Des excuses bien méritées ? Peut-être. | Pv : Ethan V. |

L'hiver était toujours là et le pensionnat se retrouvait couvert d'une fine couche de neige, scintillant et fondant sous les rayons du soleil. L'adolescente avait séché cette après-midi là, comme à son habitude et elle se retrouvait dans le jardin du pensionnat. Là où elle avait rencontré Ethan. Elle ne savait pas trop ce qu'elle fabriquait. Se pinçant les lèvres, elle se laissa tomber sur un banc froid. Cela faisait une semaine que le bal de noël avait eu lieu. Une semaine qu'elle l'avait envoyé boulé alors qu'il s'était confié à elle, alors qu'il lui avait avouée que c'était quelqu'un de "spécial" pour lui, alors qu'elle commençait à avoir confiance en lui... Et maintenant elle n'avait le droit qu'à des regards froids, quand on moins il ne l'ignorait pas complètement. Le peu d'amitié qu'ils se portaient avait volé en éclat. Uniquement à cause d'elle.

Kath jura tout haut, réalisant qu'elle y pensait encore : ce n'était pas normal. Elle aurait dû se réjouir : elle avait réussi à l'éloigner. Mais elle ne savait pas ce qu'elle voulait vraiment avec ce type.

Elle avait eu vent que les A n'avaient pas cours. Ethan n'irait pas dans sa chambre, c'était trop tôt. Où un A pouvait aller se foutre quand il faisait 0°C dehors ? Elle essaya de connecter les deux neurones qui lui restaient, elle serrait aller spontanément à la salle de sport elle. Mais Ethan n'était pas un accro du sport. Machinalement, elle leva les yeux vers la tour annexe. La bibliothèque ! Si elle était un A et qu'elle n'aurait pas cours, voilà où elle se rendrait. Cela paraissait évident, mais la bibliothèque était immense. Tant pis, elle n'avait rien à faire, n'avait rien à perdre et elle voulait lui parler. Il fallait mettre fin à ce cirque.

Se relevant mollement avant que ses fesses ne gèlent complètement, elle se mit en route, rapidement et atteignit la porte de la tour annexe cinq minutes plus tard. Elle n'eut même pas à entrer dans la bibliothèque, le jeune homme en sortait. Il semblait seul et c'était tant mieux.

Le hasard fait parfois bien les choses.

- Suit-moi.

Elle s'était planté devant lui, un poil agressif. Elle ne lui laissait pas vraiment le choix. Elle le choppa par le poignet, ne lui laissa même le temps de fermer son manteau et l’entraîna vers l'escalier extérieur. Il fallait un endroit tranquille et c'était vers le toit que l'adolescente se dirigeait instinctivement. Elle ralentit un peu en montant, l'escalier sans rampe et étroit, se révélait assez dangereux. Mais elle continuait de tenir le jeune homme par le poignet, lui imposant de la suivre sur le même rythme.

Elle fut soulagée en arrivant sur le toit, ils n'y avaient personne. Et maintenant, elle faisait quoi ?

- Euh. Je ne voulais pas te secouer. Fit elle mollement, en le lâchant enfin. Continuant de lui tourner le dos, elle reprit plus sereinement. Je voulais te parler. Elle se tourna vers lui. Accorde-moi dix minutes et je te laisse tranquille après.

Il fallait qu'Ethan l'écoute et avec ce qu'elle avait fait et la semaine qu'ils venaient de vivre, s'était peut être trop demandé.

- Tu as intérêt à me déranger pour quelque chose d'important.
- Je crois que c'est important.

C'était "important" ? Peut être, peut être pas. Elle savait juste que ce serrait difficile pour elle d'arranger les choses. Prenant une inspiration, elle sent qu'il va y avoir un problème et les mots lui manquèrent. Causer du tord, emmerder le monde, se faire détester c'était facile et quotidien pour l'adolescente. Mais dès qu'il s'agissait de se rapprocher des gens et d'agir "normalement", c'était silence radio. Depuis des années, Kathleen avait peur de se rapprocher des autres, c'était plus facile de rejeter tout le monde ou de mener des relations superficielles.

Se rapprocher des autres pour elle, c'était se jeter dans la gueule du loup, mettre un doigt dans l'un des seules engrenages qui pouvaient la blesser. Mais c'était le moment de balayer ça... ou du moins en partie. Elle déglutit et choisit de faire à sa "méthode", franche et directe. Elle ne voulait pas montrer son hésitation -même si elle prenait des plombes pour répondre -.

 - Je veux qu'on arrête ce cirque toi et moi.

