Conflict [Nolwen]

Conflict

Les paroles:

Cet après-midi, Nolwen s'était prévu un emploi du temps chargé. Appeler Ollie, lui demander conseil sur quelle nuance de bleu choisir puis aller se refaire sa teinture, aller acheter un pack de bière pour la soirée avec les Flashys - c'est ainsi qu'elle les surnommait -, et surtout, trier toutes ses paires de chaussures. Une de ses résolutions de la nouvelle année. 
Mais avant cela, elle devait aller voir Scott. Scott passait avant tout de toute manière. Elle ne l'avait pas vu depuis un moment, et même si cela lui faisait mal, elle voulait prendre de ses nouvelles et savoir comment ça se passait pour lui. Sa vie amoureuse sous-entendu. Car oui, c'était son rôle, de confidente de l'écouter et de le conseiller sans jamais parler, quand bien même elle n'avait jamais sû de qui il s'agissait. Et il serait préférable de ne jamais savoir, pour le bien de cette personne.

Noly ne s'est jamais demandé à partir de quel moment elle a commencé à s'attacher autant à ce garçon. Au début, elle avait juste voulu l'aider à s'intégrer, mais cette complicité s'est installée entre eux, et impossible de la déloger. 
Elle ne savait pas non plus pourquoi elle prêtait autant d'attention à sa tenue quand elle devait aller le voir, plus que d'ordinaire. Ou si, elle s'en doutait, mais hors de question de se l'assumer. Cela n'allait pas recommencer, il fallait que sn expérience lui serve de leçon.
Elle s'était acharnée pendant plus d'un quart d'heure devant sa glace à dissimuler cette affreuse mèche argentée qu'elle détestait tant, et que pourtant tout le monde adorait. Elle la trouvait gênante, irrégulière et brisant une unité de perfection. 

Elle s'était ensuite dirigée vers la bibliothèque où elle était sûre de trouver l'ex-A. Ses bottes à talons martelant le sol avec cadence, pas assuré, sourire au visage. Elle sait d'avance qu'elle va en baver, entendre parler encore et toujours de lui, les envies de meurtre envers cette personne montant encore et toujours, mais d'un autre côté elle se sent flattée d'être tenue au courant et, elle sait qu'elle aide Scott ainsi. Et c'est le plus important pour elle.
Elle s'approche de lui, et ce dernier range ses lunettes dans la poche de son jean en la voyant arriver. Elle n'a jamais compris pourquoi il en mettait alors qu'il n'en avait nullement besoin. Les garçons et leurs lubies... 
Elle s'asseoit en face de lui, croise ses bras sur la table et se met en position d'écoute. Comme le dit si bien Scott avec humour "C'est l'heure de la séance confidence". Alors elle esquisse un sourire, prête à commencer, jette un coup d'oeil à son visage. Il semble...elle ne sait pas...changé. Il y a une lueur différente dans son regard, quelque chose de plus affirmé sur son visage qu'elle ne saurait interpréter.
Et alors qu'elle allait lui demander ce qu'il racontait de beau, le neuf, les mots tombèrent, tranchants, comme s'il voulait s'en débarasser, et en même temps d'un ton étrangement calme. "Je sors avec Mack."

Hein? Que? Quoi qui comment? Elle a décroché Nolwen, elle n'est plus sur le fil, elle tombe, inexorablement attirée vers le vide, incrédule, comme on tombe à la renverse. Elle ne comprend pas, elle ne saisit pas la portée de ces mots. Quatre mots pourtant simples, mais qui sonnent comme une révélation à laquelle elle ne comprend aucun mot.
Bien sûr, elle voit qui est Mack. Mackenzie, son vrai prénom. Une E, qui a par ailleurs l'air charmante et qu'elle s'était promis d'aller voir. Ce n'est pas qu'ils se connaissent qui la dérange. Loin de là. Ce n'est pas non plus le sensation de sentir son coeur se serrer. Ou cette boule dans la gorge, alors qu'elle tente de déglutir et d'avaler la pilule, la déclaration fatidique. Ça, elle peut gérer. Et il n'y a pas de place pour la jalousie non plus. 
Non, c'est que Scott sorte avec une fille, alors qu'il ne lui a jamais parlé d'elle. Ou mieux encore, alors qu'il lui a parlé en boucle de ses sentiments pour une autre personne. Et elle sent que cette autre personne n'est pas Mack. 
L'incompréhension se lit sur son visage. Encore sous le choc, elle balbutie:

"Mack? Tu...tu...as des sentiments pour elle au moins?"

