Après-midi après les cours, il ne sait pas quelle heure il est, il ne veut pas savoir. Joach glandait juste tout seul sur un banc de la cour en laissant échapper un soupir. Certains passent, l’ignorent. D’autres se demandent s’il ne s’est pas perdu, le pauvre. Peut-être même qu’ils le prenaient pour un clochard. Parce qu’il n’y a que les clochards pour s’allonger comme ça sur un banc. Cette journée avait été T-E-R-R-I-B-L-E. Le brun n’a pas eu de chance de toute la sainte journée. Ce dernier à enchaîné fail sur fail et là, il ne cherchait plus qu’à faire le vide et échapper à son karma. Humour. Ce n’est pas le genre de choses auxquelles il croit, et cela même s’il se trouve dans un pensionnat rempli d’adolescents dotés de pouvoirs, tous aussi perturbés les uns que les autres. Dur dur d’être jeune. Et c’est pas Joach qui allait dire le contraire. « Clochard. » Merde. Il n’aurait jamais cru croiser un de ses potes ici. La plupart étaient occupés ailleurs. Mais, pas celui-ci apparemment. Ce n’est pas que sa présence le dérange vraiment, juste que le suédois aurait préféré qu’aucun de ses proches de le trouver. « Naaaan, retourne dunker ou je ne sais quoi d’autre toi! » Sans vouloir le vexer. Ce qui n’est pas le cas, étant donné qu’il sourit. Heureusement, parce qu’il ne tenait pas vraiment à se mettre un colosse pareil à dos. Ce serait du suicide. Joach accordait encore assez d’importance à sa vie, alors…. « J’ai mieux. Va conquérir ta belle rousse, va. » Ah merde, là il fronce les sourcils et perd son sourire. Shit. Le brun déglutit, mais Pytha se contente de le faire tomber du banc. Well. Sympa. Enfin, il l’a tout de même un peu mérité.
Fier, le basketteur s’en va, laissant l’autre abruti, pathétique, allongé au sol. Celui-ci finit par se remettre sur pieds quelques secondes après et jure entre ses dents. Non franchement, aujourd’hui il n’a vraiment pas eu de chance. Et apparemment, ce n’était pas encore le moment pour lui foutre la paix une fois pour toute. On aura espéré. Joach soupire, s’assied cette fois sur le banc et fixe le sol, pensif. Réfléchissant encore et toujours à ce qui a bien pu arriver ces derniers jours. Inimaginable. De toute manière, tout ce qui se passe à Prismver est digne d’une fiction. Lui, qui était un pensionnaire, avait parfois du mal à croire certaines choses. Pourtant, il faut apprendre en venant que tout est possible. Et ça, Joach ne l’avait encore qu’à moitié assimilé. Et honnêtement? Ce dernier aurait largement préféré qu’il ne se passe rien, afin d’éviter certaines grosses emmerdes. Comme la perte d’Ulysse. C’était ça le pire. Que Léocade rejoigne le groupe, c’était de la rigolade à côté. Le pauvre garçon se torture avec ces choses depuis quelques jours déjà et ça commençait franchement à devenir pesant. Il ne savait même plus que dire à la rousse. Que dire à propos d’Heath qui ne désirait pas lui rappeler la relation qu’ils entretenaient auparavant. Une bonne idée comme une mauvaise. C’est ça le problème.
On n’a cité que les choses négatives, et pourtant il y a aussi du positif. Tout se passe bien avec Johanna pour le moment. Mais, le brun craignait qu’une certaine personne ne vienne semer le trouble volontaire. Ah non. Il y en a deux. Quelle chance, franchement. Vous l’enviez, avouez? Trop compliqué la vie. Et c’est sur ces pensées que le jeune homme quitta le banc et s’étira longuement sans se douter une seule seconde qu’il n’était pas au bout de ses peines aujourd’hui. Qu’un évènement viendra entaché sa journée, encore bien plus qu’elle ne l’est déjà. Comment aurait-il pu savoir, de toute manière? Peut-être en étant devin ou une autre merde dans le genre. Dans les deux cas, ça ne fonctionne pas forcément, alors bon. Ah non vraiment, le jeune homme ne s’attendait vraiment pas à ce que ceci arrive.
so do your best to run away, but take a breath and you will pay
Martin a 16 ans et il a un pouvoir plutôt marrant. Aussi marrant que lui -parce que ouais, Martin c’est un mec qui a le sens de l’humour. Avec Martin on rigole bien, surtout quand il utilise son don pour piéger son entourage. Martin c’est un perroquet : suffit qu’il entende la voix de quelqu’un rien qu’une seule fois pour pouvoir l’imiter à la perfection. J’ai dis que c’était marrant, pas que c’était franchement utile. En général il prend ses amis pour victimes. Comme la fois où il a appelé un de ses potes au milieu de la nuit en imitant la voix de sa meuf. “J’ai envie de toi tellement envie de toi oh oui viens vite nan prend pas tes fringues ça te servira à rien”. Et il l’avait laissé se barrer du cabanon en boxer by night. Haha. Mais bon, ça le fait de moins en moins rire, il a déjà tout essayé, ça prend plus trop, on s’y attend à force.
