Comme d'habitude et pourtant si différent ! [PV Edwin]

Une chanson résonnait dans ma tête. Je regardais par la fenêtre, ne faisant pas allusion aux paroles des professeurs et des réponses des élèves. J’avais les écouteurs dans les oreilles et je bougeais la tête en rythme avec mes mains sur mes cuisses. Mon uniforme en plus. Parf, de toute façon les cours c’est de la merde pure, c’est barbant. Certes, les uniformes sont cool mais bon. Je regarde l’heure sur mon portable. Ça sonne dans douze minutes. Alors j’envoie un SMS à Edwin pour lui dire de me rejoindre dans le salon habituel pour qu’on parle après les cours. Je dis le « salon habituel » mais il comprendra. En fait on va tout le temps dans le même, parce qu’il est cool et plutôt isolé. Du coup on peut blaguer tranquille et profiter de la vue d’un arbre dans la cour intérieure. Ouais, parce que ça nous cache aussi. On ne fait rien de mal, mais délirer sur des trucs improbables c’est con. Je souris à cette pensée. Je suis grave pressée que ça sonne. Dès que je tourne la tête vers le tableau, tout le monde me regarde. Je retire les oreillettes et range tout dans mon sac en mode « je suis innocente monsieur ! ». Tout le monde a son regard fixé sur moi et tout ce que je dis c’est « Heiiiiin ? » puis j’entends un « DRIIIIIIIING ».

Sauvée par la gong, je range tout et fuit de la salle, ne notant même pas les devoirs. J’avance d’un pas qui frôle le mode « je crois » et atteint en moins de sept minutes. Je remarque que je suis seule et rigole pour rien. Lui alors, le temps qu’il allume son portable, qu’il note les devoirs et tout. Il sera là d’ici dix minutes. C’est un A, intelligent qui note ses devoirs et qui prend le temps de demander au prof s’il a bien tout compris. Je l’aime bien. Il est toujours en retard, et je parierais même que c’est pareil pour les « RDV secrets » c’est-à-dire les rendez-vous galants. Je ne sais pas s’il en a, mais ce serait cool pour lui quoi. Sauf qu’à mon avis il fera passer les cours avant.
Je balance mon sac sur la table et m’installe confortablement sur la banquette, ce qui signifie que je me fous en tailleur et que je sors mon portable pour pianoter en attendant. Qu’il se grouille, j’ m’ennuie ! J’attends toujours et fini par soupirer ainsi que fermer les yeux. En attendant je remets l’album « Shobiz » de Muse dans mes oreilles, et je tapote lentement la table. Je remue les lèvre en suivant les paroles. Je ne chante pas, je fais semblant. Parce que j’ai toujours détesté chanter face aux autres. Je le fais sans mal avec une bouteille d’alcool.

Là, un sourire éclaire mon visage. Si seulement j’avais pris de quoi. Mais de toute façon mon meilleur pote n’aurait pas apprécié, je pense.

Puis je sursaute lorsqu’on m’enlève les écouteurs, me coupant de mon monde de musique. Mon réflexe est d’éteindre la musique pour pas qu’elle tourne pour rien et je me tourne brusquement alors qu’on me chuchote « Salut Elly. » Sacré Edwin. Je le regarde s’installer à côté de moi et je souris.

-Salut Ed’ !

Son surnom n’est rien d’autre que « Ed ». C’est stupide non ? Mais je ne sais pas comment l’appeler sinon. Mais au moins il a un surnom, alors ça me fait plaisir et à lui aussi.

« Ta journée s'est bien passée ? T'as pas fait trop de bêtises ? » Me demande-t-il presque aussitôt.

Alors je me lançais dans la description de ma journée, barbante. J’me suis réveillée genre vers huit heures, j’me suis rendue compte que j’étais en retard mais j’ai pris le temps de me préparer. Douche, manger, maquillage, enfilage du costume de cours, etc. La routine quoi. Je lui racontais aussi que j’avais déjeuné avec x ou y garçon, dont j’ai déjà oublié les noms. De toute façon ce n’est pas important. Et je souriais en le regardant droit dans les yeux. Parfois je lançais une ou deux phrases drôles, ce qui nous faisait rire tous les deux. Et les conneries ?

-Et sinon… Non pas de conneries. J’ai même réussi à embrasser aucun mec aujourd’hui, lui dis-je en rigolant. Et j’ai même pas vu Dulcianna, ajoutais-je avec une moue désespérée.

Il sait que je suis avec Dulcie. De toute façon, qu’elle le veuille ou pas je le fais savoir à qui je veux, nah. Et a un meilleur ami on dit tout, c’est tout à fait normal.

