tame the wild

Fuck you Jim Reed

Soirée de merde. Ca n’a jamais été son univers, tout ça. Il y a déja goûté, aux fêtes de ce genre. Aux drogues douces, à l’alcool fort, aux filles. Il a fini par prendre de l’ecsta, et ça avait été le déclic. Passer de la douce à la dure lui avait fait un choc, mentalement. Et le lendemain matin, ça avait été une évidence: plus jamais il ne toucherai à cette merde.

Et là, y’en avait à foison. Il avait découvert en cours de soirée que Jim était un putain de toxico, lui et toute sa clique. Alors, inévitablement, y’avait la crainte que Johanna et Gautier - aka les deux chancelants du groupe proches de Morgan et Jim - ne tombent la dedans. Mais bon. Comme d’habitude, c’était pas ses affaires. Et comme d’habitude, il laisserait les gens se démerder. Parce-qu’il était comme ça, Heath.

Et pourtant, lorsqu’elle le percuta, lorsqu’elle traça sa route, troublée, l’esprit confus au point de faire bourdonner celui d’Heath, ce dernier l'appela. Hannah était dans tout ses états et, le voyant, n’en paru que plus troublée. Il se prit dans la tête de sympathiques « oh non pas lui » et autres « de pire en pire » qui n’eurent pour effet que de le frustrer, au milieu de cette soirée déja merdique. Il aurait pu s’amuser, passer du bon temps avec ses potes, mais non: Gautier s’était embrouillé avec tout le monde, Johanna traînait avec Léocade, et du coup Joach avait aussi pété son câble.

- T’insulter... Nan mais t’arrête oui... ?

Profond soupir. Il enfouit ses mains dans ses poches et s’approcha d’elle.

- J’rentre aussi. C’est de la merde cette fête.

Un sifflement, son lézard arriva quelques secondes après, grimpa jusqu’à sa main, papier vierge sur le dos. Heath sorti son éternel stylo de sa poche arrière, griffonnant à Joach qu’il rentrait; cela faisait un moment qu’il l’avait perdu de vue, alors il avait toutes les raisons du monde de se barrer.

- Putains de toxicos.

Oeillade noire à Jim et Ernest en passant, les deux jeunes hommes en plein trafic. Heath traça sa route sans répondre au Roi de la Fête qui semblait étonné qu’on se barre de sa fabuleuse soirée. Le Rouge se contenta d’un signe de main, diplomatie oblige, et lâcha un profond soupir une fois le genre de vigile dépassé.

- It sucks.

Grumpy Heath spotted, le jeune homme resta silencieux un moment, trop focalisé sur ses propres pensées pour se soucier de celles d’Hannah. Gautier avait failli frapper Aless; il l’aurai fait si Heath ne l’en avait pas empêché. Et Johanna qui se mettait à traîner avec les personnes probablement les moins fréquentables de leur promo. Il la sentait tellement capable de partir en vrille - et inévitablement, il commençait à s’inquiéter pour Joach. Ca allait partir en couille entre eux, et il voulait pas que son bro en souffre.

Énième soupir, il détourna son regard sur Hannah, dans l’espoir d’y détourner également son attention.

- J’suppose que t’a pas l’intention d’me raconter c’qui va pas ?

i don't care

Il n’en avait pas envie. Quand bien même il le voulait, il n’arriverait probablement pas à infiltrer son esprit pour connaître ses pensées. Pourtant, certaines lui parvenaient, confuses. Heath maîtrisait mal son don. Parfois, il avait la sensation de le comprendre, de savoir comment l’utiliser, et y parvenait de façon encourageante. D’autres fois, comme ce soir, c’était purement chaotique.  C’était... Comme ressentir le souffle du vent. On a aucun impact dessus, on le ressent, sans pouvoir en maîtriser la force, la direction, ou la température. Aléatoire. Ainsi, les angoisses d’Hannah venaient, de façon totalement chaotique, se mêler aux siennes - il ne saisit cependant pas ce qui la mettait réellement dans cet état. Elle fit allusion à Joach, et ce fut la seule chose capable de faire relever le nez au jeune homme, soupirant.

