Maniaque ; Alec l’est, c’est un fait. Mais d’un autre côté, quel être humain normalement constitué ne serait pas énervé en retrouvant des chaussettes sales éparpillées partout dans la salle de bain ? Odeur peu agréable en assortiment de surcroit ; le monoclard fronce le nez d’un air dégouté avant d’ouvrir la fenêtre. Il voulait juste prendre une douche, merde à la fin. La journée a été longue ; il aurait vraiment aimé pouvoir se poser. Pour ça qu’il a fait abstraction –péniblement, il faut bien l’avouer- du capharnaüm qui règne dans l’entrée, dans le salon, bref, partout. Tout ça à cause de Léocade ; celui-ci étant à-priori absent. Sans doute enfermé dans sa chambre, et surtout, dans son monde.
Tant mieux. Alec l’aurait plus que probablement étripé.
Un soupir agacé. Jamais, JAMAIS les gens ne l’écouteront. Qu’est-ce que ca leur coute, de ranger leurs affaires, franchement ? Rien du tout ; même le plus avare des garçons pourrait ranger ses chaussettes, ou au moins les mettre dans le panier de linge sale. C’t’incroyable quand même, cette propension qu’ont les gens à le faire CHIER. Alec hésite un instant ; brûler l’objet du délit ou faire comme s’il n’avait rien vu ?
Dans un premier temps, c’est la seconde option qui a sa préférence. Mais Alec n’a jamais été connu pour la qualité exponentielle de sa patience ; encore moins de sa tolérance. A peine se retourne-t-il qu’une autre chaussette s’impose à son regard. Et encore, si c’était la seconde qui complète la paire… Mais non, même pas. Désordonnées et dépareillées de surcroit ; c’en est trop pour le monoclard.
Il grogne, comme un chaton en colère ; et il sort les griffes. Se saisissant brusquement des items posant problème au maniaque profond qu’il est, monsieur fait le ménage. Une chaussette, deux chaussettes ; oh et puis, tiens, tant qu’à faire, ce Tee-shirt dégoutant, cette chemise froissée et ce vieux cahier à moitié déchiré. Le jour où Léocade prendra soin de ses affaires, Alec y accordera lui-même de la considération. Les bras rapidement chargés, il râle. Des mots inaudibles pour la plupart, certains flirtant avec la grossièreté. Envolé, le flegme britannique ; et pourtant il en faut pour que le jeune homme le perde.
Bazar et saleté sont deux armes redoutables pour son calme. Le désordre l’irrite au plus haut point, c’est un fait. Obsédé par le rangement des lieux dans lesquels il évolue, il est bien incapable de supporter docilement le bordel –excusez-le, il n’y a pas d’autre mot possible- distillé dans son propre habitat par le russe. Alec n’est pas prêt pour la colocation ; mais ce n’est pas vraiment comme s’il avait le choix. La salle de bain et le salon sont enfin impeccables ; c’est dans la poubelle que finiront tous les objets qui troublaient l’harmonie des lieux jusqu’ici. Lassé de râler quotidiennement sans le moindre résultat, le monoclard ne demande plus l’avis de personne. Il jette et c’est tout.
D’ailleurs, avec ces conneries, la poubelle est encore pleine. Dommage, le nettoyage de printemps n’est pas terminé. Il s’attaque à la cuisine ; qu’est-ce qu’un caleçon fiche à côté du lavabo, je vous le demande franchement. Peu importe ; lui aussi finira enseveli sous d’autres ordures. Des feuilles de contrôles, des magazines porno, des photos de famille ou de paysages; tous les documents ont droit au même traitement. Maintenant qu’il est lancé, une seule chose parvient à arrêter Alec dans son enthousiasme.
Un livre.
Holy shit. Il a toujours nourri un immense respect pour les livres. Alec regarde l’objet, Alec hésite, Alec s’approche et déchiffre la couverture.
Harry Potter.
Toute son enfance en deux mots ; on ne jette pas un tome d’Harry Potter. On étrangle son propriétaire quand il le maltraite, comme c’est présentement le cas. Le livre est ouvert sur le ventre, les pages cornées, limite la couverture serait déchirée. Quelle honte.
Monsieur Wellsenstein n’avait pas prévu d’en arriver à de telles extrémités, mais son camarade ne lui laisse pas le choix. Il saisit l’ouvrage, ouvre la porte de la chambre de son propriétaire sans demander la moindre permission. Un russe allongé sur un lit, casque sur les oreilles, pied battant la mesure. SALE GLANDEUR. Le monoclard aurait du s’y attendre ; et cependant, son énervement va croissant. Son geste est déjà fini quand il se rend compte qu’il a violemment balancé le bouquin sur le visage de Léocade. Il a bien visé en plus ; BAM, en plein au milieu du front.
