Si tu aimes ce livre, je ferais de toi une Alice. [ft. Zakary]

Un flot de pensées l'envahissait, comme trouver le coin idéal pour lire. Comme un besoin existentiel de tenir ce livre et le conter. Comme ces précieuses années, il n'avait pas perdu son charme, et l'islandais le tenait fermement dans ses mains. Le premier qui le bousculait aurait à faire à sa colère et, forcément, à une flopée d'insultes islandaises incompréhensibles. Même si il avait manger le cookie magique, Estefan était capable d'utiliser ses propres phrases dans sa langue d'origine. A part qu'il y avait un certain anglais qui persistait. Alors bonjour pour rouler un peu les « r ».

Le blondinet, par chance, ne croisa personne, et fila dans le jardin. S'isoler sous un arbre et lire à haute voix, interagir avec les personnages et oublier un peu le réel. Le problème était bien évidemment cela. Lorsque l'on faisait une matérialisation d'une histoire, on pouvait très bien se perdre dans l’irréel et, par malheur, devenir fou. Ça, c'était le pire des cas. Il n'était pas encore fou. Estefan était encore sain d'esprit et discernait la réalité de la fiction, ce n'était pas un problème en soi. Il avait plutôt peur pour les autres. Si ils se faufilaient dans ce monde, ils s'y perdraient et là, finiraient à lier.

N'était-ce pas cela l'arrière pensée du jeune-homme ? Non, pas vraiment. Il voulait simplement rendre l'histoire plus réelle, plus vivante qu'elle ne le paraissait déjà. Il voulait le faire pour unique but de rendre la vie au lapin de l'histoire de son frère. Tino, son petit frère qui avait souffert pour ce livre. Il refusait pertinemment de lâcher prise et continuerait à utiliser sa magie, faire en sorte d'apporter le bonheur au moins une fois dans une vie triste et monotone. Apporter des couleurs vives. Apporter de la magie, tout simplement.

C'est alors qu'il se calait au tronc d'un saule pleureur et ouvrait le livre. Lísa í Undralandi . Ou Alice aux Pays des Merveilles. Un livre dans sa langue, un livre qui était plus important aux yeux de l'islandais. Une chose matérielle, un superflus qui l'aidait à maîtriser sa magie mais qui était aussi une histoire qui l'avait tout de suite intéressé et qu'il ne se lassait jamais de lire.

Alors, à peine prenait-il la parole en anglais bien que les écrits étaient en islandais, le décors réel et neutre se transformait, laissant les couleurs devenir vives, où la lumière aveuglait le premier venu qui pénétrait l'espace délimité de l'histoire. Autour d'Estefan l'arbre n'avait plus lieu d'être, il avait disparut, le périmètre délimité devenu un terrain de jeu, de pratique et de plaisir.

Il continuait de lire, absorbé dans les pages jaunies avec le temps. Jusqu'à ce qu'il entende un bruit. Un craquement de brindille à ses côtés. Il se stoppait net dans sa lecture et se tournait vers le personnage qui était présent.

« Bonjour. Tu m'écoutais ? »

Estefan regardait le garçon qui sortait finalement de sa cachette, gêné de l'avoir dérangé. Le blond cendré sourit maigrement, comme pour le rassurer. On pouvait percevoir un timbre enjoué, émerveillé alors qu'il continuait de parlait, jusqu'à se présenter. Esekíel secouait la tête en fermant les yeux.

« Non, ne t'inquiète pas, tu ne me dérangeais pas. »

Le regard mauve d'Estefan s'illuminait soudainement, comme si il venait de trouver une personne qu'il voulait connaître plus que des connaissances. Affiner une relation à peine démarrée juste pour le fait d'avoir entendu « Oui, j'adore cette histoire, donc en la voyant j'étais fasciné. ». Cette fascination était donc partagée ? Estefan sourit. Il tirait sa main gauche du livre pour aller à la rencontre de celle qui lui était tendue.

« Je suis enchanté Zakary. Je m'appelle Estefan. »

En espérant que celui-ci ne se trompe pas. Il était vrai qu'on confondait Estefan et Esteban. Et pire encore, lorsqu'il prononçait son second prénom, on l'appelait Esékiel alors qu'il fallait prononcer Esèkièl. Ah sa langue était si compliquée ? Quoi qu'il fallait croire que oui, avec ses trente-deux lettres de l'alphabet islandais et leur sens de prononciation. On pouvait bien se gourer quelques fois. L'islandais ne faisait jamais attention, mais lorsqu'on l'appelait et que l'on le confondait, il ne faisait jamais attention et laissait de gros vents. Estefan revint à lui pour observer Zakary. Il ouvrait le livre en souriant et reprenait sa lecture.

