Pythagore & Tracy ▬Terrain de basket extérieur

spend my days locked in a haze i fall back down

Elle sait plus exactement ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle sait pas pourquoi et comment elle s’est retrouvée au milieu d’un terrain de basket. Mais la première pensée qui a traversé son esprit embrumé était dédiée au superbe basketteur qu’elle regarde avec des étoiles dans les yeux - la simpl vue d’un ballon lui fait penser à lui. Et en tournant les yeux, c’est lui qu’elle aperçoit.

Seul.

L’air qu’elle tentait d’expirer se bloque subitement dans ses poumons, elle manque de s’étouffer avec sa propre salive. Et son pouvoir s’active instinctivement, elle court dans l’intention de s’enfuir - elle court vite mais de travers, petite fusée cherchant encore sa trajectoire. C’est comme un grand sceau d’eau glacée dans la gueule, ça lui remet partiellement les idées en place mais ça la surprend tellement qu’elle percute pas sur tout. Par exemple, elle met du temps à capter que foncer sur le portail est une mauvaise idée ; il est verrouillé, et c’est en pleine tronche qu’elle se le prend. Génial Tracy, maintenant en plus d'être bourrée t'es ridicule.

Stressée à un point qu'elle a rarement atteint, elle tente de réfléchir à toute vitesse – mais toutes les pensées dans son crâne s'entrechoquent, pour former un mélange dont elle ne capte... Rien. Pardonne-la Pytha, mais la Tracy qui te fait actuellement face c'est pas la même que d'habitude. Les poings serrés comme si elle allait le frapper, elle lui jette pas un regard, elle fixe le ballon à ses pieds. Et elle remarque les inscriptions ; un peu longue à la détente, il lui faut quelques minutes pour en comprendre la teneur.

Dis-lui.

Elle saura jamais quelle émotion a fait exploser son masque à peu près neutre. La colère, la honte, la tension. Une des trois lui a donné envie de pleurer, de s'effondrer comme une gamine et de se rouler en boule pour attendre que la vie fasse son affaire et l'achève. Et c'est au bord des larmes qu'elle s'assoit à côté du ballon, qu'elle ramène ses genoux vers sa poitrine et qu'elle grogne pour contenir tout ça. Qu'elle ferme les yeux pour s'empêcher de craquer.

Au bord du gouffre, faut croire.

Rejetant d'une main les mèches bleues devant son visage, elle marmonne des paroles intelligibles, la voix rendue rauque par la rancoeur. Elle aurait jamais dû prendre cette bouteille et laisser la vérité couler dans ses veines, l'honnêteté lui prendre la main. Elle voudrait repousser cette envie de se lever, de se planter devant le rouquin et de lui dire tout ce qu'elle pense, tout ce qu'elle cache depuis son arrivée. Tout ce qu'elle a enfoui au fond de sa poitrine, et qu'elle veut pas faire sortir – parce que ça lui fait trop mal, même si elle l'avoue pas.

Laisse tomber ma belle, il en a déjà une. Ses mâchoires sont si fermement serrées qu'elles pourraient se fondre l'une dans l'autre ; dire qu'elle est paumée, c'est un euphémisme. Ca va, t'apprécies le spectacle ? Une Nyx complètement séchée, qui serait prête à se jeter sous un bus si ça lui permettait de retrouver tout ce qu'elle a perdu. Elle regrette d'être venue sans Dream, d'être venue tout court. Sans ça, elle serait jamais tombée amoureuse, elle serait pas au bord des larmes après avoir tout déballé devant un mec qu'elle connaît à peine.

Si depuis le début elle avait réfléchi, elle en serait pas là. C'est ça son problème à Nyx. Elle réfléchit pas, elle agit. Et après elle fait comme si elle regrettait pas – mais des fois ça pèse, la culpabilité. Oh quand c'est des gens qu'elle aime pas elle s'en fout, elle oublie rapidement. Mais quand elle pense au visage déformé par la tristesse de son frère, quand elle repense à sa propre trahison, ça la dévore de l'intérieur. Ca la bouffe, point barre.

Et la seule au courant de tout ça, actuellement Tracy sait pas où elle est. Oh Prim, si tu pouvais être là, à ses côtés, à lui montrer qu'elle a pas tout foiré depuis sa naissance. T'façon, Nyx aurait dû être un mec. Un mec sans aucun putain de sentiments, qui s'impose sans problème et qui tomberait jamais amoureux. Elle voudrait bien remplacer son cœur par un trou noir, enfoncer la main dans sa cage thoracique pour virer tout ça.

Peut-être que c'est la quantité d'alcool dans le sang qui lui donne ce genre de désir. Peut-être que c'est pour ça qu'elle raconte n'importe quoi depuis la première gorgée. Mais quoi qu'il en soit, elle va probablement rester un moment coincée sur ce terrain, alors autant en profiter. Un peu chancelante, la bouche toujours fendue par un faux sourire – sourire plein d'amertume – elle prend le ballon, elle lève ses yeux brillants de larmes qui ne couleront pas ce soir.

« T'veux faire une partie ? »

Elle est partie, son assurance. Envolée dès la première gorgée, détruite à l'instant où elle a posé ce goulot contre ses lèvres. Alors elle bredouille ça, brûlante. Brûlante à cause de cette soirée, de cette gêne, de la tournure des événements. Calme-toi Nyx, fais comme d'hab. Evite juste de le frapper – de toute façon, elle en aurait pas la force. Jetant ses talons dans un coin, elle fait quelques pas pour tenter de s'habituer à la sensation de tournis, elle s'imprègne du sol ; froid, connais pas.

S'humectant les lèvres dans un geste nerveux, elle repasse en arrière sa touffe teinte et laisse enfin un vrai sourire glisser sur son visage. Elle serre le ballon et fixe tout bonnement Pytha. Elle se retient de détailler sa tenue – l'auto-mutilation c'est pas son truc.