Des nuages gris s’étiolaient dans ce ciel de fin d’après-midi. Un ciel morne, plongé dans une monotonie grisonnante qui inspirerait à chacun une mélancolie certaine. Or, à la sonnerie, Selwyn était sortie en trombe pour admirer ce paysage, la lumière lugubre qui venait sournoisement caresser les environs. Le vent agitait ses cheveux d’encre, chargé d’une odeur d’humus et d’herbe humide; il annonçait un orage dans les heures qui suivrait. La jeune brune aimait cet instant subtile où toutes les fragrances entraient dans une valse compliquée ; le calme avant la tempête. Ainsi, elle s’était baladée à l’extérieur, les mains fourrées dans ses poches, savourant la caresse fraîche des rafales.
Néanmoins, quand la chair de poule se dessina sur ses bras nus, elle décida de retourner chercher une veste et pourquoi pas, son carnet de croquis. Mais comme muée par une autre force que sa volonté, elle se surprit à prendre le chemin du bâtiment principal, à gravir l’escalier qui la menait au premier étage et à flâner dans le couloir où tous les autres s’entassaient. N’aimant pas cette situation où elle était dangereusement exposée, elle pressa le pas. Mais la population finit par se réduire et essoufflée, elle s’appuya contre le mur. Les yeux perdus dans le vague, elle se frictionna les bras pour leur apporter à nouveau un peu de chaleur.
Elle ne saura jamais si c’était son escapade, l’inspiration qu’avait pu susciter en elle l’horizon éteint mais elle arrêta pendant quelques secondes de réfléchir et ferma les yeux pour savourer les images que faisaient naitre en elle une mélodie voluptueuse. Vulnérable, sa curiosité prit le dessus et l’amena vers cette porte entrouverte. Une porte rien de plus quelconque. Une porte à laquelle elle n’avait jamais porté la moindre attention. Mais une porte dont l’entrebâillement révélait un véritable délice. Ce n’était pas parfait. Il y avait quelques ratés. Des notes fausses qui entamaient la beauté du chant de cet instrument. Cependant Selwyn connaissait la difficulté que représentait l’art de la perfection. Elle avança son visage lilial, cherchant de ses prunelles orageuses l’auteur. Elle aperçut alors un garçon, un garçon de sa classe, avec une coiffure on ne peut plus originale, une crinière saumonée et des doigts d’une agilité différente de la sienne. Alors qu’elle détestait le contact humain, elle se laissait voir. Elle s’offrait comme victime à un dialogue qu’elle avait l’habitude de fuir. Inexpressive, elle se laissait bercer par la musique qui s’échappait des cordes de ce divin instrument. Mais dans ces yeux, la tempête naissante se laissait mourir. Le ciel ne serait pas bleu mais les éclairs cesseraient de fuser tant que le violon saura l’appaiser.
« If you can't be what you want You learn to be the things you're not »
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Jeu 11 Juil 2013 - 18:19
PLAY feat. Selwyn n'Angae
J regarde les nuages gris s’amonceler à travers la fenêtre d'une salle de musique. Aujourd'hui, la journée a été mortellement ennuyeuse. Toute la journée, j'ai attendu quelque chose, sans savoir vraiment ce que c'était. Enfin, maintenant, la journée est presque finie et il est temps de se détendre un peu. Je quitte mon poste d'observation devant la fenêtre pour saisir une chaise et m'asseoir dessus. Je suis seul. La clarté de fin d'après-midi éclaire le bois bien entretenu de mon violon. Je saisis l'instrument d'une main, prend mon archet d'une autre et avec délicatesse, je frotte les cordes avec. Un son clair résulte de ce contact. Comme un baume apaisant, le note vient caresser mes oreilles. Lorsque le silence revient, je choisis une position confortable et entame une musique.
Mes doigts s'agitent avec adresse sur l'instrument. Je ferme les yeux et laisse mon corps parler de lui-même. La mélodie m'apaise, me rend euphorique. Cela fait tellement de bien après avoir écouté la rumeur incessante des couloirs de l'établissement scolaire. Malgré ça, des fois je grimace à cause de quelques notes ratées. Je ne suis pas hyper doué sans pour autant être mauvais. Les notes s'enchaînent avec rapidité. Enfin, quand le dernier accord retentit, je rouvre les yeux.
Je regarde la salle. À travers la porte entrebâillée, il y a quelqu'un. C'est rare mais quelque fois il arrive que des gens m'écoutent à la porte. Personnellement, je n'aime pas trop ça. Je pose mon précieux instrument dans son étui et je me dirige vers la porte. J'ouvre. Une fille aux cheveux noirs comme l'ébène et aux yeux de la même couleur. Une aura mystérieuse émane de cette fille. Je la fixe avec des yeux curieux. Elle est dans la même classe que moi, j'en suis certain. Je sais plus comment elle s'appelle mais ça va me revenir.
«Salut. Tu m'écoutais jouer ? Bah, peu importe. Je m'appelle Benjamin Hawkins. On est dans la même classe je crois. Tu dois être... hum...»
