Un soir au claire de lune. [Anna]

Maintenant que l’été était enfin terminé j’avais décidé de profiter de l’extérieur avant le froid de l’hiver. Lorsque je vivais avec mon père il ne me laissait sortir que le soir afin que je ne risque pas de blesser quelqu’un. Même si désormais j’avais l’autorisation de sortir le jour j’avais gardé l’habitude de me promener tard. Malheureusement être une A laissait peu de temps pour sortir avec tout le travail que nous avions…
Après les cours, j’avais décidé d’aller réviser à la bibliothèque tout de suite pour pouvoir ensuite aller dans le jardin ou même les galeries marchandes si je finissais mon travail assez tôt. Je m’assis dans un coin, ouvrit mon livre d’histoire et commençais à réviser.
Autour de moi il n’y avait que du vide, j’avais l’impression de tomber depuis des heures, enfin j’aperçu le sol. J’allais mourir écrasée ! J’hurlais, mettais mes mains en avant comme si cela pourrait me protéger et me retrouvé le nez collé sur mon livre d’histoire. Je regardais l’heure à ma montre. Quelle imbécile ! J’avais passé l’après-midi à dormir dans la bibliothèque. J’espérais que personne ne m’avait vue sinon ma réputation en prendrait un sacré coup. Mon contrôle étant le lendemain je n’avais pas le choix et passais donc une partie de la soirée à réviser manquant au passage l’heure du repas.
Affamée je sortis de la bibliothèque, c’était l’heure d’aller se coucher mais maintenant je n’avais plus du tout sommeil. Je décidais d’allé trainer dans l’internat. Par curiosité je me rendis au deuxième étage je n’y étais allée que rarement seulement pour aller manger sur le balcon avec quelques personnes de ma classe. En passant devant ce dernier j’aperçu une silhouette. Il y avait encore quelqu’un à cette heure-ci ? Après tout c’était l’étage des nuls comme on dit, puisqu'ils ne vont pas en cours ils se couchent surement bien plus tard que les autres.
Je m’approchais et vis un jeune homme avachit sur une chaise. Lorsqu’il s’aperçut de ma présence il mit une espèce de bandeau sur ses yeux. Bizarre.

« -Tien tien ... Une petite princesse qui traine tard, et surtout seul le soir ... Tu n'as pas peur ? »

Je n’eus pas le temps de répondre quoi que ce soit qu’il me parla à nouveau.

« -Tu n'as pas peur de croiser des vampires ? »

Puis en se mettant à ricaner j’eus l’impression qu’il m’observait. Ce qui était tout à fait stupide puisqu’il portait un bandeau. Peut-être que son pouvoir était de voir à travers les objets ? Mais alors le bandeau ne servait à rien. Tout ceci était vraiment étrange. On aurait dit qu’il avait l’intention de me faire peur. Cela aurait sans aucun doute fonctionné si je n’avais pas eu la capacité de le faire exploser en me concentrant.
Je lui fis un de mes faux sourires et répondit d’un ton amusé :

« -Je ne crains pas les vampires.»

Je me rendis compte que mon sourire était stupide puisqu’il ne pouvait pas le voir même si je ressentais une étrange impression. J’agitais ma main devant ses yeux afin de vérifier s'il ne voyait vraiment rien.

L’étrange jeune homme semblait ne pas avoir vu la main que j’agitais devant lui ou alors il fit comme si de rien était. Ma réponse sembla l’amuser et il répondit qu’il n’était pas un vampire avec un rire presque sadique. S’il m’avait dit le contraire j’aurais presque pu le croire. En effet, il était d’une certaine beauté mais avec sa peau extrêmement pâle, ses cheveux noirs corbeaux et son tatouage il était l’image même que je me faisais des vampires des livres.
L’inconnu souriait, riait, m’incitait à venir vers lui en me complimentant sur mon parfum et en agitant la main. Il semblait s’amuser tout seul, je me demandais s’il se moquait de moi ou me draguait. Il y avait quelque chose de bizarre dans son comportement mais je ne savais pas quoi. C’est alors que j’aperçus sur la table à côté de lui un sachet de poudre. Je commençais alors à comprendre l’origine de son étrange comportement. Alors que je l’observais d’un air intrigué il m’incita encore à venir en agitant la main. J’hésitais un instant, qu’allait-il faire si je m’approchais ? Ce qui était bien c’était que grâce au bandeau qui l’aveuglé je n’avais pas besoin de sourire stupidement en permanence contrairement à d’habitude. Je pouvais avoir n’importe quelle expression sur le visage il ne le voyait pas, c’était reposant de ne pas avoir à se contrôler… Je décidais de m’approcher lentement et ne bougeait pas lorsqu’il me susurra à l’oreille :

