What the hell am I doing here?

Je lui devais bien ça… En la voyant au clocher, et en l’observant attentivement Chez Tonton Dwayne, définitivement le nom est vraiment stupide, elle avait souffert de mon absence… Elle a été touchée par l’épidémie. Elle n’a pas été aussi chanceuse que moi sur ce point de vue… Même si j’ai été indirectement touché par cette merde.
J’ai parlé du bal à mon père, je suis rentré à Londres un peu après que toute cette histoire ce soit tassée. Il avait tout deviné sans que j’aie eu besoin de lui dire quoique ce soit. Il m’avait simplement demandé si ça allait mieux, quatre ou cinq fois, et je lui ai répondu quatre ou cinq fois que oui. Il m’a fait boire pour tenter de brouiller le bon fonctionnement de mon cerveau et voir si ça allait vraiment bien. Et tout plein d’autres petits stratagèmes. Montré des scènes de crimes, me faire peur, me provoquer… Mais ça allait, ça recommençait à revenir à la normal…. Enfin la normal… Selon mon référentiel. L’espèce d’handicapé social que je suis, toujours en décalage avec les autres. En un peu plus cassé et perdu… Aussi perspicace pour lire les autres qu’aveugle quand il s’agit de sa personne.

Il était surpris et très content que j’ai accepté d’y aller même si l’idée me déplaisait. « Peut-être que tu ne mourras pas tout seul en fin de compte… Tu devrais ouvrir un peu plus les yeux au lieu de te refermer sur toi-même et de te bourrer le crâne avec des conneries du genre : « C’est impossible qu’elle puisse s’intéresser à moi, je ne suis pas comme eux… », tu es plus malin que ça, ne te mets pas la pression et accepte le fait que ce soit normal ce genre d’attirance et que ce n’est pas grave si ce n’est pas réciproque, tu n’as pas à t’en vouloir. Tu n’es responsable de rien, tu ne peux pas anticiper ou manipuler ce genre de chose, la culpabilité n’est pas logique dans ces situations… » Dans le mille père…
Ces petites vacances improvisées furent un retour aux sources. Sécher les cours pendant une semaine n’a jamais été une aussi bonne idée que cette fois-ci. J’ai repris du poil de la bête, embêté à l’idée de laisser tomber ma famille pour Noël, mais cette dernière ravie à l’idée de me voir me fondre dans la masse.
J’avais retrouvé mes amis de Londres, mon job d’étudiant en tant qu’archiviste là où travaille mon père, pour les prochaines vacances je serai assistant chercheur au laboratoire de ma mère. Je retrouvais mes repères, c’était comme un reset, ou alors un reboot après une mise à jour ? Je ne saurais pas vous expliquer mais j’étais de retour plus éveillé que jamais.

A mon retour, les cours furent rattrapés en deux jours, assimilés sur le tas. J’étais revenu juste avant les vacances. Le temps de montrer que j’étais encore en vie aux professeurs et de récupérer tous les devoirs et cours avant que tout le monde ne se volatilise.
Vacances… Puis le jour fatidique. Bien que je me sois engagé, l’idée de me claquer la porte sur la main, ou de faire une mauvaise chute en faisant du parkour pour éviter le bal, ne m’a pas épargné… Ce n’est pas le comportement d’un vrai gentleman.
Acte manqué ou non, j’ai oublié mon costume trois pièces à Londres, j’étais persuadé d’en avoir un ici… Mais il était trop serré. J’avais pris du muscle on dirait… Mais je n’avais pas oublié son cadeau de Noël. Enfin ses cadeaux de Noël… Un manuel d’herboristerie et de pharmacopée chinoise, un autre bouquin intitulé « La pharmacopée au naturel (le bon usage des plantes médicinales) » et le dictionnaire affectif des plantes. Pour ne pas la faire paniquer devant trois paquets différents j’ai tout mis dans un seul et même carton emballé, tout comme les trois ouvrages. Ils n’étaient pas donnés certes mais ils lui étaient indispensable, je la connaissais.

