mike tyson est déprimée.

Cabane 14. Je toque, souffle vivement, me préparant mentalement à la voir surgir derrière la porte. ... Mais non. Je suis face à Drew, et c’est presque un soulagement. Il me taquine, sadique, et finit par me dire qu’elle est au gymnase. Et c’est presque chantant qu’il me souhaite bon courage, me refermant la porte au nez. ... Well. Demi-tour, je prend la route du dit gymnase, mains dans les poches, traînant sur plusieurs mètres un petit caillou dans lequel je shoot régulièrement. Je passe la grande porte de fer sans hésitation et tend l’oreille. J’entend rien dans le couloir, rien dans les vestiaire. J’y jette quand même un coup d’oeil furtif, appelant doucement Fanì, regardant un peu dans tout les recoins, voir si elle n’est pas tapie quelque part prête à me sauter à la gorge.

... Oui, je la vois réellement comme une lionne, c’est pas juste une image sexy désignant sa crinière de feu.

J’appelle, et mes pas me dirigent inévitablement vers la salle de sport. ... Personne ? Si, dans le renfoncement à droite, le coin boxe, j’entend du bruit. Et quelques pas curieux plus tard, je l’aperçois, m'immobilisant là où je suis, l’observant avec une certaine distance... de sécurité.

« Je pensais t’avoir fortement suggéré de ne pas m’approcher pour quelques jours Heath. Que fais-tu ici ? »

Bouteille en bouche, elle boit, ne me regarde pas. Ma langue glisse sous ma lèvre supérieure, et je détourne le regard, soupirant, joignant mes mains dans mon dos.

« Et bien... ça fait déja quatre jours... » Et reportant mon regard sur elle, je me balance doucement d’avant en arrière, des talons aux pointes. « Je me suis dis que trois jours c’était pas assez, et que cinq, tu allait croire que j’en ai rien à fouttre. Donc quatre jours ça m’a semblé... correct. »

J’hausse les sourcils, claque des dents doucement. Ca va passer... ? J’évalu à à peu près dix secondes l’échance pour me prendre une gifle. Mais bon, tant pis. Faut porter ses couilles. Je m’avance, mais pas pour me rapprocher d’elle. Je m’approche de son sac de box, m’accrochant à la chaîne d’une main et laissant tomber ma tête contre lui, la regardant. Je ne dis rien, parce-que je sais pas quoi dire. Quoi que je dise, elle risque de me le renvoyer dans la figure, et de toute façon, j’ai pas d’excuses. Je ne me sens pas fautif, mais si c’est comme ça qu’elle me voit... Je ne peux qu’attendre que ça passe. Alors je la fixe, silencieux, désolé.

Il s’écarte du sac, se pinçant les lèvres, levant les yeux au plafond et remontant son fût dans un soupir. Et il s’éloigne de quelques pas, l’observe frapper avec hargne. Elle frappe, elle frappe fort, puissante. Il le sait qu’elle l’est. Il n’en doute pas une seule seconde. Et lui est là, debout, les bras ballants, sans savoir quoi dire. Il est venu ici parce-qu’il en avait envie. Parce-qu’elle lui manque. Et... parce-que c’est son copain. Il croit. Il espère...

Et elle parle. A aucun moment il ne l’interrompt. Il l’observe, écoute attentivement. Et au fur et à mesure qu’elle parle, son visage à lui abandonne ses mimiques détendues. Il redevient sérieux, la regardant avec honnêteté, l’écoutant avec attention, patientant avec respect, sans l’interrompre. Et, après avoir tout déballé, il attend quelques secondes, s’assure qu’elle a terminé. Il a bien écouté, et il a bien compris. Mais... pour lui rien n’a changé depuis cette soirée où tout a commencé. Il écarte les bras doucement, hausse légèrement les sourcils, la fixant.

