Oh mon dieu, il faut que je devienne une bonne amie. Il est foutu. On est foutus.
Aujourd'hui, il ne faisait pas très beau et le ciel était chargé en nuage : grand, épais, sombre. Un temps parfait pour dissimuler l'usage incontrôlable d'un don en rapport avec l'eau. Parfait pour Naomi Brown qui marchait le long du pensionnat Prismver avec un sourire béat. Si son pouvoir s'activait, vu son état second à cause de ses cachets pris dans la matinée, cela ne devrait pas excéder un filet d'eau. Sauf si elle désirait véritablement en faire usage. Malgré les gens qui la dévisageaient à cause de son noeud papillon rouge - accessoire obligatoire de l'uniforme scolaire - qui la mettait en bas de l'échelle sociale de Prismver, Naomi gardait la pêche. Toutefois, cela ne l'empêcha pas d'avoir ses éternels yeux tombant, réclamant un sommeil proche du repos éternel tant ils étaient lourds. Avec le temps, la jeune fille s'y était habituée. Armée d'un livre plaquait sur sa poitrine par ses deux bras croisés, on aurait pu penser qu'elle se rendrait en cours, mais non, en réalité, elle en sortait et refusait catégoriquement d'aller au suivant. Il fallait la comprendre, c'était " Maîtrise du pouvoir " qui sonnait avec "Création de catastrophes aquatiques imminentes. Préparez vos K-Way !". Il était inconcevable de s'y rendre avec un temps comme celui-ci qui lui ordonnait de se dissimuler au grand jour et d'en profiter ! Alors, elle en profita.
De sa démarche rapide, qui n'était comparable qu'aux démarches normales des autres personnes, Naomi se rendit au gymnase ou plutôt, derrière le gymnase, au terrain de Baseball. C'était l'un de ses endroits préférées, car elle aimait beaucoup ce sport. Depuis un an elle s'y rendait régulièrement pour suivre les entraînement et les match du club de Baseball. Au fil du temps, la magicienne aquatique s'était affirmée comme étant une supportrice régulière, d'abord de l'équipe en général, puis ensuite d'un joueur en particulier : Homère Covinsky. Non, ce n'était pas de l'amour. Oui il était mignon, c'est ce qui avait attirée le regard de Naomi. Mais, ce qu'elle aimait le plus, c'était la passion et toute la volonté qu'il dégageait au moment de frapper la balle pour marquer un home-run ! Elle encourageait toute l'équipe mais, sa voix portée plus quand c'était lui qui réalisait un exploit. Elle en était fan. Et de fils en aiguilles, ils s'étaient parlés, avaient échangés leur passé dans des discussions. Ce n'était plus uniquement une idole, c'était aussi un ami. Mais, tout ça, c'était terminé. Homère a subi un grave accident, Naomi en connait les circonstances après avoir interrogé des dizaines de personnes. Son don lui avait échappé. Lui aussi éprouvait des difficulté, sauf qu'il en avait payé le prix jusqu'à la fin de ses jours. Enfin, ça, c'est ce que la brune avait compris car en médecine, c'était une véritable quiche qui était persuadée que la maladie de Raynaud l'habitait, tandis qu'elle était seulement sensible au froid.
Après l'accident, Naomi resta proche d'Homère mais, aussi du club de Baseball qu'elle continuait à encourager. Cela expliquait pourquoi, à l'heure d'aujourd'hui, elle continuait de s'y rendre. Rapidement, assise sur les tribunes située derrière le grillage qui délimitait le terrain, Naomi s'assit, le livre sur ses genoux et les regarda commencer à jouer. Ils jouaient bien, même très bien et quelque fois la brune frappait fort dans ses mains pour les féliciter. C'était la seule parmi les rares spectateurs présents. Quelques uns cherchaient un coin tranquille et maudissait la E et ses tonnerres d'applaudissements. Rapidement, le spectacle devint lassant. Ce n'était pas la première fois que Naomi ressentait cela depuis le départ d'Homère. Elle fit la moue, s'assurant d'être assez éloignée pour ne pas être vue par les sportifs. Au bout d'un moment, une présence vint s'asseoir auprès d'elle. Au début, Naomi fut surprise puis, comprit rapidement de qui il s'agissait. Sans tourner la tête vers lui, elle s'adressa à Homère
" Wahou... C'est la première fois que je te revois ici... Depuis... Euh... Hmmm... L'accident." * Dire " Ton erreur " aurait été un coup de poignard gratuit dans le coeur du garçon. C'était intuile. Endormie, elle faisait des efforts pour ne pas le froisser.