« - Tu semble avoir du cran petite princesse. Tu veux essayer un truc ... Qui t'enverra directement au 7ème ciel ? Bien entendu c'est gratis. »

Pour être une proposition ambiguë ça en était une. Impossible d’être sûre s’il parlait bien de sa poudre ou alors d’autre chose. Je le fixais pour voir s’il ne me faisait pas un signe ou quelque chose comme ça pour m’éclairer mais non. Au lieu de ça il continuait à sourire. Le jeune homme semblait bien s’amuser et il ne daigna pas mettre fin à l’ambiguïté de sa phrase. Comme si c’était fait exprès. Le choix le plus simple était de répondre non ainsi je me sortais de cette situation et je n’avais plus qu’à m’en aller. Mais je n’aimais pas la facilité et j’avais envie de m’amuser comme lui qui pouvait le faire grâce à sa drogue.
Je m’éloignais doucement de lui puis allais vers la table et pris le fameux sachet en l’agitant de droite à gauche oubliant qu’il ne voyait rien.

« -C’est de ça dont tu veux parler ? », demandais-je d’un ton amusé.

Je fixais tour à tour la poudre du sachet et le jeune homme mystérieux. J’attendais d’avoir la confirmation qu’il me parler bien de ça. Et si c’était bien le cas, serait-ce une bonne idée d’accepter ? Je décidais de voir sa réaction avant de faire mon choix. Me rendant compte que c’était stupide puisqu’il ne voyait rien, j’approchais le sachet de lui pour qu’il entende le balancement de la poudre et comprenne de quoi je parlais.

J’attendais une réaction de la part du jeune homme lorsqu’il sourit puis se mordit les lèvres. Avais-je eu raison ou bien au contraire ? Il finit par me sortir de mes doutes en apportant la réponse à mes questions :

« -Oui, je parle ben de ça. Après tout, nous ne nous connaissons pas encore assez bien pour autre chose. »

La première partie de sa phrase me soulagea alors que la seconde me fit rougir. Je ne pus m’empêcher de lever les yeux vers lui pour vérifier qu’il portait bien toujours son bandeau. A mon grand soulagement le bandeau couvrait toujours ses yeux. Ce qu’il ajouta par la suite me fit encore plus rougir et je préféré ne rien répondre. Lorsqu’il approcha sa main de la mienne je m’attendais à ce qu’elle soit glacée comme sa couleur de peau le laissait présager mais ce fut le contraire et le contacte n’était pas désagréable. Je cru d’abord qu’il voulait récupérer son sachet mais au lieu de ça il m’attira encore plus près de lui. S’il n’avait pas dit ce qu’il avait dit juste avant j’aurais commençais à me poser sérieusement des questions. A moins qu’il n’est mal interprété mon silence. Je m’apprêtais à dire quelque chose lorsqu’il sortit un objet de sa poche, se mis à jouer avec et rompit le silence.

« -Alors ? Souhaites-tu vraiment essayer ? »

Il cessa de jouer avec l’objet et le mit devant mes yeux. Je pus enfin voir que c’était une pipette et qu’elle contenait un liquide. Peut-être un mélange de la poudre du sachet et d’eau.

« -Si tu veux découvrir de nouvelles expériences, fait tomber deux goûtes de se produit dans tes yeux, et laisse toi transporté au Nirvana. »

Je fixais la pipette sans rien dire, malgré le bandeau j’avais l’impression qu’il m’observait et qu’il attendait impatiemment ma réponse. Je lui rendis le sachet de poudre et pris l’objet de ses mains afin de l’observer de plus près. J’hésitais. Il semblait vraiment s’amuser grâce à cette substance tout en conservant tout de même le contrôle de ce qu’il faisait. Par ailleurs je n’avais encore jamais pris de drogues et moi qui craignait tout à l’heure que quelqu’un m’est vue dormir dans la bibliothèque, je m’apprêtais maintenant à utiliser une pipette contenant un produit inconnu que me proposait un étranger qui devait être en E.
Je m’approchais du bord du balcon afin de vérifier qu’il n’y est personne puis tendais l’oreille, il n’y avait pas le moindre bruit. Je revins vers le jeune homme.