Regardant loin devant, elle se mordit la fin inférieur assez férocement. Il va se foutre de sa gueule ou il va lui dire que c'est trop tard, elle était persuadée. Mais au moins ce serrait dit et elle n'aurait plus à y penser. La Brune ramena son regard sur le sol, la neige se transformait ici et là en plaque de verglas qui brillaient lorsque le soleil daignait apparaître.

- J'ai eu l'habitude de mettre une barrière entre moi les autres depuis longtemps et avec ce qui s'est passé le soir du bal, avec ce que tu m'as dit j'ai...

Et là, c'est le bug, Kathleen n'y arriverait pas, se confier c'était trop dur elle. Comme lorsqu'elle avait voulu parler sérieusement à Lucia, elle s'arrêtait au début de tout ce qu'elle avait à déballer. 

- J'ai flippé, voilà. Je sais que j'ai merdé.

Reprit elle mais sur un ton plus colérique. Est ce que cela ressemblait à des excuses ? Elle n'en savait fichtrement rien. Serrant les dents, l'adolescente était assez tendue.

Il prit la parole quelques secondes après. Comme elle s'y attendait, il ne serrait pas tendre avec elle. Tant pis, elle s'en prendrait plein la figure. Puis il se mit à partir, encore une fois il s'éloignait. Comme lorsque la E lui avait fait revivre son pire souvenir, comme lorsqu'il l'avait foutu en plan après avoir établi les règles du "pari", ou lors de la discussion une semaine auparavant. Mais Kath n'avait pas eu envie qu'il s'éloigne, à chaque fois, elle était revenue vers lui. Ethan ne pouvait pas comprendre, il ne la connaissait pas, elle ne courrait pas après les gens à part pour les faire chier. Quand elle courrait ainsi après les gens c'était parce qu'ils comptaient un minimum à ses yeux. Kathleen ne s'en était juste pas rendue compte tout de suite.

Elle s'élança, de mauvaise humeur toujours. Elle le retenu par le bras et le tira vers elle, un peu brutalement. Ses yeux se tintèrent de colère, mais elle était sincère.

- Ça t'amuse de partir à chaque fois ? Je t'ai demandé dix minutes, bordel.

Fit-elle, le ton acerbe. Elle allait se ré-énerver, elle le sentait. L'envie de l'assommer lui traversa un instant l'esprit... Mais si elle faisait ça, il ne l'écouterait pas non plus et elle ne se calmerait pas. Mais il tiendrait enfin sur place, ce A de malheur ! Elle réfléchissait aussi beaucoup trop quand elle était devant lui, c'était mauvais.

- Je sais qu'il ne suffit pas de s'excuser pour tout arranger. Mais je tenais à m'excuser quand même.

Horrible. Les mots sortent de sa bouche mais elle a envie de les ravaler immédiatement. Pas parce qu'elle ne les pense pas, mais parce qu'à cet instant, elle se sent juste pathétique. Kathleen lui lâcha le bras et remit sa main le long du corps. Puis s'est elle qui fit volte face, c'était grotesque, cette scène était complètement grotesque. Elle aurait mieux fait d'aller squatter le complexe sportif au lieu d'aller kidnappé un A à la sortie de la bibliothèque. Quelle idée. Faisant quelques pas, elle glissa un peu mais se remit sur ses pattes. Une plaque de verglas. Fichtre.* Il se fout de ma gueule et je l'étrangle sur place celui là. * Elle aurait pu tomber si elle n'avait pas fait un minimum attention.

- Ce que je te disais... C'est que j'essaye d'éloigner le plus possible les gens de moi, d'habitude. Je ne fais pas ça pour m'amuser. J'ai voulu t'éloigner le soir et le matin du bal et j'ai réussi. Se secouant les lèvres, elle reprit tout de suite. Il m'arrive parfois de me rapprocher des gens, c'est plus fort que moi. C'est ce qui s'est passé avec toi, j'avais juste pas capté. Portant une main à sa bouche, elle se sent mal à l'aise. Je ne chercherai plus à t'envoyer bouler comme je l'ai déjà fait. Ça ne sert plus à rien, c'est trop tard.

Voilà, c'était dit. Si cela ne lui suffisait pas, il n'avait qu'à partir et faire comme si ils ne s'étaient jamais parlé.

Un reproche, ou du moins, sa phrase sonnait ainsi. Regrettait elle de s'être rapprocher de lui ? Oui et non. D'un coté, elle avait aimé ça, un peu trop à son gout d'ailleurs et c'était bizarre. Elle appréciait sa présence pour une raison qui lui échappait. D'un autre coté, elle n'accordait que peu de confiance à Ethan, à cause de son don, mais aussi à cause de façon d'agir. Il lui avait prouvé plus d'une fois qu'il savait manier les mots pour cacher ses intentions.

