Sujet: DRIVE Δ TERRUKAS #3 ♥ Jeu 29 Jan 2015 - 21:12
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Et au fond, il sent qu’il ne reste plus beaucoup de temps avant que Lukas remplace ses foutues cigarettes.
Ses yeux bleus sont lascivement posés sur l’asphalte de la route. Une main sur le volant, l’autre porte une cigarette à ses lèvres, avant de triturer les boutons de la radio. La fenêtre est légèrement entr’ouverte, laissant filer un courant d’air plus humide que froid. C’est l’Angleterre.
L’Angleterre et sa variété pop-rock qu’il connait déjà par coeur - c’est toujours mieux que le silence, mais c’est déjà ennuyant. Ecoeurant.
« Tu peux mettre ce que tu veux, tu sais. » C’était la première chose qu’il disait depuis qu’il avait pris la route en fin de matinée. Demain avait lieu un match amical entre la team Prismver et celle du lycée de Liverpool - et bien sûr, c’était lui qu’on avait dépêché pour observer l’autre équipe - et réserver l’hôtel. Il ne se souvenait pas être devenu manager, mais sur le moment, cela ne le dérangeait pas. Surtout lorsque cela lui donnait une bonne occasion d’être seul avec lui. Pauvre Lukas - la manière dont tout le monde sembla se mettre d’accord pour l’éloigner de l’équipe était plus que suspecte. C’est que Terry peut, parfois, se montrer étonnamment persuasif.
Ca faisait 2 jour depuis l’incident « casier », depuis qu’il avait goûté à ses lèvres, depuis qu’il en ressentait encore le goût et la sensation. Deux jours bien longs, mais Terry n’avait rien laissé transparaître - juste pour le torturer un peu. Juste pour qu’il sente la menace, sans savoir lorsque le coup tombera. Par pur jeu. C’était sûrement pour ça que l’ambiance dans la voiture était quelque peu maussade, malgré le fait que la pluie ne soit pas au rendez-vous. Pas un regard, pas un mot, pas un sourire enjôleur. Juste de la musique. Et des cigarettes. Tant de cigarettes.
Dans le cendrier, placé entre leurs deux sièges, une dizaine de mégots écrasés. Un pour chaque moment où sa belle patience avait failli se briser. Un pour chaque moment où il avait voulu faire une embardée pour l’embrasser - pour fumer cette flamme qu’il lui avait fait apercevoir.
C’est marrant, parce que pour l’Autre, fumer était un moyen de se calmer. De poser sa voix, de noyer sa nervosité. Et il avait cru que ça serait pareil pour lui - mais rien n’y faisait. Depuis qu’il avait commencé à tourner autour du jeune homme, ses addictions avaient commencé à changer. A se déformer. Et au fond, il sent qu’il ne reste plus beaucoup de temps avant que Lukas remplace ses foutues cigarettes. Comme une dose de nicotine directement injectée dans son sang.
Il expire une fois de plus une bouffée remplie d’impatience, et pour la première fois, son regard se tourne vers le profil de Lukas. Comme une onde, le bleu de ses yeux passe sur son visage - et c’est le contact, le magnétisme qui revient. Qui le reprend, le repique. C’est le manque. Le manque et le fameux sourire, toujours si mystérieux, sucré, suave - à moitié caché par la fumée grisâtre du bâtonnet empoisonné. Toxique. Ce même bâtonnet qu’il tend à Lukas, le regard de nouveau posé sur la route.
Pas sûr que l’ouverture de la fenêtre suffise à évacuer l’air qui d’un coup, semble plus âcre, plus étouffant. Plus chaud, surtout.
« Tu veux la fin ? »
Dans le paquet de roulées posé sur le tableau de bord, il n’y avait plus de cigarettes. En effet, la fin est bientôt proche.
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Sujet: Re: DRIVE Δ TERRUKAS #3 ♥ Jeu 29 Jan 2015 - 23:15
« Non. J’aime pas les normales. »
En témoignaient les trois mégots blancs dans le cendrier, des Lucky Strike aux double capsules éclatées. Lukas achetait ces convertibles mais les fumait toujours en version mentholée. Juste par principe d’avoir le choix.
Il jeta de nouveau son regard morne dehors, les mains dans les poches de sa veste qu’il n’avait pas retirée. Malgré qu’ils roulent déja depuis un moment, il ne s’était toujours pas “mis à l’aise”. Car à l’aise, de toute façon, il ne l’était pas. Pendant un bon moment, au début du trajet, dans le silence pesant imposé par Terry, il avait soupiré de nombreuses fois, torturé ses cheveux, s’était dandiné sur place; inconfortable. Cette voiture de location avait pourtant tout pour les mettre à l’aise. Il avait gardé les yeux rivés dehors, sans regarder une seule fois son professeur - comme il le faisait depuis deux jours. Deux jours passé à feindre d’être malade - d’où l’écharpe autour du cou pour cacher le suçon - deux jours à se contenter de courir un peu et de faire de la muscu en essayant de convaincre Etienne qu’il n’était pas en état de réellement participer.
Car il n’avait vraiment aucune envie de participer. Sa grande motivation des deux premiers jours s’était vite évanouie, dès lors qu’il s’était passé des choses dans les vestiaires, des choses qui n’auraient jamais dû arriver. Des choses qui lui prenaient la tête, jour et nuit, éveillé comme endormi.
Mais pourtant des choses qu’il n’arrivait pas à regretter. Et cette terrible sensation que, si cela devait se reproduire, si il devait retourner dans le passé... Il referait tout, exactement de la même façon.
Et toutes ces contradictions, réflexions, peurs, doutes, questions étaient purement et simplement en train de lui sucer le cerveau.
Il avait envie d’en parler à Terry. De lui demander. Qu’est-ce que tout ça signifiait. Quelle était la suite. Est-ce qu’ils avaient le droit, ou dans quelle mesure. A partir de quand est-ce que cela passait dans l’interdit. Qu’est-ce qu’ils risquaient. De quoi avait-il envie. Jusqu’où voulait-il aller.
Et puis, sous-jacentes, d’autres questions qu’il refoulait. “T’es beau ce soir Taz.” Avait-dit Mack. Et lui, est-ce qu’il le trouvait beau ? Qu’est-ce qu’il pensait de lui, pourquoi lui, qu’est-ce qu’il ressentait ? Est-ce que d’autres personnes lui faisaient cet effet ?