- On s’est perdu de vue à un moment, et j’crois qu’il faut qu’il voit Jo. J’savais qu’ça servait à rien d’venir. C’est de la merde ces f...

Il s’arrêta, pivotant la tête pour lui lancer un regard par dessus l’épaule. Il la vit alors un mètre derrière, bras croisés, au bord des larmes. Ses lèvres tremblaient, ses yeux étaient humides, et lorsqu’elle s’adressa à lui, il n’eut aucun mal à saisir à quel point sa gorge était nouée. Il entrouvrit les lèvres, pour finalement les refermer, muet, cillant devant ce comportement qui le prenait de cours.

Elle voulait le voir partir. Elle voulait être seule. Heath n’était pas du genre contrariant, vraiment pas, aussi, après une légère hésitation et quelques mots marmonnés, il soupira en lui adressant un signe de main avant de prendre sa route, mollement. Il ne voulait pas l’emmerder, ils n’étaient clairement pas d’humeur à se quereller comme d’habitude. Il fit alors deux pas, trois, s’arrêta dans un nouveau soupir. Sa langue vint inévitablement se nicher dans sa joue tandis qu’il levait les yeux vers elle, hésitant.

- ... J’m’en fou que tu pleure, Hannah. Moi aussi j’pleure. Tout le monde pleure.

Il déglutit, cherchant les mots, prenant en même temps ses décisions.

- Mais j’peux pas te laisser là à pleurer seule.

Un homme un vrai n’abandonne pas une jeune femme en détresse, hein Heath ? Pourtant ça fait longtemps que toi-même tu n’y crois plus, à cet Homme, ce vrai.

- Allez, viens.

Il enroula son bras autour de ses épaules, tandis qu’il venait de supprimer la distance les séparant. Il se fichait qu’elle le prenne mal, qu’elle ne veuille pas de son contact, ou quoi que ce soit d’autre. Elle allait mal, et il était là pour elle, point barre.

- C’est rare que je me soucis des autres, alors tu ferais mieux d’en profiter au lieu de me jeter. Et non, je fais pas ça par pitié. J’aime pas te voir mal, c’est tout.

Il avait donné l’impulsion nécessaire pour qu’elle se remette en marche, aussi, il la lâcha, devinant qu’elle préférait avoir son espace vital. Il enfonça de nouveau ses mains dans ses poches, reprenant la tête de leur marche afin de ne pas lui imposer son regard. Veillant tout de même à ce qu’elle le suive.

- Ca sert à rien de jouer les durs à cuir. Au fond on est tous pareil.

Tous humains, avec nos forces, mais aussi nos faiblesses.

Well well weeeeell

Et c’est reparti.

Vous la sentez, la meuf compliquée ? Lui oui. Il resta planté là, comme un idiot, lèvres entrouvertes alors que soudainement, elle le calînait, oui, littéralement. Blottie dans son dos, il y sentait son front, son corps, et ses bras autour de lui. Il entendait son souffle, sentait d’ici sa gorge nouée retenant à grande peine ses larmes. Et des questions, murmurées. Pourquoi ? Pourquoi quoi ? Mais pourquoi toi tu te prends la tête ?!

Et elle le lâcha, se reculant, et il se maudit de ne pas en avoir profité. Profité pour quoi, Heath ? Abruti. Il avait même pas eu la conscience nécessaire pour sortir les mains de ses poches; c’est qu’il avait été surpris, totalement pris de cours. Et déja, elle le fuyait, imposait de nouveau cette distance - que dis-je - cette forteresse entre eux. Instinct animal ? Une excuse. Ne plus se reproduire ? Et une distance, encore, une barrière, encore. Surtout, reste de ton côté, je reste du mien. Frustré par ce jeu de proche et de lointain, frustré par cette fille, il se contenta de ciller, cherchant des yeux ses mots, pauvre idiot.