Je piquais un bout de gâteau à Ed pour l’enfourner dans ma bouche en lui souriant pour le remercier. Pas la peine de demander, on se sert c’est tout, c’est comme ça entre nous. Soudainement je baissais les yeux. Merde, ça recommençait. Des nausées, des « je me sens pas bien ». Je m’accrochais au bord du fauteuil. Je ne le regardais pas mais j’me doute qu’il panique. J’ai chaud, et puis j’ai le tournis. Je saisis vite-fait la première bouteille que j’ai dans le sac. J’arrive pas à lire dessus alors je l’ouvre et avale une ou deux gorgée du liquide. De la vodka. Ouah ça va vachement me soulager ça. Tant pis. Et puis comment ça se fait que j’ai oublié ça dans mon sac ? C’est étrange. Je repose la bouteille sur la table, sans prendre peine de la cacher et je secoue vaguement la tête. Je regarde les yeux vers ceux d’Ewin. Puis ils vont vers ma bouteille. Je devrais la cacher, mais je reste accrochée au fauteuil de peur de tomber.

Je n’ose rien dire. Je sais, de l’eau aurait été mieux mais j’ai pas eu la force de me déplacer. D’ailleurs je m’adosse correctement à la banquette et pose ma tête dessus. Je m’affale à moitié. Je me sens mal, comment souvent en ce moment. Ça dure depuis quoi, trois semaines ? Ouais une vilaine maladie. Au pire c’est pas comme si j’allais mourir. Je dois avoir eu une petite intoxication alimentaire.

-T’inquiètes ça va passer.

Il sait pas ce que j’ai et je dis ça. C’pas grave. J'essaie de lui cacher depuis justement ces trois semaines que je vais mal, mais parfois il le remarque, surtout quand je le fuis dans les couloirs pour aller dans les toilettes et me rafraichir le visage. Je tapote doucement ma propre cuisse, de façon nerveuse. Juste comme ça, et j’essaie de chanter dans ma tête une musique pour me calmer, mais je ferme les yeux comme ça.

Un feu flambait ma gorge, ou c’était tout comme. J’ai cessé de bouger chacun de mes membres. J’aurais pu sembler morte ou dans le coma si mon cœur ne battait pas. Je me remémorais tellement de choses.

« Elly ! » Je tourne la tête vers celui qui m’interpelle. Son nom me saute aux yeux, Lucas. Qu’est-ce qu’il fout là ? « Elly réponds-moi ! » J’essaie d’actionner mes lèvres. Mais aucun son ne sort. Je me mets à tousser vulgairement. Il pleure. Il trempe mon visage. Il essuie mes joues elles-aussi trempées, il saisit un mouchoir pour essuyer du sang. Du sang ?! Je crachais du sang ! Je vais mourir c’est obligé… Dans mon état aucun moyen de m’en sortir. Je ferme les yeux mais des doigts glissent doucement dessus pour les ouvrir. « Reste avec moi. Tout va bien OK ? Tu vas t’en sortir. » Ses bras, ils me soulèvent. Mes yeux redeviennent clos. Un brouhaha d’enfer retentit peu à peu derrière lui, jusqu’à ce qu’un silence m’atteigne. Il crie. Je m’éloigne. Allongée sur un lit. Le sien ? Mais tout va être tâché. Je murmure son nom mais il ne m’entend pas. Je parle jusqu’à hurler. Il se retourne vers moi et je croise son regard. Je souris. Il accourt et prend ma main. Et je chuchote qu’un danger approche. Il me regarde comme si j’étais folle. Ma colère s’amplifie alors que l’odeur de mort s’amplifie dans mes narines. Je m’accroche à lui et hurle qu’il est en danger. Tout autour se met à bouger. Il veut que je le lâche mais je n’en fais rien, juste mes ongles qui s’enfoncent dans la chair de son cou. Il hurle. Il panique. Et pourtant je reste ainsi. Les meubles tremblent et quelqu’un entre. Je crie de dégager, je jure contre cette personne. C’est le directeur. Lucas essaie en pleurant de lui expliquer que je suis souffrante. Mais le directeur n’accepte pas. Il nous emmène de force dans son bureau alors que des objets volent autour de nous, jusqu’à l’assommer. J’ai été virée.

J’ouvre les yeux, effrayée et fixe Edwin en face de moi. Je pleure, je viens me blottir contre lui. Je chiale, c’est clair. Pourquoi je me remémore ça ? Il me demande si je suis malade et veut savoir ce que je lui cache. J’aimerais expliquer que moi-même je n’en ai aucune idée. Je tourne les yeux vers le mec sur qui il s’énervait. Je repousse doucement Ed, et me lève. Ma tête tourne un moment et j’avance en titubant vers le gars. Je ne le connais pas, mais il en veut à mon meilleur ami, et ça je ne peux pas le laisser passer. Une fois devant lui, tel un fauve enragé je lui fous un point. Qu’a-t-il dit pour qu’Ed jure ? Il rit de moi. Il se fout de ma gueule. Ça me met en rage.

-Dégage, je lâche vulgairement.