Martin il a beau ne pas être très intéressé par les ragots, il est pas con. La semaine dernière il attendait devant la salle de musique pour passer une audition. Martin il peut imiter n’importe quelle voix, ça aurait pu être cool de venir chanter en mode Francis Lalanne devant le jury. Sauf que ce jour là il a eu la révélation de sa vie. Ce jour là y avait Källström et Remington dans la même pièce. Källström et Remington qui se lançait des regards haineux, comme d’habitude. Källström qui a une copine qui est l’ex de Remington, ce dernier ayant une sœur avec qui il a une relation plutôt cheum. Il tenait THE TROLL de l’année.
Léocade grignote l’extrémité de son stylo qui se brise entre ses dents. Il fulmine, bouillonne de l’intérieur et pourtant sur le visage on ne discerne rien pour le moment. Il y avait cette bête qui tourne en rond dans sa cage, quelque chose qui fait penser à une cigarette tombée derrière des rideaux pendant une soirée mouvementée, toute petite, invisible, mais qui se consume tout près du tissus. Et bientôt, l’incendie. La sonnerie. Il se lève, fourre ses affaires dans son sac sans y prêter attention. Il n’a qu’une seule chose en tête depuis hier soir. Hier soir. Oh merde, nan, faut surtout pas qu’il pense à hier soir, ou il va agresser la première personne qu’il croise en sortant de sa classe. Il sort, d’ailleurs. Il a à peine fait un pas dans le couloir qu’il interroge tous ceux susceptibles de savoir, d’avoir la réponse à sa question.
Où est Källström ?
Léo’ suit vaguement quelques indications peu précises, mais il sait qu’il finira bien par le croiser à un moment où un autre. À chaque pas, il rumine tout ce qui le tracasse. Il faut qu’il le trouve. Tout part en live dans la vie du brun et c’est forcément la faute au chicano. Toujours aussi borné, Léo’. Mais il s’en rend pas compte, il se dit que le monde est contre lui. Et là il se focalise sur Joach. Perfect Joach qui sèche les larmes des demoiselles en détresse en couchant avec, haha. Il devrait se dire que Johanna est heureuse comme ça, que c’est tant mieux pour elle, que c’est de sa faute à lui. Sauf que non. Léo’ vs The World. Et Jo’ elle est à lui, et c’est l’autre chicano qui lui a dérobé. Et hier soir il avait fait pire.
Peu à peu, on le dirige vers l’extérieur des bâtiments. Ça ne sert à rien de se passer les reproches en boucle. De toute façon la visite à Joach était déjà prévue au programme depuis un moment. Il lui manquait juste la bonne excuse, l’indiscutable motif. Et cette fois il l’avait. Hors de question d’aborder subtilement le sujet avec un sourire de tombeur comme à son habitude, non, cette fois ci il fallait qu’il fonce dans le tas. Il n’en peut plus d’emmagasiner, contenir, retenir cette rage. Il a toujours les insultes au bord des lèvres alors qui se force à ravaler sa haine. Il a toujours la colère qui fourmille le long de son bras et qui lui fait serrer les poings. Alors non, pas aujourd’hui. La cour intérieure. Là. Joach Källström. Enfoiré. Il lui fait dos. Léo’ s’approche, lui secoue l’épaule, le regarde se tourner vers lui, profite de l’effet de surprise pour le choper par le col. Il le tient, il a le chicano à portée de main, ça lui semble si facile. Bruit sourd des phalanges qui heurtent la mâchoire du suédois dans un fracas, grosse droite dans sa belle gueule de chicano. Léo’ frappe fort et vite, et il le pousse en voyant qu’il l’a sonné, parce qu’il sait que Joach a beau tituber ça ne durera qu’une seconde. Il sait très bien qu’il ne fait pas le poids. L’autre va très vite capter et peut lui rendre le coup, bien plus fort. Mais putain que ça fait du bien.
- Ça t’as bien plu de te taper ma sœur connard ??!