Une rencontre un peu brutale [PV : Gretel Tchaïkovski]

Beurk... Cours de sport, beurk ! Par la vitre, on pouvait voir les autres classes agonisant sous cette avalanche de formule mathématique. Ils enviaient les A tout autant que Gretel les enviait eux. Ce qu'elle aurait donné pour ne plus avoir à suivre les cours de sports et rester en math ou en physique. Les jeux d'équipe c'est franchement pas sa tasse de thé et sautiller dans le froid à la vue de tout le monde... Yek ! Berk ! Erk ! Que quelqu'un puisse la sauver d'ici par pitié. Ultra-démotivée, elle observa, blasée, les échanges parfaits qu’exécutaient ses camarades. On aurait dit qu'ils étaient nés dans le volley, contrairement à elle. Les mains dans les poches, la tête ailleurs, elle ne vit la balle arriver qu'au moment où on lui cria son nom. Un peu tard, elle se jeta sur celle-ci avant qu'elle ne touche le sol mais sa comparse avait prit les devants, fit sa manchette à l'aide de son poing et l'impact la renvoya droit devant telle une fusée, frappant le pauvre petit nez de la jeune fille en plein fouet. Elle n'était normalement pas du genre fragile et se recevoir une balle ne l'avait, jusque là, jamais faite saigner, malheureusement, la balle était partie si vite, si fort et si près qu'il était quasiment impossible de ne pas saigner. Les filles s'étaient écartées net comme une goutte d'huile s'étalant sur l'eau et le prof courait partout à la recherche d'un mouchoir. Avant que la scène ne tourne au désastre, il l'envoya aux toilettes vite fait bien fait, et c'est ainsi que Gretel avait pu échapper au cours.

Le lavabo était dégueulassé de sang et ses mouchoirs rouges envahissaient la poubelle. Ce n'est qu'après quelques minutes que son nez arrêta enfin de couler. Le sang séché partait difficilement, même au savon, elle devait gratter, ce qui avait pour effet de rougir sa peau. Bon... Au moins y a plus de sang. Elle rinça vite fait le robinet en faisant gicler le jet d'eau un peu partout et jeta quelques mouchoirs un peu plus blancs pour entasser les précédents de le fond, histoire que les gens n'aient pas une vision d'horreur en ouvrant la poubelle.

Sa montre indiquait une absence d'un quart d'heure. Déjà ? C'est vrai qu'elle n'avait pas cherché à se dépêcher mais elle n'aurait jamais imaginé que le temps passerait si vite une fois en-dehors des cours. Elle se grouilla de se sécher les mains, rattacha ses cheveux en queue de cheval (ou plutôt ce qui devait ressembler à une queue de cheval), vérifia qu'il n'y avait pas de tâche sur son uniforme de sport et se rua vers la porte à vitesse éclair, ne s'imaginant même pas une seconde que quelqu'un pouvait se trouver derrière.

Il y eu un drôle de bruit en ouvrant la porte... Elle n'en comprit la cause que lorsqu'elle se trouva en face de l'adolescente. Celle-ci la toisa d'une façon que Gretel apprécia peu. Pour qui elle se prenait ? Cheveux n'importe comment, pas d'uniforme, mauvaises manières... Une E ? Ça ne l'étonnerait pas.

« Je savais pas que les plumeaux pouvaient marcher. »

...

* Et moi je savais pas que les brosses à chiottes étaient encore à la mode... *

Grmbl... L'envie de lui répondre était forte, puissante même. Elle avait tellement envie de lui rétorquer un truc bien cassant mais elle ne voulait pas s'en réduire à ce niveau et se contenta de prendre sa mine blasée. Pas besoin de paroles quand l'expression peut parler à notre place, et là, ses yeux disaient tout.

« Glupo ! »

Woops ! Aïe, c'était pas censé sortir, c'était censé se lire... Mais Gretel l'a pensé si fort que... En fait non, elle a pas pensé tout court, c'est pour ça. Elle était pas du genre à chercher la baston et l'évitait quand elle le pouvait. Nombreuses sont les fois où les E ne se sont pas privés pour la vanner sur n'importe quel détail, d'habitude, si les insultes ne s'arrêtaient que sur son physique, ça lui passe à travers, mais là, le cours de sport l'avait tellement tendue que ses nerfs pouvaient s'irriter au moindre pépin et elle se mettait à jurer en russe.

