Bang bang, she shot me down. || PV. WOOD

GROW UP

Souffle. Drew s’observait, devant la grande glace de la chambre. Il portait une chemise noire, élégante, et un pantalon de costume de la même couleur. Sa chainette, ornée d’un pendentif en croix argentée tombait sur son torse. Sa chemise n’était pas rentrée dans son pantalon. Il portait des petites boots mal lacées. Classe, mais pas coincé. Habillé, mais décontracté. Il s’observait en détail, se tournant, se relevant les manches, enfonçant ses mains dans ses poches, ou non. Après qu’il ait passé plus d’une minute complète devant la glace, Blaze comprit qu’il n’était pas dans son état normal et commença à jouer la curieuse, agaçant le jeune homme qui abandonna son reflet. “Mmmh, c’rien.” Mais tandis qu’il filait dans la salle de bain, essayant de faire quelque chose de ses cheveux aussi désordonnés que d’habitude, elle le suivit, à moitié nue, gambadant, lui posant des questions sur son rendez-vous. “C’rien, lâche moi !”
Le jeune homme abandonna l’idée de sa coiffer d’une quelconque manière et attrapa son sac à appareil photo, fuyant le cabanon et les questions de sa partenaire régulière.

Sac sur le dos, il se mit en route, mains dans les poches. Une boule s’était emparée de son ventre dès le réveil, et ne l’avait pas quitté de la journée. Il faisait encore jour, mais le soleil veillait tard; il était aux environs de dix-huit heures. Il traversa le campus. Il avait l’avantage de ne pas avoir beaucoup d’amis; personne ne lui tiendrait la jambe pour le mettre en retard. Il se retournait de temps en temps, s’assurant de ne pas être suivit alors qu’il quittait le pensionnat. Mmmh, quelque chose à cacher Drew ?
Oui et non. Disons que, en théorie, il n’allait faire qu’un shooting avec une membre du personnel. Mais, en pratique, il s’agissait d’un shooting de photos intimes, dans une chambre d’hotel, avec Wood. Oui, mieux valait faire ça en dehors de l’école. Drew, lui, ne craignait rien, mais Wood... Mieux valait que la chose ne se sache pas trop. Pas du tout, même. Drew n’en avait parlé à personne. Pas même à Connor. De toute façon, ils ne se parlaient plus, donc le problème était réglé.
A cette pensée, le regard de Drew se fit amer, et il enfonça ses mains dans ses poches, contournant ruelles et traversant les places successives. Les restaurants se préparaient, les gens rentraient chez eux ou sortaient. Drew, lui, avait un projet bien plus intéressant.

Professionnel, Drew, restes professionnel, pensait-il, alors que déja, des images lui venaient en tête, le faisant rougir légèrement. Allait-il y arriver ? Pourrait-il se concentrer ? Pourrait-il faire ce qu’il voulait, prendre les vues qu’il désirait, lui demander de se positionner... A sa guise ? Il déglutit, la bouche légèrement sèche. Elle lui avait dit oui. Oh, ça s’était fait très simplement. Il était, comme souvent, à l’infirmerie, et lui parlait de son travail. De son book. Et puis, il lui avait fait par de l’inspiration qu’elle lui apportait, elle, la pin-up. Il lui avait dit qu’il rêvait d’un shooting de cet esprit, de cet univers, et, en riant, lui avait proposé.

Et elle avait dit oui. Elle avait également accepté sans aucune gêne le fait que Drew ait, en tête, des photos intimes, sexy. Wood était une personne très ouverte. Une séductrice, qui plus est. Cette idée l’avait amusée. Elle lui avait simplement demandé de rester discret sur cet évènement. Et il avait respecté cela, respectant la jeune femme, son poste, et reconnaissant du travail de soin qu’elle lui accordait. En tout cas, il devait avouer qu’il ne s’était pas attendu à cela. Il avait proposé ce shooting en riant, mais elle lui avait répondu très sérieusement. Elle avait vu son book, elle le trouvait très talentueux. Par cette action, elle ne voulait qu’encourager son travail et enrichir son book.

C’est vrai qu’il était doué. Il effectuait des petites missions pour des journaux locaux, photographiait des évênements, et son book avait un certain succès sur la toile. A vrai dire, il ne s’imaginait pas autre chose que photographe.
Et c’est pour ça qu’elle lui accordait ce shooting. Pour rien d’autre. Il devait se montrer professionnel, et ignorer l’effet qu’elle lui faisait. Car, oui, elle lui en faisait, et pas qu’un peu. Comme beaucoup, il succombait totalement à ses courbes. Et comme peu, il aimait l’esprit old school, les années folles. Wood était une véritable pin-up, tout droit sortie des années 60. Avec l’avantage d’être, en réalité, plus jeune. Elle n’était pas beaucoup plus vieille que Drew. Mais le peu d’années qui les séparait imposaient malheureusement des codes, des règles, des barrières.
Drew était persuadé que, sans ces barrières, quelque chose se serait passé entre eux. Il ne savait expliquer pourquoi, mais il en était convaincu.