Il ne voulait vraiment pas en arriver à de telles extrémités. Pauvre livre.
-« POUR L’INSTANT JE LES JETTE, MAIS JE TE PREVIENS, LE PROCHAIN MAGAZINE DE CUL QUI TRAINE DANS LE SALON, JE TE LE FAIS BOUFFER PAGE PAR PAGE ! »
Calme, Alec, calme. Tact et diplomatie. Agis en gentleman.
-« Espèce de sale feignasse. CA TE COUTE QUOI DE RANGER TES AFFAIRES, HEIN ? »
Tact et diplomatie. Sa dignité l’empêche encore de jurer. Mais pour combien de temps ?
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Sujet: Re: Keep calm and... MLSDKGVMSLEKGESMLGK. [LEOCACA&ALECOUILLE] Jeu 20 Juin 2013 - 6:25
Alec et Léocade
Parce qu'on le sait tous : "Ce sont les petites attentions qui font les plus belles relations :$" n'est-ce pas ? Et bien voilà, c'est comme ça que Léocade fonctionne. Une accumulation de petites attentions. D'infimes attentions. Noyées dans une multitude de maladresses, de boulettes et de je-m'en-foutisme. Par exemple, en rentrant, Alec allait-il remarquer que le garçon avec qui il partageait sa chambre avait prit cinq minutes pour enlever la pile de fringue qui traînait sur la table basse du salon et qui gênait l'intello de service car ça "empiétait sur l'espace commun" ? Non. Parce que Léocade avait laissé traîner dix fois plus d'affaires aux quatre coins de ce foutu espace commun.
Et puis merde. Puisque cet espace commun était sous la dictature de l'intransigeant Wellsenstein, Léo' s'était retranché dans ses quartiers, là où il pouvait laisser traîner ce qu'il voulait, où il voulait, comme à son habitude après les cours. Aujourd'hui il était le premier à rentrer. Il avait prit une douche en vitesse, en utilisant le shampooing de l'autre mais c'est de sa faute aussi il sent trop bon son shampooing, puis s'était enfermé dans sa chambre pour lire en écoutant de la musique. T-shirt random, bas de pyjama, l'oreiller calé dans le dos et c'est bon, il peut enfin souffler.
C'est plus facile comme ça, ça lui permet d'éviter une énième altercation avec le maniaque de la propreté et de l'ordre.
Champion de la procastination, il se disait comme tous les soirs : "Roh mais ça va c'est pas si mal rangé, le reste je m'en occupe demain !". Bref. Tout allait pour le mieux. Enfin jusqu'à ce qu'un fou furieux débarque en ouvrant la porte à la volée. Le locataire de la chambre a à peine le temps de lever les yeux vers l'intrus qu'une violente douleur lui transperce le crâne. Blackout. Se prendre un demi kilo de papier dans la gueule à cette vitesse c'est plutôt douloureux. Sans déconner, il porte un monocle, il est sensé être bigleux, comment il a fait pour l'avoir en pleine tête ??
-« POUR L’INSTANT JE LES JETTE, MAIS JE TE PREVIENS, LE PROCHAIN MAGAZINE DE CUL QUI TRAINE DANS LE SALON, JE TE LE FAIS BOUFFER PAGE PAR PAGE ! »
Ne lisez pas les enfants, c'est dangereux pour la santé...
L'impact avait un peu sonné Léocade et il tressaille en entendant son camarade de chambre le menacer de lui servir l'encas de sa vie. Ce serait un gâchis monstre… Mais pour le moment, c'est pas ce qui le préoccupe. Dans les vapes, il se courbe un peu et passe plusieurs fois la paume de sa main sur son front. En même temps à quoi s'attendait Alec ? Il débarque sans prévenir et lui balance le quatrième tome d'Harry Potter en pleine face. Et encore, heureusement que c'était seulement le quatrième ! Vous imaginez si c'était le dernier ?? Y aurait eu des séquelles croyez moi. Pour une fois la flemmardise et la lenteur qu'Alec incriminait avaient sauvé la vie de son colocataire. Si ce dernier avait prit le temps de lire plus souvent il en serait déjà au tome six et là, on aurait condamné le monoclard pour homicide involontaire. Ou meurtre prémédité… La diplomatie dont il venait de faire preuve allant plutôt dans le sens de la deuxième hypothèse.