« ... Je suis prêt, Fanì. » Il déglutit, se rapproche d’elle, prudemment. Il cherche les mots, ces mots qu’il cherche pourtant depuis quatre jours. « Et c’est parce-que je suis prêt que je lui ai dis que c’était terminé... Je tenais à le faire en face, par respect pour elle. J’pensais pas que ça finirai comme ça. »

Il déglutit, repensant à ses mots. Elle les a vu. Inutile de mentir. Il hoche de nouveau la tête, baissant les yeux. « Oui, j’ai profité de ce baiser. Parce-que ça fait un an que je couche avec cette fille, et que c’est pas n’importe qui pour moi. »

Il inspire, tourne le regard sur les gradins. « C’est la sex friend que je quitte pour toi. Je l’ai jamais quittée pour personne, pourtant j’en ai croisé d’autres, des filles. Mais pour toi je suis prêt à arrêter avec elle. C’est terminé. J’ai pas été l’embrasser. Mais une fois qu’elle l’a fait, je lui ai rendu. C’était ma façon de lui dire que je l’apprécie, la respecte et la remercie. » Il laisse retomber ses bras contre son corps, cherche je-ne-sais-quoi du regard avant de le reposer dans le sien. Il hausse doucement les épaules.

« C’était un baiser d’adieu. Parce-que tout ce que je veux, maintenant, c’est que tu devienne plus importante qu’elles. Toi, Fanì. Ca change rien à tout ce que j’ai pu te dire. Je t’ai pas menti. J’ai pas pris un plaisir malsain à l’embrasser alors que j’suis en couple. C’était un au revoir, parce-que maintenant, ma vie, c’est toi. »

Suspens. Je la fixe, à la fois assuré et doux. « Mouais. T'es un sacré discoureur Ackland.  » Sourire. Je déglutis, respire soudainement plus aisément. Et, l’oeil taquin, je lève mon poignet, mettant en évidence la cravate grise nouée à mon poignet. Si je n’avais pas certaines qualités de meneur, je n’en serai pas là avec Entropy. Je sais, ce n’est pas sensé être un sujet drôle, au contraire, il est une vraie source de conflits. Mais pour quelques instants ou je la retrouve, je me permet cette petite boutade, silencieux. Mettons de côté les tensions, Ulysse. Je veux te retrouver. Parce-que tu me manque déja.

« Je te promet que si tu me refais un coup pareil ce n'est pas sur un sac que je viendrais calmer mon poing. »
« Ca n’arrivera plus. »

Un ton assuré. Parce-que j’ai confiance. Personne d’autre que Charlie ne pouvait provoquer ça, et maintenant que c’est fait, notre relation est terminée. Tout est terminé entre nous. Et si elle tentait encore quelque chose, cette fois, je saurai la repousser.

... Mais elle ne tentera rien. Parce-que, silencieusement, on s’était promis de laisser place à la personne qui sera importante pour l’autre. Et j’ai décidé que la personne importante pour moi serait désormais Fanì.

Elle s’approche de moi, et je reste calme, l’observant. Ce n’est que lorsqu’elle pose ses bras sur mes épaules pour m’embrasser que je m’autorise à effleurer ses hanches, n’y déposant que le bout de mes doigts.

« Avoues que je t'ai manqu.... »
« Tu m’a atrocement manqué. »

Avoeu. Laissons les railleries et mesquineries de côté pour un temps. Elle m’a manqué, pourquoi mentir. Et puis, j’suis pas en position de jouer le con. Surtout pas quand ma copine est une boxeuse visiblement très jalouse. D’ailleurs, un sourire légèrement moqueur étire mes lèvres tandis que j’hausse un sourcil, pour glisser mon regard sur sa tenue.

« Et bien ma chère et tendre permet moi de te dire que si tu continues à t'habiller comme une plouc j'aurais bien du mal à dire que t'es ma copine. Enfin je dis ça... »

« Tu trouves que je suis habillée comme une plouc ? » Je ne répond pas, laissant le suspens planer, un léger sourire aux lèvres alors que j’enfonce mes mains dans mes poches. Et devant mon silence, elle s’impatiente, me frappe doucement l’épaule, déclenchant un rire moqueur de ma part.

« Tu m'as tellement manqué que j'ai du avoir envie de m'habiller comme toi. »
« Ok je retire c’que j’ai dis, t’a vraiment du goût. »

Prétention, quand tu me tiens. Amusé, je la dévisage tandis qu’elle boit, ses lèvres sexy avec le goulot en bouche ne manquant pas de me faire un certain effet. Sourire.

