there is a light that never goes out (avec Dhakwan)

Aujourd'hui, Clarance était à la bibliothèque, et ce n'était pas pour lire.
Certes, c'était ce qu'elle avait fini par faire, parce que, même pour elle, rester assise à une table pour fixer quelqu'un n'était pas très subtil. Elle était donc plongée dans le concentré de finesse littéraire et de psychologie que représentait le club des cinq - si elle avait vraiment voulu impressionner quelqu'un, quelque chose de plus sophistiqué eût été judicieux, mais, pour parler en euphémismes, Clarance ne maîtrisait pas pleinement le concept de la "séduction". En plus, elle avait un faible pour les livres pour enfants.

Clarance avait la mauvaise habitude de suivre les gens qui lui plaisaient.

Il était certain qu'elle éprouvait des difficultés à avoir un comportement normal en société, ou plutôt disons qu'elle passait totalement à côté, car l'usage du mot "difficultés" pourrait sous-entendre qu'elle faisait des efforts. De sa part, il n'était pas surprenant qu'elle considère que l'espionnage était une pratique acceptable. Pour elle, cela s'appelait de la documentation. Elle voulait vraiment savoir quel type de produits capillaires utilisait ce gars là, comment pouvait-il avoir une couleur et des reflets aussi parfaits sur une telle longueur ? Un pur mystère.

"Ce gars là", c'était, selon les informations qu'elle avait récoltés, un garçon de 17 ans, en classe D, qui s'appelait Dhakwan (elle n'était toujours pas sûre de l'orthographe). Et qui n'était pas du tout désagréable physiquement. Moralement, de ce qu'elle avait vu, il souriait tout le temps, riait presque autant et ressemblait, de manière générale, au genre de personnes qui sauvent des chatons abandonnés dans la rue. Or, comme chacun le sait, plus une personne semble honnête et sympathique, plus elle avait de chances d'être un psychopathe à l'intérieur, c'était évident. C'était pour le bien de la santé publique que Clarance faisait cela. Et pour les cheveux. Les cheveux.

Se complaisant dans son déni, Clarance suivait vaguement les aventures des petits détectives tout en lançant, à intervalle régulier, des regards d'une discrétion sans pareille au jeune homme de la table d'en face. A un certain moment, voulant finir un chapitre "passionnant" (source : l'imposant journal mental des choses que Clarance ne dira jamais de vive voix), son nez resta plongé un peu plus longtemps dans le livre et, quand elle releva la tête, il n'était plus là.

Elle eut un bref instant de panique et tourna la tête de tous côtés pour le repérer. Il n'était pas parti, tout de même ? C'était une mauvaise idée de prendre un livre !

Clarance se retourna tellement vite qu'il était surprenant que son cou ne se soit pas désarticulé et son coeur fit un littéral bond dans sa poitrine avant de commencer à battre à un rythme effréné. Le visage de l'autre idiot était à quelques centimètres du sien. Ses cheveux outrageusement reposaient même au-dessus de son épaule, qui les y avait invités ? Elle ne voulait rien de plus que de s'enfuir en courant. Mais Clarance Luscinde ne s'enfuyait pas en courant, cela serait indigne de sa part. Fais face, Clarance, ce n'est qu'un imbécile aux cheveux longs, qui rit trop fort et aime faire peur aux pauvres innocents.

Elle posa la main sur son coeur, essayant de se calmer, et le regarda dans les yeux. Ils étaient dorés, ces yeux. Ca ne pouvait pas être naturel, n'est-ce pas ? C'était injuste envers ceux qui avaient des yeux d'un marron ennuyeux comme elle.

"Je ne vois pas de quoi tu parles."

Sa voix était claire et inexpressive, comme toujours, mais sa réaction et la rougeur de son visage démentaient ses paroles. Bordel, à cette distance il pouvait probablement même entendre ses battements de coeur. A cette réalisation, elle s'éloigna légèrement en déplaçant sa chaise loin de lui pour établir une distance de sécurité. Arriver derrière elle comme ça... Elle espérait au moins que sa froideur le ferait fuir. Certes, il était impossible qu'il ait cru à ce qu'elle venait de dire, mais elle avait quand même fait passé le message : "Je ne veux pas te parler, va-t-en et laisse-moi écumer ma honte dans mon bouquin pour enfants." Au moins, elle avait réussi à ne pas crier lorsqu'il l'avait surprise.

Le club des cinq, délaissé, gisait au sol ; elle l'avait laissé tombé. Elle le ramassa tout en regardant Dhakwan en chien de faïence, et ramena le livre contre sa poitrine dans une attitude défensive inconsciente. Clarance avait tout du criminel pris en flagrant délit de vol et du furet qu'on attaque. Ridicule.