John avait décidé de partir, peu après sa soirée avec Emma Lind dans son nouveau studio d’enregistrement, en plein quartier des arts. Elle lui avait demandé si il se connaissait lui-même assez pour savoir ce qui lui ferait du bien, et il lui avait avoué avoir besoin de changer d’air. Changer d’air, mais également revoir son frère. Un modèle, un guide, ses racines - son frère était un repère qu’il avait perdu par loyauté pour Olive, mais cette séparation n’avait plus de sens à ses yeux aujourd’hui. Olive avait pardonné John, et John avait pardonné son grand-frère. Ce dernier venant vivre à Londres, John prévoyait de le revoir, pour la première fois depuis trois ans. Et après avoir passé une agréable soirée avec Emma, il était parti, ne lui laissant qu’un baiser au coin des lèvres et lui confiant qu’il devait quitter l’île un temps, pour se retrouver.
Le dernier jour de janvier, il était arrivé à la gare, où son grand-frère l’attendait. Il y avait croisé Etienne et Olive, s’embrassant fougueusement. Cela l’avait conforté dans l’idée qu’il devait passer à autre chose.
Au moins pour un temps.
Il avait donc passé près de deux semaines dans le nouvel appartement de son frère, à retrouver celui-ci. Rattraper trois ans de vie non partagée. Reconstruire le lien que cette affaire avait brisé. Son frère lui avait demandé si John savait où était Olive et ce dernier avait dû mentir, dire qu’il ne l’avait jamais revue. Ignorant que, de son côté, Olive aussi l’avait protégé, lorsqu’elle avait croisé un membre de son cartel cherchant les frères Corso.
John avait prit du bon temps à Londres, se ressourçant, retrouvant son assurance, son ambition - tout ce qui faisait qu’il était lui, et qu’il était fort. Olive l’avait blessé en entretenant une relation avec Etienne et c’est en la pardonnant - pour lui-même - et en ouvrant son coeur à Emma qu’il parvenait à s’apaiser. Il ne savait pas vraiment ce qu’il en était, avec l’apprentie professeur de musique. Il y avait eu ce baiser, cette tendresse, cet autre baiser chaste au coin des lèvres, et rien de plus. Avec Emma, tout lui semblait fragile, si délicat, et lui même adoptait cette conduite en retour, exposant de lui ses facettes les plus tendres. Elégant, mature, passionné. Emma faisait ressortir de lui une personnalité différente de celle qu’il montrait à Olive. Il ne mentait ni à l’une, ni à l’autre, il était toujours lui-même. Mais il avait la capacité de s’adapter pour plaire, de montrer les nuances que chaque femme préférait. Mais il ne pouvait faire ça éternellement, surtout si les choses devenaient sérieuses.
C’étaient des nuances de rose et qui coloraient le beau bouquet de roses qu’il tenait en main ce jour là. Dans le langage des fleurs, ce bouquet signifiait l’affection, la douceur, la beauté féminine et le sentiment amoureux. Et c’est à la porte de l’appartement d’Emma et Abel, qu’il venait de sonner en cette fin de matinée, vêtu d’un élégant costume, le jour de la Saint Valentin. Il s’était assuré par un LMS à son ami Abel que celui-ci serait dehors pour la journée. Et comme il l’avait espéré, Emma était là, lui ouvrant la porte, surprise car ignorant qu’il avait l’intention de venir.
- Joyeuse Saint-Valentin., dit-il de sa voix suave, prenant sa main avec douceur pour y déposer un baiser avant de lui tendre le bouquet.
Il ignorait si elle avait des choses à faire, ni même ce qu’il en était entre eux.
- Désolé de débarquer à l’improviste mais je voulais pas me contenter d’un LMS.
Elle était confuse, et lui fut naturellement invité à entrer. Elle referma la porte derrière lui et le dépassa dans le couloir, s’excusant du désordre. Mais il ne la laissa pas continuer ; ses mains se posèrent sur la taille d’Emma et il l’attira en arrière, contre lui, agissant pour la première fois avec elle de façon surprenante, rapide et imprévue. Un baiser fut déposé sous son oreille. Un second plus bas dans son cou. Et un troisième sur son épaule.
- Tu m’a manqué., confia t-il après quelques secondes.
Et il la lâcha pour la contourner, la regardant avec un sourire devant son expression pantoise.
- Je ne sais pas ce qu’il en est entre nous, Emma. Mais si tu veux toujours de moi de la façon dont tu m’a embrassé l’autre soir, alors je vais me montrer à toi tel que je suis... dans l’ensemble. Je ne te dévoilerai plus uniquement les quelques facettes susceptibles de te plaire. Je serai entier. A prendre, ou à laisser.
Il s’arrêta là, dans le couloir, face à elle. Et déja, sur son visage, dans ses yeux sombres, apparaissaient plus de nuances, de celles que connaissait Olive. Plus intenses. Plus dynamiques. Plus espiègles, sans néanmoins manquer d’un quelconque respect. Plus... téméraires.
- Tu peux me mettre dehors maintenant, si ça ne te va pas. Je comprendrai. Autrement, si rien n’a changé depuis l’autre soir... Attends toi à ce que je cesse de te considérer comme une femme au delà de toute autre, inaccessible. Tu es une femme comme une autre, quoi que sublime et passionnante, et je suis un homme comme les autres, sous ton charme. Alors permet moi de te fréquenter en étant pleinement moi-même et d’égal à égal avec toi, sans plus de rapport de prof à élève, ou met moi dehors maintenant et on s’en tiendra aux cours efficaces que tu me donne - sauf si tu ne veux juste plus me voir, je disparaîtrai.
Il sourit soudainement en baissant la tête, se mordillant la lèvre, et releva son regard profond dans le sien, comme amusé.
- Ca veut aussi dire moins de retenue, dans mon habituelle honnêteté et analyse des situations., et il reprit plus sérieusement. J’ai toujours été moi-même avec toi. Mais... voila tout ça n’est qu’une façon de te dire que je veux être l’homme qui partagera ta vie pour les moments à venir. Avec tout ce que ça implique, que ce soit face aux autres, ou entre nous.
C’est à ce moment qu’il réalisa que sa témérité était un aspect de lui dont il ne pouvait se passer. Alors, si elle ne plaisait pas, ou effrayait Emma, c’est qu’ils n’étaient pas faits pour se fréquenter. Il jouait cartes sur table, cessant d’effacer pour Emma cet autre aspect de lui qu’il n’osait pas lui montrer.
Cet autre aspect de lui, qu’elle avait aimé.
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