Ah, que tu étais contente. Il avait suffit d'écrire un simple LMS et de l'expédier à Estefan pour pouvoir le retrouver plus tard au salon. Il ne restait plus qu'à attendre sa confirmation et tu te mettrais en route en direction du lieu de rendez-vous. Couchée sur le lit, la tête posée sur l'oreiller, tu ne cessais de regarder la porte en attendant l'arrivée de Ryu, ton lézard. Ce reptile était lent, très lent pour te donner un simple LMS. Tu étais certaine qu'il avait déjà répondu et que cet animal était la seule raison de ce retard, car ce n'était pas la première doit qu'il traînait à amener un simple message. Mais, alors que tu rageais intérieurement, tu vis une toute petite silhouette entrer dans la pièce et s'approcher de toi, apportant quelque chose. Ryu. La réponse. Enfin. Tu te rassis rapidement sur ton lit en esquissant un sourire heureux pour saisir le LMS, marmonner un remerciement à ton messager et le lire attentivement. Bien. Estefan devait seulement se préparer et il te rejoindrait par la suite. D'un bond, tu sautas de ton lit pour sortir du dortoir et te rendre au pensionnat.
Estefan. Il voulait juste passer un peu de temps avec toi, pour parvenir à tourner la page sur le chagrin d'amour qu'il avait vécu récemment. Shen. C'était le nom de sa petite amie. Tu l'avais aperçue dans le passé, à de nombreuses reprises comme son style vestimentaire attirait beaucoup l'attention, même en essayant de s'habituer. Elle était bizarre, gentille mais bizarre. Il s'agissait des deux seuls adjectifs que tu arrivais à lui donner après tout ce temps durant lequel elle faisait partie de ta classe. Elle et toi étiez si différentes, elle était l'originalité et toi la normalité — du moins comparée à l'autre Chinoise. Pourtant, le B avait tout de même réussi à dire que vous étiez similaires, et qu'il te fuyait pour cette raison. Ressembler à une autre, même pire, être éventuellement son clone. Cette simple pensée t'énervait, parce que tu n'avais pas envie d'être comparée à une autre fille. Tu étais Chan, et Chan devait rester quelqu'un d'unique — en tout cas, c'était son souhait. Surtout que celle à qui tu — soi-disant — ressemblais était la jeune fille qui parlait avec un langage se rapprochant du soutenu, qui ne montrait pratiquement aucune expression sur son visage si doux et qui mettait des vêtements très peu communs. Non. Tu avais beau t'auto-juger maintes et maintes fois, tu n'avais pas ces caractéristiques. Mais... Mais, d'un autre point de vue, cela semblait assez flatteur d'avoir — apparemment — une personnalité assez semblable de celle qu'il aimait. Vu sous cet angle, ce que tu avais d'abord pris pour une insulte difficile à avaler devenait un compliment, parce qu'Estefan tu l'appréciais beaucoup. Même énormément. Il avait beau être exagérément inexpressif, ce garçon était formidable, sérieux, intelligent.
Arrivée finalement au salon, ton regard survolas un bref instant la salle à l'allure occidentale ; tu te dirigeas, de ton côté, vers l'un des fauteuils présents dans la pièce pour t'y asseoir à ton aise. En remarquant une théière avec un service à thé posés sur une table à proximité, tu utilisas ton don pour l'amener vers toi et te servir une tasse. Du thé à la menthe. Le goût te plaisait, alors tu sirotas lentement le breuvage tout en attendant ton ami, mais en essayant de penser à autre chose, comme le départ subit, entre deux cours, de ta déléguée avec une petite fillette blonde en B. Directement, cela devint ton centre d'intérêt et tu cherchas une explication.
Comme j'ai fait ça pendant les pauses des cours j'avais pas la musique ♥ Du coup je pense que c'est potable 8D
(c) Ethylen/Ether Cohen codage pour Shen don't copy
« Je ne veux pas être seul. Je ne veux pas déprimer. Il m'est interdit de sombrer. »
Il se sentait seul et il savait que ce n'était pas bon pour lui et ses sentiments qui persistaient. Pourquoi rester dans la solitude la plus totale alors qu'il fallait simplement oublier ? Il se laissait complètement sombrer, des papiers de bonbons au réglisse tout autour de lui, des biscuits à moitié croqués. Il portait les même vêtements que la veille, il n'avait pas bouger de son lit depuis, couché sur le dos. Il fixait le plafond, la tête complètement vide. Myrkvi montait sur son maître, lui posant un papier bien fermé qu'il tenait dans sa gueule. Le blond blanc relevait la tête, inexpressif comme toujours mais à présent, il n'y avait plus d'étincelle dans son regard. Il lisait doucement le papier et y répondait tranquillement. Puis, il laissait son lézard partir en vitesse, reposant son corps dans ce lit.