Je cherche son prénom dans les tréfonds de ma mémoire. J'ai trouvé. Selwyn. Je m'en souviens. Un prénom aux sonorités étranges qui m'intrigue beaucoup.
«Selwyn. Ça me revient.»
Je m'efface du seuil de la porte pour l'inviter à rentrer.
Attentive, elle observe la valse compliquée des expressions dont se parent son visage. Puis dans un solo crescendo, le son trouve la mort et celui qui le jouait renait. Son esprit encore embrumé, elle ne fut pas assez rapide pour éviter l’inévitable. Il lui posa une question et rempila sans attendre sa réponse. Intérieurement, elle le remercia. Il se présenta, comme font toutes les personnes normales. Or Selwyn considère qu’elle ne fait absolument pas partie de cette catégorie, ni d’aucune autre d’ailleurs. Elle le regarde et son sourire parait faux. Il fait des efforts pour être sympathique. À moins que ce ne soit naturel.
Et malgré toute son appréhension, son aversion pour les relations humaines et notamment celle entre sexe opposé, elle se laisse séduire par son invitation. Enfin, pas tant la sienne mais par sa curiosité qui semble faire retentir à ses oreilles l’appel de l’instrument. Par l’espace que ce Benjamin lui laisse, elle se faufile dans la pièce, chassant discrètement la terre qui souillait sa jupe pendant qu’il ne l’observait pas.
Prudemment, elle s’approche de l’étui, le caressant longuement du regard. Elle admire le reflet des néons sur le vernis. Les nuances boisées qui galopent, se chevauchent et virevoltent sur l’instrument. L’apparente dureté des cordes tendues. Elle n’ose toucher de ses doigts ce violon. Par peur que son contact la brûle. Par peur de le briser. Que plus aucun son mélodieux ne puisse s’en échapper à cause d’elle et de sa noirceur. À cause d’une superstition stupide qu’elle venait d’inventer dans la seconde, elle se dit que seul un cœur pur pouvait en jouer. Alors elle se tourna vers ce jeune homme et le regarda avec insistance.
Ayant conservé sa méfiance habituelle malgré cette rencontre fortuite, elle se refusa de formuler son désir. Elle tint également sa langue qui risquait à tout moment de reprendre ses esprits et cracher son venin. Ainsi, elle se contenta de le fixer avec de plus en plus d’ardeur jusqu’à ce qu’il comprenne.
« I dive into frozen waves where the past comes back to life Fight fear for the selfish pain it was worth it every time »
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Jeu 11 Juil 2013 - 22:13
Play feat. Selwyn N'Angae
Elle passe devant moi sans m'adresser la parole. Je ne sais pas pourquoi, j'aimerai entendre sa voix, juste une fois. Selwyn ne peut avoir qu'une belle voix. J'en suis persuadé. Je la regarde approcher mon violon avec prudence. Elle l'observe un instant, sans bouger. Je souris. Moi aussi, quand je l'ai vu pour la première fois, j'étais tellement fasciné par l'objet que je n'osais pas approcher. Mes pas me guident jusqu'à elle. Elle me regarde avec ardeur, comme pour me demander quelque chose. Je me penche au dessus de l'étui et prends l'instrument avec douceur. Mes doigts courent sur le bois parfaitement entretenu et mes yeux couvent le violon comme pour le protéger. Elle désire sûrement le toucher. Peut-être même qu'elle sait jouer du violon. Je tends l'objet vers elle avec un sourire.
«Tu veux peut-être le toucher, non ? Les instruments sont toujours fascinants, même silencieux.»
Je la laisse prendre le violon. De toutes façons, tant qu'elle ne me le casse pas, ça me va. Je la dévisage, curieux. Selwyn a l'air renfermée sur elle. Après tout, même en classe, je l'avais rarement vu parler. Je ne crois pas qu'elle a beaucoup d'amis. Je m'assois nonchalamment sur ma chaise et tourne mon regard vers la fenêtre. J'ai envie de la connaître. Elle m'attirait, irrémédiablement. Mais d'un côté, elle ne semblait pas disposée à me faire la conversation. T'aimes briser les interdits, hein idiot. C'est ce que m'aurait dit Ruben s'il était là. Et il m'aurait sûrement dit de me lancer. Je prends une profonde inspiration et commence à parler.
«Je sais que t'as pas l'air d'avoir envie de me faire la conversation mais... d'où tu viens ? Si ce n'est pas indiscret.»
J'essaye de paraître le plus sympathique possible. J'ai pas envie qu'elle m'envoie un vent. Je déteste ça. J'attends sa réponse en jouant, l'archet entre mes doigts.
« Le désespoir vous pousse à agir, mais parfois, il vous fait faire des bêtises. »
Sa voix masculine brisa la transe dans laquelle s’était plongée la jeune fille lors de la contemplation de cet instrument. Ses mots résonnèrent dans sa tête et semblèrent l’atteindre. Atteindre ce petit être chétif, noyé dans l’obscurité qu’elle gardait sauvagement, telle une louve sauvegarde sa progéniture. Lui aussi surveille son trésor du coin de l’œil. Ses lèvres se fendirent alors en un sourire qui effraya Selwyn. Le souffle court, elle le regarda lui tendre le violon avec une délicatesse infinie.