Nouveau soupir. Nouvelle main dans les cheveux. Le regard dur, le visage fermé. Lukas ne quittait plus cette expression depuis que ce Terry était apparu. Lui et son petite sourire moqueur. Taz haïssait la moquerie. C’était probablement ce qui avait le don de le mettre hors de lui, pire que toute autre chose. Ca, et la domination.
Autant dire que Terry possédait toutes les cartes pour le faire bouillir. Et il le savait. Et ça l’insupportait, Lukas.
Son regard, trouva la radio lorsqu’il entendit les premières notes d’une chanson qu’il ne connaissait que trop bien. Machinalement, et espérant se détendre, il en monta le son, essayant tant bien que mal de chasser toutes pensées. Une chanson cool, qu’il avait écouté des centaines de fois, dont il connaissait chaque rythmes et chaque paroles par coeur. Des paroles comme des milliers d’autres, auxquelles il n’avait jamais vraiment donné d’attention, de sens. Jusqu’à maintenant.
Burn my lungs and curse my eyes I've lost control and I don't want it back I'm going numb, I've been hijacked
Son regard se fit plus dur, fixé dehors. Il connaissait la suite. Et il regretta amèrement d’avoir monté le son et, par là, attiré l’attention de Terry sur cette chanson.
I taste you on my lips and I can't get rid of you So I say damn your kiss and the awful things you do You're worse than nicotine, nicotine Yea, you're worse than nicotine, nicotine, yea
Le son se baissa brutalement sous les doigts de Lukas, si impulsif, si brutal que l’on entendait soudainement plus rien.
Quelqu’un d’autre aurait pu feindre de ne rien remarquer, de ne faire aucune association d’idée, ou de s’en ficher. Quelqu’un d’autre aurait pu intérioriser, mentir, rester de marbre, inexpressif. Mais Lukas était incapable de tout cela. Et ils le savaient tous les deux.
Renfrogné, il s’efforça de n’offrir aucune attention à Terry - il devinait d’ici son regard bien trop pénétrant, son sourire moqueur. Il les haïssait. Il les haïssait autant qu’il en brûlait. Alors, soupirant de nouveau et juste après avoir baissé le son, il s’affala sur son siège, renfonçant ses mains dans ses poches, son dos glissant et ses jambes s’écartant à peine - avachi. Il tourna la tête à l’opposé de Terry et ferma les yeux, imposant dans l’habitacle que le passager allait dormir. Et qu’on ne le dérange pas. Il ouvrit pourtant les yeux une seconde après, juste pour se redresser un instant et tourner nerveusement la molette à droite de son siège, pour abaisser celui-ci en arrière. Ainsi, il serait plus confortable pour dormir, et ne serait plus au même niveau que son professeur - leurs regards ne se trouveraient plus. Il reprit sa position, et referma les yeux.
- Désolé pour l’autre soir. J’avais pas à faire ça, ça arrivera plus.
Parce-que Lukas ne savait définitivement pas intérioriser, il fallait que les choses éclatent. Et ce sujet, tabou, beaucoup auraient évité d’en parler, auraient réfléchi à comment aborder la chose, et quand. Mais voila, c’était Lukas. Fonçant tête baissée tel le bélier qu’il est, ne prenant pas le temps de réfléchir aux conséquences.
Au moins, c’était dit. Et malgré tout, tout ça devait cesser. Parce-que, aussi peu intelligent soit-il, Lukas se connaissait très bien lui-même.
Sujet: Re: DRIVE Δ TERRUKAS #3 ♥ Ven 30 Jan 2015 - 2:21
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II est juste un bidon d’essence qui tuerait pour avoir une allumette. Pour l’avoir lui.
Il la connaît aussi, cette chanson - bien que ce ne soit pas du goût de L’Autre. S’enfonçant un peu plus dans son fauteuil, il écoute, attentif. Réceptif. Et d’un coup, c’est l’amusement qui le dévore alors qu’il entend à quel point elle pouvait décrire ce qu’il était, en ce moment. Ce qu’ils étaient.
« It's better to burn than to fade away It's better to leave than to be replaced»
Il continue, fredonnant à voix basse, se mêlant au ronronnement de son moteur. Vibrant, grave de sens. T’inquiète pas Lukas, t’as pas à avoir honte de ce que ces paroles peuvent provoquer en toi. Regarde le, ça fait longtemps qu’il a plus honte - elle a disparu en même temps que son honneur. En même temps que ses principes. La suite de la chanson meurt dans sa gorge, et il jette un coup d’oeil de côté à Lukas, qu’il sent bouger. Paniquer. Allez, comme s’il n’était pas grillé depuis longtemps. Cramé. Sans mauvais jeu de mot.
Les secondes s'égrènent, les mains sur le volant, les lèvres entr’ouvertes, trop vides, inoccupées. Et puis il y a ce silence. Ce putain de silence, celui qu’il ne peux plus supporter, celui qu’il a trop bu, à s’en faire éclater les poumons - celui qui résonne dans sa tête. Pour lui, le silence a un son, une odeur, un goût, et même un visage - celui de sa chère Grand-Mère. Un peu qu’elle est silencieuse Mamie, raide, morte, bien enterrée - sans jamais avoir été jugée. Il en bout encore, parfois. souvent. Tout le temps. Alors faute de pouvoir se venger sur elle, il se venge sur le monde entier - gamin colérique, immoral. Ses phalanges se sont serrées jusqu’à en devenir blanches - tout comme son regard s’est durci en une glace épaisse. Insondable.
« Désolé pour l’autre soir. J’avais pas à faire ça, ça arrivera plus. »
Il veut soumettre Lukas pour exister. Le posséder pour être quelqu’un. Et rien qu’en parlant, celui-ci venait de le rendre humain - brisant le silence. Réveillant son coeur gelé. Son regard s’adoucit, ses doigts se détendent, et l’air moqueur reprend le dessus. Il ne s’attendait pas à ce qu’il en parle maintenant, déjà. Il n’avait pas conscience de la vitesse à laquelle pouvait se répandre son poison - pour un scientifique, il manquait cruellement de rigueur.
« Ne t’inquiète pas, j’ai ma part de responsabilité. » C’est vrai, c’est lui qu’a commencé. Et pourtant, il s’excusera pas, Terry. Parce qu’il en voit pas l’intérêt, d’excuses creuses juste pour faire bonne figure - c’est plus l’Autre, après tout. Il ne regrette rien, il savait parfaitement, consciemment ce qu’il faisait. Et avait profité de chaque seconde. « Oui, vraiment tu n’as pas à t’excuser. J’ai fait ça parce que je le voulais. Et toi aussi. Et puis, ce n’était pas désagréable. » Comment ç’aurait pu l’être, pour eux qui brûlent de désir l’un pour l’autre et qui n’espéraient que ça - l’espèrent toujours d’ailleurs. Sa voix est calme, posée, toujours toute en velours et en douceur - pourtant, ses paroles sont nocives. Grignotent doucement sa raison.