« Tu as une très mauvaise influence sur moi Heath Dean Ackland. » J’hausse un sourcil.
« Bah voyons. »

Et mains toujours dans les poches, je fais quelques pas, regardant distraitement ce qui nous entoure. Un ballon de basket qui trâine ? Je l’ai déja en main, exécutant quelques dribbles. Je suis pas un meneur d’exception, mon truc c’est plutôt les shoot, mais on a quand même un bon niveau dans l’équipe, n’importe qui peut pas me piquer la balle, en principe.

« Ca fallait y penser avant de te déclarer au grand méchant E, mauvais élève, mauvais garçon, pas sérieux, et qui a une fâcheuse tendance à dégrader des trucs... » Oeillade taquine, je passe ma langue sur mes dents et reporte mon attention sur mon ballon, que je fais passer entre mes jambes dans un dribble adroit. « Si tu voulais de la bonne influence, t’aurai mieux fait d’aller séduire le sérieux de Freud, la bonne humeur de Jim ou le génie de Kyösti...» C’est vrai, n’importe qui aurait vu Ulysse avec un mec comme Freud, l’intello bourge un peu associal qui ne pense qu’à bosser. C’est comme ça que n’importe qui le voit, et Ulysse, on la voit comme l’intello bourge qui bosse et joue la maman. Un parfait petit couple... Quand on ne connaît pas la vraie Ulysse.

Mais moi je la connais, la vraie Ulysse. Celle qui m’a chauffé à la première fête où l’on s’est croisé. Celle qui a vite perdu son masque de gentillesse, face à moi. Celle qui m’a craché son venin à la gueule, celle qui se déchaîne sur un punching-ball. Celle qui m’a avoué ses sentiments parce-qu’elle préfère les mauvais garçons un peu romantiques que les intellos trop parfaits. Celle qui aime jouer avec le feu en fréquentant le leader d’Entropy. Celle qui aime l’interdit. Celle qui a fait ce qu’il faut pour m’avoir, parce-qu’elle me voulait. Et elle a réussi.

« ... Enfin, si t’avais fais ça, j’aurai été forcé d’aller leur casser la gueule, donc... » Coup d’oeil amusé. Mais c’est une plaisanterie, bien-sûr. Si elle avait choisi Freud ou un autre, j’aurai respecté. Et j’aurai essayé de passer à autre chose. Et je serai probablement passé à côté de trucs géniaux. J’dis pas que notre relation sera géniale. Mais, en tout cas, elle me plaît déja, même si ça démarre un peu n’importe comment. Qui a dit que tout devait être tout beau - tout rose ?

Elle laisse tomber ses gants, pose sa bouteille et s’approche de moi. Bien ancré sur place, je chope le ballon et le garde au bout de ma large main, la regardant s’approcher, mon regard prenant une teinte de défi devant celui qu’elle affiche. « Donc ça signifie que j’ai l’autorisation d’aller casser la figure de la jolie blonde qui t’a embrassé sous mes yeux ? » J’inspire, garde le sourire, une pensée affectueuse pour Charlie et l’espoir que ça ne tourne pas au vinaigre entre elles deux. « Si tu voulais le faire, tu l’aurai déja fait. » J’hausse un sourcil, pivote légèrement la tête, demandant silencieusement la confirmation de ce que j’avance. Pour toute réponse, elle me caresse le bras du bout du doigt, ne me rendant que plus méfiant. Ce genre de truc, avec les filles, faut toujours se méfier, surtout celles de la trempe d’Ulysse. Les mesquines.

