pledge — aurora

Il était incapable de décrire la qualité de ces dernières semaines. Leur signification, leur place dans sa vie, tout ce dont il pouvait en tirer. Il aurait été incapable de définir ce qu’avait bien pu être ce nouvel état qu’il présentait au monde, qu’il assumait, ressentait et démontrait comme étant ce qu’il désirait sincèrement devenir. D’un certain point de vue, Hadès n’était plus que l’ombre de lui-même - voilà un moment qu’il n’avait pas fait montre d’action publique et à bien des égards, il s’était calmé. Absent, impassible et refusant de se mêler aux actions qui avaient longtemps consisté le centre de son amusement, il était presque devenu quelqu’un d’autre. Les plus naïfs, gentils ou innocents, auraient pu penser qu’il était enfin devenu quelqu’un - la vérité, à vrai dire, était toute autre. Hadès ne savait plus qui il était.

Depuis le bal durant lequel il avait parlé avec Léocade, il cherchait à échapper à cette dépendance au mal pour parvenir à se complaire dans une vie simple et loin de toute chose. Il avait beau chercher à se divertir le plus possible, il ne voulait pas devenir l’exclusivité de conflits pour lesquels il n’avait même plus de considération et il savait que Léocade, plus que toute autre personne, pouvait comprendre ça. Au final, il avait voulu s’échapper de ce quotidien morne vers lequel sa passivité le tirait - et bien qu’il préfère à présent l’ennui à l’idiotie que représentait cette guerre écolière, ce n’était pas sa nature de se contenter d’être un simple spectateur à l’action. Et pourtant, de plus en plus, il ressentait ce désir de s’écarter de tout conflit, un besoin pour lequel l’aide était primordiale. Dans cette idée, Léocade était important - ils partageaient ce même sentiment et leurs motivations mutuelles ne pouvaient que leur permettre d’avancer dans cette idée. Isalynn, elle aussi, avait été d’un soutien sans faille - et elle avait fait montre d’un comportement exemplaire, dans une parfaite connaissance de sa façon d’être. À vrai dire, s’il avait été en mesure de juger les choses, Hadès aurait probablement pu la qualifier de marraine pour les mesures qu’elle avait su prendre - et malgré ça, elle n’avait pas été la plaque tournante de cette avancée. Étrangement, et l’anglais lui-même n’aurait pas su s’y attendre, Aurora avait été la plus grande aide dans ce processus.

Pourtant, Hadès ne l’aimait pas. C’était une gamine idiote et immature, à l’image de la petite soeur qu’il avait longtemps aimé plus que tout. Elle était incapable de réflexion, d’une aide particulière et de rivaliser dans quoi que ce soit - mais il ne pouvait expliquer les choses. Comme une fatalité, elle s’était imposée doucement comme une part de son quotidien, elle était devenue de plus en plus supportable, toujours plus importante. En lui changeant les idées, comme si elle-même devait y gagner quelque chose, elle avait trouvé bien plus qu’un ami pour son ainé. Aujourd’hui encore, elle venait. Il n’avait pas l’habitude de sortir, mais cette fois-là, il avait enfilé un manteau - sélectionné par Isalynn, merci mes dieux - et guidé la demoiselle en ville. C’était un début de soirée simple, sans prétention, le parfum doux et chaleureux d’une petite ville à l’image de leur relation. Ce n’était pas extraordinaire, juste apprécié, chaleureux, convivial. C’était juste une soirée qu’il lui offrait. Un simple repas qu’il voulait lui offrir, comme récompense pour ces moments passés.

Hadès ne voulait pas rester dans l’optique d’une vie de mal ou d’ennui, il voulait simplement se trouver un quotidien sur lequel se reposer parfois.

« L’endroit où je vais t’amener est très spécial. Je passe souvent du temps pour y réfléchir, loin de tout. Sois-y courtoise et ne fais pas trop de bruit. » précisa-t-il.