Ce qu’il s’était passé ce soir là, ce n’était que le fruit de ta précieuse, toute puissante volonté. Satisfait, Lukas ?
Il tourne la tête vers son élève, et fait glisser son regard sur lui - bien trop lentement. S’imprègne des détails. Et l’ombre d’un sourire étire ses lèvres, alors que ses yeux se posent sur son écharpe. Déjà, l’une de ses mains s’est frayée un chemin près du cou de Lukas, qu’il effleure de ses doigts glacés - surtout comparés à sa peau brûlante. Juste un contact, furtif, errant. Déjà éloigné - et pourtant déjà trop plein de tout. Désir. Violence. Avidité - c’est les mêmes travers qui traversent se déversent.
« La marque a commencé à disparaître ? » Toujours pas d’excuses, mais une pointe d’intérêt. Parce que si la marque s’efface, il faudra la refaire. Encore et encore. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de doute sur le fait que tu lui appartiens.
Trop détendu, il fait mine de se concentrer sur la route. Alors que sous sa peau, ça commence à chauffer, piquer. La fumée de ses clopes s’est envolée par la fenêtre depuis longtemps, et plus rien ne peut l’apaiser. De toute façon, il n’a pas envie d’être calme. Pas alors que la conversation s’est enfin animée, que tout ça est devenu intéressant. Comme si tout d’un coup, la route monotone et vide - semblable à son ancienne vie - s’était parée de couleurs. Un début de choses sérieuses caché dans un sourire rieur -
II est juste un bidon d’essence qui tuerait pour avoir une allumette. Pour l’avoir lui. Prêt à exploser.
InvitéInvité
Sujet: Re: DRIVE Δ TERRUKAS #3 ♥ Ven 30 Jan 2015 - 8:23
- Ca vous regarde pas.
Cette fois, il ne fuit plus son regard. Il l’ancre au sien avec force, le défie après avoir bougé la tête de façon brutale pour se dégager de son contact dans son cou. Qu’est-ce qu’il croit ? Qu’il peut s’amuser à marquer sa peau, comme ça, par amusement, et s’en vanter après ? Demander avec insouciance si la preuve de leur... bêtise est toujours là ou pas ? Lukas c’est pas un trophée, et tout ça n’est aps un jeu, pas pour lui - pauvre idiot pris entre les griffes du loup. Oui, il a sa part de responsabilité, et même plus encore: c’est de sa faute, à Terry, à l’adulte soit disant responsable. Tout ça est de sa faute. Du jour au lendemain, Terry lui a rendu ses regards, du jour au lendemain, tout est devenu réciproque, tout s’est mis en route, un engrenage auquel Lukas ne comprend rien. Un engrenage qui va trop vite pour lui, qu’il ne maîtrise pas, dont il ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. Et ça n’aurait pas dû arriver, tout ça. Cette mécanique des coeurs, des corps. Ca devait pas se passer comme ça. Lukas aurait dû juste... passer à autre chose, se rendre compte que c’était stupide, ce crush, qu’il ne pouvait pas être attiré par un homme, encore moins un professeur - surtout pas lui qui ne va même pas jusqu’à imaginer plus qu’un baiser entre deux hommes.
Ah, ça, Lukas en est loin. Trop naïf, trop innocent, encore, pour le moment. Si il a fantasmé sur Terry empoignant son intimité, exécutant ces gestes qu’il se fait lui-même, c’est bien le pire que Lukas puisse imaginer. Veuille imaginer. Il est à des années lumières de penser qu’il puisse y avoir plus. Parce-que deux hommes ne peuvent pas vraiment, physiquement, c’est impossible, ... non ?
Non. Il sait comment ça marche, comme tout le monde à son âge. ... Et ce n’est que maintenant qu’il réalise.
- ... J’m’en fou que vous ayez votre part de responsabilité. Et que vous le vouliez ou pas, j’ai dis qu’ça arriverai plus.
Une barrière est tombée. Celle de la naïveté. Et le bélier montre les cornes, prêt à en découdre. Parce-qu’à partir du moment ou Terry a brisé les règles de la relation prof - élève, et qu’il trouve ça normal, alors Lukas le peut aussi. Rebelle, il lui suffit d’une faille pour s’engouffrer hors des règles, pour se montrer tel qu’il souhaite être, plus que tout: indomptable.
Il a fallu du temps pour qu’il comprenne, mais que voulez-vous, Lukas n’est pas le plus vif d’esprit que l’on puisse rencontrer. Et maintenant que Terry a dit à haute voix qu’il assumait, et pire, qu’il avait l’air de trouver tout ça tout à fait normal, banal, Lukas se rend compte de ce que ça signifie.
Peut-être que, contrairement à lui, Terry n’a pas l’intention de se limiter à quelques baisers volés à l’abris des regards. Ou, au pire, quelques attouchements. Terry est un adulte, Lukas. Et depuis la Jim’s tu sais ce que font les adultes.
Mais Terry, c’est pas Mack. Terry, c’est un homme.
Et tout prend un nouveau sens dans son esprit. La façon dont il l’a collé brutalement aux casiers, et face à laquelle Taz n’a pu - n’a voulu - se défendre. La façon dont il a persuadé Etienne de laisser partir Lukas seul avec lui. Loin d’eux tous.
... Pour réserver et dormir à l’hôtel, tous les deux, ce soir.
« J’veux sortir. »
Il manque d’air, Lukas. Il manque de place. Il étouffe. Il s’est redressé violemment, paniqué, respirant frénétiquement, s'agrippant à la poignée de la porte.
- J’veux... arrêtez vous, j’ai besoin d’air.
Besoin de respirer, de boire, de pisser, qu’importe - tous les motifs peuvent être bons pour, juste, sortir. Sortir de cet habitacle minuscule, s’éloigner de lui, imposer une distance. Fuir.
Et c’est une sensation de vertige qui le prend. Son coeur qui s’affole, son souffle qui n’atteint plus ses poumons. Et, surtout, la température de la cabine qui augmente sévèrement alors qu’il a ouvert grand sa fenêtre.