Ca sonne moins comme une question mais comme un besoin d'une confirmation, comme une injontion à répondre par l'affirmative. Plus comme un reproche. 
Scott était l'un des seuls garçons qu'elle connaissait pourvu de valeurs et de morale. S'il joue avec les sentiments d'une fille, elle lui en voudra. Une fille, c'est sensible, et elle ne peut supporter qu'on joue avec une fille. Elle a trop bien connu ça pour permettre que ça arrive à une autre quand bien même elle est supposée en vouloir à celle-ci.
Et si en plus c'est lui qui joue, elle s'en voudra d'autant plus. Parce qu'elle lui faisait confiance. 
Alors pitié Scott dis-moi que tu l'aimes. Je me moque que ce soit elle, dis moi juste que tu es sincère avec elle. C'est tout ce qu'elle veut savoir.

Conflict

 

Faire confiance à quelqu'un a toujours été source de discorde et de problèmes. Et malgré cela, malgré ce schéma continuel qui inlassablement se répète, elle recommence à faire confiance, persuadée que l'extérieur reflète l'intérieur. 
Et Scott a l'air d'un gars bien, respectueux - avait ou semblait? - et elle s'est persuadée qu'il l'était tout au fond. 
Elle sent que sa question a fait mouche. Il triture son magasine, perdant son regard dans les pages inintéressantes pour éviter le sien, scruteur, accusateur. Il paraît gêné, et en même temps parfaitement à l'aise, devrait l'être et pourtant non. Elle ne savait plus quoi en penser.

Mais en le voyant, aussi calme et sûr de lui, son ventre se noua encore plus. Il n'était pas comme ça. Jamais il ne pourrait ne pas se soucier des sentiments de quelqu'un. Impossible, c'était Scott. Scott, le garçon sensible. Le garçon qui régulièrement lui livre son coeur. Celui qui soupire après quelqu'un qui se désintéresse de lui. Jamais il n'agirait de manière aussi...calculatrice. Quoiqu'il mijote.
Elle secoue rapidement la tête de gauche à droite. Il faut qu'elle se sorte de sa tête, elle se fait des idées, elle voit le mal là où il n'est pas. Elle se rentre dans la tête, se bourre dans le crâne que c'est sa jalousie qui parle, bien sûr qu'il aime Mack, il est juste passé à autre chose que la personne innaccessible, et qu'elle est heureuse pour eux. Et elle arrive à s'en convaincre, elle finit par y croire. Jusqu'au moment où Scott reprend la parole, et que ses mots renversent la barrière qu'elle vient en vain de tenter d'ériger. Elle fait toujours ça Nolwen, elle construit des barrières, se bloque pour ignorer la vérité. A chaque fois. Puis quand celle-ci la rattrape, l'entraîne dans sa chute, même au sol Noly continue à faire l'autruche. "Non". Chut, c'est une blague. 

"Mais ce n'est qu'un détail."

C'est fini, cette fois-ci elle ne se cachera pas la vérité. Fini de se mentir pour fuir la confrontation, fini de se bercer d'illusions pour voir le monde en rose. La colère prend place, s'impose de plus en plus présente, et si elle n'était pas encore abasourdie elle aurait explosé. Littéralement. Elle voulait lui hurler dessus, le sommer de se réveiller, que non ce n'est pas qu'un détail au contraire, qu'il devait redevenir le Scott qu'elle connaissait, celui qui pense aux autres, et pas celui qui sort avec une fille pour qui il n'éprouve rien! Il y avait toujours cette lueur d'espoir au fond d'elle, qui refusait de s'éteindre. Et c'est le geste nonchalant de la main qui lui fut adressé qui souffla sur cette flammèche.

"Attends. Je ne vois pas ce qu'il y a de si incompréhensible que ça. Je la rends heureuse, tu sais."  

Nolwen repousse sa chaise et se lève brusquement, à la fois furieuse et effarée. Qui es-tu Scott Newton? Qui es-tu je ne te reconnais plus! T'ai-je connu?
Elle ne se maîtrise plus, elle ne discerne plus clairement, elle sait que si cela continue ainsi sa main partirait et se ferait violente alors elle, et elle a peur, même si ça leur ferait du bien aux deux, elle ne veut pas lui faire de mal. Bon c'est pas non plus comme si elle était costaude elle ne l'effleurerait même pas mais c'est le geste.

