Il était submergé par la noirceur du remord. La haine. Le passé le tiraillait de l'intérieur, ces événements s'effondraient en gravât comme une avalanche dévastatrice. Il sentait son corps trembler, les os de ses dents grinçaient et son cerveau, lui, était sur le point d'exploser.
Il n'y avait de douleur pire que celle que l'on pouvait éprouver mentalement. Ses muscles chauds par l'effort et usés par la fatigue, en comparaison, n'étaient rien d'autre que contingents. Il se donnait âme et corps à sa passion, néanmoins c'était comme si elle le détruisait de l'intérieur, ne laissant rien que de l'incertitude, un goût amer.
Il revoyait successivement les actions du match datant du mois dernier. Quand bien même le temps s'était écoulé depuis, il ne pouvait pas rester sur cette défaite personnelle. Si bien que des mots simples mais tranchants comme des fines lames aiguisées le transperçaient, ne laissant de lui que tristesse. Suis-je fait pour ce sport ?...
Son amour de la balle orange le rendait aveugle, qu'est-ce qu'il perdait à côté ? Rien, puisqu'il n'avait rien à perdre si ce n'était la vie. Et ça n'avait pourtant pas l'honneur de marcher. Cette bonne volonté, cette détermination de feu, cet appétit vorace de réussir, ça ne le menait donc nulle part, succédé de toutes ces concessions et toutes ces douleurs ?
Il en avait bien l'impression. Les regards dubitatifs, les chuchotements douteux, les attentes grandes comme le monde, le capharnaüm autour et lui, au beau milieu de cet océan d'épines dans lequel il se débattait pour ne pas sombrer...
▬ PUTAIN !! Il châtia d'un coup sec et bourrin le sol du pied, avec une telle force qu'on l'aurait cru s'ébranler. Qu'est-ce qui va pas chez moi, où est-ce que je me foire ?! Continuait-il sur sa lancée, la tête bercée entre ses deux énormes mains.
Il était affalé de tout son long, transpirant et éreinté sur une balançoire en piteuse état. Son gabarit couvert d'un survêtement de sport discret tout juste sortit du placard forçait les chaînes à vaciller d'avant en arrière sans repère, alors qu'il se morfondait, au bord d'un ruisseau de larmes de colère.
Son mp3 tombé en panne, il se retrouvait seul avec lui-même, comme à son habitude. Le silence le bouffait lentement.
Extirpé de ses draps les muscles encore endoloris par sa session d'hier, il n'avait guère soufflé mot depuis ce matin et s'était contenté de déjeuner légèrement avant d'entreprendre sa course quotidienne dès 5 heures au matin. Après quoi il fourra ballon, chaussures et gourdes dans un gros sac, s'étant approprié le gymnase pour une paire d'heures où il avait travaillé son shoot extérieur comme son dribble.
Il était froissé de chez froissé, aussi bien physiquement que psychologiquement.
On lui avait fait la remarque que son jeu était trop perfectionniste, qu'il n'était pas assez incisif alors qu'il se démenait pour la victoire. Remarque après remarque après remarque. Encore et encore, il subissait, il endurait, mais continuait d'avancer sans la perception d'une once de lumière. C'était donc ça, le courage ?
Les gravillons à ses pieds crépitaient lorsque la pluie s'organisa tout autour, accompagné d'un vent violent qui giflait son visage brûlant et contrarié. Il n'avait pas ou plus la force de se lever pour se mettre à l'abri, et se contenta de couvrir sa touffe écarlate d'une capuche et se balançant mollement, comme pour amenuiser ses blessures au cœur.
Sous son poids, la balançoire se brisa, l'expulsant contre le sol mouillé. Les gouttelettes couvrant son visage en rivière, il s'entendait souffler, non-étonné par sa malchance :
▬ Manquait plus que ça...
Des bruits de pas se distinguaient, plus loin. Ils brisaient l'harmonie naturelle et se rapprochaient de lui, des jambes fines et féminines...