Dans 2 heures je devrai aller chercher Leann… Je jetai un œil sur mon lit, le
costume trois pièces que mon père m’a fait parvenir en colis prioritaire avec une carte cartonnée sur laquelle on pouvait lire : « 1°/ Le mouchoir de poche, un détail qui fait la différence, le faire contraster avec la cravate. 2°/ S’assurer de la longueur du bas. 3°/ La cravate toujours plus foncée que la chemise. 4°/ La limite de la longueur d’une cravate c’est la ceinture. 5°/ En parlant de la ceinture… Assortie aux chaussures. 6°/ Le bouton le plus haut du veston, au niveau du nombre. 7°/ Déboutonne le veston avant de t’asseoir. 8°/ Amuse-toi bien. »
Je pouffais légèrement en me remémorant le mot. Je pris une longue inspiration avant de soupirer encore plus longuement. C’était parti… Plus de retour en arrière. A moins de glisser dans la salle de bain et de me briser la nuque je ne vois pas d’échappatoire.

Je pris une douche, et je me préparais. Veston bleu, bouton marron, de même pour le gilet, chemise blanche, cravate bordeaux, mouchoir de poche assorti à la cravate. J’avais une demi-heure devant moi et tout était prêt.

Des bruits de talons dans la salle principale du bungalow, ce n’était pas Alexis, ni Candice, je connais la démarche de chacune de ces personnes. Mais ces talons-là m’étaient inconnus… J’ouvre, discrètement, la porte pour assouvir ma curiosité. « Hm. Euh. Hey. » c’était Leann… à l’avance…
Elle ne pouvait pas tenir en place j’imagine… Elle tendit un paquet emballé, j’y jetais un furtif regard, bord abîmés, papier froissé. Stress.
Je souriais avant d’ouvrir grand la porte. « Ce n’est pas avant demain. Mais … Joyeux Noël Leann. Entre-donc, on a le temps. » je pris son paquet et je le posais sous mon lit, à côté du sien. « Nous les ouvrirons demain, comme le veut la tradition, j’ai caché ton cadeau. »

Je refermais la porte derrière elle. « Le rose te va à ravir. » Lui dis-je sans oser la regarder. « Et le maquillage, bon choix de couleur, ça fait ressortir tes yeux… » toujours sans la regarder, je ne sais pas comment elle allait le prendre, j’avais arrêté de faire ce genre de remarque en général elles étaient mal perçues par les gens, de la drague apparemment… Non juste de l’observation…
Je ne savais pas si j’allais y arrive, être le petit cavalier de bal rêvé… Je n’aimais pas ces accoutrement que je trouvais hypocrite, tout le monde se sent vulnérable dedans, dans une peau qui n’est pas la sienne. J’étais malheureux en costume, uniquement porté pour des occasions particulières désignée arbitrairement par la société.
Je les aime mes costumes trois pièces… je les porte pour le plaisir parfois, c’est classe, mais dans ces circonstances ça me déplaisait…
Sans le réaliser j’étais perdu dans mes pensées, je revins à moi. « Tu vois boire quelque chose ? Ou tu veux y aller tout de suite ? Je ne pense pas que nous serons les premiers. »

J’enfilais mes chaussures, que je lassais soigneusement. « Tu as pris quelque chose de chaud pour le retour ? Dans le pire des cas j’ai ma veste… » un flash, le dos de la carte de mon père. « PS : n’oublie pas la broche pour ta cavalière. », je me relevais « J’ai failli oublier. »
Je me dirigeais vers ma table de nuit et je tirai le premier tiroir, j’en sortis une boîte, je l’ouvris, elle contenait une broche en forme de fleur destinée à être accrochée sur la robe de Leann. Je m’approchai d’elle, et je l’accrochais avec la plus grande délicatesse du monde. « Voilà… Tout est bon normalement. » lui dis-je avec le sourire tout en restant affreusement embarrassé, vous savez timidité, pudeur est mon lot quotidien.