" Tu ne devrai pas..." Pourquoi s'autorisait-elle à lui interdire des choses ? Bien sûr, c'était mauvais, à ses yeux de venir voir le club de Baseball qu'il chérissait tant. C'était se rappeler une époque heureuse et révolue ! Elle connaissait cela, elle, la lycéenne brillante et admirée de tous qui réussissait très bien dans ses études avant de provoquer un accident entraînant la paralysie à vie d'un innocent. Ce n'était pas à elle de lui interdire des choses. Alors, elle ne termina pas sa phrase et l'abandonna-même. Ce n'était pas comme ça qu'il fallait s'y prendre
" Cela ne te blesse pas de les voir continuer à jouer, à progresser et à se soutenir sans toi ? Ils ne t'ont jamais oublié, j'en suis convaincue. Mais, maintenant, là, tout de suite, la batte et la balle en main, ils ne pensent plus à toi. Homère... Pourquoi tu t'infliges cela ? " Cette phrase mit du temps à sortir, ce n'était pas le genre de phrase sortit du tac au tac après la précédente. Non, c'était le genre de phrase à laquelle on réfléchissait sans cesse et que l'on répétait encore et toujours dans sa petite tête avant de prendre le courage à deux mains et de la prononcer, de libérer ces mots. C'était certainement la phrase la plus réfléchie de tout le mois entier que venait de prononcer Naomi, mais, peut-être, non certainement, la plus blessante aussi.
Si on t’avais un jour dis que t’étais assez masochiste pour revenir sur tes pas, t’en aurais probablement ris et de bon cœur. Non pas par moquerie, mais bel et bien car ça te caractérisait assez bien. Être borné jusqu’au bout, même dans la bêtise. T’avais voulu rendre service, sans l’ombre d’un doute car c’était ta bonne volonté qui t’avais ramené ici. Ça criait des ordres, des encouragements, les impacts de ballons sur le sol ou bien sur un terrain en parquet. Il y avait des relents d’équipement sportifs, des odeurs de cuir, de plastique, de laisser-aller aussi. Tu pris discrètement une franche bouffée de cette odeur qui n’était agréable pour aucun être humain. Mais qui devenait une réminiscence chez les plus passionnés. Un bruit sourd de batte en bois frappant le cuir avait attiré tes pas, tu t’étais glissé dans les gradins non sans difficulté.
Cette bouffée vînt contracter ton diaphragme, tu tentes de t’en défaire par un soupir tandis que tu prends place sur la surface en béton. Parce que c’était quand même beau, de simplement regarder. S’il y a quelques mois encore, auparavant, tu n’aurais pas été capable de philosopher sur la chose, tu n’en étais pas encore tout à fait guérit. Besoin de réminiscence, d’un pincement au cœur. Oui, c’est la première fois depuis tout ce temps que tu poses à nouveau ton regard indolent et noir sur la terre battue, que tes épaules se contractent lorsque tu aimerais crier qu’il y a faute. Mais tu te fais tout petit, transparent ainsi qu’invisible, tu épies simplement, jalousement même peut-être. Parce que si t’étais assez con, tu pourrais à eux aussi, leur péter les jambes. Ça cours vachement moins vite un éclopé.
« Wahou... C'est la première fois que je te revois ici... Depuis... Euh... Hmmm... L'accident. » Tu sens ta colonne se crisper à mesure que les mots s’enchaînent, tu plisses tes lèvres l’une contre l’autre afin qu’une seule ligne inexpressive se dessine sur ton visage. Tu penches simplement ta tête en direction de la jeune fille car tu l’as reconnue à sa voix, sans avoir à réellement deviner. « Peut-être que je suis déjà venu mais que tu l’as pas vu. » Tu mens sans réellement le faire, tu poses cette hypothèse, que peut-être, ce moment-là n’est pas si spécial que ça. Tu dédramatises la chose en somme, tu tentes d’arrondir cet angle calmement bien que tes yeux soient toujours là à épier l’entraînement. « Tu ne devrai pas… » Tu avais une réponse toute trouvée face à la remarque.
