Vie banale. Journée banalement quelconque. Les minutes s’égrènent, les carillons résonnent, le temps s’étire au rythme des rires et des pleurs des comédiens qui l’entourent. Même le silence a un son. Mais tout n’est que mascarade.
Elle s’ennuie et s’épuise en même temps. Paradoxe subtilement vile qu’est son univers. Immuable, elle pensait camper sur ses positions pour le reste de sa vie. Rejet de l’autre par peur de révéler son horrible cœur et son âme aimante. Indifférence réelle pour les marionnettes qui répètent toujours ce même ballet infernal. Parce que après Prismver, ils disparaîtront de son monde. Parce que après Prismver, elle disparaîtra également, se fondant dans le rôle qu’on lui imposera. Carcan bien fade dont elle ne peut échapper et pour lequel elle devra sourire. Fataliste. À quoi bon ? Ce qu’elle dépeint facilement chez les autres l’absorbe elle aussi. Poupée de chair qui devient marbre, tu ne te briseras point, plus solide que tu ne l’imagines et surtout prisonnière.
Aujourd’hui, aucune représentation n’est exigée. Elle peut au moins admettre cet avantage à l’île perdue. Ici, elle n’a pas à se forcer, à quelques exceptions près, pure convenance. Ne devrais-je pas profiter plus de ces dernières heures de liberté ? Ne devrais-je pas penser à ranimer les battements de mon cœur, au moins une fois ? Ces questions l’effleurent parfois, insoutenables. Et comme d’habitude : immersion dans ce quotidien ordinaire qui l’accablerait presque. Se contentant de peu, n’espérant rien de plus. Destin sans relief. Reflet sans saveur. Du moins, c’est ce qui était prévu sur sa partition.
Cela aurait été plus simple si des fausses notes ne s’étaient pas incrustées. Attachement inconscient. Son dédain le réfute de tout son corps, mais son affection joue les outsiders, aussi criante que sournoise. Ces notes braillent, crissent à ses oreilles. Et malgré ses traits taciturnes, l’allure rigide et trop sérieuse, le cadenas cède petit à petit. Elle fait plus que tolérer certains êtres. Elle côtoie, elle échange, elle prête attention, pour ne pas dire qu’elle s’inquiéterait. Son égoïsme se craquelle parfois. Son intérêt s’éveille à d’autres moments, sur une curiosité, une réminiscence d’un lien bien lointain maintenant. Perte de contrôle. Agacement.
Alors, pour la deuxième fois seulement, elle se met à l’abri des lumières qui pourraient la réchauffer. Elle s’efface -sac à l’épaule- dans les ténèbres rassurantes de la piscine lorsque la nuit tombe. Apparaît l'attitude pudique de l'animal voulant lécher des plaies sans qu'on ne le sache. Elle s’éclipse pour se retrouver telle qu’elle le souhaite. Elle disparaît pour oublier les autres. Ses propres sentiments, qu'elle imagine usurpés par ses propres mensonges. La fierté primordiale subsistera tout comme son obstination qui défie tout entendement.
Infraction. Quelques gouttes de sang pénètrent la serrure des différents verrous, se solidifient. Unlock. Silence de plomb ponctué d’un clapotis léger. Les lumières de dehors s’infiltrent dans le complexe. Le bleu turquoise chloré tangue. Les reflets moirés de l’eau zèbrent le toit des lieux. Et malgré l’odeur déplaisante, elle y élit domicile pour quelques instants d’une solitude -à son humble avis- toute méritée. Rapidement, elle abandonne ses vêtements au profit d’un maillot de bain deux pièces noir, toujours aussi simple mais de bonne facture. La chevelure relevée hâtivement en chignon, elle glisse sur le bord de la piscine. Arrêt. Limite atteinte et un contact froid sous ses cuisses. Les pieds dans l’eau, elle s’accommode à ces changements de température, tout en farfouillant dans son sac pour en sortir bouteille et contenant. Whisky.
"Et je lève mon verre à nos cœurs en faillite, nos illusions détruites, à ma fuite en avant..."*
Nous portons tous des masques, mais vient un temps où on ne peut plus les enlever sans s’arracher la peau. Funambule imbécile, on abîme nos vies fragiles. On déraisonne, on désarçonne… Avec notre seule volonté, inflexible.
Même si ses envies et colères restent comprimées pour se montrer plus distante, Evangelyne aspire à la noyade. L’alcool ne lui fait bien souvent que peu d’effet. L’hésitation est donc factice lorsqu’elle porte le nectar ambré à ses lèvres pour ce troisième verre consommé cul-sec. Et puis, elle s’enfonce dans l’étendue aquatique.