Elle semblait préoccupée pendant que j’attachais la broche à sa robe. Puise elle me regarda et me remerciant ne sachant que dire de plus. Elle la fixait, laissant échapper un sourire songeur que je ne comprenais pas.
Elle fit une plaisanterie… Qui ne me fit pas rire, elle me laissa planter sur place… Cavalier idéal ? Tes standards doivent être vraiment bas… Je n’ai rien d’idéal. Je suis un enfer à moi tout seul… Songeur, mélancolique… Je revins à moi, Leann était assise sur ma chaise. Elle m’extirpa de ma tourmente en me demandant si Alexis était déjà partie. C’était pour combler les blancs je l’avais compris mais je lui répondis malgré mon aversion pour ce genre de discussion sans sens. « Je pense que son cavalier est déjà venu la chercher. Je ne sais pas. »

Elle se perdit dans ses pensées… « Tu sais rien ne nous oblige à rester toute la nuit là-bas, on peut rentrer un peu plus tôt et… je ne sais pas… voir un film et ouvrir nos cadeaux ? Faire acte de présence, voir à quoi ça ressemble… Peut-être même une danse… » Je n’ai JAMAIS dansé de toute ma vie, j’adore la valse pourtant… Uniquement du papier musique.
Mais j’ai lu beaucoup sur cette danse pour ce soir-là si jamais Leann en avait envie… Je me devais de faire l’effort. « Je n’oserais pas te dire qu’on n’est pas obligé d’y aller… C’est toi qui m’a fait la proposition, et j’ai accepté. Je n’ai qu’une parole. De plus tu t’es donnée tout ce mal pour ce bal. Ta robe a quelque chose de plus que les autres. »
Je la regarde attentivement. « … Elle est authentique… Je ne saurais l’expliquer… Tu l’as faite toi-même non ? Tu as dû y passer du temps. Rien que pour ça on est obligé d’y aller. Allons montrer à ces divas ce dont Leann De Laine est capable de faire. » lui dis-je avec le sourire. Je lui tends la main pour l’aider à se relever.

Il était temps d’y aller. Quoiqu’il arrive j’y serai tôt ou tard. Autant tuer le stress et l’appréhension dès maintenant et se jeter dans la foule. J’enfilais une veste longue par-dessus mon veston et j’offris mon bras à Leann. « Il est temps d’y aller. »

En sortant de la chambre, je pris le soin de verrouiller la porte à clef. Plus de retour en arrière possible.

Nous étions en route, je ne tirais pas la tronche, je ne rougissais pas, je ne souriais pas bêtement comme tous les autres qu’on a pu croiser sur le chemin. Non, mon visage était dénué de tout sentiment. Je ne laissais rien paraître, avec plus de concentration que d’habitude. Je ne laisserai personne lire en moi. Même les plus doués des télépathes auraient bien du mal à pénétrer mon esprit.
Nous arrivons aux bois, un élève masqué était adossé dos à une petite cabane assez simple. Il nous observait, je fis de même. Leann me demanda, avec une pointe de déception dans la voix, si je préférais voir Doctor Who ou le Seigneur des Anneaux. « Ne te laisse pas abattre aussi rapidement. Cette cabane renferme une én… M’enfin tu verras bien. » je me censurai, je n’allais pas lui gâcher la surprise. C’était évident à mes yeux. Tout n’est que magie sur cette île. Mais certaines personnes arrivaient toujours à être surprises... Ce qui n'était plus mon cas depuis des années... Serais-je aigri avant l'heure?
Alors oui, cette cabane renferme, forcément, une salle d’une taille incroyable, et tout sera magnifique. Tout le monde sera abasourdit. Comme toujours.

L’élève mystère confirma mon hypothèse en prenant la parole, je lui lançai un regard du coin de l’œil. Je fus pris d’une furieuse envie de faire phaser la porte et de le voir tomber en voulant la pousser. Lui arracher ce petit air supérieur et satisfait. On dirait bien que j'ai les nerfs à fleur de peau...
Mais je pris sur moi, je ne voulais pas nous faire remarquer ni embarrasser Leann. Bon il va l’ouvrir cette putain de porte, y a aucun suspense, je sais ce qu'il y a derrière…