Et mon ballon m’échappe sans trop d’étonnement. Tenir un taille 7 d’une main c’est une chose, le manipuler avec aisance s’en est une autre. Elle recule, taquine, tandis que j’hoche la tête, amusé. «  Maintenant que tu le dis c’est vrai que Freud et moi on irait bien ensemble. On a le même pouvoir en plus, t’imagines même pas toutes les pensées coquines qu’on pourrait se transmettre sans que personne ne le sache. » Piqué ? Oui. J’savais pas qu’il avait le même pouvoir qu’elle. Un grand point commun, c’est le genre de truc ultra rare, et je m’y attendais pas. Je ne laisse rien paraître, mais sans nul doute, mon regard a dû s’intensifier. J’suis un bon orateur, mais j’suis pas aussi bon menteur que Bolton. Et inévitablement, j’imagine la scène qu’elle m’a décrit, soudainement pris par l’envie d’aller taper de l’intello blond. Mais il m’en faut plus pour être réellement jaloux, et encore plus pour devenir violent. Beaucoup, beaucoup plus. Et comme le suggère son regard, je m’avance vers elle doucement, soupirant, mains dans mes poches, as always. J’suis tenté de lui répondre sur le même ton, lui souffler que pendant qu’elle fera l’amour virtuellement avec son intello, moi je baiserai Charlie. En vrai. Lui dire que cette fille sait exactement comment me satisfaire. Lui dire toutes sortes de choses qui pourraient lui faire fermer sa bouche - et faire la gueule. Mais je veux éviter qu’elle fasse la gueule. Et j’veux éviter d’en rajouter une couche sur Charlie, alors que j’ai sérieusement déconné sur ce coup. Et puis, un mec un vrai, ça fait pas ça.

Arrivé devant elle, je passe un bras derrière elle, puis l’autre de l’autre côté, l’entourant. Plus grand qu’elle, je me colle contre son corps et n’ait pas trop de mal à emprisonner le ballon entre mes larges mains. Sourire de défi. Regard intense. « Dommage que tu sois tombée amoureuse de celui qui a une mauvaise influence alors. » Confiance. Elle aurait jamais dû me dire qu’elle est amoureuse de moi, ça me rend encore plus con que d’habitude. Une tape dans la balle, assez fort pour qu’elle lui échappe des mains et rebondisse un peu plus loin. Men fiche, c’est plus elle que je vise. Celle que je vise est désormais dans mes bras, les jambes autour de moi tandis que je viens de la porter pour la plaquer doucement au mur juste derrière elle. Je lui mordille la lèvre vivement, et reste ensuite volontairement hors de portée de son éventuel baiser, le regard ardent. Je passe ma langue sur mes lèvres, les yeux levés vers elle. « Et même dans vos fantasmes magiques, il serait pas aussi bon que moi. Tu le sais. »

«C'est sur qu'on est bien meilleur quand on a un entrainement quotidien... » Mon sourire reste figé, tandis qu’un petit quelque chose vient déranger mon esprit. J’sais pas si c’est ses mots ou la tête qu’elle tire tout à coup, mais ça, ça avait un goût de reproche. Je fronce à peine les sourcils, bug mental, juste une seconde. Parce-qu’en fait je m’attendais à ce qu’elle continue, qu’elle joue le jeu, mais ça, je m’y attendais pas. Et ça sent beaucoup trop l’amertume pour que je continue de jouer le prétentieux. Je sens la pression disparaître dans mon dos, ses jambes se décroisent, elle veut descendre et je la repose doucement à terre, docile, mon sourire s’effaçant doucement en même temps que je la relâche. Je la fixe, inquiet, concerné. Je suis pas idiot, et je vois bien que c’est plus le moment de rire. ... Je suis con, elle a pas oublié, pas si vite. Le truc c’est que pour moi, ce baiser a tellement pas d’importance que j’y pense même plus, je veux juste la retrouver, la faire sourire. Pour moi c’est terminé, c’est que dalle, et j’ai tendance à croire que c’est la même pour elle - j’oublie souvent que les gens n’ont pas la même capacité que moi à relativiser.