Tu es sûr, Terry ? Tu es sûr que tu la veux l’allumette ? Si oui, il va falloir faire très attention à la manière dont tu la manipule, plus que tu ne le pense - elle pourrait bien craquer avant de s’enflammer.
Sujet: Re: DRIVE Δ TERRUKAS #3 ♥ Ven 30 Jan 2015 - 11:54
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Chaque instant est unique - chaque instant est à brûler. A consommer avec passion.
« Un problème ? » Il s’amuse.
Oh regardez comment il s’amuse, un grain de malice coincé dans sa gorge, un petit air suffisant scotché à son visage. C’est qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il ait cette réaction, Lukas - il pensait qu’il avait compris depuis le début. Il ne le pensait pas, ne le savait pas si naïf. Et c’était drôle à voir, presque attendrissant - trop tentant.
Sur le coup. Parce que quand Lukas s’est mis à vraiment paniquer, quelque chose a changé. Comme ça, d’un coup. C’est de la faute à sa respiration, saccadée, pareille à celle d’une vieille locomotive. La panique mécanique qu’il ne connaît que trop bien - avant de pouvoir s’en empêcher, il s’est vu à sa place. Il a respiré son malaise - et il a pensé à l’Autre. Il s’est demandé si lui aussi, il ressemblait à ça, cette nuit où il avait tout abandonné pour renaître. Son sourire s’efface, alors que son regard s’accroche à son élève. Y’a comme un goût désagréable qui lui caresse la langue.
Terry a trouvé ça pitoyable. Et surtout très agaçant. Versatile, il a commencé à se perdre en lui même, suivant le rythme donné par le coeur de Lukas.
« Tu vas devoir attendre un peu, la prochaine aire est dans 5 minutes. » Le ton détaché, trop simple, trop froid.
Il ne sait pas quoi penser - ou plutôt, il n’arrive pas à démêler ses émotions qui s’entrecoupent et se déchirent. C’était simple avec l’Autre - c’était soit la joie coupable, soit la peur. Mais là, c’était trop de choses à la fois. L’agacement de voir que certaines choses peuvent lui échapper - qu’il pourrait lui échapper. Contrarier ses désirs, ses jolis plans, le laisser avec ce vide dans le ventre. Et en même temps, il est fasciné - de voir que les choses peuvent s’échapper ainsi, pour une simple parole, une simple caresse. Qu’il peut tout briser si facilement, bêtement. Tout est éphémère, chaque instant est unique - chaque instant est à brûler. A consommer avec passion.
La température augmente trop dangereusement, et il desserre un peu sa cravate. Lui sait mieux que quiconque ce qu’un don peut faire lorsqu’il est fou de panique. Et avec un don aussi dangereux que celui de Lukas … Heureusement, l’aire est déjà là, et il s’y arrête dans un crissement de pneus - sans pour autant débloquer les portes. Il décroche sa ceinture, et se tourne vers Lukas - attendant que celui-ci le regarde pour commencer à parler.
« Avant de te laisser sortir, j’aimerai juste te dire ... » Il se penche un peu plus, une main encore sur le frein à main, l’autre posée sur le rebord de la fenêtre. Et il plonge. Plonge en lui, plonge dans ces yeux d’ambre qui sont noyés de peur. L’espace d’un instant, il faillit lui dire que tout irait bien. Qu’il ne ferait rien de mal. L’espace d’un instant, c’est l’Autre qui faillit ressurgir. Foutue fatigue, foutu manque, foutue chaleur. Foutue frustration.
Face à tout ça, il ne peut faire qu’une chose. Sourire. Ses mains glissent, bougent, et enserrent les poignets de Lukas. Doux, caressant. « Que tu ne devrais pas t’empêcher de faire ce que tu veux. » D’avoir qui tu veux. Personne n’a le droit, personne n’est en pouvoir de t’interdire quoi que ce soit - pas dans ce monde où la règle est de voler ou d’être volé. Il s’éloigne, collant son dos à la portière, passant une main dans ses cheveux. Le dévorant une fois de plus du regard. Dans l’habitacle, il a l’impression que la chaleur a pris son odeur. A moins que ce ne soit le contraire. C’est lui, qui avait toujours eu cette odeur de flamme, de soleil. Trop attirant pour un lunatique comme lui.
« On reprend la route dans 10 minutes. » Pas une de moins, pas une de plus. Alors maintenant, à toi de faire ce tu veux, Lukas. Fuir comme un lâche, ou l’affronter, lui qui est prêt à poser cartes sur table. Lui qui n’a plus la force de mentir, ni de se cacher. Juste celle de se laisser entraîner dans ses désirs qui grossissent, encore et encore, filant de plus en plus vite - comme une comète. Un météore. Quelque chose qui finira bien un jour par s’écraser.
Reste à savoir, Lukas, si tu peux encore prétendre vouloir l’arrêter. Mais ne pense pas que tu en aies le pouvoir.
C’était ce qui avait failli s’échapper de ses lèvres, alors qu’il les avait entr’ouvertes, plongé au plus profond des yeux sublimes de son professeur. Trop charismatique. Trop envoûtant. Trop addictif.
Mais Terry l’avait lâché, et s’était reculé. Comme sortant d’une hypnose, en une seconde, Lukas avait cligné des yeux, détourné ces derniers. Il était resté là, immobile, fixant inconsciemment le pommeau de vitesse. Et lorsque Terry lui avait accordé dix minutes, hésitant, Lukas avait finalement acquiescé avant de sortir de la voiture.
En une seconde, une nouvelle cigarette s’était glissée entre ses lèvres. Il n’en fit pas éclater les capsules. Peut-être pour avoir ce goût dégueulasse plus semblable à ce que fumait Terry. Peut-être, pour avoir un semblant de son goût à lui dans sa bouche. Lukas s’éloigna de quelques pas, s’efforçant de se calmer - du moins, intérieurement, car dès lors que Terry l’avait touché, sa respiration avait cessé de s’affoler (elle s’était juste coupée) et son regard, perdu, affolé, s’était ancré au sien. Apaisé.
Il n’y comprenait plus rien. Pourquoi, parfois, il crevait de peur, s’affolait, désirait fuir, tandis que d’autres fois, il trouvait encore sa présence rassurante, réconfortante. Agréable. Comme avant. Il pensa avec ironie qu’on aurait dit qu’il y avait deux Terry en un. Qu’une partie de lui l’effrayait, quand l’autre le rassurait.
Sa seule certitude était que, peu importe le moment, il ne cessait jamais de le désirer.