Tremblante, elle saisit l’objet avec autant de douceur que ses maigres membres le lui permettaient. Cette sensation grisante fit naître un frisson qui grimpa le long de son échine. Ce n’était pas ce qu’elle attendait de ce garçon mais elle s’en contenta. La peur qu’elle avait d’abimer cet instrument s’était muée en une curiosité avide pour celui-ci. Elle pinça les cordes pour voir quel effet elles pouvaient avoir sans l’intervention de l’archet. Elle passait sa main sur son corps boisé, considérant ses défauts, le vernis lisse et les marbrures, les veines d’un arbre qui se dressait autrefois fier et vaillant au sein d’une grande forêt peuplée de ses semblables et d’animaux mystiques. Un soupir lui échappa, traduction minuscule de son immense douleur. Elle reposa délicatement l’instrument dans son étui, à l’instant même où ce gars aux cheveux si intriguant lui adressait une question à laquelle il attendait une réponse.
Elle laissa s’écouler quelques secondes en espérant qu’il l’oubli et se perde dans un déluge de paroles inutiles. Mais non. Elle laissa ses doigts courir encore sur l’instrument de musique. C’était plus qu’étrange mais son contact semblait l’apaiser durablement. Et si elle voulait pouvoir entendre à nouveau son chant, elle devait prendre soin de la seule personne capable d’en jouer et de supporter sa présence en même temps. Ainsi, elle se résigna.
« - Du Népal. »
Baissant les yeux, sa voix dénuée de tout sentiment, qu’il soit triste ou joyeux, éclata. Personne n’est dans la capacité de comprendre ce qu’elle peut éprouver sous sa carapace de diamant, à l'aspect si fragile et pourtant indestructible. Sa voix, comme bien d’autres choses, est immuable. Froide comme le marbre et pourtant chantante comme le vent dans les feuilles...
P A R A D O X A L E
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Ven 12 Juil 2013 - 12:03
Play feat. Selwyn N'Angae
Elle laisse quelques secondes s'écouler, pendant lesquelles je sens mon coeur accélérer. Va-t-elle parler ? Ou se contentera-t-elle de me regarder étrangement comme elle le fait à chaque parole que je prononce ? Enfin, sa voix résonne dans le silence de la salle. Du Népal. Elle vient du Népal. Dans ma tête, je repasse plusieurs fois ces deux mots, ces deux simples mots. Elle a parlé. Une chose ajoute ma curiosité : son ton semble dénué de sentiments.
Ces quelques minutes passées avec Selwyn me permettent d'esquisser son caractère, tel un dessin en cours de se tracer. Tout m'indique qu'elle est froide et doit peu aimer le contact humain. La Népalaise n'a jusque là démontré d'aucune trace de gentillesse. Cette remarque agite quelque chose en moi. Regarde-toi, souffle une voix dans la tête. Moi, jeune homme amical au sourire presque toujours collé sur les lèvres. Moi jeune homme grand et musclé aux cheveux de l'excentrique couleur rose et aux iris aussi noirs que l'encre. Regarde-la, maintenant. Je me penche un peu pour l'observer tandis que le silence retombe entre nous deux. Elle, jeune fille froide à la carapace d'apparence impénétrable. Elle, jeune fille mince à la chevelure couleur nuit et au regard inexpressif de la même couleur. Je sursaute légèrement. Ça saute aux yeux. Vous êtes incompatibles, dirait mon cousin Ruben en riant. Oui, tu as enfin compris, pauvre idiot. Tu es sa presque parfaite antithèse.
Je secoue légèrement la tête. Je refuse de croire que notre différence caractérielle, physique pourrait nous empêcher de nous entendre. Et puis, ne dit-on pas que les contraires s'attirent ? Bon, d'accord, Selwyn n'a pas du tout l'air attirée par moi et ça se voit. Elle a l'air même de supporter ma présence. Mais alors, pourquoi est-elle là, en ce moment avec moi, alors qu'elle paraît faire tout pour éviter qu'on lui parle ? La réponse à cette question est comme un coup reçu sur la tête. C'est mon violon qui l'a attirée, pas moi. Sinon elle m'aurait déjà parlé.
J'ai envie de prendre mon violon et de partir de la salle en claquant la porte. Non, c'est complètement idiot. Ce n'est pas de la contrariété que j'éprouve. C'est de la frustration pure et simple. Parce que je l'apprécie et pas elle. Je me demande comme lui montrer que je veux juste être ami avec elle, pas l'embêter. Selwyn ne me retourne même pas la question sur la nationalité. Qu'est-ce qu'elle s'imagine, que je vais me faire la conversation tout seul ? Je la regarde dans les yeux. Elle veut sûrement que j'en rejoue. Mes yeux brillent en un défi silencieux. Selwyn, si tu veux entendre encore une fois ce violon... apprécie-moi. Comme un ami.
Je prends l'instrument dans mes mains. Je suis un vrai gamin. Capricieux. Elle a bien compris les termes de notre contrat muet. De l'affection contre de la musique. Ça me paraît raisonnable. Je ne souris plus mais les traits de mon visage restent joyeux. Maintenant que je l'ai entendu parler, j'aimerai la voir sourire. Encore une stupide lubie. Je parle.