"T'es pas sérieux là?!" commence-t-elle à s'énerver. "Est-ce que t'as pensé une FRACTION de seconde à ce que cette fille va ressentir quand elle s'en rendra compte?" crie-t-elle. Sa voix monte, elle le sent, si elle craque elle devra se boucher les oreilles tout en hurlant, d'ailleurs elle est surprise que Scott ne le fasse pas déjà. Peut-être qu'elle ne crie pas assez fort. 
"PUTAIN MAIS TU TE RENDS COMPTE QUE T'AGIS EN VRAI CONNARD?"

Elle a envie de se radoucir, de lui expliquer calmement qu'une fille c'est sensible, qu'il croit la rendre heureuse mais c'est un leurre, parce qu'une fille ça se rend compte quand ce n'est pas réciproque même si ça prend du temps. Elle a envie de lui dire qu'une femme c'est précieux, ça vaut tout, c'est pas juste un nom ou un corps qu'on ajoute ou barre sur une liste. Sauf qu'il est trop tard, elle ne peut pas se calmer, parce que ce n'est pas juste lui, c'est toute sa rage envers les hommes comme ça qui ressort, c'est toute sa haine envers les insensibles coeurs de pierre, c'est sa fureur envers elle-même de croire à chaque fois à la belle âme des gens. Là, elle a juste envie de lui gueuler qu'il est comme les autres. Comme les autres alors qu'elle le pensait différent.

D'un coup de pied, elle envoie valser sa chaise au loin, et commence à faire les cent pas.   Elle respire, une ou deux fois, tente de se calmer. Elle ne veut pas entendre ce qu'il veut dire, pour une fois c'est à son tour de parler. C'est sûr qu'il ne s'attendait pas une telle réaction. "Parce qu'il n'a rien compris aux filles" murmure-t-elle entre ses dents. 

De tout son coeur, elle prie pour qu'il revienne à la raison, que le conflit soit terminé, archivé, oublié basta. Elle déteste les conflits, ils n'ont aucune raison d'être.
Mais le pire, c'est que ce n'est pas sa bataille. Ce n'est pas elle qui sort avec Scott, ce n'est pas elle qui sera blessée au final. C'est une parfaite inconnue. Et ça la blesse tout autant pourtant. 
A partir de quand s'attache-t-on autant à quelqu'un au point que le moindre de ses faux pas nous émeuve autant que si c'était le nôtre?

Conflict

 

Elle sait qu'elle est dans une bibliothèque. Et qu'elle doit donc faire preuve de silence et de respect. Mais pour une fois, cela lui est parfaitement égal. Pas d'enfreindre les règles, ça non, elle a l'habitude. Mais garder le silence. Elle garde toujours tout pour elle, ce qu'elle pense et ressent, ce que les autres pensent, ressentent et lui confient, elle garde ses peines, ses colères, et elle conserve son ton calme et posé. Mais ces derniers temps, elle est sur les nerfs. 
Depuis la Jim's en réalité. Elle a eu ce besoin de faire sortir ce qui la pesait et cela l'a soulagée. Et depuis, elle a ce besoin constant de clamer haut et fort ce qui la dérange.
Ou alors c'est d'avoir confronté Julian. 

Chacun de ses pas l'apaise. Elle met toute sa rage dans ses pas, c'est ainsi qu'elle l'évacue. Un coup d'oeil en direction de Scott. Calme, pas le moins du monde énervé, immobile. Une bouffée de colère l'envahit à nouveau. Il se fiche complètement De ce qu'elle dit, il ne réagit pas, et cela l'énerve. Il est trop impassible, trop confiant et sûr de lui, et ça la met encore plus hors d'elle. Elle a horreur des gens comme ça, et surtout des gens qu'elle croyait bien qui sont comme ça.
Soudain, très calmement, il s'approche d'elle, pose ses mains sur ses épaules. Ce contact la fait frémir malgré la colère qu'elle éprouve envers lui à cet instant. Et d'un ton autoritaire, lui ordonne de s'asseoir. Et très délicatement, mais fermement, il l'installe sur sa chaise, remise en place, et retourne lui-même s'asseoir face à elle.

