Bonjour Prismver. Adieu la tranquillité. [Marshmallow]

Le train venait d’arriver à destination. Nous avions passé près d’une journée dans les transports. Oui, nous. Tante Ann avait tenu à m’accompagner jusqu’à Prismver et Tante Ann était toujours accompagnée de son majordome. La nostalgie des lieux surement l’avait poussée à m’accompagner… Toutefois, je ne m’attendais pas à ce qu’à peine débarquer, sans passer par aucune administration, elle m’attrape par le bras et m’entraine sur les traces de son passé, laissant en plan Ned chargé de tous les bagages.

Tante Ann n’arrêtait pas de jacasser, me donnant d’inutiles détails sur ce qu’elle avait vécu en ces lieux, les personnes qu’elle y avait rencontré, et toute une masse d’informations qui mal distribuées passèrent à des années lumières de ma mémoire, bien que quotidiennement entrainée. Pourtant je ne pouvais m’empêcher de sourire devant le comportement de ma tante. Elle était si puérile ! Devrais-je faire remarquer que ma tante n’avait que huit ans de plus que moi ? Oui, cela me semble avoir son utilité. Enfin ! Je soupirais pour la énième fois en repensant à ce qui m’amenait en ces lieux.

Il y a deux ans, mes pouvoirs se sont déclenchés. J’ai blessé ma mère, effrayé mon père et ma sœur. Ce jour-là aurait mieux fait de ne jamais arriver. Enfin ! On ne change pas le passé… Que disais-je ? Ah, oui. Après l’incident causé par l’apparition de mes pouvoirs, tante Ann s’est ramenée à la maison, comme une fleur, et j’ai dû la suivre. Soit disant parce qu’elle avait le même pouvoir, soit disant pour m’apprendre à le contrôler.

Bon, je l’admets, elle m’a vraiment appris à le contrôler, enfin suffisamment pour que je ne sois pas un danger immédiat pour la première personne que je croise. Cependant, j’ai passé deux ans sur son domaine, ne vivant qu’avec elle et les cinq domestiques. Autant dire, que j’ai perdu l’habitude de vivre en société. L’amitié, l’amour, la confiance…tout ça s’était loin. Et les gens maintenant me faisaient peur. Et ça risquait de devenir un problème à Prismver. Ça risquait de devenir un problème tout court.

Pourquoi tante Ann avait attendu si longtemps avant de me donner la lettre ? Cette fameuse lettre qui faisait d’un être anormal, un monstre… un être exceptionnel, faisant partie d’une élite de personnes aux capacités extraordinaires ? Je ne sais pas. Elle ne m’avait donné que peu d’informations à ce propos. Trop peu. Enfin ! Quoi qu’il en soit, nous étions là, toutes les deux, à flâner dans le parc. Ma tante me tenait par le bras tout en me racontant mille anecdotes.

Et puis soudainement elle se rappela d’une chose. Elle lâcha mon bras et se transforma en courant d’air. Elle avait disparu. Elle m’avait plantée là. Sans un mot d’encouragement. Sans… Je me mordis la lèvre. J’avais envie de pleurer. A cause d’elle je me retrouvais dans un lieu inconnu, entourée d’inconnus flânant ou se relaxant dans le parc. Etais-je sensée aller leur parler ? Leur demander de m’aider ? A cette idée je commençai presque à me liquéfier. Je ne pus que demeurer immobile, comme une imbécile, les deux pieds plantés dans le sol. Il fallait que j’attende que ça me passe. Oui, c’et cela ! J’allais bien finir par m’habituer au moins un petit peu. Suffisamment pour ne pas faire peur à la première personne que je pourrais rencontrer…Si quelqu’un…Je ne pus retenir mes larmes plus longtemps. J’éclatai en sanglots, me recroquevillant aussitôt sur moi-même avant de tomber à la renverse. La surprise passée, j’en profitai pour essayer de me décontracter. J’avais une affreuse boule au ventre. Un bras sur les yeux, une jambe allongée, l’autre repliée, je reniflais en attendant de me calmer tout à fait. Oui, j’attendais…

Don't cry and eat a
candy!

