Sujet: 20/11. Nox Arcana. {Fe Heath}. Dim 23 Nov 2014 - 1:50
Nox Arcana. {Fe Heath}.
Gabriel reposa sur sa table le pot de miel qu’il gardait toujours dans sa cabane. Il détestait sentir le mal de gorge l’étreindre. D’autant que, soyons honnêtes, le miel apaisait immédiatement ses souffrances. Et alors que nous traversions le mois de novembre, les premières grippes ne tarderaient pas à faire leur apparition. Ce jour était somme toute, assez particulier. Oswald-Richardson venait de terminer un projet. Un projet qui lui tenait beaucoup à cœur. Et qui l’avait, pour ainsi dire, transformé. En deux mois, il avait beaucoup changé. Oh non pas que le britannique s’était apaisé, bien au contraire, mais un nouveau combat, plus légitime, plus motivé, plus féroce allait l’attendre. C’était un homme du défi, il le savait. Et comme toute personne tombée dans la disgrâce, le garçon se devait de remonter la pente.
Un LMS venait d’être envoyé à Heath D. Ackland. Circonspect, précis, rigoureux, comme ce dernier les aimait. « Je dois te voir. Rendez-vous dans les passages secrets à 1h du matin. Celui sous le bâtiment administratif. – Gabriel. » Bien qu’il prenait des risques à envoyer ce petit bout de papier à 23h, le londonien avait confiance. Il connaissait la mentalité du renard, et s’il l’avait bien cerné, il viendrait. Rempli d’une énergie nouvelle, le jeune homme porta un regard à l’horloge. Il rangea soigneusement sa montre à gousset dans son trois-pièces. Un ensemble bleu océan, qui rappelait l’immensité de la mer en même temps que les couleurs du Parti Conservateur britannique. Cette couleur pouvait s’interpréter différemment ; et Gabriel aimait particulièrement son ambigüité.
Il prit sa canne, descendit à tâtons les escaliers de Prismver. Cette école se vidait le soir. Et d’une minute à l’autre, le couvre-feu serait lancé. Que pouvait-il bien y faire de toute façon ? Un rendez-vous avait été donné. Un rendez-vous qui sonnait secret, voire même dangereux si Gabriel n’était pas dépeint en un pauvre impotent claudiquant. C’était sans nulle doute la raison pour laquelle il avait lancé cette invitation singulière et originale. Elle ne devait pas être comme les autres ; elle devait être différente. Parce que tout, chez eux, étaient différents. Oui, il le pensait sincèrement. Ce souvenir gravé dans sa mémoire, ce moment où il se revoyait, faisant face au directeur, ce moment où Ackland démontra une force de persuasion indicible. Il ne pouvait pas s’être trompé sur son compte. Et ce soir, oui, ce soir, il espérait bien que tout change. L’ennemi de mon ennemi est mon ami, n’est-ce pas ?
Un petit cours d’eau menait aux égoûts. Ce passage secret, délabré, puait. On aurait dit une grotte dans laquelle tout menaçait de s’effondrer, un peu à l’image des catacombes parisiennes. Quand l’heure arriva plus ou moins, il agita les oreilles. Il était donc venu. Sans prendre la peine de se retourner, il fixa le liquide à ses pieds.
« Ah… Tu es venu. J’admets que ce n’est pas un endroit très gai pour des retrouvailles. »
Il avait beaucoup réfléchi. Et pour une fois, il ravala les larmes de ses yeux pour paraître le plus fort, et le plus déterminé possible. Il finit par lui faire face au bout d’une minute. Oui, c’était lui qui allait parler.
« Je suis désolé de t’avoir menti. » Il s’approcha de lui et jeta sa canne dans l’eau. « Heath, nous n’avons jamais été amis. J’ai tout inventé. » Il le fixa. Droit dans les yeux. Son charisme ne marchait plus, mais il savait que, pour autant, il était naturellement « charismatique ». Cela ne représentait pas une trop grande perte pour lui. D’autant plus que maintenant… Il prit quelques secondes pour pénétrer ses pensées. Sans douleur. Sans souffrances. Si la barrière s’activait, il ne chercherait pas à la franchir. Il ne voulait pas qu’il remarque.