Elle s'avança face à la fille et haussa le menton pour la regarder de haut avec l'air le plus prétentieux qu'elle pouvait adopter.

« Tu devrais te faire oublier, quand on est dernière dans la hiérarchie, parler pour ne rien dire est un luxe que tu ne devrais pas t'offrir au risque de passer pour plus basse que tu ne l'es déjà. »

Haanwwaiii ! Tiens, prends ça dans ton face la mini E ! Fière et hautaine, Gretel jubila intérieurement, ce que c'est bon d'être en A hin-hin-hin.

« Bon je ne te retiens pas plus longtemps, je suppose que tu es ici pour laver les toilettes ? Les E ne savent faire que ça on dirait. »

S'arrêter au bon moment est souvent le genre de truc qui échappe à Gretel et qui la mène à sa perte. Elle en fait trop, elle s'en doute, mais se dit que ça n'aura pas bien grande conséquence... De toute façon, elle passait par là juste pour se laver le nez, pas pour taper causette, une fois leurs chemins séparés elles ne s'en souviendront sûrement même plus.

Spoiler:

C'était quoi ce sourire ? Elle trouvait la scène amusante ? Elle était vexée ? Elle n'eut pas le temps le temps de chercher plus loin qu'elle se retrouva le cul au sol. C'était la première fois qu'on la poussait sans hésitation aucune, elle ne s'y attendait franchement pas, et si elle avait pu voir le coup venir, elle aurait sûrement filé loin. Si elle avait pu s'en sortir vainqueur à quelques combats, c'est uniquement grâce à ses faibles connaissances en art martial ou tout simplement, parce que l'adversaire d'en face n'était pas à sa hauteur. A vrai dire, jusque là, elle avait toujours fait en sorte de ne pas se frotter de trop près aux E car elle savait que ceux-ci n'étaient pas du genre tendre et qu'il n'y avait sans doute rien de plus violent qu'un étudiant de cette maudite classe.

D'un coup, Gretel sentit qu'elle avait dit une connerie et, en voyant la jeune fille refermer la porte derrière elle, ce sentiment d'insécurité ne fit que croître. Là maintenant tout de suite, elle était dans le merde. Les paroles que prononcèrent la E n'avaient rien d'amical du tout, au contraire, elle lui fit comprendre que la suite n'allait pas être joyeuse. Elle n'allait tout de même pas s'attaquer à une A ?

Ses espoirs chutèrent lorsque l'adolescente tira sur sa queue de cheval. Le mouvement avait été si brusque et si rapide que le sol froid et carrelé lui démonta la pommette.

« Tiens, je me demande qui à l'air basse là. »

C'était... Hyper humiliant. Personne depuis son entrée dans ce pensionnat n'avait osé la brutaliser ainsi. Un mélange de frustration et de haine montait en elle. Elle savait qu'il existait une solution pour y remédier vite fait bien fait et reprendre l'avantage suffisamment de temps que pour s'échapper et fuir loin, mais elle ne voulait pas en arriver là, déjà parce qu'elle ne voulait pas fuir un combat, et ensuite parce que c'était beaucoup trop dangereux. Si la E souffrait d'une quelconque allergie aux piqûres d'insecte, la conscience de la petite Russe allait en prendre un sacré coup. Il suffirait d'une piqûre de trop pour que le drame soit irréversible. Elle mordit donc sur sa chique, espérant qu'elle finirait par se lasser, ou mieux, qu'un de ses camarades vienne la chercher pour lui annoncer que le cours de sport était finit ou qu'elle avait trop traîné... En attendant, il fallait qu'elle gagne du temps. Tôt ou tard, quelqu'un finira forcément par venir dans les toilettes... Elle n'avait plus qu'à espérer que ce ne soit pas trop tard et qu'on la retrouvera en un seul morceau.