Mais tu t’abstiens et tes mains viennent former un poing unique contre lequel tu colles tes lèvres tandis que tes coudes s’appuient sur tes genoux. Tu te concentres, tu tentes de ne pas démarrer au quart de tour. Parce que si Naomi est capable d’une empathie extraordinaire, toi, qu’on vienne remuer ta propre vase, avec ou sans bonnes intentions, ça te heurte. C’est plus fort que toi que de te sentir agressé. Tu ne possèdes pas cette légitimité pourtant et c’est bien cela qui t’aides à ne pas exploser à la moindre parole. « Cela ne te blesse pas de les voir continuer à jouer, à progresser et à se soutenir sans toi ? Ils ne t'ont jamais oublié, j'en suis convaincue. Mais, maintenant, là, tout de suite, la batte et la balle en main, ils ne pensent plus à toi. Homère... Pourquoi tu t'infliges cela ? »
Si l’étreinte se resserre, rien n’indiques sur ton visage que tu prends mal la chose. Tu tentes de réfléchir, de ne pas laisser passer les impulsions. Rien de bon n’en sortira. Il y a ce silence, de quelques secondes, avant que tu ne défasses ce sac de nœud que tu avais formé avec tes doigts. Tu autorises même un sourire, bien que celui-ci soit mi-forcé, mi-honnête. « Naomi. C’est une équipe. » Tu t’es tourné vers elle, tu gardes tes commissures étirées. « Tant que je faisais parti de l’équipe, c’était normal de désirer ce genre de choses. Maintenant je suis en-dehors, je fais plus parti de cette dynamique. Une équipe, c’est une unité, ce qu’il y a à l’extérieur… T’es pas censé t’en préoccuper. » Tu marques une pause, cherchant les bons mots, tu parais assez sûr de toi. « Si c’est le cas, c’est que t’es un mauvais coéquipier. Qu’on peut pas compter sur toi. C'est une bonne chose qu'on ne pense pas à moi. »
Tu n’es pas là pour te morfondre, tu t’y refuses d’ailleurs. Si tu dois être assis ici, à la vue de tous, alors autant porter un peu de dignité. « Et toi, pourquoi tu t’infliges ça? » Tu retournes habilement la question, un léger sourire aux lèvres. Ta béquille est dans ta main droite, tu joues avec. Tu pousses un déchet du bout de celle-ci, tu la tapotes sur la surface.
HRP — J'élaborerais un code de présentation plus tard, en espérant que la réponse te convienne. ♥︎
Oh mon dieu, il faut que je devienne une bonne amie. Il est foutu. On est foutus.
Naomi n'aimait pas cette situation. Elle, la fille ensuquée devait devenir une personne pleine d'empathie et de bons conseils. Parce que oui, la brune n'était pas dupe. Elle connaissait le sportif qui sommeillait, le compétiteur et le garçon qui adorait prendre du plaisir à se dépenser dans un sport. Un élément que Naomi ne partageait mais, comprenait toutefois. Courir pour se sentir bien, ce n'était pas son truc. Et ce n'était pas les cachets qui avaient provoqué cette hostilité à l'égard du sport. Alors, elle pouvait parler avec un sportif mais, encore plus avec Homère. Toutefois, Naomi gardait à l'esprit qu'elle ne connaissait pas tout de lui. En fait, c'était la première discussion sérieuse, avec une touche de solennité qu'ils vivaient ensemble. Et c'était très difficile pour la magicienne de l'eau. Non pas qu'elle détestait cela mais, plutôt que Homère n'était pas très ouvert à ce genre de discussion. C'était l'impression qu'il lui laissait. Si son visage restait le même, à l'intérieur, Naomi stressait et essayait de ne pas céder au choix de la facilité, le silence.
" Il est vrai que je ne viens plus aussi souvent qu'avant. On a pu se rater. J'aurai seulement pensé que, si tu venais les regarder, ou même les encourager, je t'aurai vu en bas, contre le grillage à crier de toutes tes forces des conseils à appliquer pour tirer le meilleur de chacun. Tu es passionné... Tu as... Comment on dit déjà... " * Elle levait les yeux aux ciels et agiter ses mains, à la recherche de l'expression perdu. De temps en temps Naomi plissait un oeil, grimaçant légèrement* " Ça dans le sang ! " Puis la brune marqua une pause, longue en apparence, mais de quelques secondes seulement. Elle avait oublié l'idée de base. " Ah oui ! Si tu étais déjà venu quelques fois, tu agirai pas comme si c'était la première fois ! "
Son raisonnement était logique, tiré par les cheveux mais, logique. Et face à ce constat, Naomi agitait lentement la tête avec fierté. Comme quoi, même sous l'effet de calmants, on pouvait faire preuve de déductions. Au prix de nombreux efforts intellectuels de la part des neurones encore opérationnels. Puis, assise, les coudes sur les genoux, les mains tenant son visage qui le regardait fixement, la magicienne écouta le sportif.