«Tu viens du Népal ? Intéressant. Moi je suis américain. Plutôt rural qu'urbain.»
J'ai envie de continuer à lui parler. De lui poser des questions. Je me tais quelques instants pour reprendre.
«Hum… J'aime le basket. La musique. Les jeux vidéos. Les sorties entre amis. Manger. Et toi, qu'est-ce que tu aimes faire dans la vie ? »
J'ai l'impression de mener un interrogatoire. Pourtant, je ne suis pas policier. J'essaye de paraître détendu. Avec impatience, j'attends qu'elle brise de nouveau le silence avec sa voix.
Je sais pas pourquoi, j'ai été soudainement inspiré à 4h du mat' lors d'un de mes micro-réveils --' C'est un peu plus long que d'habitude mais j'espère que ça fera l'affaire ^^
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Ven 12 Juil 2013 - 14:30
Selwyn n'Angae
« Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais par manque d'émerveillement. »
Un silence s’installa entre eux. Par un bref coup d'oeil par la fenêtre, elle remarqua que les nuages toujours plus noirs s’amoncelaient au-dessus du pensionnat. Puis dans un jeu de regard, le sien se porta sur la crinière du jeune homme. Pourquoi avait-il choisi du rose ? Pour montrer au monde qu’il est différent de tous ces moutons ? Sa poitrine se serra quand elle s'aperçut que ses prunelles à la couleur de l'ébène la fixait avec insistance. Ses mains livides se cramponnent au velours de l’étui, délaissant le contact de l’instrument.
Mal à l’aise, elle le laisse la détailler de la tête au pied de ses yeux sombres. Serrant de ses doigts le tissu de son uniforme, elle supporte courageusement cet interrogatoire muet. Un éclat nait dans ses pupilles aux teintes d’un océan en colère. Refermant les parois de sa coquille, elle desserre l’étreinte de ses mains et lève les yeux vers ce visage rieur qui semble pourtant déçu de ne pouvoir parvenir à ses fins. Ainsi, il se redresse et en prenant son instrument, c'est son rictus joyeux qui s’efface. Malgré sa carapace, ce changement d’attitude la touche et la souffrance déferle dans ses poumons un peu à la manière d’un tsunami.
Il décide de lui parler. D’encore tenter sa chance. Sa ténacité est admirable. Ses forces étant concentrées à contenir un débordement d’émotions, Selwyn se résigne à ne pas lutter contre lui. C’est avec une rime qui l’amusa qu’il lui parla de sa nationalité. Un américain. Dans sa tête, elle imagina un cowboy, une chemise à carreau, un cheval et un soleil de plomb. Il évoqua ses passe-temps, ses passions, ses lubies. Malheureusement, cela l’intéressa. Dans un songe, par amour de cette musique qu’il faisait naître, elle s’autorisa à échanger avec lui. Par pur égoïsme. Monstrueuse.
« - Le dessin… C’est ma seule raison de vivre. »
Elle osa le regarder. Le regarder comme jamais elle n'avait regarder quelqu'un si ce n'est pour proférer des menaces ou se défendre. Or, le contexte était différent. Savait-il que c’est en cette passion que résidait son pouvoir ? Que c’était une véritable torture de ne pouvoir dessiner qu’en prenant un maximum de précautions ? Mais que c’était bien là la seule façon qu’elle avait de décharger le fardeau de son chagrin. Cependant, il y avait aussi la piscine. Mais c'était un plaisir solitaire qu'elle ne souhaitait partager avec personne d'autre qu'elle-même.
En effet Selwyn, tu n’as pas le choix. Privée de fusain, d'aquarelle, de peinture, de n'importe quelle matière sur laquelle tu pourrais esquisser quelques visages ou paysages, tu dépérirais. Et plus personne ne pourrait jamais voir les merveilles de ce monde.
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Ven 12 Juil 2013 - 21:47
Play feat. Selwyn n'Angae
Je l'écoute avec attention, désireux de ne rater aucune de ses paroles. Elle aime le dessin. Dommage, je n'ai jamais été doué pour ce genre de choses. Je me demande quel est son genre de dessins. Sûrement des thèmes tristes. Sa seule raison de vivre, le dessin. Donne-lui une deuxième raison de vivre. Les yeux de Selwyn rencontrent les miens. Je détourne le regard, gêné et légèrement rougissant. Je n'ai pas l'habitude qu'une fille me regarde ainsi. Je passe une main dans mes cheveux rebelles pour me donner une contenance.
«Si ça t'intéresse, je peux t'apprendre à jouer. Je suis pas un expert en la matière mais je peux te donner quelques astuces.»