Gabriel se recula. Il risquait de partir immédiatement. « J’ai beaucoup réfléchi depuis mon retour de l’hôpital. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ainsi ? La vérité, c’est que nous ne sommes personnes. Moi, toi, les autres. Les gens portent des masques. J’ai même teint mes cheveux. Ahah, non, ils ne sont pas devenus blancs, et comme tu peux le voir, ils sont presque redevenus comme avant. »
Le jeune garçon perdit son regard au loin. Il prit une grande inspiration. Il allait le laisser parler, oui. « Ce que m’a fait subir Orest m’a fait ouvrir les yeux. Tu dois te demander pourquoi je te le dis à toi… Nous sommes, quelque part, comme des aimants. Nous avons été liés par le passé et par le présent. Je me suis rendu compte, quand tu dirigeais RED, que je n’avais même plus envie de t’éliminer. J’appréciais notre rivalité à tel point que je n’ai pas tiré le plaisir que j’attendais en gagnant. ». Il eut un soupir. « Je fais tomber les masques, Heath. »
Sujet: Re: 20/11. Nox Arcana. {Fe Heath}. Dim 23 Nov 2014 - 20:29
Gabriel & Heath; Novembre #steelblue
Trop curieux. Beaucoup trop curieux.
Il est là, étendu dans son lit, ordinateur sur les genoux, Hannah dormant contre lui. Redressé contre le mur et appuyé sur des coussins, il lit er relit le lms de Gabriel tandis que sur l’écran d’ordinateur la série True Detective continue son cheminement sans lui.
Intérêt piqué. Il a cette sensation typique: le coeur qui bat à peine plus vite, à peine plus fort. Le léger frisson qui menace sa nuque. Mais plus que tout, les méninges qui s’activent. Pourquoi ? Gabriel a bien des aspects critiquables. Mais il a toujours sû capturer chez Heath ce que très peu de gens parviennent à lui arracher. Sa curiosité.
Un regard sur Hannah qui bouge à ses côtés. Elle a la tête et la main sur son torse, dans son cou, bercée par le bruit de fond de la série. Le rendez-vous est à une heure du matin. Il ne faudra pas la réveiller, et si elle ouvre les yeux et ne le voit plus, le cherche... ? Les yeux du renard glissent dans l’obscurité, à la recherche du meilleur alibi. Il ouvre finalement un bloc-notes virtuel, sur lequel il indique à Hannah qu’il n’arrive pas à dormir, que Skygge non plus, et que par conséquent ils font un tour ensemble dans le campus. Ce lui paraît bien, étant donné que Skygge est fort, protecteur, et ne prend pas de risques. Traîner avec lui dans le campus en pleine nuit devrait être le moins inquiétant pour Hannah. ... bien moins inquiétant que ce lms. Sérieusement, un rendez-vous si tard dans l’endroit le moins fréquenté du pensionnat... ? ... Gabriel a définitivement sentit qu’Heath a le goût du risque. Mais d’un autre côté, Heath n’est pas non plus inconscient. Réfléchit, il se dit qu’un tel rendez-vous, aussi inquiétant, est beaucoup trop “téléphoné” pour être réellement dangereux. Ca fait trop. Too much. Quitte à frapper Heath, à lui faire subir Dieu-ne-sait-quoi, il serait bien plus judicieux de faire ça en pleine journée, dans des conditions beaucoup moins... “favorables”. C’est ce que Gabriel devait penser également. Mais c’est bien parce-que ces deux là ont tendance à penser de la même manière qu’ils doivent s'efforcer de penser encore avec un coup d’avance. Heath viendra à ce rendez-vous, et Gabriel le sait. Dans ce sens, ce serait le moment parfait pour s’en prendre à lui.
... Mais Gabriel lui voudrait-il réellement du mal ?
Non. Non. Il y a cette chose inexplicable en Heath, ce quelque chose qui le convainc à 100%. Gabriel ne lui veut pas de mal. Une certitude. ...L’instinct ?
L’heure tourne. Minuit arrive, la série continue sous les yeux beaucoup trop songeurs d’Heath pour laisser place à une quelconque fatigue. Il se demande ce que peut bien vouloir Gabriel, mais également comment il doit s’y rendre. Par mesure de précaution, doit-il prendre de quoi se défendre ? Son don constitue en lui-même la meilleure défense possible contre toute attaque magique; car rien ne garantit que Gabriel sera seul. Une pensée pour Joach. Doit-il y aller accompagné... ?