Quelques brasses, pour l’instant elle navigue encore en eau claire. Mais bien vite. Le temps semble se suspendre. Flottement.
Parce qu’il y a des fois où il faut simplement tout arrêter. Arrêter de penser, de respirer, d’attendre, de languir, de se plaindre, de bouillir – de dormir. Yeux qui s’ouvrent sur le plafond, mains moites, nuque humide. Des tâches de couleurs dansent un ballet électrique devant mes yeux, alors que je roule lentement sur le côté pour entrevoir le clignotement rouge de mon réveil.
23 :18
Le soleil s’est couché, et j’ai dormi tout le jour. Je pousse un râle alors que j’essaie en vain d’extirper mes bras du cocon de coton et de lessive Ariel. Mon ventre me brûle, ma tête tourne, et je tombe de mon lit, poussant un juron d’une voix pâteuse.
J’ai dormi tout le jour et j’ai besoin d’un doliprane.
Je me lève en titubant, m’accrochant à ma table de chevet, et poussant un baillement. Chambre vide, Marwin disparaissant presque tous les soirs depuis quelques mois, les filles étant parties vagabonder je ne sais où – n’arrivant sûrement pas à me réveiller faute d’essayer. Ca tombe bien, j’avais comme le sentiment de vouloir être seule. Comme un putain de sentiment.
Un café-aspirine, un manteau et une paire de bottes enfilées plus tard, me voilà en train d’errer hors des dortoirs, me perdant dans les jardins sans une quelconque raison. Mon esprit est vide – vide de sens, et je respire enfin. Qu’il fait du bien de tout arrêter, de perdre jusqu’à sa faculté de penser. Le froid vient lécher mes jambes nues, et j’accélère le pas, trottinant. Courant. Dansant. Une belle nuit d’insomnie qui s’annonce ce soir.
Ma course m’amène devant la piscine. Je n’ai jamais aimé la piscine.
Et pourtant, c’est toujours ici que je viens lorsque la lune décide de me priver de mes nuits – comme si, foutue contradiction vivante que je suis, je ne pouvais m’empêcher de me sentir en sécurité dans les lieux que j’abhorre. La porte déjà ouverte, j’entre, et j’arrive, pieds nus sur le carrelage froid et coupant. L’odeur de chlore m’est toujours aussi invivable, et provoque toujours en moi cette même nausée, presque trop familière – souvenirs de murs blancs et fragrance d’hôpital. Clapotis de l’eau, j’avance sans hésiter – je sais que quelqu’un est là. Une vague vient s’écraser au bord du premier bassin, et je vois une silhouette flottante.
Ses cheveux retenus et pourtant libres, étendus comme une auréole autour de sa tête. Evangelyne.
J’ai les sourcils qui se froncent alors que d’un coup, la conscience réintègre mon corps. Bordel . Qu’est ce que je fous là – et qu’est ce qu’elle vient me déranger alors que j’avais prévu de passer la nuit seule dans un coin avec mes pensées écrasantes et oppressantes lovées autour de ma cage thoracique ? L’envie de faire demi-tour me prend, quand j’aperçois au bord de l’eau une chose qui vient assécher ma gorge de désir.
Serait-ce de l’alcool que j’aperçois ?
A pas feutrés je m’aventure vers ma proie, l’attrapant à deux mains avec convoitise. Whisky. C’est tout ce dont j’ai besoin – pour donner peu de courage et de chaleur à mon corps glacé. Portant le goulot à mes lèvres, je m’assois nonchalamment sur le bord de la piscine, jambes dans l’eau translucide – frisson. Qu’est ce que je peux détester ça.
Une belle nuit d’insomnie qui devait s’annoncer ce soir, mais j’ai désormais de la compagnie. Et quelle compagnie. Bouteille encore en main, je l’interpelle, sourire comme cœur au bord des lèvres.
« Bonsoir ma chère Evie. Quelle agréable surprise que voilà. » - un jappement cynique qui résonne contre les murs vides avec un bruit métallique.
Cela faisait longtemps, si longtemps que je ne l’avais pas vue. Je déteste Evangelyne autant que je me déteste – et nous venons l’une à l’autre pour ouvrir nos blessures, pour comparer nos peines, deux hyènes léchant nos cicatrices et se délectant de l’odeur de pourriture qui en ressort. Déchets de l’humanité.
La lune était haute, et les charognards de sortie.