" Wahou... Du coup t'as clairement pris conscience que tu fais plus partie de cette unité. " C'était un simple constat, alléger par la suite " Alors, bienvenue dans mon unité des spectatrices ! On leur parle pas souvent mais, de temps en temps il nous faut des coucou avec la main. Et toi, tu fais pareil ! "
L'humour prit ensuite fin. Les rôles s'inversèrent et c'était au tour de Naomi d'avoir un visage assombri, légèrement baissé vers le sol. Homère avait bien visé. L'ennuie qui l'habitait s'amplifier au fil des jours quand elle venait sur les gradins. La jeune fille essayait de se voiler la face mais, c'était inutile face à lui. Il était le seul joueur avec qui elle avait bien sympathisé pour se parler régulièrement. Maintenant qu'il n'était plus là, on se souciait encore moins d'elle qu'auparavant. Etait-ce normal ? L'unité ne devait pas penser à elle, extérieure à tout cela ? Cette pensée lui fit mal mais, conciliante, Naomi comprit. La douleur devait toutefois être évacuée. Alors, lentement, elle se redressa, regarda une partie de la pelouse déserté par les élèves, située aux pieds des gradins. Elle tendit sa main et murmura des mots :
" Douces bulles d'eau, apparaissez, prenez vie et écrasez-vous sur le sol pour nourrir la verdure et apporter votre utilité au cycle de la nature. " C'était son délire à elle, une manière d'être "cool" en utilisant son don. Le seul point positif de le posséder aux yeux de Naomi. Cette dernière fit apparaître plusieurs bulles, d'abord petites, puis de plus en plus grosse. Elle perdait le contrôle. Écarquillant les yeux, dévoilant enfin un regard normal et non plus endormi, la magicienne manifesta dans ses pensées toute sa volonté de voir le flot d'eau s'estomper. Naomi ne désirait plus d'eau ! Et aux prix d'un mal de tête atroce qui lui faisait plisser le front, elle réussit. Les bulles s'écrasèrent toute au sol sans faire de dégâts. Fatiguée, elle se frotta le front tout en écartant une mèche.
" Désolée... C'est juste que... J'ai eu de mauvaises pensées. Il n'y a pas que des bons points à être supportrice. Depuis que tu es parti ce n'est plus pareil. Plus personne ne m'attend à la fin de l'entraînement pour m'inviter à manger ou à faire autre choses. " Sa voix était calme, lasse mais, elle sursauta et replanta ses yeux sur ceux d'Homère " Attention ! Je ne dis pas que je te reproche le fait que l'on se voit moins qu'avant ! Je ne le prends même pas mal " Bien sûr, ce serait parfait s'ils passaient plus de temps ensemble mais, ça, Naomi le garda pour elle. " Pour en revenir à ta question. Quand on se sent encourager dans une activité que l'on pratique avec envie et passion, même de la part d'une inconnue, on se sent mieux, on se sent pousser des ailes et on va plus facilement affronter l'adversité. Je crois que ma présence doit les faire se sentir mieux, rien qu'un peu. Et c'est suffisant pour que je vienne. "
On pouvait parler de sacrifice de soi, du temps passé à regarder autrui sans rien en tirer tandis qu'ils avaient d'autres choses à faire, comme étudier par exemple. Parler ainsi la faisait réfléchir, prendre conscience de pourquoi du comment elle était aussi attachée au club de Baseball. Ca lui faisait mal à la tête, donc elle grimaçait un peu en se frottant encore le front.
" Je suis désolée... Je ne t'encourage plus comme avant maintenant que j'y repense. Je me rattraperai"
Au loin la silhouette d'un joueur était tourné vers eux et agitait sa main gantée dans leur direction. Immédiatement Naomi afficha un grand sourire, inquiète à l'idée qu'on puisse lire sur leurs visages la mélancolie et l'inquiétude
" Coucou Jordan ! " * Elle lui répondait frénétiquement de la main avant de se tourner vers le brun * " Il faut faire coucou ! "
Code by Joy
HRP : C'est trooop bien comme réponse, ne t'inquiètes pas (Et si quelque chose gêne, ma boîte à MP est ouverte)
Le mensonge est évasif, elle a beau être ensuquée, Naomi est loin d’être bête. Et ça tu l’as toujours su malgré tes tentatives pour noyer le poisson. N’importe qui face à ton hostilité naturelle, aurait cédé au silence il y a bien longtemps. Et tu aurais gagné, gagné le droit de profiter de ce moment sans avoir à esquiver. Mais elle, elle lâchait rien, c’était ce que tu appréciais et que tu médisais parfois, intérieurement. « Ça dans le sang! » Tes sourcils se froncent une fraction de secondes pour marquer l’incompréhension, et de la grimace désabusée en ressort un léger sourire. Celui-ci est loin d’être sûr et certain, mais tes commissures sont relevées malgré tout. Oh oui, ça pourrait être vrai, tu pourrais avoir ça dans le sang. Mais c’est pas ton sang qui te feras courir et marcher droit. De part ton contrôle, tu ne le savais que trop bien. Le sang véhicule, pulse, il fait vivre. Mais il n’est pas celui qui t’aidera.