C’est finalement seul qu’Heath sort du bungalow après s’être habillé en silence, dans la pénombre. Manteau sur le dos, le froid de la nuit lui mord instantanément les joues. Après seulement quelques pas, il sort de sa poche son paquet de cigarettes, en glisse une entre ses lèvres et l’allume, crachant un souffle toxique énergique qui disparaît dans l’obscurité de la nuit tandis qu’il se rend en direction des passages secrets.
Il n’est pas armé, mais son don sera activé - de toute manière, tout frais, il ne le contrôle pas encore assez pour le bloquer. Son échappatoire en cas de danger ? Son jogging, ses baskets, et ses capacités d’excellent sprinter, dont on peut mesurer le talent en l’observant jouer au baseball. De toute manière, il avisera, comme toujours. Heath n’est pas tant un homme qui prévoit, qui planifie. Mais il n’en est pas moins un excellent stratège, capable de s’adapter diablement vite en situation imprévue.
De toute manière, lorsqu’il entre dans les passages secrets, il ne se sent pas particulièrement en danger. Trop confiant. ... Ou peut-être juste trop curieux.
La lumière de son téléphone portable éclaire le sol, le court d’eau qu’il suit. Si la lune et quelques lumières ont éclairé les premiers mètres, il est désormais dans une quasi pénombre. Alors, il l’aperçoit. Des pieds, des jambes - son portable éclaire sa silhouette, son profil. Un regard circulaire autour - ils sont seuls. A priori.
Heath s’arrête à quelques pas pourtant, imposant une distance de sécurité. Son regard fixe alors Gabriel. Excitation.
- Ah… Tu es venu. J’admets que ce n’est pas un endroit très gai pour des retrouvailles. - ... Il fallait bien ça pour m’attirer... , soupire Heath avec fatalisme, jetant un regard autour d’eux. ... Comme tu l’a très bien compris. - Je suis désolé de t’avoir menti. - Mmh ?
Gabriel s’approche, et Heath reste sur place, à l’éclairer, mais sur le qui-vive. Renard prêt à bondir au moindre déclic de fusil. Mais l’objet dégainé n’est que sa canne, jetée à l’eau.
- Heath, nous n’avons jamais été amis. J’ai tout inventé.
Un sourire se dessine sur les lèvres du B, un léger souffle rieur. Et il a presque l’air sympathique, lorsqu’il lève son regard dans celui de Gabriel.
- ... Toujours aussi théâtral, hein ? Il hausse une épaule, tournant la tête, laissant son regard courir sur l’obscurité. Je n’y croyais pas vraiment. J’étais pas non plus persuadé du contraire. C’était du 50/50.
Et il avait fait le choix de ne pas trancher.
- J’ai beaucoup réfléchi depuis mon retour de l’hôpital.
Heath se baisse, dépose son téléphone avec l’écran vers le plafond pour éclairer un minimum l’espace avant de, mains dans les poches, s’appuyer d’une épaule contre le mur. Il croise les pieds, détendu mais pas pour autant en confiance. Et silencieux, il observe Gabriel dans l’obscurité, attendant la suite, car il sait qu’il ne s’arrêtera pas sur ce simple fait.
- Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ainsi ? La vérité, c’est que nous ne sommes personnes. Moi, toi, les autres. Les gens portent des masques.
Un sourire indéchiffrable étire les lèvres du renard qui reste silencieux, attentif.
- J’ai même teint mes cheveux. Ahah, non, ils ne sont pas devenus blancs, et comme tu peux le voir, ils sont presque redevenus comme avant. - Viens-en aux faits, demande l’impatient qui préfère définitivement les actes aux longs discours. - Ce que m’a fait subir Orest m’a fait ouvrir les yeux. Tu dois te demander pourquoi je te le dis à toi…
Pas vraiment. Heath a une théorie selon laquelle ce que l’on ressent pour une personne est la plupart du temps réciproque. Gabriel et lui sont connectés, c’est indéniable. Il y a ce quelque chose entre eux. La curiosité, l’intérêt, le respect. La division.
- Nous sommes, quelque part, comme des aimants. Nous avons été liés par le passé et par le présent. Je me suis rendu compte, quand tu dirigeais RED, que je n’avais même plus envie de t’éliminer. J’appréciais notre rivalité à tel point que je n’ai pas tiré le plaisir que j’attendais en gagnant.
Il hausse les sourcils.