Contre le mur se trouvait un seau d'eau, Gretel tendit le bras pour l'attraper mais la distance d'une main devait sûrement les séparer. Il fallait que l'autre furie se bouger ne serait-ce qu'un tout petit peu. Quelques centimètres lui seraient suffisants.

« T'es complètement j'tée, c'est pas en écrasant les gens de cette sorte que ta misérable petite personne grandira !»

En espérant que sa provocation la mette encore plus en rogne. Tout le monde sait que la colère bouffe la réflexion et qu'un adversaire énervé est susceptible de faire un faux mouvement. Gretel n'aura qu'à se dégager d'un prise d'art martial, elle lui balancera le seau d'eau dans la tronche et pourra se casser en courant. Son plan paraissait stable mais tout se jouait sur le tempérament de la brunette. Les E étaient connus pour avoir le sang chaud, ça pourrait marcher ! Sinon... Tant pis, elle sera morte dignement... Dans les toilettes...

« Tu es une honte pour ta famille, tes parents et même tes amis s'il y en a qui sont capables de te supporter. »

C'était probable que cette fille ait des problèmes de famille, dans le pire des cas, un de ses parents était décédé, dans le meilleur... Juste une petite crise d'adolescence qui a mal tourné. Ce genre d'attaque directe était ce qu'il y avait de plus efficace chez les personnes à sang chaud. Dans tous les cas, ils n'aiment ni qu'on les compare à leurs parents, ni qu'on les critique. Mais qu'importe, plus cette fille sera énervée, plus elle fera d'erreurs, et les erreurs peuvent parfois coûter cher.

S'attendant à recevoir la correction de sa vie, Gretel serra ses lèvres, ne quittant toutefois pas la furibonde des yeux, prête à réagir à la moindre opportunité.

Ses remarques n'avaient pas eu beaucoup d'effet sur l'étudiante, si on peut encore la qualifier d'étudiante... Elle avait plus de maîtrise d'elle-même qu'elle ne l'aurait pensé en fin de compte... Ce qui n'était pas du tout avantageux pour Gretel... L'autre ne réagissait pas, ah ? Si, peut-être ? Était-ce juste de la violence pure ou bien avait-elle réussit à toucher là où il ne fallait pas ? Quoiqu'il en soit, elle sentit la pression augmenter et ses pauvres os faciaux s'écraser contre le sol. Lorsque son agresseuse la tira en arrière, sur le moment, Gretel se crû sauvée et pensa un léger "ouf !", pensant que l'autre allait lâcher l'affaire, mes ses espérances retombèrent quand elle sentit son bras se retourner dans un angle auquel son corps était très peu habitué. Bon sang, qu'elle regrettait ce temps où elle était plus lourde que les autres filles, malheureusement son poids semblait lui être définitif car même en se forçant à manger comme un ogre et aussi grassement qu'un porc, les malheureux grammes qu'elle arrivait à prendre repartaient aussitôt le lendemain...

Elle savait qu'elle n'aurait pas du fumer ce joint avant de commencer le cours, sans doute aurait-elle eu les bons réflexes pour se dépêtrer de la situation, mais son cerveau était aussi flasque qu'une méduse et ses membres répondaient à ses ordres avec quelques secondes d'intervalles.

Le souffle qu'émettait l'étudiante en lui murmurant dans le cou était froid et désagréable. Déjà que Gretel frissonnait un peu dans son uniforme de sport...

« Vas-y, qu'est-ce que tu comptes me faire ? Me casser le bras ? Me crever les yeux ? T'imagines même pas ce que ça peut te coûter de ne serait-ce qu'effleurer un élève de la classe A. Ce que tu m'affliges, tu peux le subir au triple ! Mais t'es tellement tarée que tu dois même pas être consciente de ça. »

Si son don ne risquait pas d'être mortel, sans doute l'aurait-elle déjà utilisée sur l'autre. Les insectes, même inoffensifs, répugnent et beaucoup de filles de ce pensionnat lui ont déjà imploré de ne pas faire joujou avec. Même si l'inconnue venait à lui dire qu'elle ne présentait aucune allergies, Dieu seul sait si en l'exposant à un trop grand nombre d'insectes d'un coup cela n'en déclencherait pas une... Elle connaissait déjà quelques personnes qui mangeaient les crevettes sans problèmes jusqu'à 20 ans, et du jour au lendemain, ces crevettes étaient mystérieusement devenues un réel poison pour eux et ils furent contraints de les virer de leur alimentation. C'est vraiment affreux, posséder un don et ne même pas pouvoir s'en servir au risque d'envoyer quelqu'un à la morgue...