Accompagné de Leann je m’avançais dans la salle, je lance un regard vers elle, on ne sait jamais elle pourrait s’arrêtée, émerveillée par le lieu, ce sera bête de la tirer. J’avançais en regardant devant moi, pas de mouvement de tête précipité, les yeux grands ouverts et émerveillés. Juste de petits regards furtifs sans bouger la tête.
Vu la luminosité, je dirais que le plafond est magique. Pas dans le sens magnifique, mais littéralement magique. Nuages sur la piste de danse, un énorme sapin de Noël en son milieu.
Je cherchais une table dans un coin reculé. Pour passer inaperçu. Et surtout avoir la paix. Je regardais autour de moi, pas mal de visages familiers, déjà croisés dans les couloirs. Je ne donne pas envie de venir me parler. En voulant être le plus discret possible au milieu de toutes ces personnes qui ne demandant qu'à être vu, je commençais à me distinguer involontairement des autres... Il fallait recalibrer ça le plus vite possible, me détendre et me montrer à l'aise, et redevenir une ombre.
Des stands sur les côtés, boissons, amuse-gueules, le minimum pour un bal quoi… Rien d’extraordinaire, mais les autres ne semblaient pas partager mon avis… J’avais déjà envie de rentrer. Mis mal à l’aise par la musique, la foule et cette ambiance qui me filait des frissons désagréables dans le dos. « On va s’asseoir là-bas ? Je vais nous chercher à manger. » je lui fis un sourire. J'adoptais une démarche un peu moins rigide et je me dirigeai vers les tables où je pris deux assiettes que je commençais à remplir.

Je prenais soin de ne pas toucher qui que ce soit malgré cette démarche décontractée maladroitement adoptée. Leann était nerveuse, elle n’a sûrement pas faim, mais une assiette relativement remplie peut être un bon prétexte pour rester à table sans bouger et refuser les invitations d’autrui…
Les plats étaient bien présentés… Je piochais par ici des pommes de terres, par là un morceau de la fameuse dinde de Noël… un peu de salade, de la sauce pour éviter que ce soit trop sec. Deux assiettes joliment remplies. Quand soudain dans mon dos le drame.

Un court cri d’effroi. Un élève tenant deux coupes de champagne se fit bousculer et le contenu de ses verres se renversa sur sa partenaire… Enfin traversa, j’eus à peine le temps de poser la louche que je tenais pour toucher du bout de l’index la nuque de notre malchanceuse. Le champagne la traversa, me traversa, puis traversa le sol.
Ils semblaient ne pas comprendre… Je fis mine de rien, ils se demandaient ce qu’il venait de se passer avant que le bousculeur me montra du doigt en marmonnant mon prénom. Je pris l’assiette de Leann puis la mienne. « De rien. » dis-je sans même les regarder. La jolie blonde à la robe rouge se mit à me sourire béatement en me remerciant… Enfin en me criant merci… Pour la discrétion c’était raté…  

Je réprimais aussi fortement que possible mon agacement en souriant timidement à la blonde et je retournai à notre table. Je posais soigneusement l’assiette de Leann devant elle. Puis je posais la mienne, il y avait déjà des couverts sur la table. Un serveur passa derrière, je fis un tour sur moi-même et j’attrapai une coupe de champagne au passage. Leann ne boit pas d’alcool.
Cette coupe me désinhibera un peu… Ou me rendra un peu plus aimable… De ma main libre, en accord avec la règle 7, je détachai le bouton de mon veston, qui était, en accord avec la règle 6, au niveau de mon nombril.
C’est bizarre je n’ai pas entendu parler de Kei… Bref on verra bien… « Je ne te demande pas si tu bois… Mais à la tienne. » je tapais délicatement ma coupe de champagne contre son verre avant d’avaler la moitié de ma coupe d’un trait. Les alcools fort ne me posent pas de problème en général mais le champagne s’est toujours montré traite à mon égard… D’autant plus que je suis encore à jeun.

« Oui j’ai un peu trop rempli nos assiettes, mais tu seras ravie de pointer du bout de ton joli nez ton assiette pleine avec une petite moue gênée quand on te demandera d’aller quelque part. » je lui fis un clin d’œil. « J’espère que Kei s’est habillé pour l’occasion. » lui dis-je pour la taquiner.
Le champagne monte toujours assez vite chez moi… Allais-je le regretter ? Non… Et puis si jamais il me reste une moitié de coupe pour faire taire le regret.

