L'hiver passe et les fleurs ne trépassent pas

Le cours était enfin terminé. « Enfin » si je puis m'exprimer ainsi. Un cours de science, d'algèbre, comme il en existait des milliers dans cet établissement. Phileas sortit en baillant de la salle des cours. Pas à cause de l'ennui, non, tout court était bon à comprendre et à assimiler pour lui, mais simplement par fatigue. Il avait cauchemardé toute la nuit et n'avait pas réussi à rattraper son sommeil perdu lors de ses réveils à répétitions. Pas qu'il ne le souhaitait pas, y n'y arrivait pas, c'est tout. Et chambouler son fonctionnement interne c'était comme un coup de couteau planté dans son dos. M'enfin.

Il alla jeter un coup d'oeil à son emploi du temps. Vide. Pendant deux ou une heure. Qu'allait-il pouvoir faire entre temps ? S'avancer pour son travail, pourquoi pas. Ca ne le changera pas de l'habitude. Mais il vit que la salle était occupée... non non non, il ne pouvait pas y retourner s'installer come si de rien n'était. Sa timidité l'en empêchait. Après tout, il allait sûrement se faire repérer, et il ne fallait surtout pas ça ! Sa conscience lui dit donc d'aller chercher une autre lieux pour se reposer. Aller totalement dehors ? Il faisait un froid de canard et Phileas trouvait la veste de son uniforme trop fine pour le couvrir totalement (aussi, il avait oublié son écharpe). Du coup, il resta quelques longues minutes à errer dans les couloirs, un peu devant le groupe scolaire, pour trouver un endroit paisible dans lequel réviser sans trop de problèmes et de monde.

Ce fut la serre, presque vide selon ce qu'il voyait, qui fut son lieu choisit. Il vit aux premiers regards qu'elle était vide, et en entrant, vit un jeune garçon d'à peu près son âge, tout blond comme lui, admirer je-ne-sais-quoi. Phileas préféra se faire le plus discret possible, et vient s'asseoir sur un des bancs qui était à la disposition des élèves d'ici. Il ouvrit son sac de cours, sortit son cours fraîchement écrit pour le relire, et finalement réécrire ses notes et former un second cours, plus propre, qui lui servirait pour les éventuels gros examens. Organisation, organisation ! une organisation qui vint le mener à un moment donné, lire son cours à voix haute. De manière pas très discrète, car il fallait bien qu'il s'entende parler pour pouvoir retenir additivement ce qu'il y avait écrit.

Et alors qu'il essayait de se réciter sa leçon, Phileas sentit une présence dans son dos. Le jeune garçon qu'il avait aperçut tout à l'heure s'était retrouvé adossé au banc, et regardait par dessus son épaule ce qu'il faisait, en restant silencieux. Phileas sentit un profond malaise naître en son sein. Il n'osait pas continuer à parler dans le vide, mais ses cours ne semblaient pas déranger le jeune espion, qui ne le dérangeait guère en paroles inutiles. Mais il le fixait, le fixait, sans se stopper. Il avait quelque chose collé sur la joue ou quoi ? Par réflexe, par peur, il vient se gratter la joue, en ayant la voix qui se mit à trembler tout en récitant son cours.

Le garçon le fixait. Le fixait. Le fixait. On aurait dit des heures et des heures, pour finalement sortir un « T'es Phalis ! Phelis.. Philis... Pholis.. »... Phalus pendant qu'on y est. Première fois qu'on écorche son prénom avec tant de force. M'enfin, c'était pas quelque chose que Phileas détestait particulièrement, et à peine eut-il le temps de se faire la réflexion qu'elle s’envola dans les airs... remplacé par d'autres soucis légèrement plus graves.

Lorsqu'il vint enfin capter qui il était, le jeune garçon vint faire un mouvement... indicateur ? Un mouvement d'quoi ? De... de...

