Intimidation | Jack

Elle avait cette fiole un peu étrange entre les mains, petit cadeau de Loïs qu’elle était allée trouver un peu plus tôt dans la matinée. Elle avait cette fiole entre les mains et cette colère qui la tiraillait, grimpant en flèche dès lors qu’elle y songeait. Dès que ses pensées s’arrêtaient sur toi. Oui sur toi, Jack, parce que tu étais allé trop loin. Théa n’acceptait pas de se faire insulter mais laissait parler, toujours, pour ne pas s’impliquer. Théa n’aimait pas qu’on s’en prenne à elle mais peu importe à la limite, elle était en S désormais alors bien sûr que ça parlait. C’était évident. Mais Théa, ce qu’elle ne pardonnait pas, c’était qu’on s’en prenne à Killiam. Qu’on passe par elle pour s’en prendre à lui, qu’on l’insulte et qu’on le rabaisse. Oh, tu sais Jack, lorsqu’il est venu la trouver il y a de ça quelques jours pour lui parler de toi, elle s’était dit qu’elle ne ferait rien. Et puis, que fallait-il faire de toute façon ? C’est pas le genre de fille à venir te casser la gueule, elle ne tolère pas vraiment la violence. Alors elle s’était dit qu’elle attendrait, qu’elle réfléchirait à comment te faire comprendre d’arrêter avant de franchir la ligne. Mais tu as continué. Tu as franchi cette ligne de trop, même Kill s’en est pris à toi.

T’es allé trop loin.
Mais même après ça tu n’as pas arrêté.

Alors Théa s’était rendue chez Loïs sur un coup de tête et lui avait demandé cette potion pour pouvoir changer d’apparence et venir te voir sans se faire repérer. Sans savoir que c’est elle derrière le masque, elle qui fuit non pas par peur de toi, mais par peur que son pouvoir soit mis à nu. Mais même avec ça, ses chances d’anonymat augmentées, elle prend le risque. Elle boit le contenu cul sec après une dernière hésitation et laisse à son corps le temps de se transformer. On lui avait dit que c’était aléatoire mais elle ne s’attendait pas à changer de sexe, à devenir ce grand brun au visage défoncé par les griffes, pas vraiment baraqué, à la peau bronzée et au regard d’azur, si clair et si féroce. Parfait. Elle est partie à ta recherche sous cette nouvelle apparence, aussi silencieuse que d’ordinaire.

Elle t’a trouvé, seul à marcher dans le couloir du quatrième étage.
Elle t’a approchée, dos à toi, sans un bruit, comme si elle n’existait pas.

Puis sa main s’est posée sur ton épaule et tu t’es effondré.

Elle n’était pas certaine de ce qu’elle allait faire en te voyant, tu sais. Elle pensait qu’elle n’oserait pas aller jusque-là, à laisser son pouvoir agir contre ses sentiments. Mais tu sais Jack, on ne réfléchit pas lorsque l’on est en colère, et assurément qu’elle l’était. Pas au point de te tuer, heureusement pour toi, alors tu peines à respirer tant ton cœur bat doucement mais tu vas bien. Oh que oui tu vas bien Jack, tu n’es pas mort, elle ne te tuera pas. Mais tu ne la vois pas, toujours dans ton dos comme une ombre glaçante qui t’enveloppe doucement. Elle s’est abaissée à ta hauteur, cette main toujours sur ton épaule pour ne pas te laisser agir, pour contrôler ton palpitant et t’empêcher de bouger, te fatiguer.

Le temps qu’elle trouve ses mots pour te mettre en garde.

Sa langue qui claque contre le palais visiblement agacée, elle te toise de tout son haut avec violence et c’est une main brusque qui se plaque sur ta gorge pour appuyer, appuyer si fort et pourtant tellement pas assez. Elle n’allait pas te tuer, ne pouvait pas le faire et c’est pas dit qu’elle le voulait réellement non plus. Mais le simple ton dédaigneux de ta voix avait le don de réveiller en elle des instincts primaires insoupçonnés, oh qu’elle te détestait si fort Jack. Dans ce corps si différent du sien elle peinait à mesurer sa force, cette potion lui avait fourni beaucoup plus de muscle que nécessaire et elle songea une seconde que le hasard ait pu se jouer d’elle et de sa colère. Peut-être était-ce là un entraînement pour lui apprendre à se maîtriser, peut-être cette chère Loïs l’avait-elle fait exprès.

Ses doigts qui se crispent, serrent toujours aussi fort mais le laissent tout de même respirer. Elle n’en avait rien à foutre au final. Son autre main toujours sur ton épaule qui abaisse dangereusement ton rythme cardiaque pour le remonter d’un coup, oh que ça doit faire mal Jack, tellement mal. Tu sembles essoufflé et dans sa peur de perdre le contrôle elle ne pense pas en faire trop, obnubilée par son besoin aveugle de justice elle ne fait pas attention au fait que tu tangues dangereusement, qu’elle va trop loin.

Elle t’en veux.
Elle veut te faire payer.

Sa main s’enlève de ton épaule, l’effluve de son pouvoir qui te quitte mais ne te remets pas bien pour autant. Tu lui fais pitié et elle te crache à la gueule, instinctivement, lorsque d’un élan elle se redresse et que son pied s’écrase sur ton genoux.

« C’est humiliant pas vrai ? »

D’être aussi bas, non plus bas encore que tous ces gens que tu méprises à longueur de temps. Tu devrais faire attention à toi Jack, vraiment. Mais tu n’as jamais su t’entourer des bonnes personnes. Tu es un idiot qui prend ses rêves pour la réalité.

« La prochaine fois que tu emmerdes Killiam j’te fais la peau. »

Et elle n’attend plus que tu joues la provocation pour mettre sa menace à exécution. T'es loin de lui faire peur, Jack.