Mes doigts reprennent le violon en main et exécutent machinalement quelques notes sans utiliser l'archet. J'essaye d'imaginer son monde. Un monde dénué de personne. Seulement une raison de vivre. Est-elle vraiment heureuse ? Je ne sais pas. Je ne saurais sûrement jamais. Mon regard devient rêveur et je fixe le sol, la tête dans la lune. Quelques instants s'écoulent ainsi avant que je reprenne mes esprits. Je cherche un nouveau sujet de conversation en faisant résonner quelques notes. Une illumination éclaire mon esprit. Un sourire apparaît au coin de ma bouche. Je me rapproche d'elle, lentement pour ne pas l'effrayer et montre ma paume ouverte. Aussitôt mon expression joyeuse change pour laisser place à de la concentration. Une petite flamme apparaît alors, juste au dessus de ma paume. Je l'éteins rapidement car je n'ai pas envie que l'on voit que j'ai enfreint une règle de Prismver. Il est interdit d'utiliser son pouvoir dans les bâtiments et hors de l'enceinte du pensionnat. Au diable les règles. Je souris. Elle doit être étonnée.
«Je suis capable de transformer l'oxygène en feu. Ne me demande pas comment je fais ça. C'est un don. Et toi ? Quel est ton pouvoir ? »
Je tente de l'imaginer. Je suis curieux de voir ce que c'est. J'attends une réponse, incapable de cacher mon impatience.
« Moi, je t'offrirai des perles de pluie, venues de pays où il ne pleut pas. »
Il est vrai que chacun de ses actes est commandé par cette pulsion. Cette envie incessante de mettre sur papier des scènes de la vie quotidienne. Si elle sort, c’est pour quérir l’inspiration. Si elle mange, c’est pour mêler la sensation du sucre sur sa langue aux traits charbonneux de l’esquisse d’une pomme. Savoir jouer d’un instrument lui apporterait peut-être un autre savoir mais elle avait toujours entendu dire que le violon était l’art le plus ardu de tous. Il pinçait les cordes avec adresse. Probablement pour faire étalage de son talent. Crâneur, pensa-t-elle.
Ses notes dénuées de sens ne représentent aucun intérêt pour elle. Néanmoins, elle se mit à penser qu’elle aimerait le dessiner. Pas pour lui, mais son expression songeuse qu’il arbore en jouant. Pour l’aura qu’il dégage. Cette idée offusque Selwyn ! Mais pas l’artiste qui sommeille en elle, si on peut nommer cette volonté supérieure ainsi.
Il s’approche dangereusement et comme pour illustrer ses bonnes attentions, sa paume est ouverte. Cependant, un grognement monte le long de sa gorge. Une flamme. Une minuscule flamme qu’il étouffe aussitôt. Rebelle. Des explications inutiles, encore une fois. Selwyn savait pertinemment qu’on ne choisit pas son destin. Que certains ne voulait pas de ces pouvoirs. Et la jeune brune était de ceux-là. Elle bénissait son don car il lui avait permis d’être catapultée ici sans qu’elle ait la moindre décision à prendre mais avancer sans un guide avait laissé une profonde cicatrice. Une parmi tant d’autres. Une goutte d’eau dans l’océan. Un brin d’herbe dans le gazon du parc de l’institut. Imperturbable, elle méprise ce gamin incapable de cacher son impatience. Elle ne comprend pas spécialement les règles du jeu auquel il joue. Il veut la connaitre. Elle lui a déjà confessé sa passion. Elle n’était pas spécialement prête à céder à nouveau. Sa confiance est le bien qu’elle refuse d’offrir au premier inconnu.
« - Top secret. »
Continue de fuir Selwyn. Fuis l’amour, l’amitié et la compassion. Tu n’en es pas digne.
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Sam 13 Juil 2013 - 0:02
Play feat. Selwyn N'Angae
Elle répond de sa voix dénué de sentiments. Top secret. Comme un dossier soigneusement caché dans un coffre fort. J'en briserai la serrure. Un déluge de sentiments m'assaillit. Encore et toujours de la frustration. De l'incompréhension. Un désir. De l'agacement. Que dois-je faire pour qu'elle m'accorde assez de confiance pour me dire son pouvoir ? Je pose ma main sur mon front, en pleine phase de réflexion. Je ne sais pas trop quoi faire. Tais-toi, tout simplement. Pour la première fois depuis qu'elle est entrée, un silence de plusieurs minutes s'écoule, sans que je ne le trouble avec ce qui semblent être de vaines paroles. Jamais je n'ai eu autant de difficultés à parler à une personne de mon âge. D'habitude, la conversation vient d'elle-même. Là, c'est comme si je devais forcer un verrou beaucoup trop fort pour moi. Et je n'aime pas ça.
J'ai perdu ma bonne humeur. Maintenant, mon visage exprime mon incapacité à la comprendre. Elle m'a bien dit sa nationalité. Pourquoi pas son pouvoir ? C'est comme un casse-tête. Et ça me casse vraiment la tête. Deux options sont possibles, selon moi : soit je m'en vais en prétextant une excuse débile, soit je réessaye. Encore et encore. On a rien sans rien. Je prends une mine sérieuse et la regarde dans les yeux.
« Dis-moi, tu as un problème avec moi ou pas ? Comme tu le vois, je ne suis pas méchant. Enfin je pense. Mais je comprends pas trop ta façon de raisonner. Tu me parles en disant que le strict minimun. Tu cherches même pas à me connaître, alors que moi si. Je te fais confiance, alors que toi non. J'ai l'impression de t'importuner. Si c'est le cas, dis-le moi et je m'en vais. Qu'est-ce que je dois faire pour que tu me fasses confiance ?»