Nolwen est trop choquée pour comprendre ce qu'il vient de se passer. Ou pour réagir. Elle ouvre la bouche, ses lèvres formant un grand O, comme pour parler, puis rapidement la referme. Il n'avait jamais agi ainsi avec elle auparavant. C'était une nouvelle facette de Scott qu'elle découvrait aujourd'hui, une partie cachée de sa personnalité qu'elle n'était pas sûre d'apprécier. Pardon, qui l'horripilait.
"J'ai appris que s'énerver ne sert à rien alors je te propose que nous discutions en personnes civilisées, sans agresser le matériel qui ne n'y est pour rien dans cette affaire."  
Sa voix est atrocement douce, elle sent qu'il se moque d'elle, la prend pour une hystérique, qu'il cherche à la calmer, à lui faire comprendre SON point de vue, elle redoute ce qui suit.
« Peut-être que tu as raison, je ne suis qu'un connard. »
Oh ça oui tu l'as dit mon coco. Un sacré connard. Un enfoiré qui ne se préoccupe que de lui-même, joue avec une fille et n'éprouve aucun remord vis-à-vis de cela. Pire, ne semble pas voir où est le mal.
"Peut-être que tu as raison mais ça ne change rien : je continuerai de sortir avec elle quand même. Jusqu'à ce que je me sois lassé d'elle."
Il a achevé sa phrase, presque un murmure. 

Le coup est parti, comme ça. Sa main, sur sa joue. Au final, sa main la cuisait, et la joue de Scott était à peine rosée. Mais elle recommencerait, autant de fois qu'il le faudrait. Elle a encore une once d'espoir, qu'il revienne à la raison.
Alors elle rentre dans son jeu. Elle parle elle aussi, tout doucement. D'un ton posé. Mais l'amertume et la haine se ressentent dans chacun de ses mots. Et c'est volontaire.

"Je me fous que tu sortes avec elle. T'es juste un enfoiré. Un putain de connard égoïste qui va se servir d'une fille pour assouvir son égo démesuré en quête d'amour. Et tu la laisseras tomber, comme ça, comme si elle n'avait aucune importance pour toi. Seule, brisée.  

Elle marque une pause. Puis reprend, cette fois plus violente. Elle veut que chacun de ses mots lui scie le coeur, elle veut les aiguiser, elle veut le blesser. Nolwen déteste qu'on fasse du mal aux gens. Et elle compte lui faire payer.
Alors elle lâche ce qu'elle pense très fort. Elle sait qu'elle lui a déclaré la guerre, que si elle prononce ces mots, cela signera la fin de leur amitié. Mais elle ne peut pas rester amie avec une personne comme cela.

"Je me demande comment j'ai fait pour m'attacher à toi, t'écouter parler, te confier. Tu sais quoi? Tu l'as ta réponse. Ça ne m'étonne pas que ce gars qui te fait tant souffrir ne veuille pas de toi. On récolte ce que l'on sème chéri."

Elle le pense vraiment, ce n'est pas du bluff. Personne ne veut d'un gars qui agit comme ça. Et surtout, qui se ressemble s'attire. Il aime une personne qui l'ignore et se sert de lui. N'est-ce-pas ce qu'il fait avec Mack?
Il l'a mérité.
Qu'il ne vienne plus pleurer auprès d'elle maintenant. Elle en a fini avec lui.

Conflict

 

Elle en a fini avec lui.
Elle tente de s'en persuader, elle se le répète jusqu'à ce que son petit esprit l'assimile, jusqu'à en être convaincue. Elle se le répète parce qu'elle n'y croit pas vraiment. Sinon elle ne se batterait pour qu'il ouvre les yeux.
Peut-être est-ce la malchance Noly. Peut-être es-tu née sous une mauvaise étoile. La malchance est l'excuse que se donnent les gens qui ne veulent pas affronter leurs défauts en face, qui ne sont pas prêts à l'introspection.
Elle se remet souvent en question Nolwen. Agit-elle bien, pense-t-elle bien, fait-elle bien. Mais elle n'a pas une seule fois remis en question sa capacité à choisir. Ni ses coups de coeur ni ses amis. Parce que justement, elle ne choisit pas, alors qu'en dépit du grand baratin "le coeur décide", en réalité c'est la raison qui s'en charge.
Là, elle vit une double désillusion. A la fois en tant qu'ami et en tant que...non elle ne le dira pas. Elle ne le dira parce qu'elle décide qu'il est temps qu'elle arrête de tomber sur les mauvais garçons.