Le silence ne s'imposa pas longtemps entre les deux élèves. Il se rapprochait, rapidement, à grand pas sur le toit glissant et tira Kathleen par l'épaule. Mauvaise idée : il ne l'avait pas vu glisser un instant plus tôt ? Kathleen perdit pieds et tomba de face -de façon ridicule en plus- sur son camarade. A peine le temps de ciller que la voilà avachi sur lui. Elle se releva un peu, à l'aide de ses mains et ses genoux se retrouvèrent sur le sol gelé. Leurs regards se croisèrent... Pourtant, elle voyait à peine son regard noir. Son cœur eut un raté, elle était troublée. Bordel, ça lui faisait bizarre d'être aussi près de lui.

- Mais t'es vrai...
- Dis-moi ce que je suis pour toi, ce que tu ressens pour moi, ce que tu veux de moi et ce que tu veux me donner !
- Je...hum...tu.  

Bug, voilà, ça faisait trop de question. Sa court-circuite dans son pauvre cerveau et la colère vint réanimer ses veines. * Connard, ce type est vraiment un con...* Il avait ré-utilisé son don ! Son esprit préférait oublier, mais c'était un ordre, elle devait donc obéir.

- Un ami... Ou plus, ou quelque chose comme ça.

"Ou quelque chose comme ça", on essaye de rattraper les choses comme on peut, hein. Articulant vite, hachant les mots elle espérait qu'il ne comprendrait pas. Mais c'était risquée, elle n'avait pas très envie de recommencer ce manège. Son don lui faisait dire n'importe quoi, il allait lui falloir de l'acide après, pour nettoyer sa bouche.

-J'aime bien être avec toi. Tu m'emmerdes vraiment avec tes ordres. Pesta t'elle, plus bas. Je sais pas trop ce que je ressens, je t'aime ... Bien. Fin j'crois. Mais je ne te fais pas confiance, j'ai toujours l'impression que tu veux m'avoir. Et pour ce que je veux de toi...  

Vite un trou, il fallait qu'elle trouve un trou pour s'enterrer, pour se faire oublier. Elle voulait fuir loin là. Regardant dans le vague, elle tenta de se relever mais se sent partir de nouveau, donc elle resta là, trop près de lui comme une idiote. La seule chose qu'elle réussit à faire fut de poser ses fesses sur le sol, à coté de son camarade.

- Je voulais arranger les choses aujourd'hui, alors j'imagine que j'aimerai que tu arrête de me lancer des regards noirs et de m'ignorer. Je n'ai pas grand chose à te donner pour la dernière question. Matériellement y'a pas de soucis, mais pour le reste, il y'aura toujours un problème.

Elle soupira longuement, elle venait de répondre à toutes ses questions. Frottant son visage avec sa main froide, elle continue de regarder devant elle, mais très vite, un peu parano, elle toisa les alentours et finit par s'exclamer plus fort :  

- Enfoiré, j'espère pour toi que personne n'a vu ce qui vient de se passer !

Un regard à gauche, puis à droite Kathleen cessa rapidement son observation : il n'y avait visiblement personne et elle n'était pas naturellement parano. Mais on était à Prismver ici, là où les pensionnaires avaient des dons étranges : voler, se rendre invisible ou être doter d'une ouïe sur-développé, c'était normal. On ne pouvait pas se fier aux apparences. C'est pour cette raison qu'elle n'a pas réagit, lorsque son camarade a évoqué les activités des élèves en réponse à son reproche. Si quelque chose s'échappait de sa bouche, cela risquait d'être désagréable, alors autant se taire.

- Sinon ça te dirai d'aller se réconcilier autour de quelque chose à manger ou à boire ?

"Se réconcilier" : si il n'y avait pas eu ce mot la jeune femme aurait bougonné en lui claquant qu'elle n'avait pas faim -ce qui était le cas-. Ça voulait dire que ses excuses étaient acceptées ? Qu'il allait essayer de se rapprocher d'elle comme autrefois... Ou il voulait quelque chose en plus ? Oui, Kathleen était toujours méfiante, un peu moins qu'auparavant certes. S'appuyant sur ses mains, Kath se releva alors qu'Ethan se tournait vers elle. Plutôt prudente, elle ne glissa pas de nouveau mais resta plantée sur place. Toisa le jeune homme, ses traits se fermèrent et elle resta un peu en retrait. Au vu de ses propos, sa proposition était sérieuse, mais en y réfléchissant un peu, Kathleen n'avait pas très envie de le laisser choisir.

- À moins que tu ne préfères définir ici et maintenant ce fameux 'ou plus'. C'est que je suis particulièrement curieux sur ce point là.