- Je fais tomber les masques, Heath. - En gagnant ?, demande t-il avant d’hocher la tête, commissures de ses lèvres abaissées. Tu m’a dis toi-même qu’un S était responsable de mon amnésie. J’ai été mis hors-jeu par un tiers, RED a continué après moi et au final RED et RTP ont disparu.
Il se redresse, sourire amusé aux lèvres.
- T'a pas gagné, tu t’es fais piquer ton rival. C’est un autre qui l’a abattu à ta place. Nuance.
Il inspire, sort ses mains des poches de son manteau pour les glisser dans celles de son jean, faisant quelques pas vers le cours d’eau pour y laisser tomber un regard inattentif.
- Et pour ce qui est de porter un masque, je ne me sens pas concerné. Je suis entier dans ce que je suis, dans ce que je fais. Y’a d’autres façons de truander - je suis fourbe, je peux être menteur et manipulateur, mais ça n’en est pas moins moi. C’est ce que je suis. ... Et entre-nous je m’aime beaucoup trop pour cacher ce que je suis à qui que ce soit.
C’est confié dans un sourire, un petit rire - les mêmes mimiques que lorsqu’il plaisante avec ses amis en usant de son humour si prétentieux, typique d’Heath Ackland.
Et face à Gabriel, ce soir, Heath se comporte comme tel. Naturel, sincère et amical, alors que Gabriel vient de lui dire qu’ils n’étaient pas amis.
Défiant, rebelle. naturellement à contre-courant.
- Bref. ...Et donc ?
Code par Sarah Blackmore; don't touch
InvitéInvité
Sujet: Re: 20/11. Nox Arcana. {Fe Heath}. Dim 23 Nov 2014 - 21:05
Nox Arcana. {Fe Heath}.
Gabriel garda son petit sourire ancré sur son visage. C’était le sourire d’un homme apaisé, de quelqu’un qui se sentait bien. Les choses suivaient leur cours, il le savait bien. Son obsession du contrôle ne pouvait subsister éternellement. Il y aurait toujours un moment où quelque chose lui échapperait, ce pourquoi il devait l’accepter. Il ne chercha pas à retourner dans l’esprit de Heath. Il sentit bien que c’était impossible, pour une étrange raison. Son nouveau don était apparu à lui comme une bénédiction, comme l’omniscience dont il avait besoin pour se battre contre ses ennemis. Gabriel avait changé. C’était un fait. Il ne chercha plus de contact visuel. Il le laissa se détourner dans l’obscurité du passage secret. Une torche illuminait faiblement le passage secret au loin. L’ambiance était à la fois intimiste et froide. Impersonnelle et grave.
Le renard eut bien fait de souligner que le chef du RTP n’avait pas gagné cette guerre. En effet, celle-ci s’était contentée de muter. Entre deux répliques, au moment où son interlocuteur le piqua à vif à ce sujet, il lâcha une petite phrase, mots simples au milieu du tumulte. « Est-ce vraiment important, Heath ? Dans la tête des gens, j’ai gagné. Personne ne sait pour ce S. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire… » Il s’était lui-même perdu dans cette phrase. Gaby ne considérait pas qu’il était un vainqueur, justement, ce pourquoi la fin de sa phrase parut beaucoup moins tenace que le début.
Toujours très attentif à Ackland, une ambiance légère s’installait entre eux, comme si le fruit de la révélation n’avait été aussi banal qu’une annonce météo. Tout aussi naturel, le sourire de Richardson-Oswald s’étira. Il admirait cette intelligence. Il respectait cette force, cette assurance dont il était aussi doté. Leur relation n’était pas celle d’un fan pour une idole, mais de deux éminences intellectuelles en puissance.
