Fuck off [ PV Leann ]

J'étais bien installée sur ma chaise, relisant pour la énième fois Le Monde de Narnia,  profitant des rares rayons de Soleil de décembre. Cette après-midi aurait presque pu me fait oublier ma mauvaise humeur chronique. Mais non. C'est jamais aussi simple. Quand j’en arrivais vers le septième chapitre, un bruit de fond agaçant s'installa dans la bibliothèque. On leur apprend vraiment pas les manière à ces gens. Bibliothèque. Égal. Silence. Ce n'était pourtant pas si compliquée. Je soupirais, fermais le livre pour aller voir ce qu'il se passait et, si besoin, remettre la personne concernée dans le droit chemin.

Et là, qui voilà? La source de ce vacarme, elle. La râleuse aux cheveux rose. Comme par hasard! Elle était là, a gueuler le nom de son lézard qui était vraisemblablement autre part. En même temps, si elle s'en occupe aussi bien qu'elle s'occupe de ses cheveux,  moi aussi je me serais enfuie... Elle tourna la tête pour voir si sa petite bête ne s'est pas cachée sous la table. Je crois qu'elle m'a vu. Elle leva les yeux vers moi, me toisa méchamment avant de m'envoyer :

- Y'a ton lézard qu'a embêté le mien. Now, à cause de toi ils sont introuvables dans la bibliothèque. Même quand t'es pas là, tu fais chier le monde.

Je le fixais abasourdie. Ca devait être une blague. Ou juste pour m'embêter. C'était forcément le cas. Tolkien n'était même pas capable de se débarrasser des fourmis qui montaient sur lui tout seul, il n'allait pas s'amuser attaquer des bestioles aussi grandes que lui.

D'un coup, la folle bondit. Elle attrape Tolkien avec toute la grâce et la délicatesse d'un putain mammouth dans une boutique de porcelaine. Il s'était réfugié entre deux Le Signeur des Anneaux (ah, celui-là! Il a bien trouvé sa place). Puis elle te le tend, comme ça. Comme si c'était une vieille chaussette.

De son côté, la  bibliothécaire nous jaugeait, énervée. Comme je la comprenait. J'eus à peine le temps de récupérer mon animal qu'elle me lançait une autre pique.

-  Surveille le putain un peu ton lézard, il m'a réveillé.

S'en était trop pour la bibliothécaire. Elle nous cria un bon coup dessus avant de nous mettre dehors. C'était bien ma veine. Expulsée de la bibliothèque. J'allais protester mais le regard satisfait de June m'interpella. Elle l'avait fait exprès! En même temps, prétexter que Tolkien l'avait réveiller alors qu'il était plus de quinze heures... Je tournais mon regard vers Kei qui, pour une fois, n'avait rien trouvé à dire. Il était presque amusé par la situation. Un regard insistant et il avait compris. Il savait que je voulais ma vengeance.  Maintenant.

- Tu n'aurais jamais dû faire ça, gamine! menaçais-je en rangeant Tolkien dans mon sac.

Kei, lui, contournait nonchalamment la petite emmerdeuse. Discrètement, il souleva son T-shirt, dégrafa son soutiens-gorges.

Pouf, la pouffe.

BOUM.

La claque de June m'arrivait droit dans la face. Certes, je l'avais mérité. Mais elle aussi. Et ça valait quand même le coup. Sa tête a ce moment là. Ca n'avait pas de prix. Le visage de l'humiliation.

- Vous avez quoi dans la tête ? Même les A font mieux... Ah bah oui c'est sur, maintenant t'es en B pauvre nulle !

BOUM.

Une seconde claque, plus violente encore. Elle savait taper ou ça fait mal. Mon petit sourire satisfait disparu en un millième de seconde. Si c'était comme ça qu'elle envisageait les choses, on allait jouer à son petit jeu. Ce n'était clairement pas la période pour jouer avec mes nerfs. Et elle allait payer pour ça. Même mon calme à tout épreuve naturel ne pouvait pas contenir la rage qu'elle me mettais à chaque fois que je voyais sa petite tête de glandeuse arrogante et sans avenir.

- T'es surtout nulle d'avoir besoin de quelqu'un d'autre pour faire tes coups par derrière. T'es juste déloyal. Tu vaut même pas mon attention et le pire c'est que je te la donne tu devrais me remercier connasse.