Leann changea du tout au tout. Au lieu du regard fuyant, elle s’accouda sur la table pour soutenir mon regard. A quoi jouait-elle ? Un concours de regard ? Puis elle me lança une pique. Qui me vexa, à ma surprise, qui fut telle, que je ne pus cacher ma déception face à cette déclaration. Je l’avais pris au premier degré.
Elle me répondit vaguement sur la tenue de Kei, je l’imaginais avec une chemise attaché avec un bouton de décalage, à moitié rentré, les cheveux en bataille. Complètement paumé.

Leann claqua ses mains sur la tables ce qui m’extirpa de mes pensées. Besoin de quoi ? Pourquoi ? Elle se leva et pris une coupe de champagne… Elle cherchait quelqu’un du regard… Que se passe-t-il ? Elle revint à la table, sourire trahissant sa gêne, je fronçais les sourcils, intrigué face à ce changement. Elle s’apprête à trinquer. « Leann, ne fait pas … ça… » trop tard, elle descendit plus de la moitié de sa coupe… Je ne puis me retenir de faire un facepalm. « Mais pourquoi tu as fait ça ? » je soupirais.
« Tu ne bois jamais… J’imagine que tu n’as pas vraiment mangé aujourd’hui… ça va te monter à la tête assez brutalement… » du bout du doigt j’avançais son assiette vers elle. « Mange, pour éponger un maximum d’alcool dans ton estomac, histoire d’éviter que tout ne passe dans ton sang… »

J’étais assez embarrassé par son geste. Et je nageais dans l’incompréhension… Un geste aussi impulsif et à l’encontre de son code de conduite… Je pose mon coude sur la table et ma tête sur ma main, je fixe mon assiette en jouant avec la nourriture sans grande motivation « Tu as raccourcis notre temps de présence ici… Mais bon peut-être que tu seras en état pour déballer nos cadeaux devant Doctor Who… » dis-je un peu embêté par ce simple mais réaliste constat.
Pourquoi… Etait-ce peut-être de ma faute ? « … Je suis désolé si c’est de ma faute que tu t’es sentie obligée de faire ça… » je repoussais discrètement mon assiette avant de reposer ma fourchette, je n’avais plus aucune envie de manger.
Et il y avait toujours cette blonde en rouge qui me lançait des regards dans le dos de Leann. J’avais beau l’ignorer, elle se retournait de temps à autre dans ma direction… Qu’elle aille au diable, j’ai d’autres chats à fouetter. Je me mis à soupirer, la soirée allait être longue. « L’alcool me rend un peu plus spontané, je ne réfléchis plus aussi longtemps pour dire quelque chose… Mais rien de plus… Alors que toi… Hmm… je suis curieux de voir l’état dans lequel ça va te mettre… » je ne crois pas si bien dire…

La soirée allait être longue… Elle mit à parler, son ton que je trouvais agressif et offensant, je vous fais un topo : « Ferme ta gueule je sais ce que je fais. ». Je n’en dis pas plus. Je me contentais de la regarder, j’étais triste et je me sentais coupable qu’elle se sentait obligée d’en arriver là… Tout était de ma faute, comme souvent. Je ne réalise pas la portée qu’ont mes paroles ou mes actes sur les gens…
Encore une fois, ce soupire agacé, plus blessant que je ne m’y attendais. Sarcasme, ironie, balancés sur un ton acerbe. Je me contentais de fixer le mur à ma droite en faisant une moue triste. Je ferai mieux de me taire…
Elle se mit à avaler à toute vitesse sa salade en disant que c’était génial… On aurait dit une hystérique sortie tout droit d’un asile…

« C’est pas comme si c’était important. Toi comme moi, on avait pas vraiment envie d’y aller de toute façon, non ? » … ça aussi, ça m’a plus touché que prévu. Elle avait trop, en effet, m’exhiber de la sorte ne m’enchantait guère… Mais je me réjouissais à l’idée de passer du temps avec elle… ça faisait longtemps après tout qu’on ne s’est pas retrouvé... Juste une soirée calme et agréable… Serait-ce trop demandé ?
Je ne pus m’empêcher de serrer les dents, agacé et touché par son attaque. Je ne la regardais toujours pas, je me contentais d’encaisser. Laissons-la déballer tout ce qu’elle a sur le cœur, on pourra prendre un meilleur départ après… ça.
Puis dans la foulée, elle me balança enfin quelque chose de plus ou moins sympa… C’était plus l’idée d’y aller ensemble que le bal qui lui plaisait, puis elle me demanda d’oublier… Toujours la tête faire le mur, la tête sur ma main, je détournais mon regard vers elle, en biais.  « Je commençais sérieusement à en douter. » un mélange de tristesse et de froideur sorti de ma bouche.

