be alone ♣ matthew

alone.

Tu te lèves tard aujourd'hui. Il est midi, environ. On est samedi. Week-end. La moitié des gens sont sortis, traînent en ville. Pas toi, parce que t'avais pas la foi. Pas là. Tu voulais rester au calme -et c'est pas souvent-, profiter de l'établissement quand il n'y a pas grand monde.
Tu te douches rapidement, tu manges tout ce que tu trouves dans ta chambre : des barres de céréales, des kinder qui viennent de nulle part... Du sucre, il te faut du sucre.

14h10. Après avoir longtemps admiré le plafond, tu te décides à bouger. Enfin. Tu regardes par la fenêtre, et souris en voyant qu'il fait beau. Tu enfiles tes chaussures, prends ton écharpe (on sait jamais. Des fois que la température chute brutalement!), et tu sors, sans même prendre le temps de fermer la porte (un oubli, Shawn?). Tu soupires en voyant que l’extérieur est aussi calme que ta chambre. Tu aurais dû sortir, finalement... Là, tu vas t'ennuyer comme un rat mort ! Mais soit, tu ne renonces pas à croiser quelqu'un. En quelques secondes, tu as choisi une destination : Le parc. C'est évident qu'il y allait avoir des gens là bas, vu le temps, non ? Et au pire, il y aurait toujours deux trois activités louches à faire là-bas...

T'es décidé. Le pas sûr et rapide, tu te diriges vers l'entrée du parc, tout sourire en pensant à ta prochaine rencontre. Ton futur pote, vu que tu considères tout le monde comme tes amis. Ah, mon pauvre, si tu savais à quel point certains te méprisent tellement tu es collant !
Tu franchis la grille du parc, heureux d'être enfin arrivé. Mais déception immédiate, car tu n'as  vu personne. Désolant. T'es resté planté à l'entrée longtemps, hésitant entre rentrer te coucher ou faire le tour du parc. Tu as finalement opté pour la deuxième option, car entêté comme tu es, tu refusais d'être venu ici, d'avoir fait tout ce chemin pour rien.

Au fil de la promenade, tu commençais à traîner des pieds. Vraiment, le fait de ne voir personne t'agaçait. Tu parlais tout seul, te faisant la conversation, sans t'en rendre compte. Tu grimaçais, déçu de ta journée qui commençait mal. Et tu arrives enfin à l'aire de jeux, située au fond du parc. Étrange, dans un lycée pareil, de trouver des jeux aussi enfantins. C'est quand même pas des 4 – 6 ans qui étudient ici... Mais pas de problème pour toi, qui dans ta tête, a encore 7 ans. Tu t'empresses de bondir sur le toboggan, oubliant déjà que tu râlais contre le monde il y a quelques minutes à peine.
Après trois glissades, pendant lesquelles tu braillait comme un gosse, tu t'es arrêté, pour passer à un autre jeu. Et t'as foncé vers la balançoire, déterminé.
Et pourtant, tu t'es arrêté d'un seul coup. Parce qu'il y avait quelqu'un dessus, en fait. Dos à toi. Il t'avait forcément entendu, vu comment tu beuglais sur le toboggan. Mais ça, tu ne le comprenais pas. Alors tu t'es approché discrètement (enfin... Shawn et la discrétion, ahem). Un garçon. Blond, comme toi. T'en savais pas plus. Tu ne connaissais pas cette personne. Du moins de dos, sa silhouette ne te disait rien. Mais tu t'en fichais. T'étais heureux. Y'a quelqu'un dans ce foutu pays, t'es plus seul. C'est donc tout naturellement que tu as crié dans ses oreilles :

« COPAAAAAAAAAAAIN ! »

Avant de partir, faisant des tours autour de la balançoire en sautillant. Comme si tu faisais un rituel, ou une danse d'invocation, on sait pas trop. Shawn. Je vais te dire une chose. T'es complètement fou, mon pauvre...

not alone.