“Tu ne devrais pas t’empêcher de faire ce que tu veux.” Bien-sûr que non, ça il ne le faisait jamais, Lukas. Il haïssait qu’on lui donne des ordres, ou qu’on l’empêche de faire ci ou ça. Il faisait toujours ce qu’il voulait, pensait-il, soucieux, fumant en faisant les cent pas non loin de la voiture. .. Mais il le voulait, Terry, non ? ... D’une certaine façon, oui.
Alors au nom de quoi s’en empêchait-il lui-même... ? La réponse lui vint toute seule, le gangrenant au niveau de l’estomac comme un poison infâme.
La peur.
Après avoir été soumis et humilié par les S, après avoir laissé ta magie - que tu as toujours dominé - te défigurer, ne t’es-tu pas promis que tu n’aurais plus jamais peur de rien, Lukas ?
Si. Si, c’était sa seule et unique promesse à lui-même.
Il glissa un regard vers la voiture, ses yeux s’accrochant à la silhouette de Terry. Il l’observa un instant, simplement, entre deux bouffées toxiques.
« C’est bon. » Lâcha t-il simplement en refermant la portière derrière lui après s’être glissé dans l’habitacle. Il avait prit le temps, les dix minutes offertes, fumant et faisant les cent pas, respirant, réfléchissant. Se calmant.
La dernière chose qu’il avait dite à Terry sur le fameux sujet était “ça n’arrivera plus”. Et ne remettant pas les choses sur le tapis, ils en restaient là pour le moment. Lukas n’avait plus l’intention d’en parler. Il n’avait pas l’intention de quoi que ce soit. Wait and see. Il était peut-être temps d’appliquer la sagesse de John. Alors quoi... ? Il allait juste attendre de voir à quelle sauce il allait se faire manger ? Cette idée lui était insupportable. Tout comme celle que Terry le considère comme acquis.
... Tout comme l’idée qu’en effet, “ça n’arrive plus”. Lukas se maudit de ne pas réellement vouloir ce qu’il avait imposé. Pourtant il le fallait. Pourquoi, il n’en savait rien. Mais quelque chose, peut-être son instinct sauvage, farouche, défensif - ce quelque chose lui hurlait de ne pas laisser de nouvelles choses arriver.
“Embrassez-moi.”
De nouveau, il le fixait, désormais assis à ses côtés. Et son regard était dur, supérieur. Il crevait d’envie non pas de le lui demander, mais de lui ordonner. Probablement pour se rassurer; se dire qu’il avait encore les cartes en main. Qu’il maîtrisait la situation. De toute façon, ce devait être le cas, au fond... Puisque Terry lui avait accordé sa pause lorsqu’il l’avait demandé. Tout comme il s’était laissé faire quand Lukas l’avait plaqué au mur pour l’embrasser, dans les vestiaires.
Oui, c’était bon. Lukas n’était pas soumis. Lukas avait encore le contrôle.
« Je m’empêche pas de faire c’que je veux. Vous en avez eu la preuve dans les vestiaires. Coller son prof au mur pour l’embrasser j’appelle ça faire c’que je veux. Et j’ferais toujours tout c’que je veux. »
Acheva t-il avec une dureté féroce, le regard plein de défi, gonflé de cette fameuse assurance bestiale qu’on lui connaissait - celle qu’il avait au fight club, quand il alignait ses adversaires à terre. Celle qu’il avait lorsque ses yeux se zébraient d’éclairs ambrés lors de sa maîtrise de flammes.
Celle qui le caractérisait lui, Lukas, le gamin violent, farouche et indomptable.
Mais pour chaque morsure, il te bouffera, te dévorera jusqu’au coeur.
Le regard de Lukas accroché à son profil. Il le sent, courir sur sa peau - et il redresse ses épaules sur son siège. Il alourdit sa présence de manière proportionnelle à l’intensité qu’il puise dans le regard de Lukas. Enfin il l’a retrouvée, sa précieuse allumette. Toujours agressive, un peu dangereuse - diablement attirante, trop dévorante. Rapports de force, bras de fer. Chacun d’eux tente de se débattre, de se battre. De dominer le désir de l’autre. Il suffit d’une étincelle pour que la compétition reprenne. Et ces simples mots lancés impulsivement par Lukas avaient eu l’effet d’un coup de révolver, d’une balle directement tirée dans ses envies de jeux, de manipulation - ses envies de lui.
♪ I'll never get your bullet out of my mind How can I get your bullet out of my head now I have no control ♪
La radio avait repris son fond sonore depuis qu’ils étaient repartis, et une fois de plus, elle avait fait des miracles - ou plutôt de cruelles coincidences. D’un geste lent et mesuré, Terry baisse le son - pour mieux profiter du bruit, de l’odeur - du shot d’adrénaline que Lukas venait de lui offrir. Tu mords, tu mords Lukas - encore un peu démon dans l’âme. Mais pour chaque morsure, il te bouffera, te dévorera jusqu’au coeur. Et maintenant que tu l’autorises à se dévoiler, il ne voit plus ce qu’il l’empêche de passer à table.
Après un moment de flottement à respirer la combativité de l’air, il se décide enfin à parler. A répondre. A attaquer. « Parfait.» Ses yeux ne quittent pas la route, mais l’on peut quand même facilement deviner la lueur malsaine qui les habite. Satisfaction. Si Lukas estime que tout ça vient de sa propre volonté - s’il estime que tout ça vient du plus profond de ses entrailles, il est bien heureux de lui avoir rendu service. Si attentif, Terry - ironie dégueulasse.
«Dans ce cas, tu ne verras pas d’inconvénients à ce que moi aussi, je fasse ce que je désire ?» Clac, c’est sa réponse, suavement glissée, secrètement menaçante. Il tourne la tête et répond enfin à son défi - le regard rempli d’autant sinon plus d’animalité que lui. Ses pupilles transpercent, déshabillent - glacent jusqu’à l’os. Et sans même plus regarder la route - la monotone droite banale vide et insipide - il se penche brusquement.
Et il l’embrasse. Pas comme la dernière fois, pas comme contre les casiers, où il n’avait pris qu’un millième de ce que qu’il voulait prendre - non. C’est la rage, la violence, tout ce qui crie, hurle dans ses tripes et dans celle de l’Autre. Un poison concentré de frustration, de tabac, et d’interdits - directement glissé entre ses lèvres. L’une de ses mains quitte le volant pour agripper les cheveux de son élève, pour lui rabattre la nuque en arrière. Pour qu’il le sente - ses lèvres, sa langue, son odeur - lui lui lui.