« C’est peut-être parce que je suis venu tellement souvent que maintenant je prend du recul. » Homère, la mauvaise foie incarnée. Tu démords pas, tu t’enfonces dans ta bêtise, sans fierté ni honte. Parce que t’as plus rien à perdre, alors tu hausses les épaules comme pour signifier que, qu’importe l’état de la situation, que ça soit la première, vingtième ou dernière fois. Ça te fera toujours le même effet maintenant que t’es sur la touche. Ça s’estompera éventuellement, voilà ce qu’on t’as dit. Mais toi, c’est le ‘éventuellement’ que tu as gardé à l’esprit et qui t’as picoré, rogné les contours du cœur en y pensant. « Wahou... Du coup t'as clairement pris conscience que tu fais plus partie de cette unité. » Tu tournes ton visage brusquement, les sourcils froncés, tu secoues la tête comme si celle-ci disait non. « Ça s’appelle un coup de poignard ça Naomi, soit plus douce bordel! Ménage-moi, je sais pas moi. » T’es pas vraiment énervé, ni agressif, mais on sent clairement que ça t’as piqué au vif, comme un coup de jus. C’est davantage ta susceptibilité qui parle face aux poids des mots de la jeune femme, qui est si spontanée, si naturelle, qui ne possède pas de barrières.
Tu la regardes user de son don, toujours avachit, regardant les bulles faire leur chemin avec une étonnante maîtrise. Tu voyais bien que quelque chose lui avait traversé l’esprit mais qu’étrangement, elle n’en avait rien dit. Tu l’écoutas, ton regard indolent ne sourcillant pas de tout le long. Finissant par te perdre rapidement dans tes pensées, le silence s’installa. C’était difficile pour toi de ne pas être constamment injuste envers elle. Ce n’était ni voulu, ni désiré, mais tu possédais cette tendance à te sentir piqué au vif pour un oui ou un non. Tu te défendais généralement avec ardeur, belliqueux, avant de partir pour t’enflammer dans ton coin. Il fallait bien de temps en temps que tu tentes d’être plus à l’écoute. « Évidemment qu’être encouragé, c’est vital pour un sportif. Il a sa propre hargne, mais si personne est là pour le regarder, c’est différent. Si on réalise un exploit et que personne le voit, ça a pas de valeur. »
C’était difficile pour toi, de trouver des paroles capables de consoler. L’exercice était maladroit. « On prend ça pour acquis, d’où le fait qu’on remercie pas nécessairement. Rien t’empêche d’un jour descendre, de les engueuler. Ils sont pas méchants. Ils se sentiront bêtes. Mais si tu dis rien, ils peuvent pas le deviner. Ils sont dans leur monde, un peu comme toi. » Il le savait parce qu’il avait été à leur place, que lui-même tournait le dos aux gradins pour se concentrer sur le terrain. Mais que même le dos tourné, il entendait ce qu’on criait dans son dos. « Je suis désolée... Je ne t'encourage plus comme avant maintenant que j'y repense. Je me rattraperai. » Tu pouffes de rire un instant, c’est soudainement un regard moqueur qui vient habiller ton visage. Tes yeux sont rieurs et ta main tente de cacher ton sourire taquin. « ’encourager? Tu vas venir le matin et me hurler ‘vas-y Homère, tu peux y arriver avec ta béquille!’? Naomi, t’es un peu étrange quand tu t’y mets. » Il imaginait alors des centaines de scénarios, tous plus absurdes les uns que les autres. L’intention était gentille, emprunte de bonnes intentions et tu le savais, c’est ce qui t’avais fais sourire au début. Mais tu trouvais la chose absurde, elle n’avait plus à t’encourager.
« Coucou Jordan! » Tu la vois hausser le ton, agiter la main. « Il faut faire coucou! » En réalité ton visage est livide, tu voulais pas attirer l’attention. Tu saisis calmement son avant bras, l’abaissant. Ton regard s’est endurci, mais avant de parler, de cracher comme à ton habitude, tu secouas calmement et négativement la tête. « Je veux pas que tu attires l’attention par ici Naomi. » Tes sourcils renfrognés parlent pour toi, mais c’est de l’embarras que l’on voit surtout dans ton regard. Tu veux pas qu’ils puissent te voir, qu’ils se disent, voilà l’éclopé. De base, tu voulais juste jouer au masochiste et repartir tranquillement. Tu finis par relâcher son avant bras, calmement, ne sachant si l’emprise a été contrôlée ou bien si tu as serré ses os entre ta main. Tu ne veux pas le savoir d’ailleurs, car tu sais que la seconde option te ferais culpabiliser. Mais que tu serais aussi incapable de t’excuser.
Oh mon dieu, il faut que je devienne une bonne amie. Il est foutu. On est foutus.
Naomi posa son regard lourd, dans tous les sens du terme sur le visage de Homère. Elle était stupide quand il s'agissait de comprendre la logique des cours mais, pas ceux de la logique du coeur. Elle ne dit rien, se contentant de le fixer avec ses gros yeux insistant, essayant vainement de pourfendre sa peau pour atteindre son cerveau. Menteur. C'était tellement évident. Quand on a ça dans le sang, on ne peut pas s'en passer aussi facilement. Elle avait perdu quelque chose que sa vie actuelle lui empêchait de retrouver. Etait-ce une erreur de se projeter sur Homère ? Certainement, car tout cela était très compliqué mais, Naomi pouvait mieux le comprendre. Des routes différentes mais, ô combien similaire. La brune ne prit pas la parole, ne voulant pas enfoncer un nouveau coup de poignard.