Lui qui était propre, le voilà aussi élégant qu'un clochard. Il soupirait, passant une main dans ses cheveux, puis sur son visage. Il ne fallait pas qu'il reste longtemps dans cette déprime qui le rongeait. Et dire qu'il pensait que ça ne lui arriverait jamais, on ne peut pas vivre sans. On finit toujours par éprouver des sentiments, mais à la fin, a-t-on toujours aussi mal de voir partir l'être aimé. Le cœur qui se serre, la tête lourde, les yeux brûlant. Il soupirait une nouvelle fois et se tournait, recroquevillé dans les draps. Il fallait se ressaisir. Même si en apparence il ne montrait rien, au fond, il était déchiré, éparpillé en milles morceaux. Comme un écrivain en mal du syndrome de la page blanche, son livre de la vie était vide. Myrkvi réapparaissait, s'en suivit alors de quelques voyages. Et finalement... Il n'y a pas tant de similarités que cela. Toujours est-il que j'ai pris peur. Je te rejoins là-bas dès que je serais prêt.
Chan. Son amie s'inquiétait pour lui. Il était temps pour lui de s'expliquer, de lui dire tout ce qu'il avait sur le cœur et de tourner enfin la page et d'à nouveau écrire. Elle était proche, pas au point d'être comme Jurgen, son meilleur ami, mais Chan avait quelque chose qui la rapprochait d'Estefan, quelque chose d'invisible qui les liait d'amitié. Elle avait cette sagesse, tout comme Shen, mais elle était plus expressive. Il se levait finalement, observant autour de lui tout ce qui traînait à terre, sur son lit, sur la table de chevet. Et puis, il ramassait. Enfin. Il revenait à lui, il se ressaisissait. Il ne pouvait pas rester dans une telle porcherie, c'était inconcevable. Il prenait un bonbon au réglisse dans sa table de chevet et tout en le mâchouillant doucement, il cherchait ses affaires propres dans sa commode. Il allait en vitesse prendre sa douche, s'essuyait, s'habillait. Il se regardait dans le miroir, posant ses lentilles sur les iris, couvrant son bleu ciel par un mauve lavande. Pourquoi se mettre des lentilles ? Pourquoi teindre ses cheveux déjà blonds à la base ? Estefan en avait eu envie, comme ça. Un coup de tête parce qu'il aimait ressembler à quelqu'un d'unique. Sortir du lot. Une fois prêt, il se dirigeait vers le bâtiment principal, traversant le rez-de-chaussée.
Il poussait la porte et regardait autour de lui. Il entrait la pièce, fixant le sol et, d'un coup en relevant les yeux... Son regard s'écarquillait, s'illuminant.
Depuis combien de temps ne l'avait-il plus autant observée ? Son visage fin, ses yeux verts, des traits féminins malgré sa taille. Qu'importe. C'était Chan. Le cœur de l'islandais se mit à battre dans sa poitrine, pas comme d'habitude non, il l'avait oublié, ces battements qui à chaque rétraction musculaire lui disait « Tu es vivant. Tu es vivant. Tu es vivant. »...
Il s'approchait d'elle, un fin sourire enveloppant ses lèvres.
« Ne t'ai-je pas fait trop attendre ? Je suis désolé si tel est le cas, je devais faire quelque chose avant de venir. »
Elle continuait de boire son thé tranquillement dans le silence, en cherchant machinalement une hypothèse concernant le plan de sa chère déléguée. Elle pensait qu'elle allait devoir attendre longtemps avant de voir son ami apparaître à la porte du salon ; alors elle se plongeait dans d'autres pensées pour patienter. Elle pensait à Entropy, aux multiples dégâts qu'il subissait chez les A. Leur jalousie qui les amenait à se venger, alors que les élèves de la classe violette n'y pouvait rien. Elle se demandait ensuite pourquoi sa représentante avait pris autant de temps avec la petite blonde en B, alors qu'elle avait simplement annoncé qu'elle l'amenait chez la CPE. Chan n'était pas assez naïve pour ne pas suspecter quelque chose d'anormal. Cependant, elle n'avait demandé aucun détail à Prudence, sachant déjà d'avance que celle-ci n'allait pas daigner lui répondre. Cette fille agissait seule, contrairement à Chan qui ne refuserait jamais du soutien. Alors qu'aurait-elle pu bien fabriquer avec la fillette de l'autre jour ? Mystère.
