Ménage de printemps ! Bon, c'est ironique si on le dit comme ça Madeline, puisque le ménage, franchement, t'es très loin de le faire qu'au printemps. Mais c'est différent, là, c'est plus du tri. Si ta mémoire s'est occupée des souvenirs, il en reste des formes physiques, que tu gardes dans ta chambre et que tu n'es plus très sûre de vouloir te remémorer. C'est au-dessus de ton armoire que l'on trouve cette grande boîte remplie à craquer de polaroïds. Un samedi après-midi, ton regard balaye les bouts de papier à l'encre parfois passée comme le temps a balayé certains de ces bons moments. Ton cœur se serre à la vue d'une photo de Cassiopée et de toi, métamorphosée en Cassiopée, alors tu te dépêches de la remettre au fond de la boîte. Douloureux souvenirs que tu préfères cacher au profit d'autres plus légers. Il y a cette photo, dont tu crois que l'encre est vraiment passée, avant de te rendre compte qu'il s'agit du soleil et donc du témoignage d'un petit échec niveau orientation lumineuse. Pourtant, en revoyant cette photo, tu te rappelles petit à petit de cette journée. C'était en été, sur la plage, qu'elle a été prise.  

C'était il y a environ 2 ans...

À l'époque, tu avais 17 ans et cela faisait environ un an que tu habitais à Prismver. Un an de découvertes de ce que c'est vraiment que "le monde normal" pour toi, sortie de ta cage dorée tel un oisillon. De cette période aussi tu as des souvenirs bien colorés. Tu te rappelles du visage d'un blond, en E, Liam, avec qui tu as perdu contact depuis au fil des ans. Un sourire se dessine sur tes lèvres lorsque tu songes au faible que tu sembles avoir pour les garçons manquant de mélanine au niveau capillaire. La preuve a pris forme depuis au travers de Matthew qui, non content de partager ton bungalow, partage aussi désormais ton lit, ta vie et se réserve le privilège de ton affection. Pourtant, à l'époque aussi ton cœur balançait vers un blond et cela n'avait rien à voir avec Liam, rien du tout. Owain était son nom. En classe D (tu avais fait une exception) et rencontré lors de l'une des fêtes qui faisaient la renommée de la classe couleur soleil, il était à l'époque le tien, ce qui était plutôt ironique en y repensant. Parce que oui, c'est avec lui que tu étais lorsque tu as pris cette photo surexposée.

En été, donc. Sur la plage, donc.  

Sur la plage à ton initiative, d'ailleurs, toi qui savais que ton ami aimait cuisiner ((vulgaire prétexte)) tu lui avais proposé un pique-nique au près des vagues. Madeline, rayonnante dans les rayons, tu avais choisi une paire de jolies sandales et assorti à un short noir un maillot de bain prune qui épousait à merveille ces formes que tu t'amusais à sublimer ((tu ne faisais pas vraiment du D mais tu voulais lui taper dans l'œil)) à l'aide de ton pouvoir d'alors. Jambes naturellement fines et maquillage waterproof, tu avais emporté un peu de cosmétiques juste au cas-où une retouche express s'imposerait, dans un petit sac contenant aussi une grande nappe sagement pliée, ton appareil photo instantané et une bonne quantité de films pour figer la soirée sur papier glacé. Le sac était petit, parce que le panier à pique-nique était grand, garni à craquer de plats débordant d'attention que tu avais confectionné un par un. On pouvait y trouver une salade de poulet, des petits sandwichs au pain complet à peine sorti du four et des légumes coupés en bâtonnets, avec une sauce crudité faite maison. Dans une boîte il y avait aussi des chips de ton œuvre, mais tu ne comptais pas vraiment en manger.

L'heure du rendez-vous était fixée à 18h45, le temps de tout installer pour commencer à manger vers 19h et tu étais prête, sur place à l'heure voir même un peu avant. Patiente, Madeline et lorsque tu as vu Owain arriver à la plage, tu n'as pu t'empêcher de sourire un peu bêtement. Tu t'es retenue à la dernière seconde, cependant, pour te contenter d'appeler son nom en lui faisant un signe de la main, alors même qu'il n'y avait pas vraiment d'autres personnes sur le sable fin. Tout de même, tu ne pouvais pas avoir l'air incroyablement ravie de le voir ici alors que tu l'avais toi-même invité, si ?

