La rencontre de trois filles [Shiki, Rayne, Lily]

Un bureau. Petit, étroit. Sale. Couvert d'écritures débiles. La chaise, abîmée, bancale. Des vieilleries, entreposées ici parce qu'il fallait bien meubler l'espace.
J'étais sur une table du fond. Je choisis bien ma place maintenant. Contre le mur, pour pouvoir me balancer et m'adosser à se dernier. La chaise ne paraît pas trop pourrie comparée aux autres. Et puis... sur le bureau, les tagues se montrent moins stupides.

J'avais les pieds sur la table, je regardais le plafond. J'étais désintéressée au possible. Une heure, vous me direz, c'est long. Pour moi, pas tant que ça. Pas comme si c'était la première fois que je me retrouvais là. J'avais la mauvaise manie de répondre aux professeurs. Ils n'appréciaient jamais. Alors ils me collaient. Mais trop de colles tuent la colle. Alors je m'étais habituée. Et niveau sanction, c'était pas impressionnant.

Sur la même ligne que moi, se trouvait une blonde, que je n'avais jamais vue. Elle faisait des trucs chelous. Suite à quoi, reprise à l'ordre, elle entrepris sûrement de dormir, la tête écroulée sur la table. J'ai relevé les yeux au ciel. Si seulement elle avait sale caractère. On aurait pu mettre le bazar ici. Je l'aurais bien fait d'ailleurs, mais toute seule, c'est pas drôle. Alors j'attendais, de voir ne serait – ce qu'un zeste de rébellion en elle. J'ai attendu longtemps en vain.

J'allais définitivement m'endormir quand soudain, une demoiselle aux cheveux bleus rentra. J'ai souri, pensant que niveau teinture flashy, j'étais pas la dernière. Elle était nouvelle et s'excuse de son retard. J'aurais bien aimé savoir de quelle classe elle venait. C'était son premier jour en plus. Pas de chance !

Elle s'assit non loin de la blonde et moi. Et alors j'ai eu le droit à du grand délire. Oui oui. Déjà, la blonde a balancé sa table comme une bourrine près de la nouvelle. J'ai cru qu'elle était énervée, qu'elle pétait une crise. Mais pas du tout. En fait elle tentait juste de parler à la nouvelle. Mais elle est consciente qu'on la crame à 20 mètres là ? J'ai soupiré. Elle venait d'interrompre ma somnolence, avec le vacarme qu'elle a fait !

Elle se mit alors à parler à la miss aux cheveux bleus. De là où j'étais j'entendais rien. Mais elle se mis soudain à lui tripoter les cheveux. Visiblement, les teintures avaient de l'effet sur les autres personnes. J'en savais quelque chose...
Cette personne m'intriguait. Les deux en fait. Parce que la blonde avait l'air bizarre et la bleue, la bleue je voulais savoir d'où elle venait.

La blonde m'a regardé et a souri. Mais cette fois, j'ai entendu clairement ce qu'elle a dit ensuite.

« Pour une fois que c'est moi qui ai l'air d'être normale »

Pourquoi disait – elle ça ? J'ai vite vu l'allusion aux teintures. J'ai soupiré. Mais j'allais enfin pouvoir mettre un peu de boxon ici, et qui plus est, pas toute seule.
J'ai retiré les pieds de ma table. Lentement, mais sûrement. Et puis j'ai avancé ma table, aussi bruyamment qu'elle l'avait fait. Cela à dû attirer l'attention des surveillants, mais... Mais ils ne bronchèrent pas. Déçue, j'ai répondu à voix haute à la blonde, essayant de me faire entendre le maximum :

« Excuse moi mais tu n'as pas l'air banale non plus »

A y est, j'étais réveillée. J'espère que ces deux là n'étaient pas des « filles sages » , sans quoi ma tentative allait être vaine...!

Deux choses venaient de se passer. Deux choses importantes.
La première, c'est que la bleue a parlé. Pas à moi directement, mais à la blonde qui bidouillait ses cheveux.
La deuxième chose, c'était que la blonde était partie dans du grand délire, d'un coup d'un seul.