Son égo était incroyable pour quelqu'un dont le seul pouvoir était de me transformer en néon. Ce qu'elle était en train de faire d'ailleurs. Mais bon, être rose, être bleu. On s'en fou un peu en fait. C'est pas comme si je pouvais lui faire mettre une aiguille à tricoter ou son propre lézard entre ses deux fesses si je le voulais. Ou lui renverser mon thermos de thé à la rose -oh, non, ça serait du gâchis. Mais jouons selon ses propres règles, il ne serait pas si difficile de gagner contre une vulgaire E écervelée à son propre jeu.

-  OK, bravo, tu m'as transformée en stick pour concert. Fière de toi? ironisais-je en enlevant mes lunettes pour les ranger dans mon cabas, juste à côté de Tolkien.

Kei me regarda avec des yeux ronds. Il avait surement compris ce qui allait se passer et il ne cautionnait pas ça. Moi non plus, mais bon. Elle avait été trop loin.

- Sérieusement, Leann, tu peux pas faire ça. Sérieusement.

- Mais bon, c'est clair qu'au vu de tes pouvoirs et de tes capacités intellectuelles, ça serait injuste que j'utilise l'un comme l'autre pour que nous soyons à égalité. Ca doit te faire drôle, non, de te sentir sur un pied d'égalité avec quelqu'un d'ici, toi, la gamine dont tout le monde se fou? Toi, le "monstre" de la famille?  

Je laissais glisser mon sac le long de ma longue jupe en jean assez ample aux finitions dentelées jusqu'à ce qu'il tombe au niveau de mes bottines. Tolkien s'en remettrait bien. Du moins j'espère.

-Laisse moi deviner, June. Tu es née en juin? Même tes parents s'en foutaient de toi, c'est ça? C'est pour ça que tu cherche désespérément l'attention de quelqu'un? Tu devrais être contente. J'en ai plein pour toi de l'attention.

J'avançais d'un pas vers pour qu'il n'y ait plus qu'une petite vingtaine de centimètres qui nous séparent. Je n'avais plus qu'à jouer avec l'effet de surprise. Parce que ça, elle ne s'y attendrait pas.

Ma tête recule.

Coup de boule.

Mes cheveux qui étaient, pour une fois, laissés à l'air libre vinrent se placer de façon assez aléatoire sur mon visage. Un petit mouvement de côté. Il se remettent à peu près en place. Je n'aimais pas être méchante comme ça, ni la violence?

Mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus.

 
Doucement, la pression redescend. OK, Leann, qu'est ce que tu as fais? Pour l'instant, June tangue, elle était à la limite de tomber, pas vraiment contente. Elle m'insulte de tous les nom. Trop l'habitude d'ignorer Kei et des insultes en général, je ne l'entends même pas. Et puis qu'importe. Elle a mal à la tête. Moi aussi d'ailleurs. J'aurais surement un petit bleu. Mais pour l'instant, je suis toute rose alors ça ne se voit pas. Je reste aussi stoïque que possible pour ne pas qu'elle remarque que j'ai mal. C'est un peu ridicule de se blesser en attaquant quelqu'un. Bon, après, c'est pas comme si j'avais l'habitude de me battre. Ca  peut pas marcher du premier coup. Elle a l'air franchement remontée. Je la comprends. Moi aussi je serais remontée si je m'étais attaquée à une personne que je pensais plus frêle que moi et qu'elle me collait un coup de boule. Même si je ne m'attaquais pas régulièrement à des personnes que je pensais plus frêle que moi. Mais bon, je concevais la chose quoi. Tolkien était sortit de mon sac et avait mordu le bout de la jupe, y pendouillant comme un bœuf dans un abattoir. Jusqu'où irait la bêtise de ce petit? Jusqu'à celle de June? Il fallait espérer que non. Kei, quant à lui, me fixais toujours, blasé.

- Je t'avais dis que tu n'aurais pas due, rappela-t-il en un soupire.

Oui, bon. C'était sur le moment, elle m'avait mise en colère, j'ai pas réfléchit. Ca arrive. Ca ne devrait pas m'arriver à moi, cela dit.  Je passais ma main de mon front à mon nez, le genre de facepalm qu'on se fait pour soit même quand on a oublié ses clefs dans sa chambre ou dans le coffre de sa voiture.  Il fallait réparer l'incident. A peu près. Pas d'ici à aller faire ami-ami avec l'autre débile, mais si ça continuait ainsi, ça allait finir en catch féminin dans la boue. Et ça, j'aurais pas gagné. Même si mon coup de tête n'était pas si mal que ça. C'est quand même difficile d'apaiser une situation à ce point dégradée … par soi-même. Finalement, j'aurais dû le lire, ce bouquin pour "sortir des scénario négatif" à la bibliothèque. J'attrapais rapidement Tolkien - au cas où June saisisse l'opportunité de me voir me baisser pour contre-attaquer, le remis à sa placeet posais mes lunettes sur le bout de mon nez.