« -Après tout pourquoi pas. », dis-je en souriant par habitude de sourire dès que je prononçais le moindre mot.

En réalité je ne m’étais pas encore décidée, je détaillais une dernière fois la pipette, le liquide et l’élève mystérieux. J'avais vraiment envie d'essayer mais il y avait surement des risques. De toute façon je ne risquais pas de mourir à cause de cette pipette ? Non, enfin normalement. Et puis qu’est-ce que j’avais à perdre ? Il valait mieux ne pas y penser. Je décidais alors d’arrêter de m’embrouiller l’esprit avec toutes ces questions plus inutiles les unes que les autres et de passer à l’acte. Au moins avec ça je n’aurais plus besoin de questionner longuement avant d’agir. Ignorant mon contrôle d’histoire du lendemain et tous les risques encourus par ce que je m’apprêtais à faire je fis ce qu’il m’avait dit et mis...combien il avait dit déjà ? Cinq ou six ? Bon je vais en mettre un peu moins.. Je me mis trois gouttes dans les yeux.

Après avoir mis les gouttes, je me tournais vers le jeune homme et le fixait impatiente de voir ce qu’il allait faire. J’avais vraiment hâte de voir ce qui allait se passer ce soir, je sentais que cette soirée allait être une des plus intéressantes depuis longtemps, en tout cas depuis que j’étais à Prismver. Habituellement je ne restais qu’avec des A et les seuls soirs que nous passions ensemble c’était pour avancer nos travaux de groupe, réviser ou plus rarement s'échanger des titres de livres intéressants. Le préposé E récupéra la pipette qui contenait encore du précieux liquide illicite et me demanda de ne pas regarder ses yeux. Je croyais qu’il en avait déjà pris… soit sa manière d’être était vraiment particulière soit il allait se shooter une seconde fois. Mais ce qui m’intriguait le plus c’était ses yeux, j’avais envie de voir à quoi ils ressemblaient et de savoir pourquoi il les cachait. Etait-il complexé ? Ses yeux étaient bizarres ? Cette pensée me fit réprimer un petit rire. Je sentais qu’il m’observait, je faillis regarder ses yeux mais me retins de justesse. Après tout il avait surement une bonne raison de ne pas les montrer et puis il pourrait s’énerver si je regardais. Par contre j’allais tout faire pour découvrir au plus vite la raison de ce mystère.
J’attendais qu’il prenne ses gouttes en le surveillant du coin de l’œil comme une infirmière en hôpital psychiatrique, il me semblait qu’il en mettait beaucoup, je souris et il déclara :

« - Alors, prête pour une nuit de folie faite de dégradation et de toutes autres choses ? »

Pour l’instant je ne ressentais aucune transformation et me demandais plutôt ce qu’il entendait part « toutes autres choses » je m’apprêtais à lui répondre lorsque je ressentis une étrange sensation. Je me sentais soudain en pleine forme, j'étais excitée et j’avais envie de me défouler, de courir, de crier, d'utiliser mon don sur toutes sortes d'objets, de rire. Je me sentais plus joyeuse que jamais et surtout invincible.

« -Tu ne vas pas t’ennuyer ce soir Anna.», dis-je sans me rendre compte que j’avais pensé à voix haute.

Je m’avançais vers la barrière du balcon, l’enjambais maladroitement et m’assis dessus face à la cour. Je me mis ensuite à rire si fort que s’il y avait eu un mort enterré sous le pensionnat il serait sans aucun doute sortit de son sommeil éternel. Lorsque mon rire irraisonné se calma je me tournais à nouveau vers mon camarade manquant de peu de tomber.

« -Alors qu’est ce qu’on fait maintenant ? » demandais-je d'une voix impatiente comme une élève questionnant son professeur.

Je me remis à ricaner toute seule en balançant les jambes, la nuit allée être longue, très longue. Sauf si bien sûre je tombais vraiment du balcon et finissais par rendre l’âme pitoyablement écrasée sur le sol.