Phileas se mit à hurler. Il n'eut pas réellement le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'il avait le bras retourné, comme s'il était contrôlé de l'intérieur. Comme si chaque cellule de son bras venait à être... torturé par quelque chose... Un sortilège, certainement, mais l'esprit de Phileas était trop embrouillé pour pouvoir arriver à ce simple raisonnement. Il hurlait, hurlait, à s'en déchirer les cordes vocales et avait ses larmes qui coulaient toute seule. Pas qu'il soit forcément pleurnichard, mais la douleur était tellement vivace que c'était un réflexe naturel pour son corps que de se mettre à pleurer comme un enfant. Il ne comprenait pas pourquoi il lui faisait ça, si c'était voulu... Il s'en fichait. L'injustice était subie, sans autre compromis.

Son réflexe naturel était d'essayer de léviter un peu en arrière et d'avoir une douleur moins aiguë à son bras totalement tordu, mais la douleur était si insoutenable qu'il n'arrivait à rien et ne contrôler ni ses pouvoirs qui semblaient avoir disparu, ni son sang-froid et son calme. Il hurlait, simplement, en attendant que cela passe, ayant l'impression que son cœur ait raté des dizaines et des dizaines de battements. Il réussit à laisser échapper un petit « A l'aide... » à peine audible, montrant son angoisse et sa peur.

Il semblerait que le jeune homme qui tenait sous son emprise Phileas parlait, et.. paniquait. Mais sous un flot de larmes assez conséquent, il n'arrivait pas du tout à voir qu'il était aussi désespéré que le jeune homme l'était. La douleur devenait de plus en plus insupportable, il n'osait même pas imaginer dans quel état catastrophique se trouvait son pauvre bras, ses propres bras qui se tordaient dans tous les sens, pouvant donner, si on enlève le côté douloureux et dramatique de la scène, une scène assez drôle. Phileas s'était transformé en poupée désarticulée qui dansait sans comprendre ce qu'elle faisait.

La danse continuait, continuait, et les larmes venaient à manquer, son souffle était coupé, il n'en pouvait plus de cette douleur. C'était insupportable, il n'avait qu'une envie ; crever pour que ça s'arrête. Phileas n'est pas suicidaire, habituellement, mais ce fut une douleur tellement atroce qu'il ne souhaitait que ça ; qu'on mette un terme à ses maux.

Ses yeux, qui s'était révulsés, virent descendre vers le jeune garçon qui était la cause de tous ses problèmes. Dans un élan de lucidité, il se dit que s'il trouvait un moyen de rompre le sortilège, il allait pouvoir reprendre possession de son propre corps. Et la lucidité s'en alla. Mais l'idée de se débarrasser de lui perdura. Il inspira en grand, et fit s’envoler l'espèce de chose qui le martyrisait, jusqu'à cogner le plafond en verre de la verrière. Et en hurlant une dernière fois, un « AAH » digne des meilleurs jeux vidéos de combat, il frappa du pied sur le sol et vit le blond s'écraser sur le sol, exerçant une pression immense, à lui en faire décrocher les organes pour les faire atteindre la terre ferme. Il y mit tout sa force, toute sa colère qui était née contre son gré, et toute sa douleur qu'il faisait retransmettre par cette force incroyable qui attirait le pauvre garçon au sol.

Et cette méthode pour pouvoir retrouver ses esprits semblait avoir fonctionnée. Dès que le pauvre blondinet se retrouva quelques longue secondes totalement écrasé sur le sol, ne pouvant plus respirer normalement, certainement, à cause de la pression immense qui était sur... enfin, sous, lui, ses bras arrêtèrent de ne plus lui obéir. Dès que Phileas reprit le contrôle de ses bras, qui tombèrent comme des mouches contre ses cotés, douloureuses et molles, il rompit le sortilège qui tenait son collègue, écrasé sur le sol.

Des larmes, il n'y avait pour le moment que des larmes pour exprimer l'énorme peur qu'il venait d'avoir. Phileas se laissa tomber sur les genoux et oublia quelques sa petite victime, sans je-ne-sais-quel-état sur le sol, tout proche de lui. Il pleura, pleura en laissant de gros sanglots et les spasmes allant avec contrôler la moindre de ses réactions. Entre deux flots de larmes revenus, il regarda ses bras... Ses doigts bougeait, il n'était pas paralysé, tant mieux. Mais le blondinet n'osait même pas imaginer le nombre incalculable de bleus qui devaient parcourir ses fins muscles. ...Tout comme le petit garçon qu'il avait malmené, et qu'il l'avait malmené.

« Hey... » marchant à moitié à quatre pattes, Phileas vint poker la joue du petite blondinet. Il l'avait tué ? Non, une pression aussi forte ne peut pas l’assommer aussi facilement. Ou si. S'il avait gardé son emprise plus longtemps. Mais combien de temps avait-il goûté à la poussière du sol ? Les secondes de souffrances semblaient durer des heures et des heures pour l'ex-petite marionnette... Comment calculer le temps qu'il avait passé à se tordre dans tous les sens alors ? Phileas resta perplexe, et vint caresser l'arrière du crane du petit être vivant qui ne bougeait plus. C'est rare, qu'il fasse un geste de tendresse à quelqu'un qu'il ne connaissait pas, et à quelqu'un qui l'avait fait tant de mal gratuitement. Mais Phileas avait vraiment du y allez fort, et s'en voulu d'avoir attaqué une innocente personne. Après tout, il n'avait pas l'air d'être un A, et ses pouvoirs devaient être incontrôlable. Pauvre, pauvre enfant. « ...Ca va aller ? T'es réveillé quand même... ? » Ou mouru ?

Phileas passait souvent des heures et des heures à ne rien faire, à simplement méditer dans la salle intemporelle, par exemple. Et il voyait rarement le temps passer, lorsqu'il était dans une activité, même si celle-ci consistait à ne rien faire, comme réfléchir ou méditer, sans qu'on utilise la moindre force physique. Du coup, je serais certainement incapable de vous dire combien de temps le garçon était resté là, à veiller sur lui. Pas deux heures ! Il serait déjà parti aller en cours. Et puis il avait mis une petite alarme à sa montre au cas-où il oublierait (même s'il n’oublie jamais d'aller en cours), et elle n'avait pas sonnée.

Et le jeune garçon finit par se réveiller enfin. Il vint fixer Phileas qui ne sut pas trop comment réagir, et se laissa atteindre par un petit « B'jour ?.. » d'une voix faible. Et vint ensuite se jouer un long moment de je-te-regarde-tu-me-regardes sans que Phileas ose dire ou faire quelque chose. Il était d'en en sale état, tout comme lui... Une vengeance ? Était-ce une vengeance qu'il avait finalement fait ? Ou avait-il, sur le moment, simplement cherché à briser le sortilège de Lewis ? Phileas douta d'un seul coup de son innocence. Non, son but n'était pas de le blesser, et il s'en voulait d'avoir gratuitement fait souffrir quelqu'un. ...Même s'il avait été gratuitement recouvert de bleus par le blondinet en face de lui,

« Je... je suis désolé. » dit le jeune étudiant en se relevant brusquement. La peur que cela recommence revint d'un seul coup, et Phileas n'eut d'autre réflexe que de fuir. Il s'en retourna vers son banc, prit ses affaires et courut vers la sortie en ne regardant pas derrière lui. Il n'était pas mort, tant mieux. Fuyons gaiement, maintenant.

Et c'est qu'il le suivait le bougre ! Phileas eut une boule au ventre quand il l'entendit s'excuser. Non, et non, il n'allait pas pouvoir le pardonner de si tôt, et comme ça, de manière si naturelle. Il lui avait arbitrairement tordu les bras et Phileas avait cette peur profonde que son corps soit encore une fois hors de contrôle. Sous le contrôle de se petit bout qui le ressemblait et un tantinet plus court sur pattes que lui. Et il courait vite le bougre ! Malgré la douleur qu'il devait ressentir dans son corps.

Un virage, puis deux, Phileas tentait vainement de fuir ce truc qui le suivait tout partout. Il longeait les murs et essayait de se faire tout discret, passa dans la cours intérieure et essaya de rapidement analyser la situation ; il fallait le perdre, et se faire oublier. Il fallait un endroit dans lequel se cacher, et vite. Car les douleurs dans les bras de Phileas l'empêchait de courir, et de prendre de l'élan... Rah, la barbe...