Il s’en fout bien, de pouvoir crever d’un bête accident de la route - quand un simple baiser lui donne la sensation de mille et une morts extatiques.
Et tout ça, c’est une fois de plus trop court - bien trop court. Même pas plus d’une minute. Sa bouche se détache de celle de Lukas dans une morsure, et son regard brille, brille de malice. « Nous voilà quittes.» Pour la morsure ? Pour le baiser ? Ou pour cette torture délicieuse qu’ils s’infligent chacun, l’un à l’autre ? Peu lui importe au final. Il sait juste que c’est ce genre de phrases qui énerve Lukas - le rend agressif. Et il veut continuer, continuer de découvrir cette part sauvage qui rugit au fond de lui - le gamin ravagé et ardent. Le gamin qu’a la puissance de le perdre. Bien sûr qu’il sera à lui, lui appartiendra rien qu’à lui - et plus rien ne pourra plus l’arrêter. Pas même l’Autre.
Après lui avoir lancé un dernier regard - morsure de givre - Terry s’est reconcentré sur la route, le laissant là, remontant le son de la radio, un sourire planant sur ses lèvres conquérantes. Jusqu’où ira ce pernicieux divertissement entre ces deux âmes insubmersibles, ces deux volcans incendiaires ? Car il est certain que ça ne s’arrêtera pas là - ni pour lui, ni pour Lukas. Car ‘quittes’ - ce n’est plus assez. Mais déjà bien trop peu.
... Parfait... ? Lukas fronce les sourcils, glisse un regard sur le côté, sur lui. ... Ca veut dire quoi ce parfait ? Il est content que Taz ait pleinement le contrôle sur ce qu’il fait ? Si c’est le cas, tant mieux, mais le jeune homme en doute, en voyant le regard de son aîné. Il a beau regarder la route, y’a quelque chose qui tourne pas rond dans les yeux de Terry. ... Et c’est ça en permanence. Lukas renifle, se redresse, rabat le siège dans sa position initiale. Parce-que, bizarrement, l’idée d’être presque allongé à ses côtés le met bien plus mal à l’aise qu’il ne le pensait lorsqu’il avait abaissé son siège quelques minutes plus tôt. Avant de penser à... tout ça. Son regard retrouve l’extérieur, comme toujours, sans vraiment le regarder - il reste pensif, et légèrement nerveux. Il l’est toujours, en sa présence, et c’est fatiguant. Fatiguant et frustrant.
« Dans ce cas, tu ne verras pas d’inconvénients à ce que moi aussi, je fasse ce que je désire ? »
Il tourne la tête vers lui, et leurs regards s’accrochent, s’agrippent férocement l’un à l’autre. Mais le sien est trop pénétrant, trop intrusif, trop profond; et Lukas perd pied, flanche - il cille, dérouté.
Et c’est la seconde qu’il faut pour que Terry fonde sur lui.
Il en attrape le bras de son professeur avec force, y plante ses ongles, comme son autre main le fait dans son siège près de sa cuisse. Ses cheveux sont tirés, sa tête malmenée en arrière - son coeur se tape un sprint bourré de violence, d’injustice, de colère, et de peur - celle de la route, cette route sur laquelle ses yeux terrorisés s’ancrent alors que, effrayé à l’idée d’avoir un accident, il ne peut répondre au baiser, trop chahuté, trop surpris. Trop forcé.
Alors il serre son bras de toutes ses forces, rive son regard sur lui, tranchant, assassin. Et il répond à cette attaque avec toute la colère qu’il ressent devant cette domination, celle qui l’insupporte, le pourri, le ronge, l’éclate.
Une réponse faîte d’une ardeur qui ne peut plus accorder crédit à cette soit disant volonté que ça n’arrive plus.
Il n’a pas fini, Lukas. Il est toujours là, comme suspendu à ses lèvres, toujours bouffé de colère. Il a eu beau lâcher son bras, il impose à Terry une lourde présence, pesante: il le fixe, il ne le lâchera pas. Pas sans réponse. Parce-qu’il en a assez de jouer. Déja. Impatient bouillonnant.
« J’croyais qu’vous sortiez avec ma cousine. »
Oui, il s’en rappelle très bien, Lukas. De cette fois là sur la Chatbox de l’école, quand Arsène écrivait sur le compte de Terry. Quand elle disait être chez lui. Sur son pc. Sur ses genoux.
Il s’en souvient comme si c’était hier, de cette fois ou sa jalousie pour Terry est née. Brûlante. Explosive. Il l’a gardée au fond du ventre et en travers de la gorge, n’admettant pas encore son attirance, refoulant encore pleinement quoi que ce soit. Mais cet instant lui est resté là, quelque part, peut-être même beaucoup plus proche de son coeur qu’il ne le croit.
« Si elle a des sentiments pour vous et que vous vous foutez de sa gueule, et qu’en plus vous jouez avec moi, j’vous éclate. M’en fout qu’vous soyez un prof, avec c’que vous êtes en train de faire vous serez renvoyé avant moi si j’parle. »
Est-ce que tu sais, Terry ? Est-ce que tu sais ce qu’a vécu Arsène ? Est-ce que tu sais que ça s’est déroulé devant ses yeux à lui, ses yeux d’enfant, et que depuis, il a développé un complexe de protection envers elle ? En plus d’être de sa famille, en plus d’être une fille malade, c’est celle qui a subit ses cauchemars à lui.
C’est celle qui sait tout de lui. C’est celle qui, bien avant toi, et bien plus que toi, le connaît à nu. Arsène est plus proche de Lukas que tu ne le sera jamais. Peu importe la force que tu y mets.
Mais peut-être que là encore, c’est un nouveau défi que tu souhaite relever.
Stuck in reverse - il est l’Amour et son contraire.
Pourquoi ? Pourquoi tu te demandes pourquoi ? Il y a pas de pourquoi à chercher, à trouver, si ce n’est - Pourquoi faut-il toujours avoir une raison à tout ? Enfin libéré des questions et problèmes qui lui bousillaient l’âme, il n’a pas envie de répondre, Terry. D’ailleurs, il serait resté silencieux, les lippes étirées, si seulement Lukas ne l’avait pas ramenée sur le tapis.
Arsène.