-« Espèce de sale feignasse. ÇA TE COUTE QUOI DE RANGER TES AFFAIRES, HEIN ? »
Hha… Décidément, Alec ne comprendra jamais… Les affaires de Léocade sont rangées, c'est un bordel organisé ! Tu lui demandes de retrouver un truc, il saura direct où ça se trouve ! C'est sa propre logique, voilà tout. Son casque autour du cou, Léocade finit par lever les yeux vers... son agresseur, ouais. Lui répondre quoi ? Désolé ? Il l'est pas tellement... En fait c'est plutôt grisant de voir Alec dans cet état !
- ... Faut bien que j'apporte un peu d'vie à c't'endroit ! Si j't'écoutais qu'est-ce qu'on se ferait chier ici...
Désabusé, il lève les yeux au ciel en soupirant puis se laisse tomber sur le dos, allongé sur son lit, et s'étire de tout son long avant de regarder le plafond au dessus de lui, passant distraitement ses doigts sur son front encore un peu douloureux. Réalisation dans 3... 2... 1...
- ATTEND T'AS FOUTU MES MAGAZINES À LA POUBELLE ??
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Sujet: Re: Keep calm and... MLSDKGVMSLEKGESMLGK. [LEOCACA&ALECOUILLE] Dim 23 Juin 2013 - 0:56
Un regard distant sur son colocataire ; Alec est-il soulagé que celui-ci n’ait pas péri sous l’impact ? Rare sont ceux à s’être pris un Harry Potter en plein milieu du front encore vivants pour témoigner. Ou peut-être pas, en fait ; ce n’est pas comme si monsieur Wellsenstein s’était renseigné à ce sujet. Incapable de se rendre compte qu’il aurait bien pu tuer son camarade, et, pire que ça, se retrouver plongé dans les ennuis jusqu’au cou, tribunal à l’appui, attaqué pour homicide involontaire. Etait-ce vraiment si involontaire ?
Bien sûr ; lancer ce livre était bien davantage qu’un geste sciemment exécuté –et avec brio, il faut bien le dire, si ca avait été un jeu avec des points en récompense, le monoclard aurait probablement décroché le score maximal. C’était un besoin, une pulsion.
Pas sûr que ceci suffise à le disculper devant un jury. Une chance que Léocade ait survécu, oui.
- « ... Faut bien que j'apporte un peu d'vie à c't'endroit ! Si j't'écoutais qu'est-ce qu'on se ferait chier ici... »
Ou pas.
Alec menace de perdre définitivement son calme, il sent les insultes se précipiter en cascade au bord de ses lèvres, les hurlements se former au creux de sa cage thoracique.
Inspiration, expiration.
Il ôte son monocle pour se frotter les yeux entre pouce et index ; geste dérisoire visant à ramener le calme en lui. Zen, mon petit, zeeeen. Le russe se permet de soupirer d’un air las alors que ce que les reproches qui lui sont agressés sont ON NE PEUT PLUS justifiés ? Insolence et foutage de gueule ; monsieur Wellsenstein fronce les sourcils, au bord de l’explosion, mais possède encore le flegme suffisant pour ravaler ses mots.
-« Putain de bordel de merde, mais quel abruti consanguin. »
Ou presque. Il reste un adolescent, après tout, sensible et vulgaire à ses heures perdues. Le pauvre n’est pas un surhomme… *musique mélodramatique ici*
Heureusement, les mots sont soufflés, si doucement qu’ils en deviennent inaudibles. Une chance pour la réputation d’impassibilité à toute épreuve du jeune A. Léocade soupire avec l’air de considérer le monoclard comme le mec le plus chiant du monde. Mais quelle honte. S’il y a quelqu’un à attaquer en justice, c’est le russe, personne d’autre.
Les apparences sont contre Alec, votre Honneur, j’en ai bien conscience, mais la situation est plus compliquée que cela. Cette agression à coup de quatrième tome d’Harry Potter est effectivement un cas de légitime défense. Défense de l’espace vital ainsi que de la santé mentale de mon maniaque de client. Je réclame un abandon total des charges, d’autant que Léocade Remington a miraculeusement survécu.
Ledit Remington ne semble d’ailleurs pas BEAUCOUP tenir à la vie, vu ses dernières phrases. Les doigts d’Alec se crispent nerveusement, tordant un cou imaginaire. Il ferme les yeux, imagine une belle plage avec pleins de blondes en bikini, une villa impeccablement rangée et brillante sous la propreté, bref, tout un tas de choses qui lui remontent le moral en flèche. Lorsqu’il rouvre les paupières, le regard du monoclard qui ne tarde pas à le redevenir a retrouvé tant son calme que sa morgue habituels.
- « ATTEND T'AS FOUTU MES MAGAZINES À LA POUBELLE ?? »
Un sourire moqueur ; Alec triomphe. Enfin. Ô joie. Ce qu’il aime ce sentiment de puissance lorsqu’il voit l’étincelle outrée briller au fond des yeux de son adversaire, entend la panique dans sa voix, remarque la surprise dans sa gestuelle. Alec a l’œil pour tout ces petits détails. Enfonçant le clou en osant un ricanement, il croise les bras, s’adosse contre la chambranle de la porte.
-« Oui. Je n’ose imaginer l’importance de l’investissement financier que représentait cette littérature de haute qualité. Un investissement si aisément réduit à néant... »
Vrai que ca coute cher ces petites choses-là. Alec secoue la tête en adoptant une expression navrée -dégoulinant d’ironie, il va sans dire- et tourne les talons pour regagner le salon, semblant se désintéresser totalement du sujet.
Aux anges, Léocade se retient de pouffer de rire en voyant Alec faire de son mieux pour rester calme. Le sang froid dont faisait preuve l'élève de A en toute circonstance l'avait toujours étonné, si c'est pas fasciné. Des regards hautains, des sourires narquois et un air moqueur, c'étaient bien là les seules choses que Remington adressait à son camarade de chambrée. Et pourtant, Alec devait bien être l'une des rares personnes que Léo' trouvait intéressante et divertissante dans ce bas-monde, et c'est sa curiosité qui le poussait malgré lui à être aussi excecrable. On ne saura jamais qui est le sadique qui a eu l'idée de mettre un A maniaque et un E bordélique dans la même piaule, mais il y en avait au moins un des deux qui s'en complaisait.
Léo' avait fait mine d'être surpris mais c'était juste pour tout remettre sur le tapis et satisfaire l'égo du jeune Wellsenstein. Il s'occupe de faire le service si vous voyez ce que je veux dire, dans tous les cas, Alec allait forcément renvoyer la balle. C'était sûrement l'une des activités les plus ludiques qu'avait Léo' dans ce foutu bahut ! Certes ce soir il avait tenté d'éviter le conflit, il avait même tenté d'être SYMPA vous vous rendez compte ??, mais maintenant que la partie avait commencé, pas question de passer son tour.
Alors ça y est, le monoclard devait sûrement être en train de jubiler intérieurement, se vantant de sa minuscule victoire alors qu'il se battait tous les jours contre le je-m'en-foutisme et le bordel de Léo'. Ce dernier devait sûrement penser que c'étaient les deux meilleures manières d'attirer l'attention du colloc'. Un intello et un cancre, trouver un terrain d'entente ? Elle a failli être drôle… Nope, pour Léo' ça avait toujours été clair : le seul moyen de s'imposer, c'était d'être le plus chiant possible, point.
-« Oui. Je n’ose imaginer l’importance de l’investissement financier que représentait cette littérature de haute qualité. Un investissement si aisément réduit à néant... »
Le jeune Remington reste un moment immobile, à dévisager son camarade de chambre, puis se laisse de nouveau tomber contre son matelas en poussant un long soupir, désabusé.
- Tu crains, mec…
Pas avare pour un sou, Léocade détestait néanmoins gaspiller son fric et attachait une grande importance aux objets matériels. Alors d'accord, la perte d'un magazine rempli de jolies filles en petites tenues ne l'affectait pas plus que ça, mais selon le principe d'équivalence il fallait qu'il soit dédommagé.
- Tu me rembourseras, j'm'en fous. T'façon vu comment t'es fringué tu dois bien avoir les moyens...
Un petit sourire narquois. Léo' chambrait toujours un peu Alec sur son style vestimentaire… Pas méchamment, mais ça le faisait toujours marrer. Il portait un haut-de-forme aujourd'hui ? Léo' essayerait de l'interpeler dans les couloirs en gueulant "PROFESSEUR LAYTON !!" ou en chantant le jingle 'réponse correcte' du jeu avant de le pointer du doigt avec un air sérieux "AN OTHER PUZZLE SOLVED >:".
- … Mais bon, du coup j'ai rien à lire, j'm'ennuie un peu…
Le russe pousse un long soupir. Mauvaise foi : il avait tout un stock de bouquin et de manga pour s'occuper, il pouvait carrément continuer le quatrième tome d'Harry Potter que son camarade lui avait si gentiment rapporté ! Mais non… Il se lève et lévite quelques centimètres au dessus du sol pour suivre Alec sans faire de bruit, encore en train de se demander comment il pourrait l'embêter de manière OPTIMALE cette fois-ci.