Pledge

Inattendu. C'était le mot parfait pour décrire ces dernières semaines avec Hadès. Au début je me suis méfiée de lui, écoutant tout ce qui se disait à son sujet, ayant scruté son passé à maintes reprises sans le vouloir. C'était un des grands méchant loup de Prismver qui était largement craint et évité, ce qui  lui avait valut une vie scolaire de solitude. Oui il y avait Léocade et Nova car personne n'est vraiment seul, mais son éloignement de la classe S avait finit par les éloigner eux aussi. Et il y avait Isalynn, la fille glaciale toujours à ses cotés, sa filleule, une sorte de tsundere puissance mille. Elle fait partie du groupe de fille populaire à Prismver, celles qui dictent les règles et lancent les modes. Je ne lui ai jamais vraiment parlé mais quand je venais voir Warren chez Hadès, elle était souvent là, à discuter avec ce dernier ou à jouer à la console avec lui. C'est pourquoi quand c'est elle qui est venu frapper à ma porte je n'avais pas saisit pourquoi.

J'ai d'abord craint un enrôlement de force en tant que future "populaire" vu qu'après tout ma marraine Candice en faisait parti. Au lieu de ça, toujours aussi sérieuse, elle m'a parlé comme on parle à une adulte. Selon elle, Hadès avait besoin de "vacances psychologique" et il méritait un peu de repos pour ne pas franchir une ligne que ceux comme Faust traversaient régulièrement. Je n'ai pas compris pourquoi c'était à moi de remplir ce rôle, et surtout, pourquoi il me laisserait l'approcher. Il passait son temps à me traiter comme un bébé, a me donner des noms de Pokémon et à me regarder à travers mon frère. Il devait savoir que je jouais la comédie de l'enfant perdue, il était assez intelligent pour voir au delà de mon petit jeu, mais il continuais à être désagréable comme pour me provoquer et me faire sortir de mes gonds. Néanmoins il a toujours été là pour Warren, il l'a "protégé" en quelque sorte des autres et sans lui je ne sais pas dans quel état j'aurais trouvé mon frère en arrivant...Mais il pouvais faire mieux j'en était sûre. Après tout, Ezio lui avait bien abimé l'oeil après le bal et il aurait pu faire bien pire.

A ma grande surprise, notre lien avait donc évolué de façon positive. J'ai pris l'habitude de jouer ne ligne sur un serveur de l'intranet, et chaque partie, je me retrouvais en coopération avec un joueur vraiment talentueux qui ne pouvais être qu'à Prismver. J'ai fini par découvrir qu'il s'agissait de Hadès, et je m'étais servie de ça pour le voir plus souvent. Nous avons passé des journée entière et des nuits aussi, devant nos écrans, et puis l'habitude s'installant nous avons commencer à parler de nos vies. Très vite il est devenu un grand frère de substitution, un ami sur qui je pouvais compter ici. Cette relation était aussi improbable que inattendue, mais elle était là. J'avais l'impression que Hadès changeait à mon contact, se calmait, et moi je pouvais me comporter de façon plus naturelle. Avec lui, inutile de prétendre que je n'étais pas intelligente et en avance sur mon âge, je pouvais montrer mes talents de réflexions, discuter de sujets sérieux et ne plus faire semblant. C'était une relation qui nous était bénéfique.

Ce soir là il m'avait contactée pour une sortie en ville. Que voulait il y faire au juste? Nous n'étions pas vraiment coutumiers des sorties, encore moins le soir. J'avais prit deux trois affaires dans un sac et l'avais rejoint pour la soirée annoncée. Nous étions descendue dans le quartier ancien de la ville sans trop échanger de mots, nous n'étions pas de grands bavards, les pensées suffisaient. Sa voix ne fit entendre que lorsque nous arrivions là où i voulait m'emmener. Un endroit pour réfléchir? C'est tout toi Hadès.

-Pour être sûr que je ne te dérange pas, tu devrais me faire rentrer dans ma pokeball. Mais entendu, je ne parlerais pas.

Espérons que l'endroit ne serait pas trop remplit de grands. Je commençait à en avoir assez qu'on nous prenne pour des frère et soeur. Alors certes on avait le même teint blafard, la même odeur de barre chocolatée servant de repas et les même épis révélant un total abandon de soin capillaire, mais ça ne faisait pas de nous un frère et une soeur. je me tournais vers les vitres des bâtiments, observant mon reflet, c'est vrai que plus le temps passait et moins je ressemblais à Warren...Bon, voyons un peu dans quel coin bizarre m'avait emmené l'anglais. Autant me retenir de lui demander si il avait une soeur, il allait encore croire que je partais dans un délire sentimental.