- Ok, maintenant que t'es calmée, on va pouvoir parler normalement peut-être?

Oui, ça s'était une bonne approche. Comme si lui foutre un coup de boule faisait partie de mon scénario. Pas mal pas mal. Continue comme ça Leann.

- Sérieusement, c'est quoi ton problème? Interrogeais-je avec une voix calme. On se connaît pas, tu viens me torturer mon lézard quand je suis en train de lire dans la bibliothèque en faisant autant de bruit que possible pour que je me fasse virée. Et tu viens te foutre de moi en plus, insinuant que je me suis faite virée de ma classe - ce qui, soit dit en passant, n'est pas le cas. Et t'as cru que j'allais te dire "Oui, fouette-moi plus! Fouette-moi plus"? Sérieux, faut que ça s'arrête un moment les délires de crise d'adolescence en retard.

C'est toujours pas très sympathique, mais en même temps, si je commence à lui faire des câlin et lui baiser les pieds, elle risque de se douter de quelque chose.

Ok, pas de baffes, pas de coup de pieds. La situation était plus ou moins sécurisée.  Et on avait l'air de parler entre personnes sensées. Un miracle.

-  Eh meuf. Tu peux parler de crise d'adolescence, c'est toi qui a deux ans de plus que moi - ouais je le sais point demande pas comment - et c'est toi qui me donne un coup de boule après tu viens dire ouais faut que tu te stoppes et tout, c'comme si que tu remettais en cause ma maturité... Ce que tu fais. 

Si, si, ma crise d'adolescence, je l'ai passée. Pour peu que j'en ait eut une. Mais passons. Je devais reconnaitre que mon comportement avait était stupide, mais le siens aussi! Et le problème n'est pas l'âge, c'est dans la tête. Oui, oui, ta maturité, exactement. Mais si je lui dit ce que j'en pense, on va recommencer à se taper dessus. Là, j'ai juste envie de retourner dans ma chambre, tranquillement, relire mon cours, bien au chaud sous ma couette. Et finir de tricoter cette écharpe, mon dieu. J'ai l'impression que ça fait des semaines que je suis là-dessus.

- Sache aussi que je n'ai pas fais autant de bruit que possible pour que tu te fasse virer, mais madame pense qu'à elle et ne voit qu'elle dans son monde, bien sur. Maltraitance de lézard ? C'est lui qui est venu me sauter dessus, j'lui ai rien demandé. 

Ah, non… Pas du tout… Pas du tout de boucan infernale avec ses "PIMKIEE, PIMKIEEE!" sous les tables de la bibliothèques. Et même si ce n'était pas expressément fait pour me faire virer, encore une déformation de mon égo,  sérieusement, t'es déjà rentré dans une bibliothèque ? On se tait dans une bibliothèque. Et Tolkien était doux comme un agneaux. D'ailleurs, si c'était lui qui avait sauté en premier sur June pour la réveillé, ça ne pouvait pas être lui qui poursuivait Pimkie mais bien l'inverse, non? Mais si je rajoutais quelque chose, j'avais peur de me ramasser un œil au beurre noir en plus de mon bleu bien au milieu du front.

-D'ailleurs tu parles de fouet, j'en ai pas, donc va redécouvrir ton sado-masochiste ailleurs et change pas de sujet car tu commences à être HS avec ton discours de sainte qui est innocente jusqu'à la moelle. 

Je ne peux pas m'empêcher de soupirer. La bêtise de ce genre de propos fait même sourire Kei.

- Tu ne pouvais pas t'attendre à ce qu'elle comprenne une métaphore non plus! Ironisa-t-il

Certes.  Quoi qu'il en soit, j'attrapais mon sac un peu plus fermement, me décidant à partir.

- Bon, écoute June, je suis désolée, tu es désolée, on a toutes les deux agis stupidement. L'incident est clos, conclus-je en me tournant vers l'autre bout du couloir.

On avait éviter le pire, je mieux était encore de partir avant que ça ne re-dégénère. J'allais déjà traverser tout le pensionnat en tant que néon rose fluo. Bon, j'imaginais que je n'étais pas la seule à m'être déjà embrouillée avec elle. Les gens comprendraient surement. Et puis bon, il valait mieux ça qu'elle ait eut un pouvoir du genre spatio-temporel incroyable. Parce que même à deux dont un invisible, on aurait pas fait le poids.

- Bonne fin de journée.