Peut-être que si elle essayait avec un insecte inoffensif ? Du genre les perces-oreilles, ça ne pique pas et ça effraie facilement, surtout s'il y en a pleins ! Mais il y a toujours ce léger léger risque d'allergie.... Rhaa elle aurait tellement préféré posséder ce genre de pouvoir qui permet de faire peur aux gens avec de simples illusions ou de matérialiser leur plus grande phobie. Ça serait tellement plus pratique !

Il restait tout de même un moyen... Gretel tenta de faire un coup de boule en arrière le plus rapidement et le plus brutalement qu'elle le pouvait. La main de la brune lui tenant toujours les cheveux, ses mouvements avaient été un peu ralentis et la main avait amortit le coup, mais le mouvement de recul avait été juste suffisant pour permettre à Gretel d'atteindre le nez de la brunette et de le tordre un peu, pas très classe comme contre-attaque mais ça s'avérait souvent très utile. Elle profita d'un instant de faiblesse pour secouer son poignet dans tous les sens et la faire lâcher prise.

La frapper pour de bon ? Elle oserait quand même pas ?! Elle n'eut pas le temps de faire quoique ce soit qu'elle se retrouva à nouveau projetée contre le mur et eut juste le temps de voir le genoux de son opposante s'élever. Gretel voulut mettre son bras devant elle pour se protéger mais la force de cette fille serait capable de lui péter le bras en deux, quand elle reçu le coup dans son ventre, elle regretta de ne pas avoir quelques kilos de graisse en plus pour s'en servir comme amortisseur. La douleur était telle qu'elle eut l'impression qu'on venait de lui frapper directement dans ses organes. Elle se plia automatiquement en deux et se laissa glisser contre le mur. C'était vraiment la première fois qu'on la tabassait ainsi. Ses autres adversaires étaient généralement lents, pâteux, et surtout, hyper prévisibles. Contre un adversaire aussi vif, Gretel ne pouvait rien faire... Encore si elle ne s'était pas droguée elle aurait pu avoir une toute petite chance, aussi infime soit-elle, mais là, c'était carrément foutu, et quand elle sentit ses poignets se serrer, elle se crue vraiment perdue jusqu'à ce qu'elle entende ce léger sifflement dans ses oreilles, ces vibrations typiques que causaient les fourmis. L'insecte était donc arrivé et avait trouvé sa proie sans aucun problème. Parfait, maintenant, ça allait aller beaucoup mieux.

Gretel préféra attendre quelques secondes avant d'agir à nouveau, histoire de s'assurer que la E ne fasse aucune réaction allergique. D'ailleurs, c'était à peine si elle avait remarqué qu'on l'ait piquée. La fourmi était vraiment l'insecte idéal. Elle était si petite que Gretel n'avait même pas besoin de se concentrer pour la contrôler. Pour elle, c'était comme bouger un cinquième membre. Elle envoya la fourmi piquer à nouveau, dans le dos cette fois. La douleur devait sûrement faire reculer la jeune fille, et encore, elle a été gentille, ce n'était qu'une fourmi rouge, elle aurait pu ramener la fourmi de feu qui elle, faisait aussi mal qu'une brûlure de cigarette, mais c'était beaucoup trop dangereux. Elle avait déjà entendu parler de cas d'amputation, mais même si ce n'était pas le genre d'accident qui arrivait souvent, elle préférait ne pas prendre le risque.

« Tu devrais vraiment me foutre la paix la rousse. » Okay, elle n'était pas rousse, mais ça le faisait mieux que "la brune".