Stoppé.
C'est le mot. Tu t'es arrêté d'un coup en entendant le blond parler. Oui Shawn, il sait parler, c'est un être humain, comme toi. Alors pourquoi tu prends cet air si choqué ? Tu ne t'attendais pas à ce qu'il réagisse face à toute l'agitation dont tu fais preuve ? Bref, ne cherchons pas, tu es comme tu es. Tes réactions sont étranges, personne ne les comprend, même pas toi. Tu es resté grimaçant quelques instants, avant de te redresser, reprenant tes esprits.

Il s'appelait Matthew. Ça, tu l'as compris. Enfin, phonétiquement du moins, car t'es une bille en orthographe, impossible donc que tu écrives correctement son prénom un jour – mais bref. T'as pas tout compris concernant ce qu'il t'a raconté. Mais c'est pas grave tout ça. Parce que t'es heureux. Tu l'as dévisagé longuement, puis tu as fini par hocher la tête. Non décidément, tu ne l'avais jamais vu avant. Une foule de questions t'a traversé l'esprit. Mais reste patient Shawn. Chaque chose en son temps.

des abeilles sous le chandail

Tu t'es mis à murmurer ces mots qui étaient sortis de la bouche de Matthew. Clairement, vu ta façon de les prononcer, cela voulait simplement dire que tu ne les avais pas compris. Arf. Le blondinet que tu fais n'est pas intelligent, alors si on utilise pas les mots les plus simples pour te parler, impossible que tu saisisses le message...

T'as soupiré un instant, restant sur cette maudite phrase que tu ne comprenais pas. Cela te traumatisait presque, ça en devenait gênant, le silence que tu posais pour ça. Mais ça n'a pas duré plus longtemps. Car le silence avec toi, c'est un moment dontl faut profiter, car il est trop rare. La pile électrique que tu es ne pouvait pas rester calme plus de 30 secondes. Alors c'est reparti. T'as souri, puis ri, sans aucune raison. Et enfin, t'as ouvert la bouche. Toujours en parlant un peu fort, comme un enfant excité qui aurait peur qu'on ne l'entende pas.

Yo Matiou ! Moi c'est Shone. Ravi de faire ta rencontraissance!

Merde. Shawn ! On dit « ravi de te rencontrer » ou « de faire ta connaissance », mais pas un medley dégueulasse des deux ! Vraiment, c'est désolant. Le pire, c'est que tu dis ça avec  ton air niais... On dirait presque que tu surjoues l'idiotie... Mais même pas, et c'est bien ça le problème.
Et si encore tu restais là-dessus, mais non ! Aha, faut toujours que tu l'ouvres, quitte à t'enfoncer encore plus !

T'es nouveau ? T'es là depuis quand ? Tu viens d'où ? T'es en quelle classe ? C'est quoi ton don ? T'aime bien Prismver ? T'as des potes ici ? C'est quoi ton plat préféré ? Ta couleur préférée ? …....

T'as tout débité d'un coup, si rapidement que ton interlocuteur n'en avait certainement pas compris la moitié. Tu as repris ton souffle. Puis pris une inspiration, comme pour reposer une série de questions. Bonjour, je suis Shawn, et je fais un interrogatoire d'un pauvre blond qui n'a rien demandé, et ce au beau milieu d'un parc. Car oui, je ne suis pas fini, j'ai des problèmes mentaux et je ne fait rien de cohérent.  Mais bon, rien ne sert de te le répéter, t'es trop simplet.

Moi, c'est le vert.

Un explication s'impose. Oui, il n'y a rien de cohérent entre ses questions et ce qu'il vient de dire. Enfin si, en fait. Il ne se souviens déjà plus que de la dernière question qu'il a posé, soit celle de la couleur préférée. Et oui, comme il ne connaît pas les règles de bases de la politesse, il répond avant son interlocuteur. Shawn. Du grand art.
Tu t'es touché les cheveux, avant de prendre place sur l'un des balançoires disponibles. Car tout ce temps debout t'avait épuisé, il fallait que tu te poses, deux secondes. Tu gardais ton sourire niais, un poil inquiétant, tout en fixant Matthew. Shawn, tu fais peur. Vraiment.