Un frisson désagréable, et la dureté de ses pupilles qui redouble d’intensité. C’est un terrain dangereux que t’entreprend de conquérir là, Lukas. Il tourne la tête, le trouvant déchaîné, l’éruption au bord des pupilles. C’est pas ce qu’il voulait ? La fin de ces petits jeux, et l’obtention de la victoire ? Il ne sait plus, et n’a pas envie de se le demander. Alors il se contente de répondre, plus honnête que jamais - lui le mensonge suintant du coeur de l’Autre. Un rire sans joie glissé dans un souffle.
« Arsène ne m’aime pas.» Tu devrais le savoir, qu’elle n’aime personne. Et surtout pas l’Autre, surtout pas cette faiblesse incarnée. Elle ne voulait que son corps, elle ne voulait que se prouver qu’elle pouvait tout avoir. C’était l’Autre, le fou. L’Autre, qu’avait laissé son coeur s’emballer un peu trop vite pour cette garce. Il ne ferait pas la même erreur. Son premier amour - premier amour de sa nouvelle Vie, il l’ancrera de force - sans se permettre d’en subir la pâle tiédeur. Il veut le feu ardent de la passion avant l’amour, et la possession avant l’abandon. Il veut construire son monde à l’envers de celui de l’Autre. Stuck in reverse - il est l’Amour et son contraire. « Je ne l’aime pas. Il n’y a jamais rien eu. Certains jeux sont plus sérieux que tu ne le crois. Et j’aimerai bien te voir essayer de m’ ‘éclater’. » C’est dit si sans émotion - vide de remords. Méthodique, plat, sauf sur la dernière affirmation. Pourtant, il y’a l’Autre qui hurle en silence, là, tout au fond. Mais ça fait bien longtemps que Terry n’écoute plus le silence - ne peut plus l’entendre. Sa folie fait bien trop de bruit.
« Tu es jaloux ? » Les émotions reviennent colorer sa voix avec leur habituelle malice. T’as pas remarqué, Lukas, que ses sourires, ses rires et ses regards ne s’allument que pour toi ? Toi la proie, l’objet de son obsession. Toi qui au départ devait-être uniquement un moyen de se venger d’Arsène - une punition envers l’Autre. Au final, les choses ont bien changées - rien ne s’est passé comme prévu. Et c’est brillant, génial, magnifique - et ça lui plaît, l’enchante. Il est content de t’avoir choisi - toi qui le regardait, qui gonflait son arrogance. Parce qu’il te voyait. Il t’a toujours vu - malgré l’Autre qui lui cachait les yeux. Il est heureux - bien plus heureux que l’Autre qui n’ouvrait jamais son coeur au plaisir.
Il est heureux, mais il lui manque encore beaucoup de chose. Trop de choses - trop d’années. Es-tu jaloux, Lukas ? Car lui l’est. Il est jaloux de toi, qui peut attaquer et mordre sans réfléchir, sans risquer quoi que ce soit. Il est jaloux d’Arsène, qui te connait tellement, bien plus qu’il ne peut l’espérer. En plus d’avoir humilié l’Autre, voilà qu’elle te vole - t’a volé avant même qu’il commence à t’approprier. Oui, il est jaloux. Mais t’inquiète pas, il se ira se battre pour te bouffer comme elle l’a fait - il griffera pour se faire une place en toi, au dessus de tout le monde. Une place où tu ne pourras jamais l’oublier, et toujours le regarder.
♪ And I can't stop 'til the whole world knows my name 'Cause I was only born inside my dreams Until you die for me, as long as there is a light, my shadow's over you ♪
Son regard file vers Lukas, profond, perçant. Limpide, témoignant de sa confiance - y’a plus l’ombre d’un trouble. C’est clair, clair comme le bleu de ses yeux, transparent. « Tu ne parleras pas de tout ça.» Sa voix vibre sous l’évidence et le sourire qui orne ses lèvres. Assurance. Parce que si tu parles, tu me perds - et c’est quelque chose que tu ne peux pas te permettre. Pas plus que moi.
Le regard est brûlant. Le goût de cette évidence, amer. Est-ce qu’il est jaloux ? La flamme de ses prunelles qui fuient de nouveau à travers la vitre, ses bras qui se croisent sur son torse et son dos qui se voûte - bien sûr. Bien sûr, qu’il est jaloux.
Parce-que Lukas est ce condensé explosif, faît de milles émotions, il les absorbe toutes, tout ce qu’il est possible de ressentir, il le ressent. Aimant à ressentis, bombe d’émotions - il vit tout, ressent tout à deux mille pourcent. Passionné. La vie est trop pleine de tout, de toutes ces choses inattendues, effrayantes, déroutantes, puissantes - il absorbe tout, ne retient rien. Tout explose toujours, fort, éclate dans des regards courroucés, des mâchoires serrées, des hurlements, des coups, des larmes, de la hargne. Il ne garde rien pour lui, il donne tout, toujours. Encaisse. Encaisse et frappe derrière.
Et concernant Terry, ça fait trop de temps qu’il intériorise, trop de temps que tout ça bouillonne en lui. Mais parce-que c’est Terry, et parce-que Lukas se veut fier, fort, indépendant et insoumis, il ne répond pas, essai encore vainement de garder pour lui. Foutaises. Il sait que tout traverse son regard, son corps, beaucoup trop expressifs.
« Tu ne parleras pas de tout ça. »
La ferme. La ferme, tu me connais pas. T’a pas à prédire, t’a pas à croire que tu me connais. T’a pas à m’imposer.
Pourtant il n’arrive pas à répondre, comme toujours, il n’arrive pas à mentir, même pas à simuler. Non, il n’en parlera pas, malgré qu’il ait ouvert la bouche dans le but de répliquer le contraire. Alors, comme d’habitude avec Terry, il se la ferme.
Et encore une fois, s’avoue vaincu. Insupportable, insupportable, insupportable.
Désinvolte, nonchalant, il voit l’extérieur sans le regarder. Il sent ses muscles tendus, ses poings fermés. il n’arrivera pas à se détendre. Ce mec est insupportable.
« ... Et vous... ? »
Il tourne la tête vers Terry, après qu’une minute de silence ait laissé à son professeur la satisfaction de savourer une énième victoire sur le faible mental de son élève.
« ... Vous êtes jaloux ? »
Ca pue la provocation. Le défi.
Parce-que Lukas n’est pas si idiot. Il y a là une situation simple: Terry l’a voulu. Terry l’a obtenu. Et Terry veut le garder. ... Mais est-ce qu’il veut le garder uniquement pour lui ? Il se le demande, car il n’a pas la capacité de lire si loin en lui. Mais plus que de la curiosité, au delà d’une réelle question, brûle cette once de défi. Moi aussi, je pourrais te rendre jaloux.