Mais il me fixe en rigolant. Ça m’énerve. Non. Je sers les poings. Tout mais pas ça. Je sens le chakra remonter tout mon corps, m’engloutir carrément dans une bulle de colère. Même les larmes ne m’arrêtent pas. Un gros bouquin sur la table se met à trembler avant de gentiment voler. Je hurle à Edwin de m’en empêcher, de m’empêcher de user de mes pouvoirs comme ça mais le temps qu’il arrive à moi le livre vole dans la face du garçon en face de moi. Puis la table qui tremble également. Non ! Je ne veux pas ! Je recule d’un ou deux pas. Mais je ne suis pas encore vidée de toute mon énergie. Certes, ce coin est isolé mais si un boucan retentit on risque de venir voir et je risque d’être virée. Ma force redouble. Je saute sur l’abruti qui en veut à mon meilleur pote, et je me mets à l’assommer de coups alors qu’il crie pour que j’arrête. Je ne me contrôle plus.

Soudainement, mon poing se stoppe à quelques secondes de son visage et je me relève en tombant sur le cul, en face du gars inconnu à mes yeux. Je lance un regard à Edwin. Un regard qui veut dire « Désolée, je vais tout t’expliquer ». Mes yeux reviennent sur lui. Ses traits sont flous, je souffle doucement pour détendre tous mes muscles. Honte à moi. C’est bizarre mais je n’ai pas entendu ce qu’ils ont dit. Et si finalement tous leurs mots ont été déformés par ma conscience ? Là ce serait la cata. J’ai peur de la suite, peur de ce qui pourrait arriver après ça. Puis, l’inconnu voit que je suis distraite un moment et se lance sur moi. J'eus le réflexe de fermer les yeux.

Sauf que quand je les ouvrais, il n'y avait plus rien. Plus cet homme. Je ne me relevais pas, je commençais à m'affoler et je criais deux ou trois fois le nom d'Edwin, les larmes aux yeux. je m'étais battue contre le vent pendant plusieurs minutes. J'ai eu des illusions.

Il s’approche et m’entoure de ses bras. Je me blottis rapidement contre lui en fermant les yeux. Qu’est-ce que j’ai ? Mais il me force rapidement à me relever alors mes yeux s’ouvrent de nouveau. Je sens un fauteuil sous mes fesses et son contact de sa peau sur la mienne me quitte. Je grimace, j’essaie de m’accrocher à lui. Le silence me gêne, je ne sais plus où regarder alors je clos mes yeux et penche la tête en arrière en soupirant. Mal de crâne, mal au ventre aussi. D’ailleurs je passe la main sous le tee-shirt pour me la passer sur le ventre et je grimace aussitôt. Je dois lui dire. C’est dur mais je dois le faire. C’est mon meilleur ami je suis censée ne rien lui cacher. Pourtant je le fuis alors que ce n’est pas de sa faute, je le fuis parce que je ne veux pas lui dire.
Mes doigts se referment sur les siens alors qu’il me caressait tendrement les cheveux. Mais sa voix me parait lointaine et j’ai chaud. Il dit quelque chose, mais quoi ? En tout cas il semble vexé. Il s’arrête. J’ouvre soudainement les yeux et l’attire contre moi, sur le fauteuil. Il est à califourchon sur moi ? Je ne sais pas je vois flou. Mais sans lâcher sa main je pose la tête sur son torse et laisse échapper quelques larmes et quelques sanglots. Ma voix se fait toute petite.

-Oh pardon Edwin pardon… Je…

Je me tais. Non, je ne sais pas comment le lui faire comprendre. J’ai appris ça il y a deux semaines environ. J’ai décidé de garder ça pour moi. Je refuse qu’on m’opère. C’est à moi on ne me l’arrachera pas…

-Mon bébé…

J’ignore si j’ai dit ça pour l’appeler lui ou si c’était pour qu’il comprenne ce qui m’arrive. Je m’écarte un peu de lui et mon visage se retrouve près du sien, alors que j’ai les larmes aux yeux. Je distingue vaguement les traits de son visage, je caresse sa joue de ma main libre. Et cette même main libre qui caressait sa joue à l’instant, attrape sa main. Je ne veux rien faire de grave, juste qu’il comprenne sans mots comme il le fait d’habitude. Alors que j’approche ces deux mains de moi, mes doigts se referment un peu plus sur sa paume de nos autres mains entrelacées depuis tout à l’heure. Et là, je glisse ma main et la sienne sous mon tee-shirt, et je les pose sur mon ventre, en même temps que ma tête heurte doucement son torse. Je ne dis rien. Je lui sers les deux mains. J’attends une réaction. J’ai du mal à mettre des mots sur ce qui m’arrive. Je sais que je suis anxieuse, j’en suis consciente et je souffle doucement pour me calmer.

Finalement, je décide de desserrer l’étreinte de mes doigts. Je tremble mais je reste contre lui, et puis je quitte ses mains pour passer mes bras autour de sa taille et de le serrer contre moi. Je ne veux pas qu’il vouge, j’ai besoin de lui, besoin qu’il reste avec moi et m’encourage, car j’ai l’impression d’être plus seule que jamais sans lui. Même s’il est plus jeune que moi, il me comprend. Il est intelligent. Je ne le lâche pas. Le fait que je sois dans ses bras, près de lui a le don de me réconforter. Je me sens en sécurité. Rien ne peut m’atteindre, je me détends un peu.