Alors, chère Evangelyne, je crois qu’il est temps de sortir les cadavres de nos placards – je crois qu’il est temps de les faire danser.
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Sujet: Re: plunge. /pv Sarah Mer 26 Fév 2014 - 17:42
we were drowned ourself in misery
Soubresaut furtif dans l’eau. La nageuse se retourne pour identifier l’importune. Sarah. What a rotten luck. La silhouette chétive et infernale s’est emparée du nectar pernicieux, toujours aussi sans gêne, effrontée. Peu de personnes peuvent s’enorgueillir de toucher la A, mais Sarah… Révulsion. L’une, en haut, l’autre, en bas. Et pourtant, reliées par la même ombre dévorante. Elles pourraient presque danser sur un même pied. Sarah est l’être qu’elle rejette le plus violemment puisqu’elle se façonne tout aussi détestablement que Evangelyne. Une égalité dont elle se serait bien passée. Le regard rougeoyant vrille sur son interlocutrice, cruel. N’était-elle pas censée être morte ? Ah non, c’est vrai… Confusion avec Sir Bolton.
__ Surprise, c’est sûr. Agréable, j’en doute, Sarah Edwige.
Approche sans approche. Stark se déplace, rode dans l’eau, revient légèrement et indéniablement vers le bord tout en poursuivant sa brasse-flottée-surledos (very clear hein ?). Le visage tendu vers le plafond, elle hésite entre ignorer la bête ou reprendre le jeu criant de vérité là où elles l’avaient laissé la dernière fois. Et cette détestable appellation -Evie- la rappelle à l’ordre, puérile.
__ Encore à voler sournoisement les restes des autres à ce que je vois. Il existe d’autres façons d’être… Et aussi d’autres façons de tromper l’ennui.
Sa présence gâche définitivement son moment. Et il fallait que ce soit elle. Le clown salement blanc et l’Auguste excessivement bariolé… Manipulation & victime. Leader & follower. Elles se confondent dans ces rôles, se toisent et se déstabilisent avec la même impudence. Mais elles se doutent qu’elles tomberont toutes les deux. Un faux jeu de domination règne puisque Sarah est le reflet altéré et tordu d’Evangelyne. Ce qu’elle serait si elle lâchait prise et ouvrait les vannes… La destruction en fer de lance alors qu’aucune des deux n’a encore montré la vraie couleur de sa peau.
Prémisse d’un avenir entrelacé ? Cela pourrait être drôle, si ce n’était pas à ce point désopilant.
« The two clowns, who for whatever reason are competing for survival, desperately rely on each other; without each other, they live a meaningless, and perhaps even more perilous adventure. »*
__ Si tu pouvais éviter de vider la bouteille… Tu n’es pas la seule à vouloir te noyer dans l’alcool.
Sans détour, les masques pourraient choir cette nuit. La voix sèche et hautaine claque et se rapproche pour récupérer ce qui lui appartient. Evangelyne atteint l’échelle d’inox, y grimpe félinement avant d’atteindre sa serviette. Elle s’éponge rapidement en terminant par son cou et sa nuque.
__ Qu’est-ce que tu fais ici en pleine nuit ? Ennui ? Insomnie ? Envie d’emmerder le monde ? … dit-elle calmement en arrachant le whisky des griffes de la D pour se servir un autre verre. Un peu des trois sûrement… Mais comme tu t’en doutes et comme tu t’en délectes… Tu déranges.
Elle l’emmerde. Elle l’agace. Elle ne veut pas voir son visage sarcastique. Pas ce soir. Et pourtant, ses prunelles sanguinolentes ne la lâchent pas et elle s’installe même à côté. Avec un sac en tissu pour seule et inutile frontière de protection. Tout est une nouvelle fois question de limites. À savoir de laquelle des deux plongera la première dans les méandres de l’autre…
* QAQ je ne sais plus où j’ai péché ça, mais c’est pas de moua. /avraimentpleindepetitscarnets/
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Sujet: Re: plunge. /pv Sarah Mar 4 Mar 2014 - 22:27
rotten hunger.
i am a Scavenger, a vulture, if you will
Et la chétive forme – petit loup famélique – s’avance et se recule, tournant dans l’eau – attirée et repoussée par ma présence comme une phalène tourne autour d’une lanterne.