Aurora Hécate & Hadès Orphée

Ce n’est pas sur un ton méchant qu’il lui avait demandé ça. C’était un avertissement sympathique, une sorte de conseil, peut-être un peu de prudence quant au tempérament de la demoiselle. Cet endroit, il y tenait, et personne ne le connaissait. C’était là-bas qu’il se rendait en de rares occasions, pour échapper à toute la tension, aux problèmes, pour trouver la solitude absolue dans une ambiance chaleureuse. Au détour d’une petite ruelle, derrière une porte si banale qu’on penserait pénétrer dans une maison, un minuscule établissement. On aurait pu le qualifier de bar, étant donné sa construction, mais c’était davantage une sorte de café bibliothèque. L’endroit n’était pas très spacieux, mais c’est tout ce que le vieux propriétaire pouvait s’offrir avec sa retraite - il vivait au second étage, avec deux chambres, dont une inhabitée, et des toilettes. Autrement dit, son salon faisait office de café, et tous ses livres étaient à disposition du public. L’endroit était fait exclusivement de bois et donnait l’impression de pénétrer dans un chalet - et s’asseoir sur une table près du feu était on ne peut plus agréable en hiver.

De temps en temps, l’homme mettait sa radio à disposition et permettait aux clients d’y brancher leurs appareils pour diffuser la musique de leur choix. Hadès aimait venir ici car il ne croisait aucun élève - et généralement, le voisinage était la seule clientèle. Il aimait mettre du jazz pour calmer l’ambiance des lieux et se permettait quelques OST en sa présence solitaire - tout dépendait du contexte. Cette fois-là, il ne savait s’il prenait la bonne décision - en guidant Aurora de ruelle en ruelle jusqu’au fin fond de la ville, jusque dans une sorte de jardin secret. Elle n’était qu’une nouvelle pierre à l’édifice de sa vie, quelqu’un dont il doutait comme chaque personne de sa vie. Malgré tout, c’est avec elle qu’il venait ici. Il lui ouvrit la porte, l’invita à pénétrer dans cet endroit tant spécial. Il ne voulait pas qu’elle soit trop bruyante pour ne pas perdre l’image si calme de ce lieu magique.

« Bonjour. Ça fait longtemps. »

C’était rare de le voir sous un angle normal, presque humain.
Il salua poliment l’homme et prit sa commande habituelle. La discussion ne dura que peu de temps pour ne pas qu’il fasse attendre Aurora, après quoi il l’invita à consulter le tableau et les nombreux plats écrits à la craie. Elle avait le choix. C’est lui qui règlerait, car l’argent lui était bien égal et ce n’est pas ce qu’il voulait partager. Pendant que la jeune fille choisissait sa consommation, Hadès brancha son téléphone et lança un peu de jazz sur les enceintes de l’établissement. La musique déboula doucement entre les murs.

« Alors, qu’est-ce que tu en penses ? »

Pledge

Hadès ne répondit rien comme à son habitude, nous étions plutôt doués pour faire parler les silences. Je le suivit donc dans ce curieux endroit, était ce une maison ou un bar? On aurait dit un gite, comme si nous étions dans une chambre d'hôte en plein milieu de la cordillère Australienne, dans les "Snowy Mountain" comme on les appelait. C'était le seul endroit du pays où il neigeait assez pour skier, et aussi les seules montagnes du continent. Ça me faisait cette effet là oui, et c'était chaleureux à la fois, calme et ronronnant, avec une jolie cheminée pour diffuser une atmosphère orangé sur le bois de la pièce. Je comprenais en un seul coup d'oeil pourquoi quiconque apprécierait cet endroit. Un havre de paix.

C'était l'une des première fois depuis mon arrivée que je sortais aussi loin du pensionnat, je voyais de nouvelles têtes, des visages étrangers. Je n'étais pas cotre un peu de changement et puis Hadès n'était pas n'importe qui, je pense que je pouvais lui faire confiance sur ses fréquentations. C'était étrange aussi de constater qu'un homme riche comme lui  préférait les endroits simples. Il n'était jamais dans l'excès où dans les frasques de sa filleule, il restait simple. Sauf quand les éditions collectors ultra limitées de ses jeux vidéo sortaient. Peu importe que ça vienne du Japon ou des Etats-Unis, il faisait flamber l'argent sans compter. En fait, ici on se sentait un peu chez soi, dans la simplicité et la chaleur du foyer. J'inclinais la tête légèrement pour saluer le supposé propriétaire, un papi à la Heidi.