Ça fait mal. De se disputer avec une personne que l'on aime. On lui poignarde le coeur, encore et encore, inlassablement. La plaie saigne et rien pour la panser. Ça fait mal de tomber de haut. Le nuage va si vite, tremble, le coton s'affaisse, et elle tombe. La chute est longue, interminable. Et une fois au sol, tout le petit être est brisé. Pourtant elle y retourne, elle grimpe et elle se réinstalle, autoritaire, sur son nuage. 
Ça ne s'appelle pas vivre un conte de fées. C'est une technique exclusivement Nolwenienne qui consiste à tout faire pour imiter l'Idéal Inaccessible, se rapprocher de ce qu'on y vivrait. Elle est déjà heureuse oui! Son trio, ses amis, sa vie, ses passions. Tout est parfait. C'est juste qu'elle embellit ce qu'elle a déjà pas pour se vanter non, pour elle-même.

Elle ignore ce qu'il dit sur son droit à partir. La première raison, parce qu'elle n'a pas besoin de son autorisation pour partir, elle partira quand elle en aura envie. La seconde, parce que malgré tout elle ne veut pas partir tout de suite. 
Troisième raison, parce que la dispute devient intéressante. Enfin. Intéressante est un bien grand mot. Mais le sujet risque de très vite dégénérer encore plus, car elle se sent plus que concernée. 
Elle aurait pu quitter tant qu'il s'agissait de Mackenzie. Elle désapprouvait mais ce n'étaient pas ses affaires. Là, il s'attaquait à elle, il la visait tout particulièrement dans son accusation :  "Vous me faites marrer, vous les filles. Vous êtes si naïves de croire que dans chaque joli garçon que vous croisez, il y a un prince charmant."  

Toutes les filles ne sont pas ainsi. Elle oui, mais elle a ses raisons. Qui ne le regardent aucunement par ailleurs.
Et pour Nolwen, ça n'a jamais été une question de naïveté. Ça rejoint son concept d'idéal, de but à sa vie. Il y a des gens qui ont tout, mais qui ont besoin d'un but pour se donner une raison de vivre. Nolwen en avait plusieurs, dont celui-ci, c'était ainsi.

"Quand tu énonces des faits, assures toi de les énoncer correctement. On ne "croit" pas, on "espère". Et c'est sûr que plus on voit des mecs dans ton genre, plus on va continuer à espérer que la gente masculine soit plus...diversifiée que ça" répond-elle, toujours calmement. 

L'attaque est la meilleure des défenses lui disait son père lorsqu'elle était plus jeune. C'est bien beau de se souvenir de lui au moment où elle aurait VRAIMENT besoin de penser à quelque chose de calmant, de sympathique. Penser à cet homme ne fera qu'attiser son agressivité qu'elle peine déjà à maîtriser. 
Lui aussi, typique des hommes. Une petite dispute et il se barre en courant outre-Atlantique, oubliant qu'il a deux enfants. Oh, il leur envoie bien de l'argent tous les mois : virement bancaire. Pas un sms, pas un coup de fil, pas même une lettre accompagnante pour savoir comment elles vont, prendre de leurs nouvelles. Elle n'est même pas sûre qu'il sache qu'elle est à Prismver.
C'est peut-être d'être passée si brusquement d'une famille heureuse et aimante à une déchirée parce qu'un homme est parti sans penser aux conséquences qui la rend si sensible aux actes des garçons. Ce n'est pas la seule à avoir des parents divorcés loin de là, juste une avec un ressenti bien particulier.

Elle mime de se lever.
"Écoute, on s'est déjà assez disputés. Je ne vais pas m'excuser pour avoir dit ce que je pense, tu es vraiment un imbécile doublé d'un déchet. Je n'irai pas non plus voir Mack car ce ne sont pas mes affaires, sois en rassuré.
Elle parle d'une voix lasse, fatiguée. Elle ne sait pas se bagarrer, elle n'est pas faite pour crier.

"Scott si juste tu ouvrais les yeux tu saurais pourquoi je viens de me battre avec toi." Parce qu'elle tient à toi, nigaud.