" La vérité ne doit jamais être ménagée au risque de fricoter avec le mensonge. Et je ne serai jamais l'amie qui te vendra de faux espoir ou se taira pour ton plaisir. Je suis franche... Enfin j'essaye souvent de l'être ". Coup de poignard ? Ou head-short d'une winchester ? Naomi ne le savait pas, Homère était trop mystérieux pour elle. Lâche, elle fuit son regard malgré tout, ne voulant voir un visage colérique. Ce serait injuste selon elle.
Puis il prit à son tour la parole, lui expliquant l'autre côté du miroir, l'autre revers de la médaille, celui du sportif encouragé par la supportrice qu'elle représentait. Yeux fermés, désintéressée de l'entraînement, Naomi essaya d'assimiler chaque parole, de correctement les interpréter et de les comprendre. Chose réussite, puisqu'elle sourit. Mais, lui, ne semblait pas l'avoir comprise. C'était comme regarder sa série préférée. La mort de son personnage fétiche rendait la série moins attirante, mais on suivait tout de même l'intrigue. Pour cette raison, elle avait arrêté Walking Dead et Game of Throne. C'était trop déchirant de voir son personnage rendre l'âme. Homère était son personnage fétiche, le baseball, sa série. Sauf qu'il ne suffisait pas de zapper pour passer à autre chose. Ce n'était pas l'heure d'être comprise. Ce n'était pas grave. Chaque chose en son temps.
" La différence entre nos mondes est assez grande. Ils jouent par plaisir, par fierté et pour se dépenser dans une passion qui le rend heureux. Je m'enferme dans mon monde pour le bonheur des autres. " Chacun avait ses secrets. Elle soupçonnait qu'Homère l'ait déjà analysé mais, aussi loin qu'elle s'en souvenait, la brune n'avait jamais parle de ses problèmes personnelles. Son monde à elle, c'était une prison et ses cachets en étaient les barreaux. Ce n'était pas comparable. D'ailleurs, elle s'offusqua, tournant les jambes sur le côté, le reste du corps suivant, lui tournant légèrement le dos avant d'être arrêtée.
" Homère, je t'encouragerai toujours dans ta vie, pas uniquement pour le baseball. Plus tard, nous deviendrons de grandes personnes, un bel homme, une belle femme et nous aurons chacun nos propres enfants en exerçant un métier que nous aimions. " Le "nous", dans sa tête, raisonnait comme un "tu". Ces souhaits étaient irréalisables pour Naomi, de son côté. Certes, Homère était aussi loin de cet accomplissement. Mais, n'était-ce pas une belle manière de parler de la Vie avec un grand V ?
Lentement, Naomi tourna les yeux vers cette main. Il l'avait touché ? Naomi haussa les sourcils. Les contacts physique, la belle ne les aimait pas. C'était trop intime. Même venant de Homère. Sèchement, elle retira sa main pour la poser sur sa cuisse. Le geste était malvenu mais, pas ses paroles, rapidement comprises.
" Je n'avais pas pensé à ça " Jordan retourna s'entraîner. Heureusement pour eux, les laissant à nouveau seul. Le sourire sur le visage de Naomi avait disparu.
" Je n'aime pas attirer d'ennuies ou de gênes... Je n'ai pas trop réfléchi sur ce coup-là. Bon peut-être pas qu'uniquement sur ce coup-là " * Elle bailla* " Désolée..."
« Homère, je t'encouragerai toujours dans ta vie, pas uniquement pour le baseball. Plus tard, nous deviendrons de grandes personnes, un bel homme, une belle femme et nous aurons chacun nos propres enfants en exerçant un métier que nous aimions. » Tu la regardes d’une drôle de manière. Les épaules basses, les yeux écarquillés, comme choqué. Tu clignes plusieurs fois des yeux, tu comprends pas tout à fait ces paroles et pourtant, elles te heurtent. Si tu te pares toujours avec tes grands airs, tu n’a jamais eu la maturité nécessaire pour te projeter aussi loin et c’est bien le fait que ça soit Naomi qui prononce ces mots qui t’étonne. Tu te plonges dans le silence, ton visage porte l’incompréhension, autant qu’une certaine gêne. Tu t’imagines pas, même en désirant anticiper, rien ne vient. C’est un fond noir, il n’y a rien. Alors tu lis tes poings entre eux, tu poses tes lèvres contres, les yeux ouvert, tu réfléchis. Tu hoches même simplement la tête face à ses excuses, l’agacement certain que tu éprouvais vient de s’envoler et tu balayes le tout comme si de rien n’était, comme si ça ne t’avais pas touché. Au fond, c’est pas grave.