Je retroussait un peu le bas de ma jupe avant de m'assoir, c'était agréable d'avoir la chaleur dans le dos. Hadès mit de la musique comme si il était chez lui, mais pas d'OST d'Undertale comme il avait l'habitude de me rabattre les oreilles. Du jazz simplement, qui se mélangeait bien à l'ambiance du lieu. Quand le serveur vint prendre notre commande, je montrait du doigt le chocolat chaud maison qui me faisait bien envie. Le serveur ne s'inquiéta pas de mon silence, il dû me penser timide, et repartit préparer tout ça. Quand Hadès me posa sa question, je levais les yeux vers lui avec une moue inexpressive. Je levais le pouce en l'air, signe de mon approbation. Puis je désignais les toilettes et me levais en faisant le moins de bruit possible.

Bien sûr le parquet craqua sous mes pieds et je haussais les épaules en m'éloignant pour lui signifiait que le bruit était involontaire. Je pouvais tenir très longtemps sans parler quand on me le demandait. Je n'avais pas besoin de mots pour m'exprimer et je savais me tenir dans un endroit calme ou peuplé de grands. Je me lavais juste les mains, ne supportant pas d'être dans un lieu de restauration avec les mains sales. Mon reflet dans le miroir me fit réfléchir : Pourquoi Hadès m'avait il amenée ici? Il devait y avoir une raison. Quelque chose me dit qu'il n'y emmenais jamais personne, du moins Warren n'en avait jamais parlé. Peut être avait il besoin de passer du temps avec une personne neutre. C'était mon rôle après tout non? Je lui changeais son quotidien et je le distrayait, en échange il faisait de même avec moi.

Je revins et me rassis discrètement en face du décoiffé aux yeux rubis. Nos consommations venait s'arriver. Je remerciais le serveur par un sourire et un nouveau hochement de la tête. Puis hochai la tête aussi en direction de Hadès, c'était sympa de m'inviter, quoi qu'on allait encore plus nous prendre pour des frères et soeurs là... Ma main rencontra mon front en réponse à ma pensée, geste que Hadès ne pouvait pas comprendre évidemment. Je balayais la pièce du regard, c'était vraiment bien ici. J'avais compris la raison de ma présence mais peut être que le A ne l'avait pas encore compris lui même. Parfois il semblait surpris de la simplicité de notre relation, et apaisé peut être de pouvoir être juste normal.

Je pris son téléphone et parcourut la playlist de jazz jusqu'au trouver un morceau que j'aimais bien, je le lançais et reposais le petit objet à coté des enceintes. J'entamais le chocolat qui avait assez refroidit pour que je puisse y aller. En reposant le verre je sentis la petite moustache de lait sur ma lèvre inférieur, et me dépêchai de l'effacer  d'un coup de serviette en rougissant. J'avais beau vouloir agir comme une adulte, certaines choses me rappelaient que j'étais toujours une enfant. Je reposais ma tasse avant de tapoter des doigts sur la table, mimant l'impatience. Alors dit Hadès, pourquoi sommes nous ici?

Aurora Hécate & Hadès Orphée

« Tu veux des réponses, j’imagine… ? »

Pour une fois, Hadès était surpris. Et c’était dans le bon sens du terme. Depuis qu’ils étaient entrés dans l’établissement, Aurora n’avait pas daigné prononcer le moindre mot, conformément à ce que l’anglais lui avait dit. Bien sûr, sa consigne n’était pas censé être aussi rude, mais la maturité de la demoiselle dans son exécution ne manquait pas de l’étonner. Parfois, cette pile électrique savait faire preuve de bon sens, et dans la continuité de cette réflexion, Hadès se disait qu’elle méritait bien quelques explications. Qu’elle respecte ses envies et son sanctuaire, c’était une chose, mais il devait admettre que l’ignorance pouvait vite devenir agaçante. Il commanda un chocolat, lui aussi, et tandis que son amie changeait le morceau, le garçon réfléchit à la meilleure façon de lui présenter les choses. Comment était-il censer expliquer ça ?

Plusieurs fois, Isalynn lui avait conseillé d’être spontané (comme si elle y connaissait quelque chose) et il avait beau penser à ce conseil à chaque fois qu’il avait à répondre à ce genre de réflexions, il ne savait pas quoi dire.

