet assez conséquent emballé et tu le poses entre elle et toi, souriant de toutes tes dents.
Tu es ce genre de personne qui est heureux de faire des cadeaux, Killiam. Tu as toujours aimé faire des cadeaux. A Théa, à tes parents. A Ezéchiel aussi – et il faut absolument que tu lui donnes la loupe d'Orion avant d'oublier et qu'elle pourrisse dans ta chambre. Tu tapotes le paquet des doigts et tu te mordilles la lèvre inférieure.
Tu ne sais pas quoi lui dire. Ni quoi réellement penser. Il y a un léger malaise entre vous que tu essaies de chasser, mais il semble bien installé. Tu aimerais le faire disparaître d'un claquement de doigts, faire en sorte de chasser les souvenirs qui reviennent en bloc quand tu es dans cette chambre. Tu remarques enfin le miroir brisé et tu le détailles un instant, t'observant dans ce qu'il reste d'accroché et tu détailles alors le reste de la chambre. Il manque des choses, des choses qui ne devraient pas manquer. Et tu sais ce qu'il s'est passé. Tu le sais parce que s'il tu n'étais pas allé voir Ezéchiel, si tu n'avais pas décidé de pleurer, tu aurais sûrement explosé tout ce qu'il y avait eu dans ta chambre et sur ton chemin.
Ton regard coule dans celui de Théa, et tu vas pour lui dire quelque chose, tu vas pour lui demander si elle est au moins passé par l'infirmerie, mais ce serait s'inquiéter, ce serait outrepasser ton droit d'être là, ce serait être de trop dans cette vie où elle ne te veut pas totalement, pas complètement. Alors tu baisses le regard un instant, regardes tes doigts sur le paquet avant de lâcher en le poussant un peu vers elle :
— Ouvre ton cadeau.
Tu ne sais pas comment faire partir le malaise entre vous, chose qu'il n'y a jamais eu. Tu ne sais pas comment réagir, tu ne sais plus ce que tu as le droit de dire ou non, car tu as cette retenue dorénavant, et tu as décidé de la garder. Tu as décidé de ne plus te mêler de ses affaires, parce qu'elle t'a bien fait comprendre que c'était ses affaires, pas les tiennes, que tu n'avais rien le droit de dire, pas le droit d'agir, rien le droit de faire. Tu n'avais même pas le droit d'avoir ton opinion sur ce qu'elle faisait. Alors tu te tais, et tu essaies de ne pas outrepasser le droit qu'elle t'accorde.
Tu décides de chasser ses pensées noires, de les mettre quelque part, au fond de ton esprit, peut-être y ressongeras-tu une autre fois, mais pas aujourd'hui, non, ni même demain. Un autre jour, peut-être. Alors tu lui souris, tapotes un peu le cadeau et tu sautilles légèrement sur son lit, toujours en tailleur. Et tu es impatient qu'elle ouvre, parce que tu as vraiment envie de savoir si ça va lui plaire.