Les âmes d'enfants existeront toujours ☼ I Shekina

Shekina & Charline ~  

Le parc c'est quoi? Très simple. C'est l'endroit parfait où l'on peut s'amuser. Il y a beaucoup d'herbe, alors on peut courir librement, s’entraîner à faire des piquets, des ponts, faire des roues, et toutes sortes d’acrobaties, mais aussi grimper aux arbres pieds nus, faire le singe en se balançant à une branche, essayer de faire Tarzan ... C'est pas tout, il y a aussi des jeux pour enfants, des petits toboggans, des balançoires, et pleins d'autres trucs amusants. Le parc, c'est pas seulement un parc naturel - oui parce que, normalement, on a pas trop le droit de grimper aux arbres mais bon - c'est aussi un mini parc d'attraction. Et c'est bien l'avantage d'avoir l'apparence d'une fillette de dix ans, on peut jouer aux jeux de bébés, comme les bébés, sans que personne ne se pose de questions. Même si, il faut l'avouer, les petites installations pour amuser les enfants ne donnent pas beaucoup de sensations et sont très vites lassantes.

Charline, elle préfère la balançoire, et les arbres. Parce qu'avec les arbres, on se sent bien plus aventurier que lorsqu'on grimpe un machin en plastique construit exprès pour ne pas se faire mal. Mais à l'heure actuelle, son champ de vision est dirigé directement vers la balançoire. Armée d'une glace fraise-vanille, elle s’assoit donc sur la petite planche de bois faisant office de siège, lentement, comme s'il s'agissait d'un rituel. Oui, parce qu'il faut quand même jouer le jeu. Elle fait claquer la pointe de ses pieds sur le sol –  elle est malheureusement trop petite pour toucher le sol – et la balançoire se met à bouger doucement. La petite tend les jambes, puis les plie, en harmonie avec le balancement. Elle est maintenant à une vitesse correcte, pas trop vite, mais pas trop lent non plus. Elle louche, et  lèche les rebords de sa glace, qui est en train de fondre. Puis du bout de sa langue, elle sculpte une montagne, tout en effectuant ses mouvements de jambes. C'est son défi du jour. Manger une glace tout en faisant de la balançoire. Eh oui, quand on veut pas s'ennuyer, on fait des trucs bien fous. Elle accélère le mouvement de ses jambes, et regarde le paysage bouger devant elle.  Elle le voit bien, une vingtaines de mètres, droit devant elle, l'étang plat et tranquille. Et tous ses arbres bien verts qui l'encadre, les banc en bois, les gens – de loin, elles sont bien petites d'ailleurs – qui font leur vie dans leur coin. Tout ces petites choses qui font partie du décors, se balance, vers l'avant, puis vers l'arrière, et encore vers l'avant …

Charline lèche le dessus de sa glace, laissant sur le cornet juste une surface plane de crème. Ce serait bête que ses boules de glace tombent. Puis, elle accélère encore la cadence et maintenant elle s'envole assez haut pour atteindre la ligne de l'horizon. C'est beau, d'avoir l'impression d'être au dessus de tout, de prendre un peu de recule, face à cette terre qui nous colle au sol. Elle pourrait être un oiseau, cela ne changerait rien. Elle vit cette expérience comme si c'était extraordinaire, comme à chaque fois qu'elle fait de la balançoire. La sensation ne change jamais ; le vent qui cogne contre ses cheveux en bataille, le doux pincement du vertige, et l'impression qu'elle va s'envoler dans le ciel. Elle baisse sa tête en arrière, et plonge son regard dans cette voûte céleste qui surplombe tout. À présent, elle ne fait plus attention à son entourage, elle est juste concentrée sur cette espace bleu tellement attirant.

Shekina & Charline ~  

La petite rêve. Les yeux grands ouverts, la tête basculée en arrière, son regard est fixé sur la voûte céleste. Elle prend le risque de lâcher son autre main des chaines de la balançoire pour la lever au ciel, tout en s’assurant de son équilibre. Et si elle avait le bras assez long pour toucher le ciel ? Que se passerait-il si sa main traversait cette barrière ? Cependant, elle n’a pas remarqué, la tâche verte qui se promène à côté d’elle. Elle n’a pas vu que la silhouette s’est dangereusement rapprochée, et paraît aussi distraite qu’elle. Elle n’a rien entendu non plus, comment le pourrait-elle avec ce vent qui lui siffle dans les oreilles. Son esprit est perdu loin au dessus d’elle. Et toujours le même mouvement. Plier les jambes, les tendre, et quand la balançoire se penche vers l’avant, il faut les replier, maintenant qu’elle se penche vers l’arrière il faut les tendr … VLAM. Le choc est inattendu. La glace a glissé des mains de Charline, et vient d’être projetée en avant. La fillette se redresse, perd équilibre, et ses deux mains libres cherchent vainement les chaines de la balançoire. Ses jambes s’agitent dans tous les sens, alors que la balançoire bouge dans tous les sens. Ses fesses se soulèvent, et pendant une fraction de seconde elle est en lévitation. Mais très vite, ses mains se rattachent aux chaines, et pouf elle retombe sur le siège de la balançoire. Ca y est, elle est sable, maintenant. Elle étire du mieux qu’elle peut ses jambes, pour freiner les balancements. Au bout de trente secondes éternelles, la balançoire s’arrête enfin. Elle sent encore son cœur cogner contre sa poitrine.

Puis, elle prend conscience de la situation. Qu’est ce qu’elle a percuté ? Elle l’a juste devant elle. C’est une fille à l’aspect pourtant pas très discret. En effet, de suite, elle remarque ses cheveux verts – oui verts ! Ce n’est pas le choc qui fait ça – et sa veste avec oreilles de chats. La fille ne bouge pas, et paraît inconsciente. Charline panique. Qu’est-ce qu’elle a fait ? Faut-il appeler quelqu’un ? La mettre dans une position particulière ? Elle se rapproche un peut plus de cette personne, en se tordant nerveusement les doigts. Et voilà. Il lui a suffi de quelques secondes de rêveries pour  foncer dans quelqu’un. Comme quoi, lorsque sa mère lui disait de faire attention en jouant, ce n’était pas des bobards ... Mais là, comment aurait-elle pu deviner que quelqu’un prenne le risque de s’approcher aussi près ? C’est d’habitude, quand on se promène dans un parc, on évite soigneusement les jambes des gamins qui ne font pas attention, ou on ne s’approche carrément pas des jeux. Cette fille là devait être elle aussi bien dans la lune. N’empêche, qui l’aurait cru ? Qu’une crevette comme Charline puisse assommer une fille de cette taille – oui parce que comparé au mètre 43 de la petite, elle paraît bien grande.  

Au grand bonheur de la petite, la jeune fille se réveille. Des yeux jaunes. Wahou. Cette fille est vraiment originale. Charline la regarde, et attend une réaction de sa part. L’envie de lui demander si elle allait bien, de s’excuser, de s’expliquer, lui brulait les lèvres. Mais il est préférable d’attendre que l’autre parle en premier. Parce que, si ça se trouve, elle va s’énerver, l’insulter – si, si peut-être.

- Il s’est passé quoi ?
-Eh ben … Tu t’es trop approchée de la balançoire et ça a fait boum. J’suis désolée, j’aurais dû faire attention. Ca va ? Tu vas bien ?