Puis je m’excusai si c’était mon comportement qui l’avait poussé à réagir ainsi… Et elle revint à la charge en m’envoyant balader d’un simple revers de la main.
Leann semblait avoir remarqué la blonde qui me fixait, mais que j’ignorais depuis le début. Elle changea du tout au tout, se leva en me disant qu’on allait très bientôt voir quels sont les effets de l’alcool. J’avais aussitôt compris ce qu’elle préparait… Je me retins de justesse de me lever.

Elle veut jouer les adultes. Laissons-la assumer ses conneries aussi difficile que ça puisse être pour moi d’observer ce naufrage, sachant pertinemment que je pouvais tout stopper… Tout d’un coup je comprenais toutes les fois où mes parents m’ont laissé me « casser la gueule » ou me « manger une claque », c’est difficile de ne pas protéger ses proches quand on connait l’issue finale, mais c’est pour leur bien… C’est comme ça qu’on grandit… L’empirisme.
Ce « Heey ! » la trahit complètement. Elle était en colère, et je n’avais pas besoin de voir la suite, mais je me dis que je regretterais de louper ça… Je pourrais la taquiner quand elle sera à nouveau sobre.

Je sortis mon appareil photo mental pour ne rien oublier de ce qu’il allait suivre. Elle lui demanda si tout se passais bien pour elle.
Et comme prévu, elle renversa sa coupe de champagne sur Blondie. Je ne pus me retenir de faire un facepalm. Et cette réplique sur le point fixe… Alcoolisée, elle trouve ça cool, mais sobre… elle se sentira si idiote… J’ai hâte de lui en reparler… Tout le monde ne regarde pas Doctor Who, et certainement pas Blondie… Elle a dû prendre Leann pour une harpie en furie gardant son cavalier à l’abri de tout regard d’envie. Assonance en i… Pas top j’ai fait mieux.

Et elle revint s’asseoir avec sa réplique toute faite. Elle doit se trouver si cool en ce moment-même. Rebelle et au-dessus de tout… Je n’avais pas envie de tout casser… T’es pas susceptible, t’es hypersensible… Mais je gardai cette remarque pour moi.
A vrai dire…  Je ne savais pas vraiment quoi dire… Comment est-on censé réagir dans ce genre de situation ? Je ne vais pas la sermonner, ça pourrait finir en bataille de nourriture…
« … » je n’arrivais même pas à la regarder dans les yeux. Ni même regarder autour de moi, tout le monde devait nous fixer. J’étais terriblement mal à l’aise… quelqu’un de trop sensible au stress se serait certainement vidé sa propre coupe de champagne sur la tête…
Lui demander si elle avait fini son caca nerveux serait la pire chose à faire… Je sais que quoique je dise je me ferai gentiment giflé, verbalement ou physiquement… Donc bon, je n’avais pas trop envie de parler… Mais il fallait se lancer… « Je ne compte pas toucher à mon assiette… Si jamais tu es intéressée par un deuxième round avec Blondie… » je ne pouvais pas me mentir… elle m’avait blessé, je tirais un peu la gueule… en plus d’être terriblement mal à l’aise à cause de son petit spectacle…

Je soupirais… « Je te propose de limiter les dégâts, et d’arrêter la casse… On finit la soirée dans ma chambre ? Puisque tu étais plus intéressée par l’idée de venir au bal avec moi, plutôt que le bal en lui-même… », elle m’a demandé d’oublier… Mais je ne peux rien oublier, c’est mon fardeau… Timelords Stuff you know… Je ne pus m’empêcher de sourire en imitant intérieurement Leann, c’était tellement ridicule… Elle l'a dit avec tellement d'assurance... Je riais intérieurement, amusé par ma cavalière alcoolisée « Sache que c’est pareil dans mon cas… » balançai-je à voix-basse et à toute vitesse avant de reprendre avec une petite blague pour enfumer ma petite révélation qui m’est échappé à cause de l’alcool… « Je peux embarquer une bouteille de champagne si tu veux. » bon ok, celle-ci était vraiment facile…