J’attendais impatiemment la réponse du jeune homme tout en continuant à gesticuler dangereusement assise sur la rambarde. Il semblait toujours dans son état « normal » ou en tout cas son comportement ne semblait pas avoir changé. Jusqu’à ce qu'il se mette soudainement à sourire comme s’il venait d’avoir une idée diabolique et qu'il pose un pied sur une table en déclarant :

« -La déco ne me plait pas vraiment sur le balcon. Que dirais-tu de la revoir un peu ? »

C’est alors que je le vis la détruire à coup de pieds. La situation devenait de plus en plus amusante. Le faux vampire devait avoir beaucoup de force et l’effet de la drogue devait la décupler. Je ne fis pas attention au fait qu’il n’avait pas remit son bandeau et l’entendis dire d’un ton excité :

« -Je préfère cela. Cela fait plus déco de squat. Mais je préfèrerais m'approcher plus du genre apocalypse. Tu veux bien m'aider, et par la même occasion te défouler. »

Je compris que son idée diabolique était de ravager entièrement le balcon. J’avais les idées encore assez claires pour réussir à imaginer la tête des élèves qui auront l’idée d’aller prendre leur petit déjeuner sur le balcon le lendemain matin. Je me mis à ricaner à nouveau oubliant celle que je risquais de faire si nous nous faisions prendre par la CPE. Je remarquais alors que mon camarade me tendait la main. Je tentais de l’attraper, manquant une nouvelle fois de tomber je parvins à me raccrocher à sa main de justesse. Heureusement que j’étais bien plus légère que lui sinon nous serions tous les deux passez au-dessus de la barrière et nous nous serions écraser sur le sol. Je parvins contre toute attente à le rejoindre indemne sur le balcon.

« -Tu t’y prend vraiment mal ! » lançais-je d’un ton moqueur.

Il m’était impossible de détruire une table ou une chaise comme lui à la force de mes bras ou de mes jambes. Surtout pour moi qui détestais le sport et toutes les activités fatigantes. C’est à peine si je pouvais casser un bout de bois. Pourtant la destruction, ça c’était ma spécialité. Je me concentrais sur la table et les quatre chaises qui se trouvaient juste derrière nous et les fit exploser. Tout en riant je l’observais pour voir sa réaction, il ne devait pas s’attendre à ça.

« -Alors qu’en penses-tu ? Ça te plaît comme ça ? »demandais avec un grand sourire.

Je perdais de plus en plus le contrôle de ce que je faisais et je n’étais absolument plus dans mon état habituel.

J’étais ravie de la réaction étonnée du jeune homme et elle provoqua un grand sourire sur mon visage. Lui, qui une ou deux minutes plus tôt me regardait d’un air incrédule savait désormais que j’étais bien plus forte que mon apparence ne le laissait présager. C’était dans ces moments-là que j’aimais mon pouvoir, pour ce sentiment de puissance qu’il me faisait ressentir. Par contre il y avait d’autres moments, lorsque je songeais au passé, où je le maudissais. Mais l’effet de la drogue me faisait oublier momentanément ce genre de choses. Une fois qu’il fut remis de sa surprise et qu’il eu récupéré son air amusé, il prit une chaise et se tourna vers moi.

« - Tu connais le Ball trap ? »

Le Ball trap ? Qu’est-ce que c’était que ça ? Je n’en avais aucune idée. Cependant il était hors de question que je le reconnaisse. J’essayais de réfléchir à ce que cela pouvait être et finit par me dire que ce devait signifier : attrape balle. Fière de ma trouvaille mais à la fois étonnée qu’il veuille jouer au ballon je répondis en souriant:

« -Bien sûre ! »

Je n’avais pas encore refermée la bouche que ma nouvelle connaissance lança violement la chaise en hauteur. Par réflexe je brandis les bras (afin de moins me fatiguer) et parvint sans mal à faire exploser la chaise. Ce n’est qu’après l'action,que je compris finalement que le Ball trap c’était ça. Je souris malgré les deux ou trois petits morceaux de bois qui m’avait blessé les bras que je n’avais pas remarqués à cause de la drogue. Si on continuait comme ça, il n’y aurait bientôt le moindre meuble meuble en bon état ou même utilisable sur la terrasse.

« - Suivante ! » déclarais-je.

Dans quelque minutes cet endroit ressemblerait sans doute à un champ de bataille. Par contre lorsque les effets secondaires du stupéfiant et de l’utilisation de mes pouvoirs retomberont je risquais d'en payer fortement les conséquances. Mais à ce moment-là j’étais incapable d’y penser.