Mais ça te perturbe, alors tu te tournes vers elle, ton dos est voûté, tes épaules basses. Cette sincérité dont elle faisait preuve, qu’importe la situation, cette spontanéité qu’elle possédait que, quelque part, tu enviais profondément. Te voilà désarmé, tu as l’impression de perdre la face, alors tu préfères le silence aux longs discours. C’est un peu un jeu, set et match. « Naomi. » Tu finis par attirer son attention, tu n’as l’air, ni en colère, ni agacé, loin de là. Te voilà désemparé. « T-Tu pars trop loin. » La gêne se lit clairement sur ton visage, tu détournes finalement ton regard. Tu t’imagines pas père, encore moins chef de famille. Oui tu as choisis la médecine pour avoir un métier stable davantage que par passion et un médecin en gendre, ça fait toujours bien, tu le sais. « Ça se trouve on se sera perdu de vu, t’en sais rien. Et puis quand t’auras ta vie t’auras plus le temps de t’occuper de la mienne. J’aurais probablement grandi, enfin j’espère. » Tu te rendais compte que qu’importe les relations que tu avais depuis ton accident, tu étais entouré malgré tout. À la différence qu’au lieu d’accepter l’aide, tu la renvoyais toujours à l’envoyeur, avec agressivité. Parce que c’était plus fort que toi.
Tu n’a pas relevé son bâillement, un peu plus tôt, c’est un détail insignifiant en règle générale. Mais pas pour toi. Parce que tu connais Naomi, ses travers, ses problèmes. Et puis tu en as assez que la discussion tourne autour de toi, tu es égocentrique, mais c’est pas une raison pour abonder en ton sens. « Tu prends toujours ces foutues pilules? Tu devrais pas te sevrer? Tu sais… Je crois que je t’avais jamais vue réellement. Sans être sous l’emprise des médicaments. »
Oh mon dieu, il faut que je devienne une bonne amie. Il est foutu. On est foutus.
Partir trop loin ? Certainement, c'était sûr. Comment des adolescents pouvaient avoir une idée précise de leur vie future d'adulte ? Il restait tant de choses à faire : réussir ses études, dompter un pouvoir dangereux, avoir un métier, trouver l'âme-soeur, faire la chose et avoir le bébé tant désiré. Naomi, de son côté se l'imaginait quelques fois. Pas cette vision mais, son futur. Cantinière ou femme de ménage, ce n'était pas dégradant mais, c'était des métiers ne demandant aucune qualification et ayant un statut social faible. C'était parfait pour quelqu'un comme elle. Prismver serait certainement sa tombe, puisque travailler avec un don dangereux dans une école normale n'était pas possible. Et qui aimerait une droguée ? Personne. Absolument personne.
Naomi ne paniquait pas. Il restait des années avant que cette vision ne se déroule. Et quelqu'un s'était proposé de l'aider, de l'accompagner, une B qui s'appelait Colombe mais, qui préférait Cole. Ensemble, elles pouvaient renverser la roue du destin.
" Désolée... Je t'ai laissé bouche-bée. C'est rare. Je ne faisais que décrire la classique route de la vie. Puis j'ai conscience que je ne serai pas toujours là ! Une amitié dure rarement toute la vie. Si tu deviens médecin et moi... Hmmm... Je continue ma route " Dire femme de ménage, ce serait l'inquiéter inutilement. " Nous serons séparés. Sauf si je deviens la mère de tes enfants mais, je ne crois pas que ce soit mon destin. " Ces sentiments pour Homère étaient forts mais, cela n'avait rien à voir avec de l'amour et Homère n'en avait jamais exprimé. Il n'y avait pas de feu sans étincelle. Et aucun d'entre eux ne manifestaient d'étincelles. Alors, ce n'était pas très utile de lui donner l'image d'elle au ventre arrondi grâce à lui. Mais, c'était son tempérament, de ne jamais réfléchir aux mots.
" Personne à Prismver ne m'a vu seuvré, car je ne l'ai jamais été depuis la découverte de ces médicaments. Mais, je veux bien te le montrer. " Non, Naomi ne lui disait pas qu'elle arrêterait quelques jours pour lui apparaître réveillée. Rapidement, elle fouilla dans son sac de cours et en profita pour faire le tri, se débarrassant de bouchons solitaires et de boulettes de papiers aux notes incompréhensibles avant de sortir du fond du sac une photo froissée. Malgré l'état de l'image, on pouvait clairement voir Naomi parfaitement éveillée, se tenant droit, les yeux pétillants de joie en affichant un sourire étincelant face à un oiseau en cage qui semblait agiter. Il s'agissait d'une scène immortalisée par son père lors de leur visite à l'animalerie, deux mois avant la découverte de son pouvoir. Elle était éveillée et pleine de vie. Cela dénotait avec le visage endormi exprimant peu d'émotions présent sur les gradins. Et quand ce visage souriait, si la jeune fille ne faisait pas d'efforts particuliers, on ne verrait qu'un petit rictus. Pire, quand elle pleurait, de simples larmes coulaient. Son cerveau endormi rendait inerte son visage autrefois comparable à un livre ouvert.