- Je... bah... mais y’a pas de soucis...

Une main dans la nuque, un regard paumé, sourcils froncés, elle se remit en marche et lui l’observa, l’observa le dépasser. Alors quoi, ils se remettaient en route, comme si de rien n’était ? Elle ne venait pas de lui faire un fuckin hug là ? C’était quoi, qu’est-ce que ça voulait dire ? C’était un truc d’amis ? De collocs ? Ou plus ? Paumé, il la rattrapa en quelques enjambées, des questions au bord des lèvres. Mais avec elle, il fallait toujours prendre des pinces, le moindre mot, le moindre geste était comme jongler avec un briquet au dessus d’une flaque d’essence. Et puis, il y avait elle, mais il y avait lui, aussi. C’était quoi, ses questions ? Quelles réponses est-ce qu’il attendait, et qu’en ferait-il ? Nan, il n’allait pas lui sauter dessus. Non, il n’allait pas non plus lui dire qu’elle lui faisait de l’effet, un putain d’effet. Il n’allait pas avouer qu’à chaque regard, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle était la plus belle fille qu’il ait jamais rencontré. Que de chercher à la conquérir était plus fort que lui, que ça tournait presque à l’obsession, alors qu’il était convaincu que c’était une grosse erreur. Qu’attendait-il, au final ? Peut-être devrait-il tout déballer, là, maintenant. Comme ça, elle le jetterai. Elle le fuirait. Et il pourrait passer à autre chose. Tuer la chose dans l’oeuf, histoire d’être certain que rien n’éclose. Qu’il ne se retrouve pas à détruire ce qu’il s’est évertué à construire - c’est qu’il n’est bon qu’à ça.

- Hannah...

Les mots, trouver les mots. Et trouver ses clés. Il était là, devant la porte du bungalow, fouillant son trousseau de clés pour trouver la bonne - diversion. Autant lui dire. Autant cesser cette connerie dès maintenant.

- Je...

Lâche.

- J’préfère que ça s’reproduise pas, ouais.

Allez entre, salaud. Menteur. Lâche. Langue dans la joue, il entra le premier, récupérant ses clés et filant dans sa chambre sans un mot. Voila. Il venait de foutre en l’air le peu qu’il y avait, il devrait être satisfait, non ? Nan, parce-qu’il avait ça n’importe comment au final. Et puis, c’était plus awkward et révélateur qu’autre chose, en fin de compte. Vautré sur le lit, il en avait oublié de claquer la porte, restée à peine entrouverte. Il soupira, fermant les yeux. Il fallait vraiment qu’il arrête, avec les nanas.

Artus, heh ? Well...

Blasé. Parce-qu’en plus d’entendre ses mots, il entendait ses pensées. Désagréable, rebuté ? C’est ce qu’elle croyait réellement ?

« Reste. » , « Tu me plais. ». Des mots qui dansaient sur cette langue nichée sous sa lèvre supérieure, tandis que la joue contre le matelas, il l’observait s’éloigner. Elle était revenue à lui, chose qu’il n’aurait jamais cru possible. Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. Pourtant, si il la laissait partir avec cette idée absurde en tête, elle ne le suivrait plus, il le savait.

Alors c’est ce qu’il fit. Il resta silencieux, immobile, froid. Se tenant à la décision qu’il avait prise. C’était faire un pas en avant vers elle ou cent mètres en arrière; il avait choisi les cent mètres. Pas pour lui, mais bien pour elle. Car si, égoïstement, il cherchait à la séduire, si jamais il parvenait à l’obtenir, il foutrait encore tout en l’air. C’était foutu d’avance. Il avait encore Charlie en tête, entre autres: pas prêt à être fidèle, encore moins à tomber amoureux. L’histoire avec Neil était encore récente, et puis, elle était la cousine de Lys et sa colloc: pas vraiment le genre à qui tu peux briser le coeur sans conséquences.