«Heath j'arrive pas à me sortir ce baiser de la tête... » Je le vois bien. C’est con... tellement con... mais tellement compréhensible aussi. J’suppose que tout le monde réagirai comme elle, et que d’autres réagiraient même beaucoup plus... Mais, sérieusement, c’est tellement futile de se prendre la tête pour quelque chose qui m’importe si peu... Si j’voulais toujours Charlie, d’accord, mais non, c’est terminé. « Tu m'as dis que c'était ta manière à toi de la respecter mais j'aurais tellement préféré que tu me respectes moi... » Me respecte moi. Un noeud se crée dans mon ventre, soudainement, alors que je ferme les yeux une seconde, détournant le regard, me mordant les joues. Pas respecter sa copine. C’est pas être un Homme. Et si y’a bien une façon de me faire du mal, c’est de me dire que j’agis pas en homme. Vexé, mais surtout touché, parce-qu’elle a raison. Je le sais, j’ai déconné. Et sans le vouloir, je repense à cette seconde, quand Charlie m’embrassait. Cette seconde d’hésitation. La repousser, ou approfondir le baiser. Mon ventre se serre un peu plus fort. J’ai fais le mauvais choix.

... Et pourtant. Pourtant y’a ce truc en moi qui me dit que, sur le coup, j’ai eu raison. Parce-que profiter égoïstement de ce baiser, c’était dire Adieu à Charlie. Un vrai adieu. J’ai profité, pour ne pas avoir de regret. Parce-que, peut-être que si je l’avais repoussée, j’en aurai eu envie plus tard ? J’en sais rien. Ce que je sais, c’est que pour moi, c’était le point final. Je sais qui je suis, je sais où je vais, et avec qui j’y vais. J’y vais avec Fanì. J’veux y aller avec personne d’autre. « J’voulais pas te manquer de respect. » Un murmure. Un murmure à moi-même, aussi. Une excuse à cette part mature de moi qui tient tellement à être un homme, un homme bien. Mais cette part est encore parfois chahutée par cet ado inconscient, égoïste, ce badboy que je suis depuis que je sais ce que c’est que de fréquenter les filles.

« Si seulement je l'avais pas vu j'aurais pu passer l'éponge.. ça m'aurait pas fait aussi mal mais là je l'ai vu et .. je sais pas ça me rappelle trop de mauvais souvenir. » Je suis con. Je suis trop con. Elle se dégage de moi, du mur. Je remonte mon fût en inspirant profondément, croise les bras pour poser mes mains sur mes biceps, me tournant vers elle en laissant mes yeux glisser sur le décor. Je ne souris plus. J’suis réellement désolé. D’une j’ai fais le con, et de deux, elle a déja vécu une histoire de merde visiblement. Je ne fais que la décevoir encore plus. Les yeux sur le ballon de basket, je roule ma langue dans ma joue, nerveux. J’sais pas quoi dire. Faut peut-être que je lui laisse plus de temps. j’peux pas revenir en arrière, c’est la seule certitude. Il va falloir qu’elle l’accepte. ... Sauf si elle y arrive pas. Je déglutis. J’ai pas envie que ça s’arrête. Pas déja. Pas pour ça.

« Et je déteste ça. Je déteste t'en vouloir pour ça... »
« C’est normal Fanì. J’ai merdé. C’est normal que tu m’en veuille. » Le noeud qui se serre encore d’avantage, j’inspire de nouveau avec force, faisant le nécessaire pour rester décontracté. Silence. Elle est dos à moi, et après un temps, je lève les yeux sur elle. Si je refusais les couples, c’était aussi pour ça. Pour les crises, qu’elles soient de nerfs, de larmes. J’suis pas un mec qui se prend la tête. C’aurait été une autre fille, je serai probablement parti, en lui accordant encore quelques jours de tranquillité. Mais Ulysse me manque beaucoup trop depuis quatre jours. Et j’ai pas envie de la laisser seule alors qu’elle va mal. Je fais un pas vers elle, décroisant les bras.

« C’est pour ça que je t’ai demandé de pas m’approcher pendant quelques jours... Parce que je voulais pas que tu me vois dans cet état. » Je m’arrête, toujours dans son dos. ... C’est une façon de me dire qu’elle veut toujours pas me voir... ? ... J’dois sûrement lui laisser plus de temps, oui. Je déglutis, baisse les yeux. Et je fais demi-tour, me mordant la langue. Direction la sortie... Ulysse est une fille forte, qui veut être forte, surtout. Je comprend qu’elle ne veuille pas que je la vois comme ça. Je le comprend parfaitement.

