Y'a des fois où la vie te faisait un bon, gros doigt.
Comme ça, sans aucune raison apparente. Juste pour le
#lol, y'a eu une sélection et t'es la malheureuse tête à avoir été choisie pour l'hilarité collective de ceux qui décident des grands trucs, certainement. Tu invoques le Karma tellement souvent faut dire, fallait bien que ça te retourne au visage un moment ou l'autre. Fallait pas être surpris.
Ça ne t'empêchait pas d'être absolument saoulé par tout ce qui te tombait dessus, même pas le temps de prendre ta respiration, les problèmes s'empilaient un à un. Déjà, glisser dans la douche ce matin, tout en te mordant la lèvre dans la chute (c'est pas drôle sinon), ça avait annoncé la couleur.
Le temps de piger ce qu'il venait de se passer, de t'occuper de la blessure et de te préparer, et te voilà qui était arrivé en retard aux cours. Le professeur visiblement avait eu une super matinée aussi, car ce dernier t'avait démoli devant toute la classe, pendant dix minutes top chrono. Et t'en avais pris pour ton grade, hein, il n'y était pas allé avec le dos de la cuillère, bah non, ç'aurait été trop simple. Passant de ton retard, au fait que tu n'avais pas ta place chez les B, et à tes pompes qui faisait quand même vachement « petit insolent », t'avais perdu quelques dents dans la bataille – que t'avais soit dit en passant, passer les yeux baissés et mains enfoncées fermement dans les poches de ta veste.
Et c'est pile quand t'étais certain d'en avoir fini, t'asseyant sur ta chaise, que c'était reparti pour une couche. Tellement paniqué à l'idée d'être en retard, t'avais oublié ton devoir sur ton bureau. Dans ta chambre.
Et c'était reparti pour dix minutes.
Dix longues, fatigantes et intenses minutes, où ton self control se retrouvait oh combien mis à l'épreuve.
Et toute la journée, t'avais pas arrêté d'en entendre parler. Pas méchamment, les élèves de ta classe n'étaient pas des monstres, mais ça et ça empilés ensemble et ta sensibilité se retrouvait à fleur de peau (ah!). Ta susceptibilité prête à éclater d'un moment à l'autre. Un plutôt bon second degré d'ordinaire, mais à te prendre le même pic pendant deux heures, t'avais atteint tes limites.
Y'a eu un surplus à un moment. Ce n'était plus possible, t'en avais marre, t'étais fatigué et dépassé, et t'avais juste envie que cette journée se termine le plus vite possible, et sans que t’aie une poussée d'acné à l'odeur doucette. T'avais décidé de t'isoler.
T'isoler des vannes, des blagues, de la légère coupure que t'arrêtais pas de lécher de ta langue tel un môme (parce qu'au fond t'en étais encore un), te calmer un petit coup, t'avais la frustration tellement bouillante, ça hurlait dans ta tête. Une bouilloire prête à exploser.
D'une légère phrase, tu t'étais excusé, tes potes t'avaient laissé partir, pas trop intéressés, pas inquiétés, ils avaient vu que t'étais dans ta tête plus qu'autre chose, l'air blasé avec un voile qui assombrissait ton regard. Tu ressemblais à un gamin en train de bouder, mais vous étiez tous des gosses, alors ça semblait mi-sérieux mi-dérisoire. Puis tout le monde avait ses mauvais jours, ça, pas besoin d'une expérience aiguisée de la vie pour le savoir.
Pendant de longues minutes t'avais dérivé, écouteurs enfoncés dans tes oreilles, mains dans les poches et regard rivé sur le sol.
Tu ne savais pas combien de temps t'avais déambulé, passant élèves et professeurs sans même un salut. Marchant pendant douze de tes chansons, alors t'assumais presque quarante minutes. Tu te risquas à fermer les yeux et passer tes mains sur ton visage, ravalant un soupir, tremblant, la tension quittant progressivement ton corps.
Tu rouvris les yeux.
Eeet... la tension remonta en plein pic.
Entre des dents serrés, t'articulas un simple «
Sérieusement... » Tu laissas tes épaules retomber abruptement, tant par dépit que par moyen de contrôler un grognement que ta voix essayait désespérément de sortir depuis le début de la journée.
Fallait que tu dérives sans but jusqu'aux jardins.
Les foutus jardins de Prismver. L'endroit que t'évitais comme la peste depuis le premier jour où t'avais vu sa flore flamboyante, que t'avais été agressé par les parfums enivrant qui dominaient la place – pire qu'une boutique de parfumerie, ça cocotait à des kilomètres à la ronde, comment tu n'avais pas calé que tu t'en approchais exactement ?
Soupir. Encore.
Mauvais jour jusqu'au bout, hein.
Non, attends Kelly, la vie prépare un autre événement pour te montrer son deuxième majeur.
Ton regard s'aventura brièvement sur le parterre de fleurs à ta gauche. Ça te remuait l'estomac, à deux doigts de nous choper un ulcère, une haine aussi viscérale envers un truc qui n'a rien demandé, ça ne peut pas être bon. Surtout pour d'aussi jolies couleurs. Y'avait une agréable palette, t'avais presque l'impression qu'elles avaient été plantées de manière à ce que ça soit jolie. Harmonieux. Rose, blanc, bleu...
Putain, qu'est-ce que tu les détestais.
Ton cerveau te disait de faire demi-tour, de reprendre ta marche à zéro, mais ton cœur te hurlait d'avancer vers ce parterre, et là t'étais un bordel émotif, alors t'éteignis tes neurones, t'éteignis ta morale et tout ce qui faisait que t'arrivais plus ou moins à vivre en société, et t'avanças d'un pas rageur et déterminé vers ces petites choses innocentes.
Même pas besoin d'une seconde d'hésitation, de questionnement, zéro réflexion, c'était le but de tout éteindre après tout, juste de laisser tes pulsions te gagner un peu. Fallait les vider, sinon les fleurs elle ne serait plus dans la terre, mais sur ta peau. Ce n'était l'affaire que d'une seconde avant que tes pieds, tes semelles « de petit insolent » écrasent les fleurs, les aplatissent, à plusieurs reprises tu le relevas et recommenças à le laisser tomber sur le sol, la musique criait dans tes oreilles et la frustration pulsait dans tes veines. T'avais l'impression que cet accès de violence gratuite te purgeait. T'écrasas, encore et encore et encore, jusqu'à ce que le parterre soit collé par terre, couleurs moins harmonieuses et surtout mélangées les unes aux autres.
Tu laissas échapper un long, long, long soupir – épaules qui se redressent et s'abaissent doucement, mécaniquement. Ça soulageait. Une pause dans ta musique. Tu te retrouvais nu au monde autour de toi, réceptif aux bruits. Peut-être un peu trop, car t'entendis les pas dans ton dos, tu les entendis s'arrêter. Mortifié, tu fis volte-face, t'aperçus l'homme, tu le vis de toute sa hauteur, tenant dans ses bras de plans, assez ressemblants à ceux que tu venais d'écraser.
L'horreur prit place dans ton regard. Aucune expression, mais dans la lueur qui brûlait dans tes yeux, on pouvait tout lire, comme dans un livre ouvert.
T'avais juste envie de rage quit la vie.
Il était là le second majeur.
Cerveau rallumé de force.
«
Je suis désolé. » C'était hâtif. Peut-être un peu paniqué dans la forme, pas facile facile de savoir. Pas moyen de dire que c'était un malentendu, que oops, t'avais trébuché, c'était trop crâmé, tu ne pouvais qu'attendre ta sentence. Foutue Karma.