« Tu es un homme de principes. C’est comme ça que tu te tiens débout. » Gabriel prit soudain un air beaucoup plus sérieux, bien qu’il n’était pas si effrayant que cela. Seul le cadre pouvait faire froid dans le dos. « Cette Guerre des Classes est une pitoyable diversion. Une bataille d’égo, tout au plus, entre des élèves qui ne peuvent pas se saquer. Je suis trop intelligent, sans me vanter, pour prendre part à ces conflits délétères. »
Le britannique se rapprocha de son interlocuteur, le regard froid. Mais il n’était pas dirigé contre Heath, puisqu’il observa l’eau qui coulait. « On en a oublié le principal problème du Pensionnat Prismver. Enfermé dans nos classes, la solidarité disparaît, mais qu’importe. Je m’en fiche de ça. Mais où entends-tu parler de la classe S, hein ? »
Tout en sachant qu’Ackland détestait les longues introductions, il fallait tout de même qu’il trouve un moyen circonspect de lui faire parvenir ses pensées et ses sentiments. Avec beaucoup d’aplomb, il prit une grande respiration. Le sujet le touchait personnellement. « Les A, les B, les E, il n’y aura pas de gagnants dans cette histoire tant que cette classe perdurera. Elle a brisé allégrement le pacte qui différencie l’Homme de l’animal. En revenant, je n’avais plus qu’en tête la vengeance, mais je m’y suis résigné. Ce pourquoi, ce soir, Heath, j’abandonne cette initiative puérile qui ne me mènera à rien. Alexandre Dumas disait que la vengeance creusait deux tombes, mais… »
Son regard se fit dur comme l’acier. Son corps se raidit. « Au nom des principes que j’ai défendus, au nom des principes que tu as défendus, les S ont dépassé la ligne rouge que nous nous étions fixés. Ils t’ont pris trois ans de ton passé, ils m’ont pris trois ans de mon avenir. Si je t’ai invité ce soir, c’est parce qu’il m’est insupportable de le tolérer plus longtemps. Si je t’ai invité ce soir, cela dit, c’est aussi parce que je suis trop faible psychologiquement pour résister seul. Cette fois, c’est bien pire que tout ce que j’ai connu. »
Immédiatement après avoir lâché ses mots, il lui fallut un monumental effort de volonté pour ne pas lâcher la larme qui perlait à ses yeux, et que l’obscurité dissimulait par une chance insolente. Sa voix restait toutefois partagée entre la colère et la détermination, la férocité d’une ambition démesurément grande à rétablir la justice. Gabriel pouvait être critiquable sur beaucoup de choses, Gabriel pouvait avoir beaucoup de désaccords avec les gens, mais cette classe S… Elle était un facteur d’unité pour ceux qui savaient passer au-delà des barrières de classe.
« Je crois qu’il est des cas où la cravate n’a pas besoin de couleur pour comprendre le sens d’un message aussi important. »
En fait, il était plus progressiste qu’on ne le pensait. Cela avait été une part d’opportunisme, à l’époque, il était vrai. Mais est-ce que Heath allait adhérer ? Allait-il refuser d’emblée ? C’était nouveau, ce qu’il proposait. C’était sous le sceau du secret, car ils n’avaient été que les premiers d’un engrenage beaucoup plus noir par des élèves d’une violence inouïe.
Le britannique ne rajouta rien. Heath tenait sans doute à ses principes, et Gabriel tenait à ce que ce point de désaccord, si peu important, au final, n’interfère pas dans ses desseins. C’est la pensée qu’il eut après-coup, quand il se demanda pourquoi il n’avait pas répondu, le regard plongé dans l’eau trouble de la petite trainée. Avait-il fait le bon choix, Oswald ? Avait-il été prudent de convoquer Ackland dans un endroit si glauque pour lui proposer une alliance de l’impossible ? Cette fascination qu’il avait pour lui, l’estime qu’il ressentait à son égard, était-ce bien des sentiments raisonnables ? Pouvait-il seulement appeler ça un sentiment… ? Lui qui se pensait si froid à l’intérieur. La petite flemme éteinte, soudain ravivée par le feu de Nathan. Impression de vivre, respirer à pleins poumons.
La fumée arriva jusqu’à ses narines. Il l’aspira. La recracha, sans tousser. Il se laissa imprégner de l’atmosphère dans laquelle son ami gravitait au quotidien. Lui aussi, semblait en proie au doute. Et le garçon se demanda soudain pourquoi son don n’avait pas marché. Lueur de vie et d’espoir. Cela ne faisait que quelques jours que l’esprit d’autrui lui fût accessible. Il aurait voulu le sentir, mais la scène n’en aurait été que moins humaine. Oui, pour une fois, le manipulateur sociopathe qu’il était devait se plier au même jeu que le commun des mortels. Rien ne pouvait lui permettre de prendre l’avantage ; quel avantage. Il devait cesser d’aborder la vie comme une lutte, un combat à mort entre deux adversaires. Pas s’il voulait faire de lui son allié.