Peut-être qu’il lui suffisait d’être honnête ? Il aimait à croire que partager ses sentiments lui serait bénéfique, mais il avait toujours vu ça comme une faiblesse - s’il dévoilait ses propres désirs, il n’y avait rien de plus simple pour quelqu’un que d’y mettre fin. C’était peut-être ça, la confiance. Le fait de partager ses faiblesses sans avoir à s’inquiéter des conséquences de ce partage - et il avait beau vouloir mettre en œuvre quelque chose d’aussi simple, il était difficile pour lui de le faire. Son visage tordu en une légère grimace, il ne dût pas se rendre compte des quelques minutes qui passèrent durant sa réflexion tant il avait l’habitude de la mener à haute vitesse ; mais cette fois, le sujet était tout autre, et ne pouvait pas se régler en l’espace d’un instant. Son expression devait laisser entrevoir son scepticisme et pousser Aurora à l’attente - pour autant, Hadès décida de ne pas la faire attendre plus longtemps. Il ouvrit la bouche pour s’expliquer quand la musique, arrivée à son terme, changea.

Dango, Dango, Dango…

C’était, hum, particulièrement gênant. Il cligna des yeux rapidement, se rappelant de ses gestes en arrivant. Il n’avait pas lancé la playlist « Coffee Jazz » mais la playlist « Détente » qui regroupait non pas du jazz mais toutes sortes de morceaux reposants. Il y avait beaucoup de jazz, oui, mais pas que - et après s’être enfilé les deux saisons de Clannad, l’anglais avait décidé de garder l’OST sur son téléphone. Il y porta sa main pour changer la musique mais s’arrêta à mi-chemin. Vous savez quoi ? Non. S’il avait mit cette musique là, ce n’était pas sans raison, et il se moquait bien des avis de autres. Elle voulait de l’honnêteté ? Elle en aurait, mais pas seulement dans ses mots.

« J’aime cet endroit donc je t’ai emmenée ici. Je n’ai aucune raison à te donner, mais si tu cherches absolument une, goûte le chocolat, ça devrait suffire. »

Il adressa un sourire amusé au gérant, lequel arrivait avec deux énormes tasses dans ses mains. Il posa les commandes devant ses deux clients et s’écarta en silence. Hadès le remercia poliment et soupira.

« Quand je disais de ne pas faire trop de bruit, c’était d’éviter de crier. Tu peux parler autant que tu veux, de toute façon, il n’y aura personne pour t’entendre. »

Pledge

J'avais joué le jeu de la muette à la perfection, je n'appréciais guère qu'on me rabaisse ou qu'on me prenne pour une enfant incapable de se tenir. Vexée, je n'avais donc pas dit un mot depuis plusieurs minutes, je me confrontais à ce qu'il m'avait dit dans l'espoir que peut être c'est lui qui parlerait. Mais Hadès est Hadès, il n'est pas du genre à s'épandre, dire ce qu'il ressent, discuter tout cours. Parfois le simple fait d'articuler un mot pour confirmer ou contredire semblait lui demander un effort surhumain ou risquer de lui déboiter la mâchoire. Je le comprenais, mais je savais aussi qu'il voulait dire quelque chose, j'attendrais puisque c'était à moi qu'i voulait en parler, sinon nous ne serions pas ici. Il allait ouvrir la bouche quand l'odieuse petite musique sortit des enceintes. Vraiment, tu vas infliger ça à tout le monde? Je ne supportait pas cette musique, elle me faisait dresser les cheveux sur la tête et dans un jeu de rythme c'était juste l'enfer. Mais soit, ben que ça m'étonne de toi, laissons ça défiler.

Il parlait pour ne rien dire, et je repoussais ma boisson pour lui montrer que je n'allais pas me laisser avoir. Juste pour boire un chocolat? Oui j'avais compris, on est bien , détendus dans un cadre chaleureux, tu es limpide Stone. Reproduire le cadre de vie d'une famille modèle au coin du feu c'était typique chez les enfants qui n'avait pas eu de vie de famille justement, mais moi je connaissais tout ça, alors pas besoin de substitut de normalité. J'avais essayé à tout prix de m'en sortir contrairement à toi. Bon je pense que ça allait être à moi de dérider tout ça et d'agir encore une fois en adulte. Je levais mes yeux dorés vers lui et dit dans la neutralité la plus totale.


-Personne ne pourra m'entendre? Sérieusement, ça fait pédophile ce que tu dit. On dirait que tu m'as enlevée.