" J'étais comme ça. Heureuse, joyeuse, pétillante, intelligent, maline. Maintenant, il ne me reste que ma sensibilité, ma maladresse et mes peurs. " C'était un triste constat réaliste. Bien entendu, Naomi avait gardé d'autre qualité mais, moins importantes, moins vitales, moins attirantes. Oui, moins attirantes. " Je crois que ça me porte préjudice. Avant, on me tournait souvent autour pour être mon amie ou mon petit ami. Maintenant, c'est beaucoup plus rare. Je crois n'avoir que... 6 amis ? 7 ? " Elle avait compté avec les doigts de sa main, baissant et montant le septième, incapable de réciter une liste précise de personnes. Il y avait une différence entre une connaissance et un ami. Homère était un ami.
La magicienne tourna ensuite lentement son visage vers son ami, le regardant dans les yeux : " Je n'ai pas eu le choix. Soit c'était moi, soit c'était les autres. Cette eau apparaît dès que j'y pense... Les calmants calment mon esprit " Au même moment, les plus observateurs purent contempler un filet d'eau apparaître derrière le gradin et s'écraser au sol. Parler d'eau, c'était penser eau.
C’est dingue de voir que malgré ton agacement du début, finalement, sa présence a finit par te détourner de ton but premier. En règle général, on aurait tendance à dire que c’est une mauvaise chose. Mais pas aujourd’hui. La présence nébuleuse de Naomi, ses gaffes, ses mots incisifs te faisant tôt grogner, tantôt rougir t’ont arrachés à ce que tu comptais t’infliger. Tu n’en as pas encore conscience, tu t’en rendras probablement compte lorsque le terrain sera vide. Que tu tourneras pour les apercevoir et que tu ne verras rien, rien à part de la terre battue. Et ça t’étonneras probablement, tu resteras sûrement pantois, silencieux.
Alors, dans le fond, ce n’est pas plus mal ce qui est en train de t’arriver. Tu n’en as pas conscience, pas encore, car tu es encore en train de te prendre le visage entre tes mains face à l’une de ses énièmes phrases qui te mettent dans l’embarras. « Ah mais ça suffit ce genre de phrases! » Tu le répètes, tu te demandes comment elle fait pour ne ressentir aucune gêne. Parce que si tu es gêné, tu l’es aussi pour elle. Pour des personnes qui peut-être, en passant, auraient pu entendre. Tu finis par lui balancer un petit morceau métallisé, celui que l’on trouve sur les canettes. « Arrête de raconter n’importe quoi. Apprend à vivre sans tes médicaments avant de faire ce genre de plans sans queue ni tête. » Tu la vois fouiller, sortir une photo. Ça t’étonnes de savoir qu’elle a toujours ça sur elle, qu’elle se trimballe avec.
Ça t’éveilles quelques pensées, que tu tais. « C’est déjà pas mal six ou sept. » Tu hausses les épaules, tu relativises, prenant la photo d’entre ses doigts pour la regarder par toi-même. Elle était effectivement bien différente, le constat était là, irrémédiable. Ça t’affectais de savoir que la médecine ne s’était toujours pas adaptée à vous, qu’elle continuait de produire sans trouver de véritables solutions pour les gens comme eux. Ça le chagrinait presque, c’était comme leur dire, débrouillez-vous. Vous êtes les artisans de votre propre situation. Et ça l’agaçait terriblement. « Je vois. Mais tu dois pas être la seule. La seule dans ce cas de figure je veux dire. Y a peut-être quelqu’un, dans Prismver même d’ailleurs, qui pourrait t’aider à maîtriser ça. Les calmants, c’est une solution sans en être une. Le jour où tu les arrêteras, le problème sera le même. Et si tu continues de les prendre, tu peux pas apprendre à mieux le maîtriser. »
Il était clair que l’ironie était de mise. Toi, Homère, t’étais quelque part dans une situation similaire. Mais tu savais aussi que malgré tes états d’âmes, tes humeurs, tu finirais par trouver une solution. À ton rythme, mais que personne te pousserais à faire quoique soit. Trop têtu, trop indépendant, tu voulais trouver une solution sur-mesure. « D’ailleurs, soyons honnêtes, ça doit coûter cher ces calmants. »