... « Fanì. » Immobile, je me retourne, pose les yeux sur elle. J’écarte doucement les bras, cherchant les mots des yeux, mon regard glissant à divers endroit, inutilement. « Ca m'intéresse pas de voir la Ulysse forte. J’adore cette Ulysse. Mais si c’est pour que tu me cache la sensible, la fragile, ça m'intéresse pas. J’veux pas me contenter de ce que voient les autres. » Je déglutis, espère avoir les bons mots; ils peuvent avoir l’effet inverse si elle les interprète mal, alors je m’assure d’expliquer mes pensées correctement en continuant. « Je veux te voir dans tout tes états. J’suis pas là pour prendre que le bon. J’ai fais une connerie, laisse moi l’assumer. Tu sais que c’est important pour moi. J’veux pas être le lâche qui attend que sa copine aille mieux. » Cette fois, mon regard est sur elle. Et, inspirant, je m’approche d’elle doucement. Et sans vraiment lui laisser le choix, je passe mes bras autour de sa taille, joint mes mains devant elle et pose mon menton sur son épaule. Je ferme les yeux, mon torse contre son dos, mes bras l’enlaçant, me voulant rassurant. « Je m’en veux Fanì. J’aurai pas dû. » Un instant. « ... Je suis pas parfait. Mais t’es la première depuis longtemps pour qui je veux essayer de l’être. J’y arriverai pas du jour au lendemain... Mais j’fais de mon mieux.»

Elle pleure, il le sent. Toujours dos à lui, il sent d’ici sa joue humide, pourrait presque en sentir le goût salé. Pleure pas Ulysse, pitié. Un Homme ne fait pas pleurer une femme. Me fait pas ça.

Et elle se tourne, m’attrape le tee-shirt et se laisse aller à ses sanglots. C’est plus un noeud que j’ai dans le ventre. Il se tord dans tout les sens, je ressens un blocage dans mon plexus, ça monte et ça me bouffe. Déglutissant difficilement, je pose mon menton sur le sommet de sa tête, et ferme les yeux, la serrant fort dans mes bras. ... Je la fais pleurer. Au bout de deux jours, elle est en larmes par ma faute.

Et c’est toute ma confiance qui s’écroule. Ca la soulage probablement, elle. Ca doit lui faire du bien, ça fait toujours du bien. Mais moi ça me fait l’effet inverse. Parce-qu’elle est dans cet état par ma faute, c’est moi le méchant, c’est moi qui assure pas. J’suis pas un homme, j’suis un p’tit con. Un petit con qui a voulu profiter de son ex jusqu’à la dernière seconde. Mais une seconde de trop, parce-que j’étais déja engagé avec Ulysse. Et deux jours après lui avoir fait l’amour, elle me voit embrasser une autre fille.

... J’suis qu’un con.

« Me mets plus jamais dans des états pareils je t’en supplie Heath. Les piques, les insultes, les disputes, les cris, tout, je peux tout supporter mais ça... j’t’en supplie pas ça. » Mes bras tombent le long de mon corps. J’veux pas la faire souffrir. Ni elle, ni une autre. Et, sous le poids de ses larmes, je fléchis. Mon assurance n’est pas inébranlable, et là, je vacille. Je doute. ... j’suis peut-être pas prêt. J’me suis peut-être trompé. Je m’imposai le célibat pour pas faire souffrir les filles, et je pensais être prêt... mais peut-être pas, finalement. ... J’sais pas, cette pensée me fait mal. J’ai pas envie de la lâcher. Je pose les yeux sur elle, la regarde intensément, mais troublé. J’ai plus cette attitude rassurante d’il y a quelques secondes. J’ai faibli devant ses larmes, peut-être que je suis encore qu’un gosse, que le badboy qui est pas prêt pour une relation sérieuse. « ...Plus jamais Heath. Plus jamais je laisserais un homme me blesser de cette manière. La prochaine fois c’est terminé. » Culpabilité. Elle me bouffe, et je cille, détourne les yeux, me détourne d’elle. Je viens de lui dire que je voulais assumer ma connerie, et il suffit qu’elle se mette à pleurer pour que mes genoux tremblent. Agacé par cette faiblesse, je fais quelques pas, me passe la main dans les cheveux, ferme les yeux, me mord les joues. Je souffle du nez, sens mon corps tendu. Je doute pas d’elle ou de l’affection que je peux avoir pour elle. Je doute de moi. J’suis peut-être pas un mec bien. Elle mérite un mec vraiment bien, et moi au bout de deux jours je la déçois et la fait pleurer. Deux putains de jours.