Un regard, juste un regard. Des pupilles, qui, comme la braise, vous brûlent de l’intérieur. Une faiblesse, un moment de doute. Gabriel se sentit vaciller. Quelque chose lui échappe, quelque chose bouillonne en lui. Dans le langage précieux, il est dit que les yeux sont le miroir de l’âme. L’adolescent venait de sentir ce feu qui palpitait dans l’esprit d’Heath. Dans un court, très court instant, il avait compris. Non pas lu, mais senti que ses mots avaient eu de la portée. Son cœur se serra.
Heath Ackland, et si tu étais l’ami dont j’ai toujours rêvé ?
Son interlocuteur se détourna. Lui-même baissa les yeux, posa un doigt sur la petite goutte d’eau qui était tombée de sa joue. Elle devait disparaître, alors que d’habitude, il s’en servait pour faire culpabiliser autrui. Pas cette fois. Les coups, le stress, l’angoisse. Frissons. La perte des repères, ce devait être une chose qu’ils eurent en commun au cours de leur vie. Il avait soudain eu envie de rajouter quelque chose, puis se ravisa. Et s’il croyait que c’était une tentative de manipulation ? Et s’il croyait que sa démarche manquait d’honnêteté ? Pour la première fois de son existence, Richardson-Oswald n’osa pas ouvrir la bouche, par peur de laisser supposer des choses qu’il ne voulait pas. Ce devait être le tribu d’une vie faite de mensonges et de manipulations en tous genres. Il avait un gros problème d’identité et… il s’en fichait d’habitude. Pas ce soir, parce qu’il enviait ces amitiés fraternelles entre autrui maintenant qu’il possédait l’amour.
Gabriel tourna la tête instinctivement où Ackland revint chercher son regard. Aucune moue sur son visage, une expression grave et sans emphase. Une expression qui disait « ce qui se passe est grave, beaucoup trop grave pour que j’en fasse trop. ». Sa réaction resta placide lorsqu’il lui posa cette question. Aucun sourire ne se grava sur ses traits.
« Je ne sais pas. » Réponse honnête. Simple et pourtant… « C’est une des raisons pour lesquelles, seul, je suis impuissant. Ce que je faisais avant ne serait d’aucune efficacité contre eux. Et pourtant, quand je vois la passivité des autres élèves, j’ai l’impression de faire partie des seules personnes à pouvoir les faire tomber. J’ai même le sentiment, avec effroi, qu’on est presque tacitement d’accord avec leurs actions. » Gabriel sortit un médicament qu’il avala rapidement. Son cœur battait fort depuis quelques minutes, et il devait se ménager. Dans un grand soupir, il se recula.
« Ils font régner la terreur sur tout le Pensionnat. Honnêtement, si cette “alliance“ devait voir le jour entre nous, il n’est pas question que quiconque d’autre ne le sache. Si je t’ai invité dans ce passage secret, c’est parce que je suis sûr que personne ne peut nous écouter, de près ou de loin. Ils ne sauront pas d’où ça vient, dans un premier temps du moins. » Il lia ses mains. « Bien que je sois prêt à me mettre en danger, je suis plus utile ici que dans un hôpital. J’ai l’avantage que tout le monde me croit handicapé, tu as l’avantage qu’on te croit inoffensif de par ton amnésie. »
Posant la main sur a tête, une petite migraine commençait à le faire souffrir. C’était courant depuis son retour de l’hôpital. L’hémorragie cérébrale avait eu de lourdes conséquences qu’il ne parvenait toujours pas à effacer après plus de deux mois. « Ce n’est pas seulement qu’Orest Koslowski. C’est toute cette Classe S. Tous, sans exceptions ils sont une insulte à notre jeunesse. » Il posa son regard sur Heath, soudain beaucoup plus grave. « Tu as des compétences en informatique. Honnêtement, si je devais commencer quelque part, ce serait par là. »
Par où commencer ? Cette question demeurait la plus difficile. Mais pourtant, dès qu’elle aurait trouvé une réponse, alors ce projet était une bonne initiative, dans la mesure où l’autre britannique allait l’accepter. « Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire… Personnellement, avec ou sans ton aide, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les en empêcher. » Voix dure.