Maintenant je ne suis pas drôle et je ne dois pas me moquer… Puis elle se mit à sourire… Mauvais signe… J’avais pris sur moi pour lui faire part de ce que je ressentais. Malgré l’alcool, ça m’avait demandé un énorme effort. Et elle… Elle se contenta de me faire une énième remarque bien sentie.
J’encaissais sans rien dire, ne laissant rien paraître. Mais elle m’avait mal. Comme depuis le début de la soirée. Et pourtant j’étais toujours là à tout encaisser, coup après coup. Mais l’idée de partir et de la planter commençait à prendre naissance. Mais bien vite refoulée par le fait que ça reviendrait à laisser une Leann alcoolisée seule au bal entourée de gens pas forcément bien intentionné, alors je resterai avec elle quitte à finir totalement déchiqueté en lambeaux par sa langue acerbe.

Je restais sans mot. Ce qui ne l’avait peut-être pas plu vu ce qui allait suivre. « Mais je me ferais tout de même un plaisir de venir parfumer tes draps, comme l’a déjà fait Soni ou cette autre demoiselle dont tu m’avais parlé… » Je relevais lentement les yeux vers elle. Je ne laissais rien paraître, sur mon visage du moins, la fourchette que je tenais dans ma main gauche se mordait déjà la queue. Je la posai calmement sur la table.
Je la fixais intensément du regard. Sans un mot. « Me regardes pas comme ça, je plaisante ! » … Assume tes putains de conneries bordel, je te supporte sans rien dire et je prends sur moi, alors assume merde !
Dans un calme olympien, je lui fais comprendre, calmement, le fond de ma pensée. « M’insulter, se moquer de moi, me blesser, comme tu le fais depuis un petit moment, il n’y aucun soucis. Mais… » Elle fit une nouvelle déclaration comme pour fuir mes reproches avant de se lever. Je soutiens son regard toujours aussi froidement avant de reprendre « Violer ma vie privée. Je ne le tolère pas. » Elle se lève, elle arrive à mon niveau, je finis ma coupe de champagne avant de faire de même, j’enfile ma veste et je lui offre mon bras. « Je ne vais pas te laisser seule ce soir. Tu dormiras dans mon lit. Personne ne sait de quoi tu es capable de faire comme connerie dans cet état. Ça vaudra mieux pour tout le monde que je garde un œil sur toi. » je la regarde. « Aucun commentaire, aucune négociation, on y va. » lui dis-je froidement.

Elle a presque réussi à me faire perdre patience. Je n'aime pas parler de ça, elle le sait très bien. D'ailleurs c'est à cause de Kei qui est parti espionner ou sentir mon lit…

Je nous dirigeai vers la sortie. Je ne voulais même pas la regarder. Je lui en voulais. Nous passâmes devant les deux annulateurs qui nous chaperonnaient. Je pris le ton du parfait petit ami bienveillant et inquiet, mon visage est connu à l'école je suis irréprochable… Il est temps de jouer de ça… Visage inquiet, sourcils retroussés, c'est parti. « Mon amie a un peu trop bu, et elle a pour don "Ami Imaginaire"… J'ai peur qu'il soit un peu trop agressif, déjà que de base il aime bien l'embêter… Elle n'a jamais bu avant ce soir… Je pense qu'il sera mieux pour elle que vous annuliez son don jusqu'à… demain matin. Vous l'avez vu jeter sa coupe de champagne sur une autre élève… » Ils s’exécutèrent aussitôt ne prenant même pas la peine d'écouter ma cavalière complètement décrédibilisée par la scène qu'elle nous a fait avec la coupe de champagne. Au moins je suis sûr qu'il n'ira pas fouiller dans mes affaires ce soir. Ça c'est pour Clarissa. Et pour Leann… Bien que ça m'emmerde de l'avouer parce que je lui en veux vraiment, je suis réellement inquiet pour elle, se débarrasser de Kei lui offrira un peu répit pour le reste de la soirée.

Bonne nuit Kei.

Pff je suis vraiment trop gentil… ou trop faible… Je ne sais pas.