J'ai l'affreuse impression d'avoir été trop brusque. Mais c'est la vérité. On m'a appris à ne pas mentir. Je pose le violon avec l'archet dans son étui et je commence à le fermer. Finalement, peut-être que je perds mon temps. C'est comme si on vivait chacun dans son monde. Sauf que mon monde est rempli de joie, d'amis et de musique. Et le sien de dessins. Je coince l'étui entre mes deux jambes et attends sa réponse. Je tourne la tête vers la fenêtre pour voir que la lumière du soleil commence à décliner. De toute façon, il se commence à se faire tard. Mes yeux retombent sur Selwyn. Peut-être n'est-elle qu'un chimère trop éloigné de moi.
« Je ne veux plus que mon cœur bascule, il est déjà trop tombé »
Sa voix est brute de décoffrage. Il n’a pas haussé le ton et pourtant Selwyn le ressent comme un cri. Il s’est fermé. Ses traits sont durs. Autant que toutes les déclarations qu’il vient de lui jeter à la figure.
♦ Selwyn sait qu’elle est égoïste. ♦ Selwyn sait qu’elle est sans pitié et abjecte avec les gens. ♦ Selwyn sait qu’elle n’a pas le droit de connaitre le bonheur ; on lui demande juste de supporter le fardeau des autres. Que sa naissance est une erreur. ♦ Selwyn n’attend rien des autres et se fait trop exigeante envers elle-même car sa souffrance est déjà intolérable. ♦ Selwyn sait que cette liste est extrêmement longue.
Tout s’embrouille dans sa tête. Ça bouillonne. Ça s’envenime comme le début d’une tempête. Plongée dans les ténèbres, elle étouffe, se noie, se consume. Cette violence jaillit dans ses yeux. Gris du tourment. Noir de la colère. Puis une infime touche de bleu derrière cet amoncellement de détritus pour représenter l’espoir. Elle n’a pas besoin qu’on lui balance tout par la gueule parce que son égo de mâle en a pris un coup. Parce que Moooônsieur fait des efforts mais qu’ils ne sont pas récompensés selon son souhait. Que celui qui se la joue beau gosse charmeur et charismatique rencontre une proie un peu trop récalcitrante. Ah c’est sûr que cet oiseau ne s’est pas adressé à la bonne personne. Ce n’est pas quelques tours de passe-passe qui vont réchauffer ce cœur de glace, même s’il s’agit d'un petit numéro de feufolets. Mais merde, qu’est-ce qu’il croyait à la fin ? Qu’en quelques minutes, ils allaient pouvoir jouer à colin-maillard comme des gamins ?!
Celui qui n’a jamais connu la souffrance peut se permettre de fonder sa confiance en n’importe qui. Celui qui a été gâté toute sa vie peut s’offenser devant un refus et faire un caprice. Celui qui croit tout savoir ne peut comprendre la complexité du cœur humain.
Ce n'est pas le cas de cette fille.
Elle baissa les yeux, sachant qu’ils la trahiraient sans aucun remords. Elle se concentra sur sa respiration pour éviter l’implosion. Putain.
Et si c’était le moment ? S’il était la personne que tu attends depuis ton arrivée ici ? Les gens grandissent. Tu as dû être plus mature qu’eux dès le début et ils t’ont rejeté à cause de ça. Mais maintenant jeune rebelle, vous en êtes au même stade. Abandonne un peu ton statut de femme de marbre, glaciale et acariâtre, tu deviendras vieille avant l’âge. Cesse de te battre. Et lâche prise…
Colère. Chagrin. Solitude. Désespoir. Haine. Remords. Rancune. Peur. Pleurs. Abandon. Tout ça remontait tristement à la surface. Elle s’écroula sur une chaise, le regard fixe sur un point indistinct de l’espace, les lèvres pincées et les yeux imperceptiblement mouillés de larmes. Or, il y avait toujours calqué sur son visage ce masque inexpressif et inébranlable. Ses seules fissures sont celles pour ses yeux et sa bouche.
« - As-tu une famille, Benjamin ? »
Un ton sec en réponse à la violence du sien. À son tour de poser des questions. Tout un plan s'était monté dans sa tête. Elle écouterait sa réponse mais elle savait déjà ce qu'elle allait lui jeter ensuite. Désormais, c’est elle qui allait dicter les règles.
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Sam 13 Juil 2013 - 7:12
Play
feat. Selwyn N'Angae
J'ai l'impression de m'avancer en terrain miné. Comme si chacun de mes pas risque de me faire exploser quelque chose à la figure. Tout ceci remue mon cerveau dans tous les sens. Je joue à un jeu trop compliqué pour moi, j'en suis certain. Pourtant, je ne veux lâcher prise. Saleté d'égo et de fierté. Et quelque part, au fond, une partie de moi s'énerve contre tout cela. J'aime avoir le contrôle. Savoir que ce que je fais est correct. Et là… je sens que le contrôle m'échappe totalement. Selwyn baisse les yeux. Pendant un instant, je crois voir des larmes briller. Non, ce n'est pas possible. Elle, froide et renfermée, ne va se mettre à pleurer à cause de moi. Sûrement pas. Certaines personnes souffrent plus que d'autres à cause de certaines raisons qu'ils préfèrent garder secrètes, idiot. Je ne comprends pas. Les filles, ça aime les gars sympathiques, qui leur disent qu'ils sont prêts à tout pour les suivre jusqu'au bout du monde. Elle, non. Je sens que quelque chose m'échappe et ça m'énerve et m'effraie aussi.