▬ Je suis là ! Dépêche-toi, que l'on puisse tout installer... Tu as pensé aux couverts au moins ? Pas en plastique, j'espère.

Pieds dans le sable, tu souris d'un air joyeux à sa réaction. Tu as une jolie paire d'yeux couleur de ciel qui s'attardent sur la silhouette de ton ami couleur de soleil, se perd dans ses cheveux blonds, glisse le long de son bras et s'attarde sur le panier qu'il porte. Une étincelle de curiosité y pétille, tes bras fins s'élancent en même temps que tes longues jambes vers lui, une seconde avant que tu te souviennes d'à quel point il est difficile pour toi de garder un semblant de contenance en sa présence. Ombre de rouge qui glisse sur tes joues, tu attends sagement qu'il arrive à ta hauteur. Mélodie plaisante, son compliment te fais encore plus plaisir que ce à quoi tu t'attendais. C'est tout simple pourtant. Ton cœur commence à battre un peu plus fort dès qu'il s'approche de toi. Madeline, plus alors jeune que désormais, que l'amour a choyé chaque jour de sa vie, tu parvenais tout de même à devenir plus heureuse qu'à l'habitude lorsqu'il s'approchait.

Toi, de quelques pas, tu viens lui sourire après avoir posé le panier de pique-nique sur le sol, abandonné ton petit sac à côté, en ayant tout de même conservé ton appareil avec toi. Déjà tu t'adosses contre sa silhouette, il a cet air un peu simplet mais terriblement chou. Les bras levés, qui portent l'appareil instantané, tu esquisses un joli sourire et appuie sur le bouton déclencheur pour immortaliser le début de cette soirée que tu espères aussi radieuse que l'horizon. Au-dessus de la mer ((couleur iris d'Owain)) se détache et se reflète la sphère lumineuse du soleil ((couleur cheveux d'Owain)) qui teinte le ciel d'un camaïeu orangé et chatoyant. Des vagues blanches et mousseuses viennent caresser le rivage sablonneux et tu notes dans un coin dans ta tête d'aller y plonger après le repas. La plage, la mer, l'odeur forte de l'iode qui se mêlait à celle du parfum sucré dans tes cheveux, tu fermas un instant les yeux pour en profiter pleinement.  

▬ Ça s'annonce comme une bonne soirée, non ?

Voix sucrée et taquine qui file entre tes lèvres, lorsque tu penches la tête en arrière pour entrapercevoir un bout de son joli visage. Enfin, un peu à contrecoeur, tu cesses de profiter du contact chaud de la peau d'Owain dans ton dos, lorsque tu commences à trouver tout cela trop agréable pour ton propre bien. Il y a quelques pas, que tu esquisses vers le panier qui commence à s'enfoncer dans le sable chaud. Mimique d'étirement, tu te penches vers le panier à tes pieds et commence déjà à déplier la large nappe en tissu que tu as pris le soin d'emporter, blanche avec un motif simple de carreaux bleus. Les genoux qui se fléchissent, dans un mouvement coordonné, qui rapidement touchent le tissu de coton, tu commences à disposer les plats que tu as emporté avec toi.  Tu meurs d'envie qu'il t'imite, pour voir ce qu'il a pu préparer. Petite princesse aimant être chouchoutée, Madeline tu apprécies à sa juste valeur qu'il ait cuisiné pour toi.

Un sourire, à nouveau, impossible de te régler sur la tristesse ni la colère aujourd'hui. Tu pries juste au fond de toi pour qu'il aime autant ta cuisine que tu aimes sa compagnie, tapotes tes cuisses du bout des doigts et lui fais signe de venir de l'autre main. Brin de folie, regard à droite et regard à gauche pour t'assurer qu'il n'y a personne que tu connais sur la plage, tu écartes largement les bras avec un sourire mesquin.  

▬ Câlin ?