Let me stay in your warmth, wrap me in your arms. [Ashkan]

Cheveux décoiffés, cernes sous les yeux et tenue trop banale pour Sonera, voilà ce qui la rendait originale en ce matin si moche et si froid, peu avant le nouvel an. La date sur son calendrier indiquait 29 décembre, quelques jours après la Jim’s. Quelle blague cette fête ! L’élève mystère l’avait touchée en ninja pendant la soirée et elle s’était retrouvée incapable de parler avec les morts et après avoir vécu quelques années avec, elle se sentait vide à l’intérieur de sa tête. Tout était presque trop calme, trop mort. Et pourtant, l’année précédente, que n’aurait-elle pas donné pour changer de pouvoir et faire taire ces voix qui la harcelaient jour et nuit. L’italienne essuya les quelques larmes qui perlèrent de ses paupières en se disant que les morts ne pourraient plus rien lui dire, ils ne pourraient plus échanger sur les derniers potins et ils ne seraient plus ses espions, qu’elle aidait en retour.

Elle avait le coeur lourd de tant d’adieux non prononcés par manque de temps.

En route pour la forêt étincelante, à l’heure où l’on changerait bientôt la date, Soni marchait aussi droit que possible, une boule dans la gorge et des cailloux dans le ventre. Elle avait donné rendez-vous là-bas à Ashkan, parce que cet endroit lui allait bien, sans qu’elle ne sache pourquoi et avant de s’y rendre, la jeune femme était passée dans un petit bar de l’île où elle avait du engueuler le serveur parce qu’il la prenait pour une mineure. Certes, elle n’avait que dix-neuf ans donc pas la majorité absolue mais passons, elle avait tout de même fini par obtenir un demi. Alors qu’elle ne raffolait pas de la bière… Elle avait fait avec et était même partie en laissant un pourboire, généreuse - et déprimée - comme elle était.

Finalement, Sonera arriva entière et sans pleurer à nouveau au coeur de la forêt qui scintillait déjà de mille feux et qui lui ravissait toujours autant les yeux. C’était comme si les lucioles à elles seules arrivaient à lui faire oublier que cet abruti de changeur de don s’était foutu de sa gueule de la plus ironique des façons : en lui offrant la possibilité de maîtriser sa plus grande phobie ! Youhou, génial, Soni en avait sauté de joie quand elle l’avait découvert. Si si, je vous assure ! Tant pis si vous ne me croyez pas.

Non loin de l’orée, elle repéra rapidement une cascade scintillante d’or : celle des cheveux d’Ashkan, qu’elle considérait comme son frère. Parce qu’il lui rappelait le vrai et qu’ils aimaient bien entretenir la confusion sur leurs liens de sang - ou juste de blondeur. C’était grâce à lui qu’elle avait pu maîtriser à peu près bien la communication avec les morts, grâce à la méditation et en ce jour, tout son travail avait été réduit à néant à cause d’un en - ce passage a été censuré pour la chasteté des yeux des plus jeunes - de sa maman.

Le jeune homme était adossé contre un arbre, les yeux fermés et en tailleur. Il devait sûrement être en train de méditer, alors Soni s’assit devant lui et l’observa sans vergogne. (Oui j’ai écrit vergogne, j’aime ce mot horrible qui rime avec Bourgogne.) Ashkan aurait pu faire tomber n’importe qui d’un claquement de doigts, ou juste d’un battement de cils, avec le charisme qu’il avait. C’était peut-être les cheveux longs et bien entretenus (SURTOUT bien entretenus, parce que c’était très important aux yeux de la blondinette) ou le fait qu’il se promenait bien souvent avec la moitié du torse nu, les tits bien en évidence. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’Ashkan était quelqu’un de très charmant et qu’elle passait outre ses énormes défauts sans problème.

Voyant au bout d’un moment que sa tête dodelinait légèrement de droite à gauche, Sonera haussa un sourcil et se retint de pouffer de rire. Le A ne méditait pas du tout, il dormait juste. Et cela faisait déjà plus d’un quart d’heure qu’elle attendait comme ça, à le regarder. (Non, pas le mater, je vous vois venir. Sonera ne mate que Narcisse.) Elle se leva donc et s’assit sur les genoux du jeune homme, s’entourant des bras d’Ashkan elle-même. Puis elle attendit comme ça, à écouter le coeur de son frère battre lentement, régulièrement. Son coeur qui ne devait pas trop fatiguer. S’il avait besoin de se reposer, soit, Soni resterait là avec son gros manteau sur le dos, à servir de couverture humaine au jeune homme. Mais elle avait besoin de lui parler. Et au bout d’un moment, elle aussi glissa dans un sommeil léger.