Sujet: Re: 20/11. Nox Arcana. {Fe Heath}. Dim 30 Nov 2014 - 15:25
Gabriel & Heath, fin novembre
Heath écoute, il acquiesce, mains dans les poches, faisant les cent pas. Il est bien d’accord avec lui, sur à peu près tout. Si ce n’est que les grands mots de Gabriel du genre “les vainqueurs écrivent l’Histoire” bla bla bla, Heath, il s’en branle de ça. Certes, il est tourné vers l’avenir, mais pas de cette façon. Il se fiche pas mal de l’Histoire, passée et à venir, et puis franchement: c’est qu’une minuscule école sur une minuscule île. Tout ça est minuscule, ça ne représente rien. Mais il y a des gens qui sont là, et qui tous les jours, subissent. Alors, ne serait-ce qu’à leur échelle à eux, ouais, Heath voudrait essayer de changer les choses. Ici et maintenant. L’Histoire, ça lui passe au dessus.
Quand Gab parle de l’informatique, Heath acquiesce de nouveau silencieusement - il était déja en train de réfléchir à ce qu’il pourrait faire de ce côté là. Et comme pour accompagner les deux garçons, c’est le téléphone d’Heath qui se manifeste - il vibre sur le sol. Etant donné qu’il n’y a pas de réseau téléphonique, Heath en conclu rapidement que c’est une notification le prévenant d’une nouveauté sur l’intranet. Probablement une “réaction de lecteur”. Il soupire pour mettre de côté ses pensées un petit instant, et comme un besoin d’air, s’accroupi pour prendre son téléphone et en regarder la notification. C’est bien une Réaction. De Corso.
« #Lac C'est un(e) S qui a fait ça. Qui ? Etait-ce une action seul(e) ou avec l'aide (magique ?) de quelqu'un d'autre... ? Ah, pas envie de le dire. Je suis curieux de voir une enquête se mettre en place. Ou pas, d'ailleurs. »
Le B reste figé un instant, relisant plusieurs fois le message. Sa mâchoire se serre, son souffle se fait irrégulier. John ne ment pas. C’est l’une de ses rares qualités. Ce n’est pas un menteur. Si il le dit, c’est que c’est la vérité.
Elle repasse alors devant ses yeux. Sonera, se noyant dans le lac. Lui, sous l’eau, emmêlé dans ses tissus, manquant d’air et se voyant couler doucement, avec pour seule vision dans la noirceur du lac, le visage cadavérique d’une Sonera qu’il croyait morte.
Et comme ce jour là, à cette pensée, sa main qui tient le téléphone se met de nouveau à trembler. C’est furtif. Il se redresse, cache sa main en levant les yeux sur Gabriel mais c’est trop tard; il l’a vu trembler, c’est évident. Heath appesantit sur lui un regard mauvais avant de détourner les yeux, détourner le corps: il range son téléphone dans sa poche - les plongeant dans une obscurité plus profonde - et secoue sa main vers le bas comme il l’avait fait le fameux jour du sauvetage. Essayer d’arrêter les tremblements. Devant lui, l’eau continue de couler tranquillement, et pourtant son clapotis jusqu’ici apaisant lui devient insupportable.
- Ils ont failli tuer Sonera., murmure t-il alors d’une demi-voix douloureuse.
Le regard qui se pose sur Gabriel est empli d’une frayeur passée et d’une rage grandissante.
- C’est moi qui l’ai sortie du lac... J'ai dû la réanimer...
Vision de lui-même en train de boire la tasse, de démenant dans l’eau pour essayer de ramener sur la rive ce qu’il pensait être un cadavre. Gelé jusqu’aux entrailles.
- Si c’est un S qui a fait ça en sachant qu’elle ne pourrait pas nager...
Sa voix s’éteint, sa mâchoire et sa gorge se serrent. Il ne s’en rend pas compte mais il a serré le poing avec une force incroyable, alors que celui-ci tremble, trembler et fait trembler tout son bras.
“Un jour on retrouvera un cadavre.” Avait dit Sonera. Heath n’a pas pu s’empêcher d’imaginer Joach...
« Il est temps de les arrêter. » Se dit-il. Promesse.
Parce-que Heath doit être directement impliqué dans un combat pour y mettre toutes ses forces. C’est parce-qu’il a subit quatre ans en E qu’il a fondé Entropy, puis RED. Sitôt ces quatre ans oubliés, il a quitté la bataille, ne se sentant plus concerné, n’y restant que de loin par solidarité pour Joach. Quand aux S et à la proposition de Gabriel, il y a été sensible ce soir, c’est certain.
Mais maintenant qu’il sait que c’est à cause d’un S que lui et Sonera ont failli mourir noyés au fond du lac, la donne change.