Et elle quitta la pièce sans un mot de plus. Lui se retourna sur le dos, laissant courir son regard sur le plafond. Il se surprit alors à penser qu’il aurait aimé avoir le pouvoir de Neil. Il aurait avoué ses sentiments à Hannah, et puis, lui aurait effacé la mémoire. Juste pour savoir sa réaction, sans conséquences. Il ouvrit alors de grands yeux, fronçant les sourcils, sortant de sa torpeur: et si Neil avait fait ça avec lui ? Si il lui avait avoué qu’il l’aimait, et effacé sa mémoire ? Une main dans les cheveux, Heath se sentit mal à l’aise avec cette idée qu’on ait pu trafiquer sa mémoire, et du coup, faire des choses quelque part à son insu.

Assis au bord du lit, les cheveux en vrac, il jeta un regard sur la porte, hésitant. Et après quelques secondes, il se leva, s’humectant les lèvres, essayant de se donner un peu de courage. Il n’avait aucune idée de ce qu’il était en train de foutre, mais ça c’était souvent le cas. La plupart du temps, même.

Il eut vite fait de se retrouver nez à nez avec sa porte close, la main levée pour toquer. Il voulait juste être avec elle. La voir, encore un peu. Même si ça n’avait aucun sens, même si ça ne menait à rien. Il inspira, prêt à toquer, quand un flux d’images confus s’écoula dans son esprit: le toit, la nuit, la musique, la fête. Un baiser avec un grand blond. Il ne lui fallu qu’une seconde pour comprendre que ce soir, Artus avait embrassé Hannah. Ce qu’il ne saisissait pas, c’était pourquoi cette tristesse, pourquoi cette panique. Dans tout les cas, il eut la sensation d’une douche froide. Sa main s’abaissa, fort heureusement sans avoir encore frappé à la porte. Quoi qu’il se passe, deux choses: d’une, il y avait quelque chose avec Artus. Deux, elle ne voulait pas être touchée, encore moins embrassée. C’était pour lui deux bonnes raisons de plus de lâcher l’affaire. Passe à côté, Heath. C’est qu’une jolie fille que tu te tapera pas, y’en a pleins d’autres, des jolies filles. Ouais, sûrement. Il se bougea de devant sa porte, histoire de ne pas s’y faire griller par elle ou qui que ce soit, et retourna dans sa chambre. Y’en a d’autres, des filles. Ses pensées se perdirent une seconde parmis les jolies formes des cheerleaders qui avaient donné le spectacle, ce soir - seul moment agréable de la soirée. Et puis, y’avait Charlie (ou pas). Roos. Et d’autres. Heath était séducteur, et il savait y faire. Depuis sa première fois à 12 ans, il en avait connu des filles, à la pelle. Il devait s’en contenter. Lâcher l’affaire avec Hannah, et continuer de regarder à droite, à gauche, quand l’envie lui prenait. De charmantes inconnues avec qui il n’aurait pas d’histoire au dela d’une nuit, et pas de prise de tête. Pas de coeur brisé.

C’était tellement plus facile.

Il retira son haut, une fois dans sa chambre, le jeta sur son bureau. Sans plus de conviction il défit sa ceinture, laissa tomber son pantalon à terre et se glissa dans le lit, dans lequel il prit son pc portable. Il lança sa série préférée, qu’il connaissait par coeur, mais dont il ne se lassait pas grâce à Ernest Babylonn qui la rendait hilarante. Et il comata devant l’écran, trop songeur pour se divertir, trop blasé par la musique qu’il entendait d’ici; la fête: là-bas, les gens s’éclataient. Et demain, c’est Shu qui allait s’éclater. Hannah risquait d’avoir son nom dans les rumeurs, et elle n’était sûrement pas prête à ça.

Tant pis. C’était pas son problème. C’était celui d’un autre.

Terminé pour moi ♥ On enchaîne sur un autre (qui se passe quand tu veux !) ?