« C'est mon dernier avertissement ! »

C'était sûrement pas très loyal d'attaquer par derrière, mais c'était elle qui avait engagé le combat, non pas Gretel. Et puis au point où elle en est... Les fourmis peuvent piquer jusqu'à 7 à 8 fois d'affiler, elle avait donc encore à peu près 5 recharges devant elle avant d'employer la manière forte. Elle tenta de la repousser à l'aide de son pied, ou du moins, d'empêcher la brune du mieux qu'elle le pouvait de s'approcher d'avantage. De toute façon, il devait sonner dans moins de cinq minutes, d'ici-là, ses camarades ne devraient pas tarder à venir la chercher ! D'ailleurs, ça l'étonne qu'ils ne soient toujours pas venus... L'auraient-elle oubliée ? Impossible ! On n'oublie pas Gretel Tchaïkovski !... Frustrée, elle en avait oublié la fourmi qui s'était aventurée à sa guise et s'était retrouvée sur la manche de la E à l'insu de Gretel.

Elle ne frissonna même pas quand elle lui parla de son pouvoir... Gretel en était inconsciemment déçue d'assister à une telle indifférence. Quelqu'un qui n'a pas peur des insectes est souvent quelqu'un qui les connaît bien, et plus on connaît un insecte, plus on a de raison d'en avoir peur, alors pourquoi ne frémissait-elle pas ou quoique ce soit ? Elle s'en fichait ? Et les scorpions ? Et les abeilles ? Et les taons ? Elle s'en fichait de ça aussi ? Plus le temps passait, moins Gretel y voyait d'échappatoires... La brune n'avait pas bougé d'un seul millimètre malgré les trois piqûres et il n'y avait rien de plus démoralisant que de voir un adversaire solide. Et dire que Gretel avait l'impression qu'on lui avait planté des aiguilles dans la peau la première fois qu'elle s'était faite mordue par une fourmi, et une fourmi noire en plus. Elle était petite et on lui avait dit que les fourmis noires ne piquaient pas, mais malheureusement, ses tentatives d'approches lui avaient prouvé le contraire.

« Tu viendra pas te plaindre si mon pouvoir vient nous emmerder... »

Son pouvoir ? Mince c'est vrai... Avec tout ça, Gretel en avait complètement omit ce détail... Peut-être avait-elle le même ? Et si le sien était encore pire ? "nous" emmerder ? Alors il était tout aussi gênant pour elle ? Cela pouvait tourner à son avantage... Un pouvoir qui se retourne contre son propre utilisateur ? C'était déjà arrivé une fois à Gretel, la première fois qu'elle l'a découvert, et c'était vraiment frustrant, peut-être qu'à force de la titiller, celui-ci se déclenchera et....

« ...ta couleur de cheveux vraiment dégeu.. »

Hein ? Sa couleur de cheveux ? Soudain, elle sentit son poignet se libérer mais elle n'eut pas le temps de se demander pourquoi que son élastique avait été brutalement retiré, quelques cheveux avec. En moins de deux, sa tête se trouvait au-dessus de seau et la pointe de sa chevelure trempait dedans. Elle allait tout de même pas oser ?! Pour la première fois, elle sentit son coeur accélérer et des sueurs froides perlaient sur son front. Qu'est-ce que ça fait de tremper sa tête dans de l'eau de javel ? Avec un peu de chance ce n'était qu'un produit bio et elle ne risquait rien... Ça tournait vraiment mal. Au moins, maintenant, elle avait les mains libres, et d'un coup sec, elle repoussa le seau qui se heurta au joint du carrelage et bascula sur le sol. Tout le liquide répugnant se répandit devant elle et l'odeur se fit plus forte.

« Alors ça, tu peux toujours crever ! »

Son coude qui trempait dans le liquide déversé partit en arrière, visant le menton de la brune. Sans doute allait-elle l’intercepter avant, mais ça lui avait permis de gagner un peu de temps pour mieux visualiser la situation. Elle se retourna face à face avec la brune et passa son bras libre autour de sa nuque pour la déséquilibrer et la faire tomber au sol. Il fallait profiter de cette fraction de seconde pour reprendre l'avantage, mais sa force ne lui permettrait pas de la plaquer au sol, son pouvoir... Peut-être ? Après tout, elle avait ignoré son avertissement.