Pourtant, je reste là, devant elle. Bizarrement, sa compagnie change de celle des autres personnes, bien qu'elle ne semble pas disposer à devenir mon amie. C'est parce qu'elle est différente. Elle me demande si j'ai une famille. Son ton est sec. Je la regarde, perplexe. Maintenant, elle s'intéresse à moi ? Ça sent pas bon, pas bon du tout.
«Oui.»
Ma réponse claque comme un fouet dans le silence. En temps normal, j'aurai donné des détails. Mais là, je n'en ai pas l'envie. Je regarde intensément Selwyn. Elle a quelque chose à me dire, c'est certain. Je me demande quoi. Je remarque que pour la première fois elle m'a appelé par mon prénom. Ceci me redonne une minuscule lueur d'espoir. Je me prépare au pire, juste au cas où. J'aimerai qu'elle comprenne que je veux juste être ami avec elle. Et l'aider.
Enfant trop gâté devenu gamin capricieux. Tu aimerais avoir le monde à tes pieds. Jusqu'ici, tout le monde a accompli tes désirs. Jusqu'à ce que tu la rencontres. Mec, va falloir que t'apprennes que le monde ne tourne jamais dans le sens que tu veux. Jamais.
Le serpent froid, fallacieux, écailleux rampe sur le sol. Enroule toi autour de nous être de malheur. Enserre notre cou. Amuse-toi à nous faire suffoquer. Regarde sa peau, laiteuse comme le pétale d’un lys et admire la sienne, brune comme un champ de blé en plein été. Allez bestiole du diable, ne sois pas timide, fais jaillir des crocs. Tu as déjà commencé à répandre le Mal alors abrège les souffrances. Mords, laisse ton venin se mêler à notre sang. Laisse-le ralentir notre rythme cardiaque, bloquer nos poumons, tétaniser nos muscles. Laisse cette relation mourir et pourrir avant même qu’elle ait éclos.
« - Moi pas. »
Pourrait-il comprendre à quel point ces deux petits mots sont lourds de sens ? Imperceptiblement, tu viens de lâcher ton plus grand secret. Merde Selwyn, tu t’étais jurée de ne jamais revenir sur ton passé. La douleur va te submerger. Tu vas exploser et détruire tous les gens aux alentours. Je t’en prie, ne fait pas l’inconsciente…
Elle déteste le contact humain. La seule chose capable de la faire aller au-delà de son aversion, ce sont les défis. Et la prétention de ce gamin lui faisait ressentir cette situation comme telle. Comme une de ces panthères du Népal, elle se relève, s’approche lentement de lui, guettant toute tentative de fuite. Or, il semblait cramponné sur sa position, enraciné. Bien. Beaucoup plus grand qu’elle, Selwyn fut obligée de se mettre sur la pointe des pieds pour croiser son regard à une telle proximité. Quelques centimètres. Cependant suffisante pour un mouvement de repli en cas de réaction inattendue. Quelque chose la troubla. Ses prunelles. Elles les avaient perçues comme très foncées mais en s’approchant bien, elles semblent totalement noires. Étrange.
« - Écoute... »
Pendant une seconde, elle voulut faire marche arrière. Rebrousser chemin et partir en courant. Mais c’était trop tard, elle avait commencé sur un ton dur. Toussant un peu, elle s’éclaircit la voix et ses menaces se transformèrent peu à peu en un murmure suave.
« - … J’ai absolument tout perdu. Et vois-tu, à cet instant, le monde devient hostile et impitoyable. La mort guette un seul faux pas. Ainsi, on ne peut pas accorder sa confiance au premier venu. Et certainement pas à un violoniste pourri gâté jusqu’à la moelle qui se la joue rebelle avec des cheveux roses. Aussi mignon soit-il. »
Arrogance. Il y avait plusieurs possibilités de réaction mais la brune effrontée n’en envisageait que deux ; il allait être flatté par la dernière partie ou il se cantonnera à la première et risque de se mettre très en colère. Elle recula de quelques pas, surement pour admirer le spectacle que ce jeu lui procurait. D’habitude, après une telle démonstration d’insolence elle serait partie sans demander son reste. Fuir, toujours, sans cesse, inlassablement. Pour sa survie. Le seul hic, c’est qu’elle n’avait pas menti ; malgré sa fureur, son antipathie naturelle, sa sauvagerie, il ne lui avait fallu que quelques secondes pour remarquer la qualité des traits du garçon. Sa beauté.
« 'cause my echo, echo Is the only voice coming back My shadow, shadow Is the only friend that I have »
Code by Anarchy
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Sujet: Re: PLAY ( ►) Sam 13 Juil 2013 - 14:44
Play feat. Selwyn n'Angae
Selwyn m'avoue qu'elle n'a pas de famille. Cette déclaration me trouble. Elle doit bien avoir de la famille, quelque part. Je la regarde se hisser sur la pointe des pieds afin d'être à ma hauteur. Seulement quelques centimètres nous séparent. Je ne bouge pas, attentif. Je ne veux pas la faire fuir. Elle me parle. Je l'écoute silencieusement. Ainsi, elle a tout perdu. Sa conception du monde est tellement différente de la mienne... Sa dernière phrase est un compliment. Elle me trouve mignon, apparemment. Pourtant, le reste n'est que défauts. La jeune fille recule de quelques pas, sûrement pour admirer ma réaction. Elle pense peut-être que je vais me mettre en colère. Je soupire. Je ne m'énerverais pas. Après tout, il n'y a pas de quoi.
«Tu sais... Tu peux me traiter de tous les noms. J'en ai rien à faire. Mais ce que tu dis est partiellement faux. Le monde est peut-être hostile et impitoyable mais il recèle beaucoup d'autres facettes que tu ne sembles pas voir. Le monde peut être surprenant, injuste, agréable et plein d'autres choses. Mais ça, tu ne peux pas le voir derrière ta carapace que tu penses indestructible.»
Je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle. Je suis tenté de me taire mais c'est plus fort que moi, je continue. On ne peut pas juste penser que le monde est comme ci, car il est comme ça aussi. Je me rapproche, pour que chacun de mes mots murmurés puissent être entendus.
«Tu as peut-être tout perdu, mais il y a certaines choses que tu peux retrouver. Si tout est détruit, lorsque l'on est fort, on est capable de reconstruire. Et si on est faible, on demande de l'aide.»
Bien sûr, ceci n'était pas une insulte, juste une invitation. J'ai envie de toucher ses cheveux mais je me retiens. Je ne veux pas l'effrayer. Je la fixe intensément, l'air sérieux.
«Peut-être ne suis-je qu'un violoniste pourri gâté jusqu’à la moelle qui se la joue rebelle avec des cheveux roses, mais je suis heureux de la vie que je vis. Et je sais que tout le monde a le droit au bonheur, peu importe ce qu'il a fait. Et tu sera plus heureuse avec des amis, je te le garantis.»
Le silence retombe. J'ai raison. Je le sais. C'est comme une certitude ancré au fond de moi.
Prouves que tu luttes, prouves que t'exultes Prouves que le but c'est briser les cœurs bruts
«Pour la plupart des hommes, se corriger consiste à changer de défauts. »
Et voilà qu’il se met aux déclarations mélodramatiques. Elle lance un imperceptible soupir d'agacement et se force à l’écouter. Malheureusement, son cœur reste imperméable à toutes ces belles paroles. Il essaye de lui donner des conseils sur des choses qu’il n’a jamais expérimentées. Il ne connait pas la souffrance que provoque l’abandon. Et qu’il se croit tout permis mettait vraiment la brune en colère.
Elle aurait pu amèrement lui répondre qu’on ne peut ramener les gens à la vie. Que tous les traumatismes que cette femme lui a fait subir ont laissé des grandes balafres. Qu’elle est condamnée au même sort que les Danaïdes, à remplir un tonneau de joies et de sourires qui s’échapperont par le trou provoqué par cette douleur sourde. Puis croyait-il sincèrement qu’elle allait réclamer de l’aide comme un mendiant quémande la nourriture ?
Il se penche, plongeant ses prunelles dans la valse orageuse des siennes. Ses conseils mais… mais… Pouah, qu’il se les garde ! Personne ne peut se permettre de la juger. On ne peut pas balancer des généralités aussi niaises et espérer que le public les vénère simplement parce que les gens qui le composent sont stupides et admiratifs des tournures utilisées puisqu’ils sont incapables d’en formuler de pareilles. Le message subliminal à comprendre était-il qu’il se propose comme ami ? Selwyn fulmine. Elle laisse le silence s’étendre, s’étioler jusqu’à ce qu’il se brise. Ainsi, il a terminé. Très bien !
Elle aurait pu lui jeter des simples : « tu me soûles », « ferme-là » « occupe-toi de tes cheveux au lieu de mes affaires» mais elle était beaucoup plus machiavélique. Il le méritait.
« - Ok. »
Réplique qui tuait tout. Qui provoquait frustration, énervement etc… Peut-être pas aussi efficace qu’un silence, quoi que… Fière d’elle, un sourire manqua presque de fendre ses lèvres. Ne voulant pas davantage s’éterniser et induire une contre-attaque de l’américain accompagné de sa tirade larmoyante, elle ramassa tout son chagrin, sa carapace et son orgueil pour se diriger vers la porte et disparaître comme un nuage de fumée. Elle se concentra sur ses chaussures afin qu’elles fassent le moins de bruit possible quand elle se mettrait à courir. Non, elle n’avait vraiment pas envie qu’il soit tenté de la suivre.
Prends la fuite Selwyn, encore une fois. Mais sache que la proie finit un jour ou l’autre par tomber dans le piège de son prédateur.