Répugnante. Nous le sommes toutes deux. Cette rencontre n’a pas lieu d’être. Je devrais repartir, trouver un autre lieu d’infortune – mais ce serait là la laisser gagner ; ce serait là plier, satisfaire à sa demande. Alors, comme à mon habitude, je reste plantée là, fixant mes jambes déformées par l’eau. Je hais ça je hais l’eau je hais le chlore je hais la piscine. Et malgré tout, je souris. Vide et sans joie – j’étire sur mes lèvres un rictus parfaitement contrôlé. Quand bien même tout ici m’exaspère – de l’odeur javellisée au prénom employé par mon interlocutrice - je ne peux le montrer sur mon visage.
Et puis, je sais qu’elle déteste ce sourire. C’est en soi une raison largement suffisante.
Encore à voler sournoisement les restes des autres à ce que je vois. Il existe d’autres façons d’être… Et aussi d’autres façons de tromper l’ennui. « Voyons. C’est ce que les gens font non ? Toujours prendre ce qui appartient aux autres –» Insatiables vautours guettant la moindre occasion. Je regarde la bouteille glissée entre mes doigts et la porte de nouveau à ma bouche, provocante. Laissant un bruit de satisfaction franchir mes lèvres alors que le liquide coule dans ma gorge – avant de commenter platement. « Et désolée pour ça, je ne connais malheureusement pas d’autres manières – être moi est déjà un mystère amplement suffisant. » Rire caustique. Tant de vérité et de philosophie dès le réveil – ça m’épaterai presque tiens. Serait-ce une inspiration de la Lune ? Je soupire lentement. Fatigue et lassitude. Pas de celles que vous pouvez effacer avec une bonne sieste non – une de celles qui restent accrochée à vos membres, pesant un peu plus lourd à chaque jour qui passe. Fatigue du temps – fatigue de vivre.
Je me suis avancée dans ce combat sans avoir une once de rage de vaincre. A croire que je suis juste venue me faire cracher dessus par cette ô combien charmante poupée de cire. Immobile, je la regarde avec intensité – du moins, avec la force qu’un regard assujetti de médicaments peu bien avoir. Nouvelle gorgée – feu dans ma tête encore embrumée.
Elle rôde – encore méfiante – jaugeant si elle peut ou non baisser sa garde. L’animal en moi en tremble d’impatience – susceptible, nerveuse, aux aguets. Allez Evie, ne sois pas timide. Il n’y a que nous ici – et tu sais que nous nous sommes intimement promis de toujours faire tomber nos masques l’une face à l’autre. Moment de flottement – je compte le bruit de cinq brasses avant que sa voix ne résonne de nouveau.
Tu n’es pas la seule à vouloir te noyer dans l’alcool. Enfin. Voilà qu’elle se montre, la jolie Evangelyne. Il en aura fallu du temps. Je pouffe légèrement à son vocabulaire si bien choisi. « Alors comme ça, on a aussi des problèmes darling ? Si tu tenais tant que ça à couler – alcool ou non – tu aurais dû m’appeler bien plus tôt. » C’est presque un ronron, une demande sirupeuse, accompagnée d’un regard furtif sur le corps mouillé de la jeune fille. Je la dévore de mes prunelles sombres pour combler cet étrange vide que je ressens depuis que je me suis réveillée.
C’est simple. Je plane. Mes membres sont pris d’une douce torpeur, et seul le verre froid de la bouteille plaqué contre ma paume me fait prendre conscience de la réalité. Lorsqu’elle me l’arrache – je résiste un peu avant de lâcher prise, venant déposer mes yeux agacés dans ceux d’Evangelyne. Radine. Elle se plaint ? Je dérange – oh c’est bien ça. J’ai l’habitude de déranger – je dirais même plus – déranger est devenu ma principale fonction ces derniers temps. Dommage pour elle.
Un silence se pose, et je prends alors une lente inspiration – commençant à dérouler le fil de ma journée, suivant son invitation. Car c’était une invitation ; masquée par cette habituelle fierté.
« Je crois que j’ai juste trop dormi - » Un long baîllement sort de ma bouche, confirmant mes dires. Je ne pensais pas qu’il était possible de trop dormir. Mais apparemment si, ça doit être ça, cette sensation d’avoir loupé le baiser du prince charmant ou je ne sais quoi. « - trop pris de psychotropes. » Les coins de ma bouche continuent de s’étirer et un rire amer franchit mes lèvres. « Et en plus je bois, apparemment. »
Dure réalisation qu’est ta vie, hein Sarah ?
Je croise une de mes jambes par-dessus l’autre, et reprend la bouteille, la faisant glisser machinalement d’une main à l’autre. Mes yeux s’accrochent au visage doux et pâle – si proche du mien. Sarcasme lancée du bout des lèvres à l’encontre de cette chienne de vie.