Parce-qu’il a plu à Quinn. Il a plu à Mack. Pourquoi pas d’autres. Si Lukas s’est considéré un temps comme un monstre hideux, un démon, cette brûlure lui donne une nouvelle force. Sa confiance en lui pourrait bien ne plus résider qu’en sa force, sa volonté et sa maîtrise de la magie. Il se pourrait qu’il prenne conscience que lui aussi, peut-être attirant. Désiré.
Et tout ça, c’est toi, Terry, qui est en train de lui prouver.
Et à travers son regard ambré fixé sur lui, ses bras croisés et cette force paradoxale qui émane de lui, il y a cette certitude qui se dégage de ce jeune homme expressif - dans le mauvais comme dans le bon: Si Terry provoque sa jalousie, Lukas aussi, saura lui rendre la pareille. Parce-que l’impulsivité et l’inconscience peuvent également être des armes - celles le jetant droit dans les bras d’autres, juste pour te faire souffrir. Te faire souffrir si tu le fais souffrir. Donnant donnant.
Lukas a toujours eu pour principe de rendre les coups.
Jaloux du monde. C’est tout ce qu’il est, tout ce qu’il sera à jamais.
Le plus drôle, c’est qu’aucun ne répond jamais aux questions de l’autre, préférant dévier, fuir, détourner, attaquer. C’est tout une stratégie qui s’élabore dans leurs assertions gonflées d’impulsivité. Ils avancent, reculent, se suivent, se mordent - se brûlent aussi. Surtout. Jusqu’à qu’ils soient assez proches pour entrer en collision, et pour laisser échapper la vérité. L’honnêteté.
Jaloux- Terry l’est. Il l’est à un point qui frise la folie, et pourtant, il a rien, rien à jalouser. Mais c’est les détails, les petits trucs qui le dérangent, qui le frustrent. C’est la manière dont Arsène est arrivée dans ses pensées, au milieu de cet instant qu’était censé être qu’à lui, qu’à eux. C’est comment il a parlé d’elle, comment il a juré de la protéger. C’est ce lien qui les unit, ce truc de famille qu’il a jamais eu - pas même avec son frère pour qui il ne ressent plus que de la colère. Sa famille était pourrie de l’intérieur, sa famille l’a laissé avec ce Diable, qui l’a brisé, brisé, qu’a enfoui ses libertés. Bien sûr qu’il est jaloux. Il en crève, là, tout le temps, derrière chacun de ses fameux sourires. Il en crève, depuis le début de la semaine - jaloux de ces gens qui te parlent, qui te connaissent, même de Mack, stupide qu’elle est - jaloux du monde. C’est tout ce qu’il est, tout ce qu’il sera à jamais.
Et voilà, il l’affiche encore, son putain de sourire, et c’est encore le même magnétisme qui s’opère entre leurs regards qui se captent, se croisent. Tu t’es jamais demandé pourquoi tout d’un coup son regard se faisait cet effet là, Lukas ? C’est parce qu’il y a plus rien pour cacher, y’a plus d’artifice pour dissimuler le désir insatiable qu’il a pour ce monde. L’Autre avait déjà été jaloux, d’Abel, par moment. Mais c’était un menteur, ce pauvre Autre, un simulateur. Dans son regard il y a le manque, la soif, la faim et le vide. Et si tu sombres dans son regard, ce n’est pas parce que la couleur de ses yeux est d’un bleu proche de la mer après une tempête - mais juste parce que c’est bien trop simple de tomber dans le vide.
« Evidemment. » Il a aucune l’honte à l’avouer - d’ailleurs, pourquoi devrait-il en avoir ? C’est garder ce genre de sentiment pour soi qui cause le malheur et la discorde. La jalousie, c’est un sentiment proprement humain, proprement sain. Pur, fort. Regarde, regarde comment elle le rend puissant - dans ses veines, pulsant dans son sang, jusqu’à son coeur. Il pourrait te dire beaucoup plus, Terry, si tu lui posais la question. Il pourrait t’expliquer que t’es la première personne qu’il a désiré depuis qu’il a changé. Que ton odeur est la première qu’il a appréciée. Tes yeux, les premiers qui l’ont dévoré, et qu’il a voulu dévorer en retour. Oui Lukas, tu lui a volé plein de choses, à Terry - tous ces fameux petits détails, et maintenant, il veut juste les reprendre, et te voler, pour se venger. Parce qu’il sera jamais ton premier désir, ni ton premier frisson, ni quoi que ce soit - toi, t’as déjà trop vécu, trop vu, trop ressenti.
Jaloux.
Le temps a semblé s’arrêter, pendant cette seconde où il a formulé sa réponse, son regard alourdi de toutes ces choses qu’il veut sortir de lui. Et la voiture aussi, s’est arrêtée. Clic clic - c’est le bruit des clés qui retournent dans la poche de son pantalon. Parce qu’ils étaient arrivés à la fin de leur route. Le ronronnement des moteurs étouffé, tout comme la radio éteinte, ils étaient là, face à sa vérité. L’odeur du chaud et de clope mélangée tourne dans l’habitacle - irrespirable, à s’en retourner l’estomac.
Il a sourit, différemment des autres fois - avec amertume et violence, le tout fondu sur son visage trop doux. « Evidemment, que je suis jaloux. »
Et à ces mots, il a replongé vers lui, glissant une de ses mains dans son cou pour en défaire l’écharpe et caresser son cou. Caresser sa marque - qui était toujours là, presque effacée sous sa peau. Mauve tendre, c’était la son venin, la forme de sa pitoyable mais destructrice jalousie. Son pouce roule sur la peau de Lukas, l’effleure. « Et je ferais en sorte que cette marque ne disparaisse pas. » Promesse soufflée de sa voix trop angélique pour un serpent comme lui, qu’enserre les cous et qui ne les lâchent plus. Dernier sourire, et il ouvre la portière, s’en va, prenant son sac avec lui, laissant Lukas et son désir.
Au début, il t’apprivoisera par la force - et c’est avec elle qu’il continuera de t’empoisonner de ses baisers. Mais bientôt, ce sera trop tard. Bientôt, tu t’y habitueras, et le venin dans le sang, tu en redemanderas. Encore plus de morsures, plus de baisers, plus de cette jalousie qui vous consume déjà tous les deux - t’en voudras encore. Encore encore encore