Et c’est le regard embrasé de milles flammes qu’Heath rive son regard sur Gabriel, avant de s’en détourner, souhaitant rentrer, et seul, mais claquant dans l’air un simple, menaçant et déterminé:
Sujet: Re: 20/11. Nox Arcana. {Fe Heath}. Dim 30 Nov 2014 - 16:02
Nox Arcana. {Fe Heath}.
Gabriel baissait les yeux. Non pas parce qu’il se rabaissait, non pas parce qu’il avait honte, mais parce que des émotions étranges le submergeaient. Au fond de lui, il reconnut la peur. Une peur indicible qui l’animait, la même peur que lorsque ses absences, disparues depuis quelques semaines, intervenaient en plein milieu d’une conversation. Il se sentit défaillir pendant un instant, toujours considérablement diminué par ses blessures. Son corps portait les legs de la violence, et il se perdit dans ses pensées pendant quelques secondes. Il en fut ramené par le bruit du téléphone. Un bruit auquel le garçon ne s’attendait pas. Il releva la tête, cligna plusieurs fois des yeux en observant son interlocuteur. Heath venait de changer. Malgré la pénombre, on pouvait distinguer les tremblements. Qu’est-ce qui se passait ? Richardson-Oswald se surprit à ressentir une forme de sollicitude envers lui. Il ne savait pas s’il devait appeler cela de l’inquiétude, mais son état ne le laissa pas indifférent.
Il ne sut trop quoi faire. Comme un enfant maladroit, il voulut s’avancer, mais se résigna en voyant qu’il se retournait. Sur le coup, il n’osa rien dire. Malgré sa connaissance parfaite des masques, de l’hypocrisie, de la simulation, de l’émulation, il resta bête, sans la moindre réaction. Un simple bégaiement sortit de sa bouche avant qu’Ackland ne lui révèle la véritable nature du problème. Il reçut la nouvelle comme une gifle. Encore.
Gabriel Oswald ne portait pas Sonera di Gregorio aux nus. Sans doute que quelques mois auparavant, il aurait même pu sortir à Heath “Mais pourquoi tu ne t’es pas cassé une jambe ce jour-là ?“. Cependant, cette fois-ci, cette pulsion de méchanceté laissa place à un autre sentiment : la culpabilité. L’adolescent l’écouta attentivement. Le B l’avait sauvé, il avait failli donner sa vie pour l’aider. Quel courage. C’était admirable, même s’il ne connaissait pas très bien leurs rapports sociaux. Gêné, abasourdi, pour la première fois, le jeune homme resta muet. Que devait-il ? Que pouvait-il bien dire ?
Il comprenait mieux, maintenant, pourquoi sa raillerie avait suscité le courroux de pas mal de monde sur la ChatBox de l’intranet. Ce jour-là, il ne savait pas.
« Compte sur moi. »
Cette phrase lui fit retrouver la parole alors même que Heath prenait le chemin de la sortie. Oswald passa la main dans ses cheveux. La culpabilité de ne pas les avoir arrêtés plus tôt. La culpabilité d’avoir laissé des gens le priver de son terrain de jeu. Ce qui n’était qu’un jeu à l’origine s’était transformé en quelque chose de beaucoup plus grave. Oui, dans son esprit, détruire la vie des gens, semer le trouble dans les relations, ce n’était pas aussi grave qu’attenter à la vie d’autrui. Jamais, au cours de sa vie, hormis pour le cas exceptionnel de Leith Fleytcher, il n’avait songé à supprimer la vie d’autrui. Ce devait être une ligne rouge qu’il s’interdisait de franchir, parce que jamais il ne la franchirait.
« Heath ! » Il courut jusqu’à lui, pour le rattraper juste au moment où il sortait. Gabriel planta un regard grave dans le sien. Un regard qui exprimait beaucoup plus que toutes les paroles du monde. Une compassion, une même volonté, une même force. Le garçon n’osa pas le toucher, se souvenant de la réaction que cela lui avait provoqué. « Reste prudent. » Fit-il avec une drôle de voix.
Il lui emboîta le pas avant même qu’il n’ait la moindre réaction. Sans se retourner, à présent devant lui, il lâcha : « On réussira. C’est une promesse. »
Et comme s’il avait voulu fuir, comme s’il avait eu peur que la résolution d’Ackland ne se brise et disparaisse, il gravit les marches deux à deux et repartit au loin dans la nuit de Prismver.