« C’est la misère, hein ma chérie ? »
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Sujet: Re: plunge. /pv Sarah Mer 26 Mar 2014 - 14:39
we were drowned ourself in misery
Touché. Nous sommes tous des voleurs. Les gens n’agissent que dans leur meilleur intérêt, sans tenir compte de qui sera blessé. D’ailleurs, est-ce mal de prendre ce que l’on veut pour satisfaire notre avidité, même si cela cause une autre souffrance ? N’est-ce pas plutôt la parfaite réponse à ce monde injuste et cruel ?
Et dire qu’elles sont peut-être plus accordées qu’elles ne le pensent et ne le désirent. Et le « mystère amplement suffisant » qu’est Sarah… Evangelyne ajouterait épuisant. Mais elle n’en dit mot, pleinement conscientes de l’effet que les deux jeunes femmes peuvent avoir sur autrui.
« Alors comme ça, on a aussi des problèmes darling ? Si tu tenais tant que ça à couler – alcool ou non – tu aurais dû m’appeler bien plus tôt. »
Léger rictus, teinté de dégoût et d’approbation. Savant et loufoque mélange.
__ C’est noté. Je te retourne l’offre. Valable dès maintenant si ça t’arrange.
Les prunelles rougeoyantes se fixe sur l’ombre prénommée Sarah Edwige, sérieuses et impétueuses, elles croisent un instant leurs sombres consœurs avant de s’éclipser. Le whisky coule entre leurs lèvres, ardent mais insuffisant, pas assez libérateur et loin d’être bienfaiteur.
Et elle exalte tous ces « trop » qui composent sa misérable et fragile vie. Ça ferait presque sourire Evangelyne qui l’écoute docile, calant sa respiration sur le lent clapotis de l’eau contre la paroi carrelée. La A se redresse même fièrement, étire son dos comme si il était courbaturé. Léger roulement d’épaules. Expire. Puis se rapproche de son nectar une nouvelle fois volé par la hyène. Elle s’empare d’un geste agile, alors que la bouteille joue les girouettes d’autres griffes.
__ Pitoyable effectivement. Mais pas si surprenant. Ta… mécanique est huilée depuis longtemps je suis sûre.
Apparently, we are the architect of our own unhappiness. And you were just a pathetic little fighter trembling from the lashes of the whips of those who would keep you down. But, now look at you. Master of your domain: suffering.
Œillade à ce sourire narquois. Comme si elle avait l’habitude de le voir s’afficher en lignes écarlates habilement étirées, alors que non. Elles ne se côtoient pas. Ne partagent aucun de ses traditionnels carcans sociaux : bande d’amis, camarades de classe, etc. etc. L’agitatrice de sang n’en a pas et n’en veut pas même si quelques liens s'effilochent tout de même. La paparazzi possède certainement son petit troupeau bien rangé. Les surfaces écorchées s’opposent donc. Et pourtant, lorsqu’elles se croisent, elles ripent sur les crevasses de leurs âmes, s'emboîtent presque trop bien, s’accrochent l’une à l’autre, à l’image de ces petits rouages d’horloger. Tic-tac. We’ll never running out of time for each others.
__ Je dirais même que tu prends plaisir à te noyer dans ce marasme. Ou alors ce n’est qu’une vieille habitude. Tes… peines ont pris une place tellement importante dans ta vie que tu t’attendrais presque à ce qu’elles soient toujours là. Est-ce que tu te souviens du temps où elles n’étaient pas là ? Tu ne te lasses pas de tout ça ?
I look at you and see everything I abhor in my future myself. You're every bit the abomination I am. Or worse. But I feel something so right by doing the wrong thing. And I feel something so wrong by doing the right thing. So I couldn't lie, could you ?
Elle bat l’eau doucement avec ses pieds. Ses mains se posent plus loin dans son dos. Bras et corps tendu, respiration toujours aussi lente et profonde, elle sent quelques gouttes d’eau rebelles glisser dans sa nuque. La chair de poule galope sur son échine. Puis son visage se perd ailleurs quelques secondes avant de s’incliner vers la squatteuse.
__ Est-ce que je devrais me laisser aller au risque -et peut-être au plaisir- de finir comme toi ?
Or should I just keeping my heart -cold and soft as satin- safe from thieves and vandals ?
Infime provocation. Elle laisse sciemment la tentation s’installer entre les deux jeunes filles. Les vices de l’une deviendront peut-être les péchés de l’autre…