"Ou plus", "Ou plus", OU PLUS. Ça allait la suivre longtemps, elle le sentait. Comment elle avait pu dire ça ? Pourquoi elle avait dit ça ? Elle n'en savait rien. Il avait posé sa question -ou plutôt son ordre- et elle avait répondu sincèrement. Inconsciemment elle devait savoir, mais la jeune fille était douée pour fermer les yeux et se mentir à elle même. Forcément il était curieux et il allait revenir sur ce point là, mais Kathleen n'en avait aucune envie. Plutôt oublier, refouler et être frustrée, voilà. Elle grimaça, elle n'avait pas pu s'en empêcher et préféra ignorer sa dernière remarque.

- J'ai pas très faim. Admit elle. Baissant le regard, elle porta une main derrière sa nuque. Si tu étais l'un de mes potes je t'aurai dis de venir boire quelque chose en ville dans un bar ou dans une brasserie ... Si ça te plais pas, je te suis.

"Je te suis". Non, non, non ce n'était pas ce qu'elle devait dire ! "Tant pis si ça te plais pas, je m'en fous, tu te ramènes et tu te tais" : en tant normal, voilà la réponse qu'elle aurait dû donner. Et là, il n'y avait pas l'excuse du pouvoir. Elle se tenait en retrait uniquement parce qu'elle voulait se faire pardonner, une fois fait, elle reviendrait surement un peu moins docile... Peut être. Elle s'apprêta à quitter le toit, mais elle rajouta quelque chose :

- Et évites d'utiliser ton pouvoir à l'avenir, sauf si tu veux me mettre en rogne... J'te garantis pas de me tenir à carreau après, tu vois.

* J'vais t'étrangler ou te bâillonner, imbécile. * Un peu moins amical, une remarque, un conseil ou une ... menace. A lui de le prendre comme il le souhaitait. L'adolescente lui fit signe de partir, elle l'attendait pour se mettre en marche et quitter les lieux.

Le jeune homme eut l'air amusé de sa dernière réplique. Kathleen serra les dents : elle n'aimait pas que l'on se moque d'elle ou qu'on ne l'a prenne pas au sérieux. La suite ne l'a calma pas, bien au contraire. A quoi jouait cette abruti de A, il voulait la provoquer ? Ses yeux se tintèrent de colère, ses épaules se tendirent et ses sourcils se froncèrent... Mais elle essayait de rester calme, ce qui était assez difficile pour la jeune fille. Il lui ordonnait de "faire quelque chose qui lui plaisait", mais dès qu'on lui donner un ordre, forcément cela ne lui plaisait pas. Même si cela lui permettait de faire ce qu'elle veut.

- Je vois pas bien à quoi tu t'amuses là, tu veux m'énerver c'est ça ? Je te dis que j'ai pas confiance en toi et tu me donnes raison. Connard.  

Oups, oups. Les mots avaient la fâcheuse tendance à sortir n'importe comment de sa bouche -fin c'était surtout valable pour les mots grossiers, hein-. Kath retient difficilement ses piques et ses poings à cette instant, elle n'a qu'une envie : le remettre à sa place. C'était lui le A, la personne 'théoriquement' plus intelligente et plus sage sur le toit à cet instant, mais elle le trouvait surtout idiot là. Elle s'était excusée, oui, mais si Ethan ne faisait que jouer avec elle ensuite ... Kathleen adopterait surement un autre comportement, qui ne serrait pas en sa faveur évidement.

Le fusillant du regard, elle fout les mains dans ses poches et lui tourne le dos pour commencer à descendre les escaliers. Lentement à pas lourds, en bougonnant un peu.

- Si tu me force à te dire où je t'emmène je ferrais en sorte que ta soirée soit horrible D'un seul mouvement, elle fait face à son camarade l'obligeant à s'arrêter. Et je suis douée pour faire passer de mauvais moments aux gens.

Voilà, il l'avait provoqué et elle allait se venger... Gentiment, certes. Mais avec cette mentalité là, il pouvait vite y avoir des étincelles. Regardant sa montre, elle constata qu'elle avait juste le temps de prendre le prochain bus à une seule condition : qu'elle se mettait à courir. A sa vitesse bien entendu. Elle connaissait assez bien les horaires des bus allant du pensionnat jusqu'au centre ville, ses capacités en courses également, mais celles d'Ethan c'était une autre histoire.

- J'ai pas envie de rater le prochain bus, on va devoir attendre trente minutes sinon et on se les gélent. Ça te dit un petit 400m ? ... Si tu me fais louper ce bus, c'est toi qui paie le trajet.

Elle n'attendait pas de réponse à sa question. Elle se remet à dévaler les escaliers, plus rapidement et il avait intérêt à suivre. Kathleen ne se mettrait à courir que lorsqu'elle parviendrait au pied de la tour.