Plusieurs jours s’étaient désormais déroulés depuis ma rencontre avec Laeti, une Voltor, qui était motivée à faire changer les choses tout comme moi. Nous avions finalement choisi le risque de mêler d’autre personnes à notre projet, quitte à le faire foirer. Après tout, plus grand le chaos serait, mieux cela sera. Notre action devait marquer les esprits, amener un maximum de personnes dans nos rangs. Si mon pouvoir nous permettait de recruter quelqu’un avec le don de la téléportation, nous pourrions enfin agir en dehors du pensionnat. Quoi de mieux pour imposer les mages en tant que figure forte que de s’en prendre à nos bourreaux, ses personnes qui ne sont pas dotés de pouvoirs, ceux qui sont responsables de cet attentat. Et moi, ce pouvoir pouvait aussi me permettre autre chose : ma vengeance. Celle dont je rêve depuis plusieurs années déjà. C’était d’ailleurs l’une de ses seules choses qui me motivait dans ce projet. J’avais quelque chose à y gagner.
Pour mener à bien notre action, je comptais rallier Amélia à notre cause. Cette fille avait fait partie des S, et avait dans le passé, semer pas mal le trouble. Elle était l’alliée idéale. Bien que je ne savais pas vraiment si notre cause allait l’intéresser. Ses actions semblaient dépendre de son seul intérêt, de son envie de chasser l’ennui. Je ne comptais pas la décevoir.
Je lui avais donc envoyé un lms en début de journée, l’invitant dans ma chambre en début de soirée, sans avoir la certitude de piquer sa curiosité. Par chance, ma tentative n’avait pas échoué, bien qu’elle me menaçait de me le faire payer si je ne parvenais pas à la distraire suffisamment. Mais ne t’inquiète pas Amélia, j’aime les défis. Et je déteste les perdre. Soit sûre que j’arriverais à chasser ton ennui ce soir.
Amélia arrive à l’heure, je lui ouvre donc la porte avec un sourire en coin :
▬ Bonsoir Amélia.
Je l’invite à s’installer dans ma chambre d’un signe de main, avant de fermer la porte, et de prendre garde qu’aucun de mes colocataires puisse nous entendre. Tout devait rester secret pour le moment. L’effet de surprise ne pourra être que meilleur :
▬ J’ai beaucoup entendu parler de toi, tu sais. Ancienne S, il parait que tu as pas mal semé le chaos dans le pensionnat, que tu t’en es pris aux militaires. Bref, la plupart des élèves d’ici disent que tu es mauvaise.
Je soutiens son regard quelques instants, cherchant une réaction de sa part :
▬ Je ne suis pas là pour te juger, ne t’en fais pas. De toute façon, je ne partage pas l’avis de ses idiots.
Je hausse simplement les épaules, avant de reprendre :
▬ J’ai rencontré un Voltor il y’a peu. Et nous avons pensé agir, notre passivité n’a que trop duré. J’aimerais que tu sois mon alliée. Je suis sûre que tu pourrais grandement nous apporter.
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Sujet: Re: chaos ▬ amelia Sam 23 Juin 2018 - 22:50
chaos
Le chaos m'appelle, je peux le sentir, comme les échos de douleur à chaque fois que je traverse ce lieu. Le hall reflète la perfection des murs fermés de cette école, l'image d'une rébellion cachée, mais les murs blancs ne suffisent pas à tromper l'appel de mon âme. Je sens le souffle des morts, la tristesse que ce lieu continuera pour toujours de renfermer. Suis-je prisonnière de ces pensées intangibles que nul autre n'est capable de saisir ?