H-RP:
Depuis le temps que j'avais ma réponse écrite sur Word, j'pensais l'avoir posté mais nan, j'suis trop con > < Désolé pour l'attente, ça se reproduira plus D:
Tu m’en diras tant. Alec a déjà le dos tourné, mais entend les mots ; et cependant, ils glissent sur lui comme le ferait du chocolat le long de l’œsophage du gourmand qu’il pouvait être. Sans le moindre accrochage sur sa carapace de froide indifférence enfin retrouvée, le monoclard esquive la phrase blasée de son colocataire. Le salon n’a que rarement été aussi propre. Quelle joie. Il inspire un bon coup et admire son œuvre, le britannique. Esprit bien ordonné, pièce assortie ; fantastique, vraiment. Si seulement cela pouvait être identique au quotidien…
- « Tu me rembourseras, j'm'en fous. T'façon vu comment t'es fringué tu dois bien avoir les moyens... »
Oui, si seulement… Si seulement il n’avait pas de colocataires ; ou du moins, pas quelqu’un aussi désagréable à supporter en tant que tel. Humainement, il était plutôt intéressant, sans doute auraient-ils pu nourrir des relations cordiales en temps normal ; mais dans l’état actuel des choses, c’était impossible.
Alec se retourne, du mépris plein les yeux, sa gestuelle dégoulinant de morgue, écrasant son interlocuteur de son mètre quatre-vingt-huit lorsque celui-ci ne s’envole pas, du moins. Champion du genre, il transpire la condescendance, ce qui a pour don de mettre mal à l’aise la plupart de ses interlocuteurs. Sauf monsieur Remington, en général.
-« La classe n’a pas de prix, pauvre ignorant. »
Une phrase crachée d’un air hautain plus qu’amical, c’est indéniable. Les vannes sur son style vestimentaire étaient monnaie courante, qu’elles soient de Léocade ou d’un autre ; mais qu’y pouvait-il si tous ces idiots n’avaient aucun gout ? Rien. Cela faisait longtemps que le monoclard n’accordait plus d’autre importance à ces moqueries mal déguisées que celle teintées d’une vague et méprisante peine pour les ratés qui les proféraient.
-« Tu te débrouilleras pour remplacer ton ouvrage ; mes avertissements répétés à de multiples reprises font foi d’un contrat me dégageant de la moindre responsabilité sur le devenir de tes affaires. »
A-t-il conscience de parler peu ou prou comme le code pénal, quasiment aussi incompréhensible ? Probablement ; et pourtant, on dirait que cette expression plutôt soignée est chez lui tout à fait naturelle, une éloquence de bourgeois chez celui qui se prend sans doute pour tel alors qu’il n’a plus aucun souvenir de l’avoir été.
Il s’avance dans le salon, persuadé que l’histoire s’arrêtera là ; après tout, il a réalisé son devoir et en a désormais fini avec monsieur Remington. Du moins le croirait-il ; il l’entend vaguement parler d’ennui, encore plus drôle, dire qu’il n’ a rien à lire. Un petit soupir las lui échappe, et, dans son immense altruisme, il s’aventure jusqu’à proposer une solution.
-« Harry Potter n’est pas qu’un projectile ou un pretexte à laisser traîner dans la cuisine pour agacer des colocataires soignés ; c’est également une œuvre littéraire, qui, comme son nom l’indique, peut-être lue. Mieux encore, vu que c’est un livre prévu pour la jeunesse, tu devrais être en mesure de comprendre ce qu’elle raconte… »
Il ne sent pas la présence dans son dos tandis qu’il sort le sac de la poubelle prévu à cet effet ; avec tout ce qu’il a brutalement jeté, celle-ci est déjà pleine. Ce n’est que lorsqu’il se retourne tout en fermant hermétiquement le sac étanche qu’il s’aperçoit que son camarade est près… Dangereusement près. On dirait Slenderman ; tu lui tourne le dos et il te saute dessus.
-« Holy shit ! »
La surprise ferait perdre ses moyens au plus noble des anglais ; et Alec, en pauvre adolescent tourmenté, en a perdu son butin. Le sac poubelle étend le contenu de ses entrailles au sol ; plus désordonné, tu meurs. Les restes de pizza côtoient les magazines précédemment sujets à discussion. Et tout est à refaire. Monsieur Wellsenstein fronce les sourcils, au bord de l’explosion ; et finalement, sa voix n’est plus qu’un sifflement sourd empli de menace.