Mais elle n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps sur le sujet : Estefan était arrivé.
▬ Ne t'ai-je pas fait trop attendre ? Je suis désolé si tel est le cas, je devais faire quelque chose avant de venir. s'excusa Estefan.
Elle un beau sourire délicat sur son visage en le voyant faire de même, lui qui n'affichait plus que le désespoir sur son visage impassible, depuis si longtemps. Pour elle, être inexpressif n'était pas une raison suffisante pour empêcher ses lèvres d'exprimer sa joie. Estefan l'avait compris. Toutefois, ces temps-ci, il n'était pas en forme et ne montrait aucun véritable signe de vie, comme s'il n'avait plus aucune raison d'être heureux, comme s'il avait perdu toute sa joie de vivre d'un seul coup, comme si sa petite amie était partie avec sa vie, et ne demeurait plus qu'une sorte de cadavre ambulant. C'était son point de vue. Ainsi, ce qu'elle venait tout juste de voir était la toute première trace de gaieté de sa part depuis des lustres, une trace de vie qui la ravissait. C'était un bon début. Ou peut-être une fin ? Elle avait l'impression qu'il était à deux doigts de guérir de sa dépression. Juste encore un petit effort et tout serait réglé. Une illusion. Elle aimait bien simplifier les choses, les rendre plus faciles à comprendre, pour les études surtout, et là, pour un simple sentiment qu'elle n'arrivait pas à imaginer aussi complexe. Mais, on ne pouvait pas lui en vouloir, car elle n'avait jamais vécu une situation semblable. Il était donc temps de l'accueillir.
▬ Non, je suis arrivée il y a peu de temps, à vrai dire. lui répondit-elle d'une voix calme.
Un peu de retard ne la dérangeait pas tant que cela. Elle n'était pas très pointilleuse sur la ponctualité, hormis celle des cours scolaires. Enfin, elle lui aurait probablement fait une remarque s'il avait mis plus de temps sans s'excuser, déçue de sa négligence alors qu'elle attendait avec impatience une occasion pour le revoir ; mais là, il n'y avait rien à lui reprocher. Elle se demandait même s'il était vraiment arrivé plus tard que prévu.
▬ Tu n'as pas à t'excuser. J'étais en train de réfléchir en t'attendant. continua-t-elle en plissant les yeux.
Elle ne mentionna pas le sujet de ses réflexions — ou plutôt de ses tourments —, ni même ne serait-ce qu'un simple indice. Étrange de sa part. Généralement, elle rêvait tant de pouvoir confier ses idées, son avis et ses pensées sur Entropy ; elle voulait tant discuter de ce thème-là avec quelqu'un qui la comprendrait, la conseillerait et confirmerait que sa mentalité était juste, parce qu'elle cherchait avant tout la sagesse et la raison. Juste débattre un peu avec quelqu'un, ou trouver une personne qui compatirait avec elle, lui suffisait amplement. Sauf ce jour-là. Elle n'était pas venue pour chercher à converser de ce genre de sujets — sauf si on le lui demandait, bien entendu — mais pour passer du temps avec le charmant jeune homme qu'était l'Islandais. Elle éloigna la tasse de thé avec sa force spirituelle, à quelques centimètres, le récipient en porcelaine se trouvant toujours à proximité pour en reprendre si elle aurait subitement soif ; puis, avec l'aide de son don, elle s'empara d'une deuxième tasse posée sur la table, la souleva un peu et se retourna vers le garçon aux cheveux blancs.
▬ Tu veux du thé à la menthe ? Oh et je t'en prie, assieds-toi. lui proposa-t-elle.
Et malgré tout, elle souhaitait lui faire partager ses observations, ce qui lui tenait tant à cœur depuis la seconde où elle l'eut aperçu entrer :
▬ Tu as l'air de bonne humeur, aujourd'hui. déclara-t-elle.
Elle lui adressa juste après un sourire lumineux, dans lequel on pouvait presque percevoir un air de triomphe, ayant réellement l'impression d'avoir pratiquement triomphé de ce chagrin. Ah, Chan. Elle désirait vraiment trouver une raison d'être fière d'elle ; elle désirait vraiment se rapprocher du jeune B.
Hihi ♥ love you
(c)Alice-Dark/Ether Cohen Si tu touche... j'te bouffe