Le décors changeait à nouveau, pour cette fois se retrouver à la Tea Party du Chapelier. Tous les personnages ainsi que l'espace environnemental étaient présents. On pouvait même croire que le thé lancé un peu partout venait mouiller les deux êtres vivants autour de ce spectacle illusoire. Mais les éléments fictifs ne les touchaient pas. Estefan gardait le sourire aux lèvres en ayant sentit comme un coup de vent sur son visage. Il relevait la tête vers le Chapelier qui venait de lui envoyer un morceau de cake. Par la parole, ils ne pouvaient intéragir ensemble, soit il réussissait à faire passer ses ordres au travers de son regard qui s'exprimait soudainement, soit il leur parlait. Mais il était le seul à parler. Il se tournait vers Zakary.

« N'aie crainte, le Chapelier est un peu dingue. »

Une tasse passait à travers la tête du blond cendré pendant qu'il regardait toujours Zakary en souriant. Dingue ? Y'avait pas plus fort comme définition ?

Pas qu'il se sentait forcé, non. Il avait envie de faire plaisir à quelqu'un qu'il venait à peine de rencontrer. Il était content, même si il ne montrait absolument rien. Enfin, presque rien, puisqu'un rictus apparu aux coin de ses lèvres. Il fermait les yeux et contait alors la fabuleuse histoire d'Alice. Si ils partageaient la même passion, alors cela lui convenait.

Tout en laissant la mélodie les bercer, il continuait de raconter. Le décors et tout ce qui entourait leur espace était à présent totalement immergé. Il avait un certain délai à respecter, il avait beau contrôler son pouvoir du mieux qu'il pouvait, sa force magique elle, n'était pas éternelle. Le dragon pour Shen avait été la matérialisation la plus exténuante du jeune homme jusque maintenant. Il avait très certainement dormi longtemps selon les dires de ses colocataires. Il avait à faire des efforts sur certains points. Légers mais bien présents et qui feraient toute la différence. Il s'arrêtait un instant, se tournant vers Zakary.

« Tu peux te promener. L'espace dans lequel nous sommes est à peu de choses près, le véritable Pays des Merveilles. »

Il regardait alors Zakary dans les yeux, lui montrant l’environnement qui les entourait. Bien sûr, il pouvait aussi matérialiser une autre histoire, mais celle-ci lui évoquait d’agréables souvenirs. Et puis, il ne lâcherait pas de sitôt ce livre. Peut-être était-il en islandais, mais le sens de l'histoire restait le même.

Il continuait de lire, penché sur les lettres, formant des mots, conter une histoire. Leur donner un sens, un sens qui émerveillait, qui accrochait. Et finalement, pour comprendre une moralité. Il avait un sourire accroché aux lèvres depuis le début de cette rencontre, même depuis le début de sa lecture. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus raconter d'histoire en présence de quelqu'un. Cela faisait du bien, il se sentait imprégné d'un sentiment de plénitude absolue.

Il relevait les yeux sur Zakary qui lui demandait dans quelles circonstances il avait connu cette histoire. Cela remontait à ses premières lectures. Estefan, pour apprendre à lire correctement avait pris ce livre. Le titre l'avait intrigué, et ses parents avaient bien voulu le lui acheter. Il reposait son regard sur les écrits, caressant la page sur laquelle il était.

« Cela remonte à longtemps. Lorsque j'ai commencé à lire pour être exact. Ceci est mon premier livre. »

Il relevait à nouveau le regard sur Zakary en lui souriant. Ses yeux mauves se tournaient alors vers le Chapelier et Alice. Il avait fait exprès qu'on ne les touche pas, que l’environnement ne soit pas trop réel. Le pouvoir de raconter et donner vie aux histoires avait son lot d'inconvénients, notamment de faire perdre toute distinction avec la fiction et la réalité. Et ça, Estefan en avait peur. Un jour, lorsqu'il aura plus confiance en ses pouvoirs et en lui-même, il pourra se donner la permission de rendre tout ça plus réel. Il lui fallait plus d'entraînement aussi.

Il reprenait sa lecture, se retenant de bailler, la main devant la bouche. Bien qu'il avait reprit du poil de la bête depuis l’événement du dragon, il était encore un peu fatigué. Il devrait bientôt stopper sa lecture. Il n'était pas vraiment en forme, mais il voulait tenir le plus longtemps, pour améliorer son temps. C'était une tâche ardue, mais il était convaincu qu'il y parviendrait. Il lui fallait de l'entraînement. Peut-être était-il temps de changer de style de lecture ? Il avait déjà un nombre incalculable d’œuvres lues, cela serait compliqué de pouvoir se pencher sur d'autres styles. Mais il était prêt à essayer. Enfin, là n'était pas l'histoire.

Il continuait de se concentrer. Il y arriverait, en en avait la forte conviction.