« Je t'avais dis que c'était mon dernier... »

Pesta-t-elle, les dents serrées. La fourmi ne lui avait fait aucun effet ? Qu'en était-il des araignées et des mouches ? L'avantage avec eux, c'est qu'il y en avait partout et souvent en grande quantité, il lui suffisait de claquer des doigts pour qu'une nuée se dresse devant elle. Toutes les fissures qui sillonnaient le mur s'assombrirent et la masse frémissait avant de grossir de plus en plus. Quant à la fenêtre, celle-ci était fermée, mais ce n'était pas ça qui arrêterait le vrombissement des mouches qui s'empilaient sur le rebord de la fenêtre, à la recherche d'une entrée. Gretel y allait doucement avec les insectes, dans le but de laisser un temps de réflexion à la E, avec un peu de chance, cette vision capable de se retrouver dans n'importe quel film d'horreur lui suffirait et elle ne sera pas contrainte d'aller plus loin. Il y avait toujours cette limite qu'elle ne s'autorisait pas à dépasser, cette limite d'allergie.

« Tu touches encore à un seul de mes cheveux, et je te jure que ton corps ne sera plus qu'une passoire, perforée de toute part, mordue dans tous les sens. On ne verra même plus ta peau tellement tu seras ensevelie et tu n'auras pas intérêt à ouvrir la bouche, même pour appeler de l'aide, au risque d'étouffer. Je te jure que ton nom restera gravé dans le record des dix accidents les plus horribles et personne n'osera te voir sur ton lit d'hôpital tellement tu seras répugnante. »

Elle n'irait pas jusque là, c'est clair, mais elle en avait le pouvoir, c'était à la brune de décider si elle voulait prendre le risque de continuer ou s'y résigner sagement, s'excuser, se prosterner et repartir la tête baissée. Sa main tremblante serrait son col de toutes ses dernières forces. S'il n'y avait pas eu la nuée d'insectes les scrutant, tapis dans chaque recoin, Gretel aurait eu l'air de tout, sauf menaçante, mais qu'importe, même si cette fille décidait de renoncer à l'idée de passer les beaux cheveux bleus de Gretel au White Spirit, celle-ci avait réussit à la faire craquer, à l'humilier et pire encore, à lui faire user de son pouvoir et ça, Gretel n'allait certainement pas l'oublier, et encore moins pardonner. Si elle le pouvait, elle l'aurait étranglée sur place, mit un entonnoir dans sa bouche et aurait ordonné aux mouches de pondre dedans, mais elle n'était pas cruelle à ce point, et tout ce qu'elle voulait, c'est qu'on la respecte en tant que la A qu'elle était, et qu'on l'obéisse.

Son coude la démangeait étrangement tout à coup... Il grattait et elle avait l'impression qu'on tirait sa peau. Elle risqua un oeil, celui-ci avait un peu rougit mais il ne semblait rien y avoir d'anormal... Était-ce à cause de l'eau de javel ? Il fallait peut être rincer avant que ça n'empire... Mais sa mère nettoyait souvent la maison avec ce produit et tout ce qu'elle avait, c'était les mains sèches. Toujours les yeux plongés dans ceux de la E, lorsque la porte s'ouvrit brutalement, Gretel sursauta et perdit le fil une fraction de seconde, ce qui était suffisant pour que certaines araignées se laissent tomber sur le sol carrelé et filent à toute allure se cacher dans un recoin improbable, et les mouches s'étaient excitées, voltigeant partout et se heurtant à plusieurs reprises derrière la vitre. La jeune fille qui venait d'apparaître était inconnue aux yeux de Gretel, d'après son ruban vert, celle-ci était en C, et il ne lui fallut pas plus de dix secondes pour comprendre ce qui se passait sous yeux. La vue des araignées et des mouches empilées derrière la vitre l'horrifia tellement qu'elle courut aussitôt dans le sens inverse, la porte claquant derrière elle.

Spoiler: