« Vous ne l'avez pas cette fichue heure ? » [PV Jessyca]

We have seen better days

Timon of Athens (Act IV, Scene II)
William Shakespeare

C’était une journée pluvieuse de printemps. Le temps était maussade, le vent se faisait violant et venait secouer les arbres avant de se frotter contre les fenêtres dans un bruit désagréable. Personne n’aimait les temps pluvieux en général. Mélancolique, empli d’une mauvaise humeur, ces sentiments semblaient coller à la peau de tout le monde par ces temps. Éléanore était prise pour trois heures dans cette salle de retenue. Non qu’elle ait fait quelque chose de très grave, elle n’avait que fait brûler la moitié d’un laboratoire par accident. Que ça…

Elle était donc assise sans grand enthousiasme sur une chaise inconfortable, le menton appuyé dans la paume de sa main, le coude sur le pupitre en avant d’elle. Laissant échapper un soupir d’ennui, elle tourna la tête pour regarder les autres alentours. Deux ou trois personnes, tout aussi emmerdés les uns que les autres. La joie. Cette retenue s’annonçait vraiment ennuyante. Éléanore était désespéré. Le silence était dominant, personne ne parlait, tout le monde semblait dans sa bulle ou occupés à faire leurs propres affaires. Il était vraiment rare de voir un pareil calme dans une classe comme celle-ci. Quelqu’un préparait-il quelque chose ? Elle souhaitait bien que non. Elle n’avait aucune envie de rester une heure de plus dans cette horrible classe. Car oui, elle la trouvait horrible. Certains bureaux n’étaient pas totalement dans le même état que les autres et les murs semblaient abîmés. Que dire alors des chaises manquantes et compagnie? S’était-il passé quelque chose depuis la dernière retenue qu’elle avait eut ? Tout le monde aurait été au courant lui semble-t-il si jamais il s’était passé quelque chose d’anormal dans une retenue banale.

Éléanore entendit soudain son estomac crier famine. Elle pressa ses mains contre son ventre, tendant de le faire taire ou d’étouffer les bruits. Elle détestait avoir faim et elle n’avait rien emmené. Elle ne voulait pas avoir une heure de plus de retenue. Quelle heure était-il au fait ? Cette vieille horloge qui tenait à peine sur le mur et dont les aiguilles semblaient fatiguées n’était plus présente sur le mur. Elle trouvait le temps tellement long. Elle avait envie de bouger, de faire quelque chose, d’occuper son esprit ailleurs que confiné dans ses propres pensées personnelles. Elle n’avait pas envie de réfléchir à des mauvaises choses ou d’avoir ce sentiment de nostalgie. Quitte à compter les lignes sur le sol, elle devait faire quelque chose. Elle avait l’impression que son corps allait rester ankylosé si elle ne bougeait pas et encore, cela ne faisait qu’une petite heure qu’elle était là, dans les environs supposait-elle. Il lui restait donc approximativement deux autres heures. Deux longues heures. Elle fixa son regard sur la personne en charge de la retenue. Le nez plongé dans un bouquin, elle semblait plus que désintéressée à son job qui était d’être un peu la surveillante.

Aucune réponse. Elle était sourde ou quoi ? Son bouquin était-il si intéressant ? Dormait-elle peut-être les yeux fermés ? C’était peut-être Éléanore qui n’avait pas parlé assez fort aussi. Quand même, il me semble qu’elle était supposée être attentive à tout bruit. Tout le contraire. Elle se leva, posa ses deux mains sur le bureau de la dite-dame et replongea son regard sur cette dernière.

Elle avait parlé un peu plus fort, sans crier. La femme leva son regard vers elle, lui dit d’un ton tranchant d’aller se rasseoir à sa place et de rester tranquille. Quelle perte de temps. Cette femme était difficile à déranger, mais facile à contrarier. Éléanore allait bien retenir ce point. Non sans être elle-même contrariée de ne toujours pas avoir l’heure, elle retourna s’asseoir, tourna la tête vers le reste des autres élèves, et demanda d’une vive voix :