Allongée par terre, un bras sur les yeux, je laissais le temps s’écouler, écoutant tous les bruits environnant pour tâcher de me calmer pour qu’enfin cette boule au creux de mon ventre s’en aille. Le sol n’était pas inconfortable, même plutôt agréable, ferme et doux à la fois. Les bruits qui me parvenaient étaient apaisants. J’avais toujours aimé la nature pour la paix qui y régnait. Totalement en opposition avec ce qu’il pouvait se passer dans ma tête. Il fallait toujours que je me torture l’esprit pour la moindre chose… A cette idée les larmes affluèrent à nouveau. Je les refoulais de mon mieux, me mordillant les lèvres en même temps, perdant ainsi quelques petits bouts de peau morte.

Je soupirais en me concentrant davantage sur mon ouïe. Il fallait que je me calme tout à fait. Tout en détendant mes muscles, je fis plus attention encore à mon environnement, les yeux toujours clos. Le vent, les oiseaux, les insectes, des bruits de pas, quelqu’un marchant dans l’herbe, parfois sur des feuilles… Des bruits de pas qui se rapprochaient. J’espérais que la personne passerait son chemin. Ayant pleuré, je devais avoir une tête monstrueuse. Pour ne pas y penser je me concentrai à nouveau sur ce que je pouvais entendre. La personne s’arrêta à côté de moi et m’adressa la parole. C’était une voix de fille. Une toute petite voix. Avait-elle hésité à me parler ? Avait-elle hésité à me déranger ? Je l’avais parfaitement entendue la première fois mais voyant que je ne bougeais pas, la jeune fille se répéta un peu plus fort.

- Euh ... Excusez-moi mais pouvez-vous me dire ou se trouve la sortie? Je me suis un peu...

Je levais mon bras pour éclairer mon champ de vision. La jeune fille s’interrompit dans son discours en croisant mon regard. Je devais vraiment avoir une tête affreuse pour qu’elle me regarde avec cet air plein de pitié qui m’horripila immédiatement, et me secoua un peu, beaucoup même. Je m’assis en séchant mes yeux. Il fallait que j‘arrête de pleurer et le plus rapidement possible. Je détournai la tête le temps de reprendre contenance. Quand je pus enfin faire face à la jeune fille qui m’avait abordé, elle me tendait une grosse sucette rose.

- Tiens ! Moi quand je suis pas bien je mange une sucette ... enfin j'en mange à peu près à toutes les occasions en fait mais bon ! Ça a meilleur goût que les larmes, c'est plus sucré!

Il y avait longtemps que le goût des larmes ne me dérangeait plus. Mais je pris la sucette offerte en tâchant de sourire. C’était un geste gentil. Et puis j’aime beaucoup le sucre, même si je sais qu’il ne faut pas en abuser. La rigueur que ma tante m’avait imposée - malgré son caractère, c’était à n’y rien comprendre – m’avait habitué à être raisonnable. Je glissais donc la sucette de la jeune fille dans une poche en hochant la tête pour la remercier et lui tendit la main.

_ Je m’appelle Arya Wilson. Je viens d’arriver. Si tu cherches ton chemin, j’ai bien peur de ne t’être d’aucune utilité.

Puis je réfléchis un instant. Etais-je capable de revenir sur mes pas ? De refaire le chemin inverse sans me perdre ? Le domaine de Tante Ann était immense et après en avoir fait une fois le tour complet avec le jardinier, jamais je ne m’étais perdu, alors peut-être que je pourrais ne pas plus m’égarer ici. Je décidai d’en faire part à la jeune fille qui soit dit en passant, ne passait pas inaperçu avec ses cheveux colorés et ses lentilles de couleurs.

_ Nous pouvons peut-être repartir par le chemin que j’ai emprunté pour venir, si cela te dit ? Je pense m’en souvenir assez bien, même s’il est très long. Mais peut-être que tu te repèreras plus facilement une fois hors du parc.