Il souffla de nouveau, tentant d’évacuer le stress qui, hargneux, lui empoignait l’estomac. Il avait beau l’avoir prévenu, elle avait beau avoir accepté, plus d’une fois, ses idées, il n’en revenait toujours pas. A maintes reprises, il lui avait décrit les scènes qu’il imaginait. Dentelles, sous-vêtements, jambes nues, poitrine. De la chaire. Elle avait tout accepté. Pas de nu, non, mais pas loin. Une nouvelle fois, le visage de Drew s’embrasait légèrement à cette idée. Il soufflla, plus brutalement cette fois, avant de pousser la porte de l’hotel.
Discrétion. Secret. Le lieu n’arrangeait pas la chose. Il en avait les clés depuis la veille. Il monta à sa chambre. Une chambre d’hôtel. Avec Wood. Concentres-toi Drew. Au boulot.

Il posa son sac, sortant son appareil photo qu’il posa sur le bureau. Son regard azur fit le tour de la pièce. Quelques pas. Il bougeait les objets, tirait les rideaux, entièrement, à moitié, observant la lumière, et les jeux de reflets qu’offrait la pièce. Il défit le lit, brouillant le drap, observant les plis qu’offrait ce tissu. Ses yeux compétents, son regard artiste glissait partout, sur le moindre détail. Il déplaça légèrement le lit et la table de nuit. Encore. Il ôta le vase de fleurs pour le cacher dans la salle de bain, hors de vue de l’appareil. Couleurs rétro ou noir et blanc ? Quel contraste ? Quelle luminosité ? Il avait des idées en tête, mais la présence de Wood déterminerait l’exactitude des prises. Sa présence. Il fixait le lit, l’imaginant jouer avec les draps, le fixant. Il se voyait la prendre en photo, entièrement, en portrait ou en macro. Ses hanches. Ses courbes. Son oeil, avec son grain de beauté sur la pommette. Ses lèvres, sa poitrine, la dentelle sur ses fesses parfaites. Il déglutit. C’était le métier. Si il aimait les photos intimes, le nu, il devait s’y habituer. Il devait s’y habituer dès maintenant, et être professionnel.

Il l’avait déja fait. Il avait photographié les corps nus de Blaze et Sarah. Mais à chaque fois, cela avait terminé dans le lit, pour mieux reprendre, l’esprit plus clair, après avoir fait ce qu’ils avaient à faire.
Car ses yeux étaient tout son être, lorsqu’il photographiait. Le monde entier disparaissait, et seule la vue de l’objectif persistait. Le monde n’était plus que ce que ses yeux d’artiste voyaient. Il ne perdurait dans l’univers que la beauté enfermée dans ce petit cadre, avant le déclic. Le photographe recherche la perfection de sa prise. Alors, quand le doigt est près à appuyer, rien n’est plus parfait que ce qu’il voit.

Drew posa un carnet sur la table. Un carnet de croquis. De poses. On y voyait, une femme, brune, en sous-vêtements, dans différentes poses. Suggestions d’idées pour Wood. Les croquis étaient sommaires, les proportions fausses, mais il y avait là un style unique, la “patte” de quelqu’un qui a un certain coup de crayon.

Drew posa son sac dans la salle de bain, désireux de ne pas parasiter le lieu d’objets inadéquats. Il s’approcha ensuite de la fenêtre, qui donnait sur la rue. Il s’y posta, se vidant l’esprit, le front contre la vitre, le regard fixe sur le trottoir d’en face. Et il attendit. Wood devait arriver. Il était prévu qu’elle amène ses propres tenues, ainsi qu’une perruque noire. Oui, il voulait une brune, c’était ainsi. A priori, il penchait plutôt sur le noir et blanc que les couleurs rétro. Mais bon, ça, il le verrait une fois en place.
Il attendit patiemment, fermant de temps à autre les yeux, se vidant l’esprit. Il ne voulait pas la décevoir. Il ne voulait pas qu’elle le prenne pour un nul, sans talent, un gosse qui espère juste la draguer. Car ce n’était pas le cas. Drew tenait à ce shooting. Le fait que ce soit Wood rendait juste les choses à la fois plus parfaites et... difficiles. Ses yeux bleus la suivirent du regard alors qu’elle marchait sur le trottoir, pour disparaître dans l'hôtel, sous ses yeux. Il souffla longuement, perchant ses mains croisés au dessus de sa tête, fermant les yeux.

Elle arrive.