Suis-je devenue folle déjà, à présent que je suis revenue dans le lieu qui m'a transformée ? Je recherche la liberté et après tout ce temps, après toutes ces questions, je réalise que je me sens plus proche de cette école à présent qu'elle baigne dans le chaos qui me plait tant. Je réalise que la réponse était là, que je n'étais pas l'erreur dans l'équation mais que le monde voguait dans la mauvaise direction à la recherche d'un bonheur que la paix ne pouvait leur apporter. L'ennui m'aspire, et lorsque je perds de vue cette plénitude, l'aboutissement de mon esprit, cet endroit me rappelle comme le chaos est resplendissant. Cet endroit est la preuve que je n'ai pas tort, que ma vie n'a pas été vaine. Puis-je toujours prétendre au bonheur à présent que mon âme est ainsi souillée ? Je veux explorer les moindres réponses, et malgré ça, l'innocence n'est plus une option à présent que j'ai tant changé.
Tu es tombée à pic, Zelda. Je t'observe depuis un moment, la graine d'un chef d'œuvre de désespoir que j'espérais voir se former de lui-même. Ton message m'emplit d'impatience, comme si la réponse venait d'elle-même, comme si à nouveau, le destin refusait de me voir sombrer dans l'ennui et le doute - comme s'il me jugeait digne d'intervenir, d'agir, d'exister ; comme s'il écrivait de lui-même l'extension d'un chemin dont je commençais à imaginer l'extrémité. Quelque part, cette chance me rassure dans mes convictions et je ne peux imaginer que je ne suis pas différente devant le piédestal que la vie me tend, devant ces réponses gratuites, ces jours d'amusement - cet ennui qu'elle me refuse.
Ce n'est pas de cet endroit que je suis prisonnière, mais d'une vie qui m'offre les indices en me refusant la réponse. N'est-ce pas le meilleur jeu, Zelda ? N'est-ce pas la meilleure façon de vivre, ces recherches permanentes ? Ce n'est pas tant une réponse que je veux avoir, mais une raison de continuer à la chercher. Ce n'est pas l'aboutissement qui m'intéresse, mais le chemin qui y mène. Ma gourmandise ne se satisferait pas des réponses obtenues sans efforts et je me moquerais bien d'une victoire si je n'ai pas pu l'obtenir de moi-même. Peux-tu comprendre, Zelda ? Je ne veux que l'amusement, pas un résultat ; je me moque des mouvements, tout comme de vos objectifs. Je recherche mon propre profit, et c'est au sein de l'adrénaline, de ces nouvelles sensations pures, instinctives et enfouies au fond de mon être qu'elles se dévoileront ; au sein d'une vie qui diffère à chaque instant.
Comment me suis-je retrouvée ici ? Je ne sais pas, et je le regrette déjà. Je le vois à ton apparence, au langage que ton corps me hurle de remarquer. Je ne veux pas de ça, Zelda. Je ne veux pas de toi, de ces plans sur la comète et des flatteries absurdes que seul un inconnu aurait la bêtise de débiter. Je ne cherche que mes réponses, que des sensations que l'ennui d'une telle discussion ne saurait jamais me procurer. L'esprit vagabond, je refuse de m'asseoir et me balade aux alentours du bureau sur lequel je laisse glisser ma main. Je caresse les accessoires du bout des doigts et ma main s'arrête sur un crayon lorsque tu exprimes enfin les raisons de ton appel. J'ai déjà de quoi écrire, après tout, et elle glisse vers la gomme.
Que je sois votre alliée, hein. Mais je n'ai rien à gommer, aucun regret à avoir - et ma main se referme sur le compas que je saisis pour le lancer vers ton visage. Brusquement, violemment, gratuitement. Manque de chance, il se plante dans le bois de la porte et vibre pendant quelques secondes avant de se stabiliser. Un sourire froid se dessine sur mes lèvres et je pivote entièrement pour lui faire face.
- Je ne suis l'alliée de personne. Je ne serai utile à personne, et je n'aiderai personne si vous ne m'êtes pas utile. Je me moque de ce que tu penses de moi et de tes raisons. Donne-moi une raison de t'aider et arrête de tourner autour du pot ou la prochaine fois, je te le promets, je ne te manquerai pas.
Je te hais, destin, pour ce faux espoir. Comme je hais chaque goutte d'ennui qui me rend toujours pire.