Je me stop un instant. Le fait qu'il mette de la musique ringarde sans que personne ne bronche et sans qu'il ne s'en soucie. L'ambiance trop parfaite du chalet, la chaleur réconfortante, le papy super gentil...Ne me dit pas qu'on était entrés dans un de ses mondes parallèles? Il n'aurait pas fait ça, pas sans me prévenir en tout cas. Non pas que j'avais peur, mais je devais me méfier, pourquoi prendre autant de précaution juste pour discuter? J'observait le décor une énième fois, il n'y avait aucun indice, tout était normal, pas de défaillance, fissure ou anomalie qui confirmerait que la réalité à été altérée. Je pris une nouvelle gorgée du chocolat finalement, comme pour aller dans son sens avant de parler de nouveau.


-Donc nous ne sommes pas là pour discuter de ta façon d'être actuellement? Ni de ce que tu peux ressentir au point d'avoir besoin de venir ici pour te couper du pensionnat. On ne parlera pas du fait que tu as l'air de suffoquer dans ton propre oxygène.

J'étais incisive comme toujours, mas les adultes disent toujours qu'il faut crever l'abcès avant que ça s'aggrave. Je pense que personne ne parle librement avec Hadès et qu'il leur rend bien, il intimide tout le monde et les tiens à distance. Il est sarcastique et ironique et moi placide et apathique. Voila pourquoi je suis ici, nous pouvons discuter sans faux semblant et sans méfiance.

Aurora Hécate & Hadès Orphée

Il n’aurait pas su dire si elle avait raison ou si elle était totalement à côté de la plaque. Aurora avait beau le connaître, Hadès lui-même n’était pas toujours familier avec les sentiments qu’il acceptait de laisser entrevoir. Le fait est, en dehors de cette envie de se détacher de tout ce qui avait toujours consisté la majorité de son quotidien, il ne se sentait pas vraiment mal. Il cherchait comment définir les sentiments qui s’agitaient avec une violence inquiétante - mais pour autant, il ne s’écartait pas de la route qu’il avait toujours défini comme étant une ligne de vie acceptable - et pas question pour lui de laisser des sentiments submerger son plan de vie. Pour être tout à fait honnête, la personne qu’il était un an plus tôt n’aurait jamais accepté de passer du temps avec la cadette de Warren - mais l’anglais acceptait le fait simple que toute personne changeait avec le temps. Si cette possibilité l’avait autrefois effrayé, il se réjouissait presque de ne plus dépendre d’une personne ou de quelques éléments ridicules dans sa vie - et ce visage qu’il montrait avait beau se détourner de la personne qu’il était devenu, il était loin d’être aussi ridicule qu’auparavant. Selon lui. Et de ce qu’il en savait, Hadès était terriblement mauvais lorsqu’il s’agissait d’analyser les sentiments - il était simplement paumé, mais cette éventualité était encore plus improbable. Non, vraiment.

Improbable. Car avec son intelligence, son point de vue pour les choses et cette façon de les aborder en se moquant totalement de ce que ses sentiments hurlaient à son cerveau déraillé, il ne pouvait l’imaginer. En fait, si, ce n’était pas le problème. Son problème, c’est qu’il ne l’envisageait pas - et cette gamine portait son regard extérieur pour en déduire ce qui respirait l’évidence.

Il était perdu. Depuis cette discussion avec Léocade, il se contentait de l’abjecte normalité d’un quotidien qu’il n’appréciait pas plus que ça - il avait simplement apprit à vivre avec. Il n’en voulait pas à Léocade et à vrai dire, il ne regrettait pas cette décision. Ce n’est pas que l’ennui lui plaisait au final - faire le mal était simplement pire. Ça ne l’amusait pas, et il fallait bien se rendre à l’évidence : cette situation lui était nocive. Il s’était débarrassé de tout ce qui donnait un peu de piment à son existence, et ce, par égard pour la fille qui se trouvait devant elle. Peut-être que cette relation lui était nocive, au fond - lui rappelant un passé auquel il se raccrochait inconsciemment.

« Je pense que tu comprends mieux les sentiments que moi, même quand on parle des miens, donc je n’ai rien à redire. »

Il agissait toujours avec cette même moralité simple, sans agressivité et sans résolution, cet entre-deux agaçant qui coupait court à une réponse vraiment pertinente. Et ça agaçait. Parce qu’il restait impénétrable, incompréhensible, qu’il s’ouvrait juste assez pour pouvoir prétendre de ne pas se renfermer sans pour autant laisser comprendre ses sentiments.
Ça aussi, il le calculait - et le hasard, comme il le disait souvent, n’était pas un des facteurs de son existence. Il ne le permettrait pas.