Je porte ma main à ma poche arrière, sors ma cigarette éléctronique. Cinq cliques sur le bouton, je tire une taffe et la souffle en laissant tomber ma tête en arrière. J’ose pas parler, j’ose pas la regarder. Pourtant je me doute que mon attitude doit la faire flipper, je lui ai pas répondu, j’me suis cassé sans un mot... La prochaine fois c’est terminé. Nouvelle taffe, nervosité. J’veux pas la perdre.

Je déteste réfléchir comme ça. Ca me ressemble pas. Je ferme les yeux une seconde, inspire avec force et tourne les yeux sur elle. « Y’aura pas de prochaine fois. Y’a pas d’autres filles. Y’a pas de Charlie. Y’a que toi. » Et je la quitte des yeux, fais quelques pas, le regard évasif, et shoot du pied dans le ballon de basket qui tape dans le mur pour revenir à moi. Je l’attrape, dribble. Y’a un froid, c’est sûr. L’ambiance est devenue lourde. Je savais que ce serait pas facile entre nous. Je range ma clope dans ma poche, dribble en marchant vers le panier, et shoot à mi-distance. Je marque. Je marque, mais je vais pas chercher mon rebond. Je reste là à fixer le sol là où le ballon a tapé après sa chute. Merde, j’étais confiant, j’étais sûr de moi, qu’est-ce qui se passe ? C’était pas des paroles en l’air tout ce que je lui ai dis. C’est pas juste des beaux discours. Je les pense sincèrement. Mais plus que tout, j’ai peur de la faire souffrir. Et ça se voit très clairement, là, que je suis nerveux et paumé. Et c’est Entropy qui me revient en tête. Je la fais déja souffrir. Je secoue la tête, ma nervosité ne faisant qu’augmenter au fil de mes pensées. Je lève les yeux sur le ballon. Arrête de penser, Heath. Arrête. Balle en main, je dribble, cette fois de façon plus énergique. J’ai bien les attitudes de basketteur, malgré mon baggy et mes chaussures de skate. Et je dribble, me concentrant sur ma balle. Me concentrant sur elle pour arrêter de penser. Pour redevenir Heath Ackland, le serein, le confiant. L’Homme. L’Homme en devenir, du moins. Double-pas, je marque et prend le rebond. Dribble, trois points, et je marque. Ma spécialité. Et pendant que je tape la balle, j’évite de la regarder. Focus. Je vide mon esprit, le sport étant le meilleur moyen pour ça. Elle avait besoin de taper dans le punching-ball, moi j’ai besoin de marquer des paniers. Et après un lancer-franc marqué, je m’arrête enfin, inspire et pose les yeux sur elle, la balle sous le bras. Je prend même pas le temps de me poser, j’enchaîne direct, les joues légèrement rosies par l’effort. « Comme je t’ai dis, j’suis pas parfait. Et oui, je ferai de mon mieux. Mais ça sera pas facile, on le sait tout les deux. » J’écarte mon bras libre, comme souvent quand j’cause. « Ca a toujours été conflictuel entre nous. Et c’est pas parce-qu’on est ensemble que ça le sera moins, au contraire. Alors, ouais, y’aura des moments ou ce sera la merde. On va probablement se haïr certains jours. Alors je te le redemande, maintenant qu’il y a eu cette histoire. Je vais te faire souffrir, c’est certain. Alors... est-ce que tu veux toujours sortir avec moi, ou pas. » Je relaisse tomber mon bras, la fixe en hochant la tête doucement de gauche à droite. « Dis-le moi maintenant. T’a le droit de refuser. Peut-être même que tu devrais, j’en sais rien. » J’inspire. Souffle. « ... Mais j’crois que je vais pas tarder à être réellement dingue de toi. Alors fais le bon choix. »