Et là je me disais : Les choses vont trop vites pour moi.
Revenons sur les faits.

Suite à la réponse assez agressive de la bleue, la blonde essaya de la calmer. Elle a ensuite testé de justifier notre -nonbanalitude- (oui j'invente des mots). Et puis... Et puis j'ai plus rien compris.

La blonde a commencé par regarder le surveillant. D'ailleurs, j me demandais ce qu'il faisait là, lui. Il serait invisible, ou mort au milieu de la salle, que ça ne changerait pas grand chose. Mais bon. Toujours est il que la blonde le regardait sérieusement. Ça se sentait, qu'elle allait bidouiller quelque chose. Mon regard était braqué sur la blonde, attendant de voir ce qu'elle préparait. J'ai pas été déçue.

D'un coup d'un seul, elle s'est mise à faire des vocalises. J'ai pas compris sur le moment. Je me suis même demandée si cette fille n'était pas simplement échappée de l'asile.
Le surveillant à aussi dû s'inquiéter un peu parce qu'il lui demanda de stopper tout ça. Je ne bougeai pas d'un millimètre. Alors la blonde nous a demandé de nous boucher les oreilles.

Et là j'ai tout compris d'un coup. Ça paraissait maintenant logique : son pouvoir était en rapport avec sa voix, et elle voulait nous en faire la démonstration. On peut dire que c'était pas banal, comme pouvoir, effectivement. Mais j'attendais de voir ce qu'il valait vraiment.
J'ai vu le surveillant se boucher les oreilles dans la précipitation, ne comprenant sûrement pas pourquoi nous même le faisions... Et puis, un cri.

Même les oreilles bouchées, je peux vous assurer qu'il était ignoble, ce cri. J'ai vu le verre, celui du pion, éclater. Il était pourtant loin. J'ai ouvert la bouche, je suis restée quelques instants ainsi. Et puis je me suis redressée, voyant la blonde qui avait l'air de ressentir les effets de son pouvoir.

« Normale, non, mais j'adore vos cheveux ! »

Eum. Tout le monde adore mes cheveux ou quoi ?

« Pas banal comme pouvoir, effectivement. »

Moi je pouvais pas utiliser mon pouvoir. Y'avait pas d'eau. Y'a jamais d'eau à côté de moi de toute façon. Ma vie est fichue. Mais bref, j'avais pas envie de rester là sans rien faire maintenant. Surtout que le surveillant allait réagir vu ce qu'il venait de se passer. Fille sage ou pas, je sais pas, mais elle venait de mettre un bordel pas possible dans la pièce.

« Bon, maintenant qu'on est parties on peu plus reculer. On met cette pièce dans un souc complet, ça vous dit ? »

Bah oui. Moi, j'avais peut être pas de quoi utiliser mon pouvoir, mais j'en ai pas besoin pour tout démolir ! D'un seul coup, j'ai pris ma table. Oui, la mienne. Comprenez, je n'en avais plus besoin pour reposer mes pieds, étant donné que j'étais parfaitement réveillée à présent. Cette même table, je l'ai balancée devant moi, virant toutes les autres tables de la rangée. Et puis j'ai sourit. S'il y a bien un truc que j'aime bien, c'est mettre la pagaille. Je voyais le surveillant qui se rapprochait en criant. Je ne l'écoutais même pas, je me retournais vers les deux filles, et je criais d'enthousiasme :

« Alors, ça vous dit ? »

Les choses évoluaient dans une situation dont je rêvais. Un vrai bordel . Plus de surveillant, et un siège qui se prépare pour ne pas qu'il revienne. La bleue s'appelait Shiki. Elle était d'ailleurs en E, comme moi. Elle utilisa son pouvoir, et fit apparaître un phénix devant elle. C'est lui qui avait repoussé le surveillant, d'ailleurs.

Je regardais le plafond. Deux pouvoir d'utilisés sur trois. Et pour le mien, fallait attendre, mes cocottes, parce qu'il était pas près de débouler.