« En revanche, je ne suis pas là pour ça. Je n’ai pas besoin de poser un décor et de faire d’interminables préliminaires quand j’ai besoin de parler à quelqu’un. Je le fais. Je t’emmène ici sans raison particulière. C’est tellement surprenant ? Pourtant, c'est une des étapes de l'amitié il me semble. »

Il la regarda sans détours et sans mensonges. Pour Hadès, tout ceci était largement suffisant, et il était fatigué d’essayer de déduire des choses. Après tout, sa simplicité actuelle n’était pas si difficile à déduire, elle aussi.

Pledge

Il ne démentait pas, c’était agréable un adulte qui ne ment pas, pour changer. Il savait que c’était inutile car je n’étais pas du genre à aller parler partout dans le pensionnat à tord et à travers. Je ne parlais non plus avec autant de franchise pour embêter les gens ou les torturer, c’était juste ma façon d’être je suppose. Parfois je me dis que j’aurais dû apprendre à mentir, un peu comme Warren mais en mieux. En parlant de Warren, il fallait que je situe le bon moment pour parler de lui à Hadès justement. Mais ce n’était pas le bon timing, il allait juste glisser sur ma réplique.

Plus je le regardais et plus je le voyais sombrer. Je n’avais pas besoin de le toucher pour voir son passé ou son futur (de toute façon c’était déjà fait). A ce rythme là il allait sûrement se faire une bonne dépression et avec un esprit aussi sombre que le sien ce ne serait pas joli à voir. Sa filleule serait la pour le relever de toute manière, elle avait déjà commencé à considérer le problème en venant me voir il y a plusieurs semaines. Le fait qu’il se soit calmé sur les embrouilles allait dans mon sens, mais j’avais besoin d’un Hadès au maximum de ses capacités pour la tâche que je lui demanderais. Sa réplique marqua le signal, il était temps que je place ma demande.

-Amis dis-tu ? Je pense oui. En tant que tel je voudrais te soumettre une requête.

Je déglutis, non pas par nervosité, mais il fallait du tact pour réussir à caser les mots « Amis » et « Requête » dans une même phrase avec celui là.

-C’est à propos de mon frère. Lui et toi semble vous être rapproché depuis l’explosion de la cabane des délégués alors je voudrais que tu le protège. Je sais que tu gardes déjà un œil sur lui d’une certaine manière, mais là je veux dire, passer au cran supérieur. J’ai beau l’idéaliser, je sais qu’il n’est pas aussi fort qu’il n’y parait et d’autres répercutions pourrait retomber sur lui. Il ne pourra pas se défendre seul et tu es sans doute l’un des élèves les plus talentueux de ce pensionnat. Alors je te demanderais juste ça. De mon coté j’ai…

Une pause. Je ne peux pas tout lui dire, il ne comprendrait pas, même si il est différent des autres. Il n’approuvera jamais que j’aille fréquenter les S pour devenir plus forte à mon tour et les détourner de Warren. Il me découragera d’approcher Faust et tout ça n’aura servit à rien. Je ne veux pas que tout ces évènements soient vains, je veux agir et de mon propre chef. Même si je ne suis pas ancienne à Prismver, j’ai vite compris les règles du jeu et je veux pouvoir mener ma partie à terme sans perdre de pièces maitresse.

-Pardon j’ai eu un blanc, je voulais dire, que de mon coté je faisais le nécessaire, mais je ne peux pas veiller sur Warren ce n’est pas mon rôle. Alors acceptes-tu ma demande ? Peux tu me faire une promesse Hadès ?

Aurora Hécate & Hadès Orphée

Soumettre une requête. La formulation lui arracha un bref sourire qu’il s’empressa de faire disparaître par respect pour Aurora - se refusant à briser l’ambiance sérieuse qu’elle lui demandait d’installer avec tant de franchise. Ce manque de proximité et cette façon de communiquer presque robotique lui montrait à quel point la jeune fille lui était semblable. Hadès n’était pas très démonstratif ni affectif, malgré ça, il restait un bon ami pour ceux qui daignaient l’approcher suffisamment - et il ne leur faisait jamais défaut.

Quelque part, Aurora lui semblait être de la même trempe - son sérieux et sa détermination étaient exemplaires. Avec attention et silence, il écouta ses paroles jusqu’au bout et ce n’est qu’une fois le silence retombé qu’il se permit un léger soupir. Elle était exactement comme lui - et ce blanc qu’elle avait eu au milieu de son discours témoignait de la réflexion intérieure qu’elle devait avoir en parallèle avec ses paroles. Tout à fait comme lui. Hadès porta son regard dans celui de la jeune fille et prit un air sérieux - et il était assez effrayant de se dire qu’il arborait le même quand il s’apprêtait à s’en prendre aux gens. Enfin, que voulez-vous, on n’a qu’un visage.

« Tu n’as pas besoin de me le dire. Mais tu as l’air d’y tenir alors je ferai plus attention. »

C’était à moitié vrai. Si Hadès tenait à respecter son engagement, il ne disait pas complètement vrai. Il faisait déjà le plus attention possible. Hadès était quelqu’un de très solitaire et il avait besoin de son espace vital - mais c’est à ses dépends qu’il le partageait avec le délégué des E. Warren avait besoin de son aide - et parce qu’il détestait la compagnie, l’anglais se refusait à priver le rouge de la sienne en le surprotégeant. Il faisait déjà le maximum pour Warren, dans ce qu’il estimait être respectable.

« Mais tu sais que je ne suis pas un saint. »

Il marqua une pause. Hadès n’essayait pas de décourager la jeune fille, simplement de la préparer à la réalité des choses, et les conséquences de sa demande en faisaient parti.

« Et si quelqu’un s’en prend à ton frère ? Dans quel état devrais-je le laisser ? Tu te sens prête à endurer ce genre de choses ? »

Pledge

C’était plutôt bien passé, j’avais l’intention de lui demander ça depuis un moment déjà mais ce n’était jamais le bon timing. Je pense que ses intentions envers Warren et moi étaient bonnes, je le croyais quand il disait qu’il essaierait et enfin, je croyais en son amitié. L’avenir me dira si j’avais tord ou raison, il ne ment jamais lui au moins. Même si la première vision que j’avais eue de Hadès était chaotique au point de me faire peur, j’avais appris à mieux discerner les images du passé et du futur. J’avais fait le tri dans ce que j’y avait vu et j’avais fait deux catégories : le bon et le mauvais tout simplement. Hadès pouvait être redoutable, sans doute pour cette raison qu’il avait rejoint les S. Mais il pouvait aussi être bienveillant et amical comme avec Warren ou Isalynn. Je devais simplement m’assurer que face à moi, j’avais toujours la partie positive.

J’hochais la tête silencieusement quand il me mit en garde, faisant écho à mes pensées. Ceci dit, il ne mit pas longtemps à confirmer mes doutes, il pouvait vaciller du mauvais coté très facilement, il lui fallait juste un prétexte. Il fallait que je réfléchisse à ce que j’allais dire, allais je ouvrir une porte en autorisant la violence pour protéger Warren ? Voulais je aller jusque là ? Réfléchit Hécate, prends le temps de jauger tout ça. Ce ne sera pas de la violence physique, ou du moins pas directe. Peut être s’associerait-il avec quelqu’un ? Léocade peut être ? Si utilise quelqu’un pour faire le sale boulot après tout ça ne me concerne plus, du moment que Warren ne devient pas un dommage collatéral comme à son habitude.

-D’accord. Tu auras le droit de faire ce que bon te semble si tu estime que Warren est menacé. Mais interdiction d’utiliser la violence physique par toi-même.

J’étais préparée aux conséquences de mes paroles, de toute manière je n’avais pas vraiment de gens à qui m’attacher ici hormis Autumn et Casimir avec qui je m’entendais bien. Casimir avait déjà bien mordu la poussière à cause de Faust justement et ça ne m’empêchait pas de me rallier à lui pour mes interêt, alors est ce vraiment de l’amitié au fond ? Que ferais-je si la prochaine victime était Autumn ? Inutile de m’inquiéter, son pouvoir la préviendra du danger et elle à déjà son propre S pour la protéger. J’avais bien fait le tour de la question et tout était réglé. Hadès garderait un œil sur Warren, Ezio sur Autumn et moi je devais entrer dans les bonnes grâces de Faust. Un pari risqué mais qui rapportera gros.

-Si ça te va, alors je considérerais ça comme un serment. Essaye de t’y tenir, je te fais confiance.

Aurora Hécate & Hadès Orphée