Pas ici, pas avec toi... || Matthew

Ce jour-là pendant le cours de musique, chaque élève qui jouait d’un instrument particulier avait été prié de le ramener pour en jouer devant toute la classe et pour le cours de théâtre, le professeur leur avait demandé d’emporter avec eux, si possible, des costumes originaux, ou en tout cas, qui sortaient de leurs habits ordinaires. C’est donc tout naturellement que Salma s’était retrouvée avec sa cornemuse, qu’elle avait tenu à apporter à Prismver, ainsi que les robes et autres accessoires qu’elle avait emporté dans une valise toute spéciale. Et puisque ces deux matières se succédaient sur son emploi du temps, elle n’aurait pas eu le temps de repasser à sa cabane pour faire l’échange, alors malgré le fait que ses deux cours se passaient au premier étage, l’idée même de grimper les escaliers jusqu’à celui-ci la rebutèrent et l’ascenseur lui apparut presque dans une lueur divine, avec arcs-en-ciel et fleurs shojoesques.

Avant d’arriver en retard devant la salle d’arts, la jeune fille se hâta en prenant garde de ne pas se prendre les pieds dans sa valise ou de faire tomber son précieux instruments et arriva à se glisser juste avant que les portes ne se referment. Seulement, ce ne fut pas un tête à tête avec un ange, loin de là. En relevant la tête, Salma vit d’abord la cravate violette puis une tête de con se dessiner devant sa rétine, avec ses cheveux jaune pisse et ses lunettes qu’elle avait envie de jeter par terre et de piétiner jusqu’à ce qu’elles ne soient plus que poussière de verre et de plastoc. Matthew. L’expression de l’écossaise se décomposa en une seule seconde et elle tenta d’appuyer sur l’ouverture forcée des portes, en vain. L’ascenseur était déjà parti. Alors elle se contenta de la politesse en tirant la gueule. “Salut, pas ravie de te voir de si bon matin.”

Sauf que le voyage vers le septième ciel premier étage ne s’arrêta pas vraiment au bon moment ni au bon endroit. À vrai dire, la cage se stoppa net dans un grincement et les deux comparses se retrouvèrent sur le postérieur avant d’avoir pu dire “Quidditch”. La seule lumière qu’il resta dans ce petit endroit fut un néon vert et dégueulasse et Salma se remit rapidement sur pieds pour trouver un interrupteur ou quelque chose. “Eh ! Oh, fonctionne saloperie d’ascenseur là ! J’ai cours moi !” Et je veux pas rester avec ce type…

Comme si ça pouvait aider, elle tapa de ses deux poings contre la paroi froide et métallique même si elle se doutait bien que cela se perdrait dans le brouhaha du hall, surtout à cette heure-ci. Alors pendant un cours instant, à défaut de frapper les portes de ses mains, Salma le fit avec son front, se doutant bien qu’elle allait se prendre une remarque de la part de Matthew. “Alors, toi qui es si intelligent, ô brillant parrain, on fait quoi maintenant ?” Elle se retourna vers lui et scruta son visage un instant. “On peut pas dire que j’ai un pouvoir utile dans un cas pareil. Sauf si tu décides de t’éclater la chair dans un éclair de folie.”


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Salma était inquiète de ne pas arriver à l’heure à son cours de musique et un brin énervée aussi, parce qu’elle risquait d’avoir apporté sa cornemuse pour absolument rien. Tout dépendant le temps que les gens mettraient à venir les sortir de là… Et puis il y avait Matthew aussi. Pourquoi il fallait que ça soit lui ? Pourquoi pas quelqu’un d’autre, un beau gosse gentil et drôle par exemple ? Non, le hasard avait très mal fait les choses avec ce type imbu de sa personne. Elle n’ajouterait rien sur sa belle gueule, parce que la jeune femme ne pouvait pas dire qu’il était moche, loin de là.

L’écossaise ignora superbement sa première remarque sur les Roumains et les ascenseurs et enchaîna en vantant ironiquement les mérites de son parrain. Même dans ses gestes, Salma le détestait. Des gestes lents, mesurés, comme pour bien appuyer sa stupidité, accompagnés d’une bonne réplique cinglante. “T'aurai pourtant due te sentir attirer par celui-là, non? T'es dessinée dessus.” La brune serra les dents et se laissa violemment tomber à l’angle opposé de la cage de métal, en évitant le regard de Matthew et en faisant attention à ne pas abîmer son instrument et sa valise. Elle préféra ne rien répliquer parce qu’elle savait que s’ils continuaient comme ça, il se prendrait un pain dans la face alors autant calmer le jeu d’avance.

Pour briser le silence et se rassurer un peu, Salma fit une remarque quant à leurs dons et se rendit compte que ce n’était pas la manière la plus brillante pour se calmer. Et cela sembla énerver Matthew aussi, qui soupira presque aussi longuement qu’elle. “J'ai l'ai si stressé que ça?” En effet, c’était plutôt le contraire mais elle ne lui dirait pas cela. “Nan…” “Regarde, je suis tellement relaxé que je vais même piquer un petit somme ici. N'essaye pas de me tuer, OK?” La jeune femme tira une tête de six pieds de long en le fusillant du regard et ricana légèrement en se prenant les genoux entre les bras. “Je voudrais même pas me salir les mains avec ton sang. Quoique te tuer non, mais te taper dessus, avec grand plaisir.” Oui oui, Salma était bien une femme, avec des seins et un appareil génital féminin, pas de doute là-dessus mais quant à son caractère un brin violent, on pouvait émettre des doutes.

Pour s’occuper, elle sortit la pièce de théâtre qu’ils avaient à lire en ce moment pour son cours et tenta de déchiffrer les petits caractères sous les néons vert pâle qui les éclairaient chichement. Mais au bout d’à peine cinq minutes, Salma abandonna. Impossible de lire dans des conditions pareilles alors elle reposa son livre dans son sac de cours et consulta l’heure à sa montre. Dix minutes déjà qu’ils attendaient et personne n’était venu à leur secours. Son regard se porta par réflexe sur Matthew, dont la respiration semblait plus profonde et plus calme. Il avait déjà réussi à s’endormir…

Quand il n’ouvrait pas sa grande gueule et qu’aucune expression de dédain ne décorait les traits de son visage, il était franchement au goût de Salma. Mais c’était la première fois - et sûrement la dernière, - qu’elle le verrait comme ça, aussi reposé, détendu et surtout… Insouciant. Sans s’en rendre vraiment compte, comme hypnotisée, la jeune femme s’était mise à quatre pattes et avançait vers Matthew telle une lionne aux aguets (ou un chat qui chassait un moineau). Une fois les quelques centimètres qui les séparaient avalés, elle se stoppa à côté de ses jambes et épousseta inconsciemment son jean slim qui laissait passé le froid du sol. Elle le détestait, elle aurait voulu lui foncer dans le lard et se battre autant de fois que nécessaire avec lui, ne serait-ce que pour qu’il reconnaisse au moins une qualité chez elle. Oui, c’était ça dont elle crevait Salma : le besoin de reconnaissance. Sauf que concernant ce type, elle savait aussi qu’elle pouvait toujours courir.

Ce ne fut qu’au moment où ses lèvres effleurèrent celles de Matthew que la sonnette d’alarme résonna dans sa tête. Alors elle sauta presque littéralement en arrière pour rejoindre sa place, bien au coin opposé et détourna le regard. S’il s’était réveillé, elle aurait eu l’air d’une abrutie.


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