« Et toi alors ? C'est quoi ton nom ? Tu veux pas t'amuser ? Montre nous ce dont tu est capable ! Mais avant tout, venez m'aider ! »

D'ailleurs, la blonde s'empressait de bloquer la porte. Elle demandait de l'aide pour le faire. Mon nom ? Ce dont je suis capable ? Ah, pas grand chose. Pas sans eau. D'ailleurs même avec, je galère alors …
Je me précipitai et pris plusieurs chaises sur mon passage, afin de consolider le barrage. J'ai ensuite soulevé un bureau et je l'ai balancé plus loin parce qu'il me gênait. Je me découvrais une force surhumaine. Oui parce que je n'arrive pas à faire de mal à une mouche. Mais visiblement, là, je pouvais soulever des montagnes.
Quitte à ne pas pouvoir utiliser mon pouvoir, autant le compenser en faisant ma brute. Cela faisait si longtemps que je ne m'étais pas défoulée sur quelque chose, que je m'y mettais à cœur joie. L'effet produit était que j'étais devenue une furie incontrôlable, qui sans pouvoir, pouvait aisément retourner la pièce.

« Aha, je m'appelle Lily. Lily Aylin, et moi aussi je suis en E ! Et toi la blonde ? »

Criai – je, car rendue à l'opposée des deux filles. Assez rapidement, je fs le tour de la pièce, cherchant, ne serait – ce qu'un WC, pour avoir de l'eau sous la main.

Ne trouvant pour l'instant pas de source directe, je virais tout ce qui se trouvait devant moi.

« Uh. La déco' est vraiment mieux comme ça. »

Et là je me suis arrêtée d'un coup. J'ai regardé par la fenêtre. Il pleuvait, j'ai souri, me disant que si des intrus débarquaient, finalement, je pourrais peut être faire quelque chose.
Et puis j'ai continué de brailler. Du genre :

« RAZIAAAAAAAAA ! »

Des choses hautement philosophiques et travaillées. Au bout d'un petit moment, j'ai commencé à fatiguer, a force de courir dans tous les sens et de tout détruire. Et alors j'ai regardé l'était de la salle. J'ai sourit. Et surtout, j'ai pensé aux heures de colles qui j'allais avoir par la suite afin de tout réparer. Et là, j'ai plus sourit du tout. J'ai soupiré.

« J'aime vraiment pas cette salle. Bon sang »

Dis – je enfin, calmée, me tournant vers Shiki & la blonde.

« On est trois, on contrôle pas tout, pourquoi ne pas... Je sais pas ? S’entraider pour s'améliorer ? Et après... »

J'allais répondre que ça pouvait effectivement être cool et que j'étais partante.
Mais j'ai pas eu le temps.

Des gens venaient déjà nous bloquer. Je sais pas pourquoi, mais je le sentais pas, ce coup là. Je m'énervais sur place. J'avais l'impression que j'allais tuer quelqu'un. Parce que j'avais encore besoin de me défouler, et je ne comptais pas me faire sanctionner avant d'avoir fini ! Alors j'ai plus bougé, j'ai eu un rire nerveux.

Et la pluie, d'un seul coup. Bam.
C'était même plus de la pluie fine, c'était comme si des missiles tombaient. A ce moment là je ne m'en rendait pas compte, mais il se trouvait bien que c'était moi qui déclenchait ça, parce que naturellement c'était impossible.

« Wahou... »

Techniquement, je ne créais pas plus d'eau qu'il n'y en avait déjà, mais je devais accélérer le phénomène, ce qui faisait que la pluie allait tomber d'une violence extrême ! Le seul inconvénient était que du coup, la pluie s'arrêterait plus vite car le stock d'eau du nuage s'épuise plus vite aussi.
Rester sous une pluie aussi rude, ça devait pas être agréable. Cela devait même être douloureux.

J'entendais des gens courir dehors. Sûrement des gens qui abandonnaient à cause des intempéries trop violentes. Mais il devait bien rester quelques rageux.
J'ai ri, les regardant s'enfuir par la fenêtre, et puis j'ai dit :

« Moi je contrôle l'eau. Je n'avais jamais vu une pluie pareille, quelle chance on a ! Ça a fait fuir les trois quarts des gens ! »

Et puis j'ai commencé à douter. C'te pluie... C'était à cause de moi ?