Conflict

 

Il faudrait qu'elle commence à comprendre, à apprendre. À reconnaître qu'il existe des batailles perdues d'avance. A accepter qu'il est parfois inutile de se vider de son énergie pour quelqu'un qui n'en veut pas. Et ici, c'est clairement le cas. Son ami, ou plutôt celui qu'elle considérait comme tel, l'ignore royalement, presque agacé qu'elle lui parle. Il n'a même pas le courage de soutenir son regard, il préfère l'éviter et reporter son attention sur son captivant magazine. Les bonnes choses ont une fin, soit parce qu'elles ont duré trop longtemps, soit parce qu'elles étaient fausses. Tant qu'aucun des deux n'en démordra, il n'y a aucun espoir de résoudre cette dispute. Aucune chance de réconciliation, ni immédiate, ni prochaine. 

Qu'il en soit ainsi. Elle est fatiguée de parler dans le vide. D'ordinaire, elle n'abandonne pas, mais elle ne peut juste pas continuer ainsi. Alors ça fait mal, elle voudrait pleurer, elle voudrait attraper son propre coeur et le déchirer, le découper, puis le laisser négligemment dans une poubelle. Au point où elle en est, il est déjà tout écorché, élimé de partout. Peut-être qu'elle serait mieux, peut-être que cela signerait la fin de ses souffrances. Si elle savait qu'elle n'en était qu'au début de ses peines...
Elle déteste renoncer, et aujourd'hui, c'est encore plus difficile. Parce que c'est Scott. Parce que même si elle aime se mentir à elle-même, on ne combat pas les sentiments. Alors oui, elle est réellement triste pour Mackenzie. Oui elle se sent affreuse de n'avoir pas discerné le gars qu'il est réellement. Oui, elle se sent mal de perdre un ami. Mais malgré toutes ces raisons, il y en a une, celle que crie son coeur. Scott est charismatique, adorable, trop parfait, elle aurait du s'y préparer. Alors oui, il y a un brin de jalousie derrière tout cela, même s'il est peu puissant. C'est surtout une immense tristesse. Ce n'est pas le style de fille furieuse à la base, plus celle qui pleurera, longtemps s'il le faut, et s'en sortira. 

Tout ça, c'est ce qui traverse l'esprit de Wen durant les quelques secondes où Scott relève le regard vers elle. Il a des yeux envoûtants, électriques, même si elle tressaille. Parce que c'est justement en ressentant toute cette confusion, ces sentiments, ce dégoût, et cette tristesse mélangés, cette déception qu'elle lui dit au revoir. Ils n'ont plus grand chose à se dire, à part des mots durs.
« Écoute, je n'ai pas envie de me creuser pour savoir pourquoi tu te bats contre moi. Tu n'as qu'à me le dire, tout simplement. » Ce serait bien trop simple. Certaines choses se méritent, et ce qu'il a fait aujourd'hui la conforte, tout simplement, qu'elle a fait le bon choix avec lui, de ne lui avoir jamais rien dit. 
Il réfléchit un instant, replongé dans son magazine, et Nolwen ne lâche pas du regard
« Je ne sais pas pourquoi tu te bats contre moi mais j'ai l'impression qu'il y a un peu de jalousie là-dedans. En général, quand les filles se disputent avec un garçon, c'est souvent pour ça » sourit-il.
Dans le cas présent, ce n'est qu'à moitié vrai. Pendant un bref instant, elle frémit, presque imperceptiblement, effrayée qu'il devine ce qu'elle éprouve pour lui, et se ressaisit en comprenant ce qu'il essayait de faire. La faire douter, jusqu'à la dernière seconde. Elle ne lui donnerait pas ce qu'il désirait. 
"Tu aimerais bien pas vrai? Une fille de plus à cocher sur ta liste." C'est une question rhétorique, elle connait parfaitement la réponse. Séducteur né, peu lui importe le coeur des autres. Il voulait lui faire croire que si elle se disutait, c'est parce qu'elle aurait voulu être à la place de Mack. Ça aurait pu, mais plus maintenant. 

La main sur la poignée, l'autre dans ses cheveux, elle se retourne une dernière fois vers le jeune homme. "Adieu, Scott" murmure-t-elle tout doucement.
Les sentiments ne s'évaporeront pas ainsi, le processus prendra du temps. L'amitié non plus. Mais il n'y aura pas de regrets.